Enseignement Aux Grands Groupes
Enseignement Aux Grands Groupes
Enseignement Aux Grands Groupes
Marc Champagne
Imprimé à Québec
2e édition, mai 1996
Introduction.................................................................................................... 3
Conclusion ..................................................................................................... 19
Annexes
Annexe I Une méthode interactive : le jeu de rôle................................. 20
Annexe II La discussion comme méthode principale
d'enseignement...................................................................... 21
Pistes bibliographiques................................................................................... 24
Introduction
Le présent guide s'adresse avant tout aux professeurs qui commencent une carrière à l'Université
Laval, quelle qu'ait pu être leur expérience antérieure. Les groupes très nombreux y sont monnaie
courante; c'est pourquoi nous croyons qu'il pourrait être pertinent de prendre connaissance de
l'avis de collègues d'ici et d'ailleurs qui ont développé un savoir-faire particulier en cette matière et
qui en ont rendu compte dans diverses publications.
Sont présentés ici les conseils qui reviennent le plus souvent sur les différents aspects de
l'enseignement aux grands groupes, principalement à partir d'ouvrages et d'articles consacrés
spécifiquement à l'un ou l'autre de ces aspects.
Ce qu'entraîne le grand groupe n'est pas forcément un changement dans le déroulement du cours,
lorsque la méthode utilisée se limite à l'enseignement magistral, mais plutôt une restriction plus ou
moins sévère dans le choix d'autres méthodes pédagogiques, en particulier celles qui font appel à
l'interaction constante. De plus, la recherche n'apporte aucune conclusion ferme sur l'influence de
la taille du groupe en enseignement. Tout ce que l'on sait, c'est qu'au-delà de vingt, le nombre n'a
pas d'effet sur le taux de réussite. D'ailleurs, en se fondant sur les enquêtes de satisfaction auprès
des étudiants, il semble que la taille des groupes, comme telle, ait peu d'influence sur leur
évaluation de la qualité d'un cours, et qu'ils se montrent plus sensibles au type d'activités réalisées
en classe.
D'autre part, on sait que le type d'objectifs poursuivis dans un cours a une influence directe sur le
choix des méthodes et c'est ici que le grand groupe pose le plus de contraintes. En effet,
l'enseignement magistral, souvent considéré comme incontournable en grands groupes, est aussi
efficace que n'importe quelle autre méthode pour la transmission des connaissances, mais se
montre moins efficace que d'autres, comme celles dites interactives, dans la poursuite d'objectifs
cognitifs d'ordre supérieur tels que la pensée critique ou la résolution de problèmes, et surtout pour
les objectifs affectifs comme la formation ou le changement d'attitudes. Or, on sait que dans les
méthodes interactives, plus le groupe est grand, moins il peut y avoir de participation de chacun
des membres. D'ailleurs, plus le groupe est grand, moins les étudiants sont portés à prendre la
parole. Dans un cours particulier, il pourra donc y avoir un compromis à faire entre le type
d'objectifs que l'on peut atteindre et les méthodes utilisées, s'il s'agit d'un grand groupe.
Bien entendu, on admet dès le départ que toutes les suggestions qu'il renferme ne peuvent
s'appliquer avec la même facilité dans n'importe quelle discipline et dans tous les types de cours.
Aussi faut-il considérer le présent guide comme un répertoire d'attitudes, de mesures et
d'interventions possibles, plutôt que comme des recommandations à valeur absolue.
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Qu'est-ce donc qu'un grand groupe? Certains le voient à partir de 40, de 50 ou de 100
étudiants; d'autres le voient là où il n'est plus possible de pratiquer la discussion de
groupe sans le fractionner, c'est-à-dire autour de 30. Nous proposons plutôt de le
définir comme celui qui est considéré tel par chaque enseignant, celui où il sent que
les choses ne sont plus pareilles, celui qui fait augmenter de façon nette l'impression
d'avoir des papillons dans l'estomac au moment de l'affronter.
Que faire contre l'anxiété? Une première constatation est de la considérer comme normale, à moins
qu'elle ne devienne paralysante. Celle dont il est question ici s'associe à la crainte de parler en
public, bien connue de la plupart des gens. Voici quelques conseils rapportés par des professeurs
d'expérience pour mieux gérer l'anxiété :
- Ne vous laissez pas intimider. Sans tomber dans l'arrogance, restez bien conscient que votre
auditoire est non seulement plus jeune, mais surtout beaucoup moins «savant» que vous dans
votre matière.
- Identifiez les composantes particulières de l'anxiété dans votre cas et investissez davantage
d'efforts dans l'amélioration des principales. Par exemple, si c'est l'impression de manquer
d'organisation dans votre exposé qui vous inquiète, travaillez point par point ce qui en relève :
structure d'ensemble, présentation du plan détaillé de la leçon, transitions, synthèse et
conclusion. Si c'est l'impression d'être monotone, exercez-vous à varier le ton et le volume de la
voix; et ainsi de suite.
- Soyez naturel. Si vous êtes du genre tranquille, posé, restez-le; si vous avez besoin de bouger
constamment, allez-y; si vous ne maniez pas facilement l'humour, n'essayez pas de vous y forcer,
car l'effet sera contraire à celui que vous souhaitez.
- Recherchez le contact visuel en balayant constamment votre auditoire du regard et en vous
arrêtant quelques secondes sur chaque visage, surtout au début de la rencontre. Ceci aura pour
effet d'augmenter votre assurance.
- Faites-vous observer. Vous avez probablement des auxiliaires pour vous seconder dans le cours.
Demandez-leur non seulement d'assister au cours, mais de prendre note de ce que vous
réussissez bien et moins bien et de vous en informer.
- Pratiquez l'autoscopie. Après quelques rencontres avec le groupe, faites-vous enregistrer sur
vidéo. L'auto-observation est aussi un bon moyen d'augmenter l'assurance.
Il est important de réduire l'anxiété, parce qu'elle-même empêche la passion de s'exprimer, au point
de devenir plus apparente que celle-ci. Or, on le sait, c'est la passion qui, le plus, rend l'orateur
intéressant.
Il est fréquent que les cours à auditoire nombreux soient des cours d'introduction qui attirent des
clientèles de diverses disciplines. Le niveau des connaissances préalables peut donc varier
considérablement dans de tels groupes. Pour mieux adapter le cours à diverses clientèles, on peut :
- faire passer un questionnaire d'intérêts en début de session pour ajuster le cours à la majorité,
tout en tenant compte des principales minorités, sinon dans le contenu de base, du moins dans
les activités annexes;
- inviter les étudiants à intervenir en reliant le sujet traité à leur champ d'étude ou de travail
principal;
- ajouter à ce qui constitue le cœur de la matière, dans son cours, des modules ou des mini-leçons
sur des sujets reliés plus spécifiquement aux champs de concentration des minorités les plus
importantes dans le groupe;
- organiser des discussions en sous-groupes selon les intérêts des étudiants, avec plénières pour
mise en commun des résultats.
Quoi qu'on dise sur les possibilités d'adapter l'enseignement à de très grands groupes – et il en
existe un bon nombre, comme le montrera la suite de ce texte – les contraintes sont nombreuses et
bien connues : distance physique de communication supérieure à la normale; salles immenses, avec
tables et sièges fixés au plancher, rendant difficile la formation de sous-groupes; intervention
individuelle limitée à la fois par la résistance de la part des étudiants (plus le groupe est grand, plus
on craint de prendre la parole) et par le temps, insuffisant pour permettre à tous de s'exprimer;
isolement du professeur à l'avant, séparé de la classe le plus souvent par une immense tribune,
reléguant les étudiants dans la position de spectateurs; etc.
Dans ces conditions, le professeur n'a pas le choix d'adopter un ton plutôt formel. L'utilisation de
moyens d'amplification sonore et visuelle (micro, rétroprojecteur de grande puissance) devient
souvent une nécessité, ce qui ne simplifie pas la tâche d'un conférencier, surtout lorsqu'il s'agit d'un
débutant.
Une fois ces contraintes contrôlées ou acceptées, il n'y a pas de raison pour qu'un cours en grand
groupe ne réussisse pas aussi bien qu'un autre, si l'on suit de façon plus rigoureuse les
recommandations générales sur l'enseignement magistral, bien connues pour la plupart, qui seront
abordées dans la partie 2.
Puisque vous enseignerez à des grands groupes, vous aurez sans doute droit à un certain nombre
d'assistants ou d'auxiliaires d'enseignement. Comme le rôle de ces derniers sera important et que
vous recruterez souvent des étudiants plus avancés mais inexpérimentés dans cette nouvelle tâche, il
sera primordial de bien les préparer à la remplir adéquatement. Pour y arriver, quelques séances de
formation seront nécessaires, par exemple pour apprendre :
Autre recommandation d'un professeur d'expérience : évitez d'engager des auxiliaires qui ne
maîtrisent pas bien le français parlé et écrit, car les étudiants risquent de ne pas bien les
comprendre, et vice versa.
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Une préparation approfondie est primordiale. Pour s'en assurer, il peut être efficace, la première
fois que vous donnez un cours, d'écrire au complet les premières leçons. Gardez-vous toutefois de
lire votre texte en classe : vous perdriez rapidement l'intérêt de votre auditoire. Quelques répétitions
simulées, seul ou devant un auditoire restreint, peuvent aussi être utiles, surtout en début de session.
N'essayez pas de tout mettre ce que vous connaissez sur la matière : faites un choix critique des
parties à inclure, en fonction des objectifs imposés par le programme et de ceux qui correspondent
aux intérêts exprimés par les étudiants. Faites une mise à jour annuelle non en ajoutant sans cesse,
mais en remplaçant les parties moins adaptées ou dépassées, par de nouvelles, plus pertinentes. C'est
une préoccupation typique des professeurs débutants que d'accorder la première importance à la
quantité de matière couverte. Souvenez-vous qu'il vaut mieux en couvrir moins, mais de le faire
plus en profondeur : les étudiants en retiennent davantage ainsi. Certains auteurs recommandent
même de ne pas dépasser le nombre de trois points importants par heure de cours.
La préparation matérielle a aussi son importance; faites longtemps à l'avance toutes les
réservations nécessaires : salles additionnelles, appareils de projection, conférenciers invités, films,
bandes vidéo, livres à la bibliothèque en quantité suffisante, etc. À chaque rencontre, arrivez dans
votre salle plusieurs minutes à l'avance pour préparer le matériel nécessaire (disposition des lieux,
obscurcissement si nécessaire, matériel de démonstration, matériel de projection, etc.).
On l'a déjà dit, dans un cours magistral, toute la responsabilité de la communication repose sur vos
épaules. La première condition de réussite réside donc dans le fait d'être bien suivi et bien compris.
Pour y arriver, un facteur de premier ordre est la structure; les auteurs insistent en particulier sur
les points suivants :
- distribuer ou présenter au tableau ou au rétroprojecteur un schéma de la leçon;
- suivre un ordre de présentation signifiant, c'est-à-dire dont l'enchaînement est facilement
repérable par les étudiants, qui suit des liens logiques;
- revenir fréquemment sur le plan de cours pendant la session pour mieux situer la matière d'une
leçon;
- faire un résumé des points importants à la fin de la leçon.
Communiquer votre enthousiasme pour la discipline que vous enseignez, voilà un autre moyen de
bien «faire passer» votre matière :
- en montrant votre engagement actif dans votre domaine de spécialisation (ce que vous avez déjà
réalisé, ce que vous vous proposez de faire);
- en montrant votre engagement émotif, c'est-à-dire que vous croyez à ce que vous faites;
- en faisant preuve d'assurance tant au plan intellectuel que verbalement (éviter les hésitations
dans le discours), sans craindre toutefois de reporter la réponse à une question au besoin.
À propos des moyens audiovisuels, deux points sont à surveiller particulièrement avec les grands
groupes :
- bien préparer tout le matériel avant le début de la classe, afin d'éviter toute perte de temps,
compté si minutieusement dans un tel contexte;
- accorder une attention spéciale au rétroprojecteur : même si la puissance de l'appareil est bien
adaptée aux dimensions de l'écran, le transparent est trop souvent illisible de l'arrière parce que
les caractères utilisés sont trop petits. On ne devrait jamais utiliser des caractères plus petits que
18 points, quitte à diminuer la quantité d'information sur un même transparent, qu'on a
d'ailleurs généralement tendance à trop charger : il faut se limiter aux mots clés. Enfin, laissez
aux étudiants le temps de noter s'il y a lieu, avant de passer au transparent suivant.
2.3.1 Le temps
Le premier élément à gérer est le temps. Lorsqu'elle doit être multipliée par 100 ou 200 personnes,
toute perte de temps prend une importance considérable. C'est pourquoi l'utilisation du temps,
aussi bien celui des étudiants que le vôtre, doit être soigneusement planifiée et contrôlée. Cette
planification doit comprendre non seulement les périodes de classe, mais aussi, pour les étudiants,
les lectures obligatoires, les travaux à domicile, les examens et les autres activités d'apprentissage
prévues dans le cours et, pour vous, la préparation et la correction. Concernant l'utilisation du
temps de rencontre en classe, dressez d'abord la liste des sujets à couvrir et fixez le nombre de
minutes que vous prévoyez consacrer à chacun; puis, comme le montre l'expérience, ajoutez 50 %
à chacun pour tenir compte des questions des étudiants et autres digressions inévitables dans les
grands groupes.
2.3.2 La discipline
Le second élément concerne la discipline. La maîtrise d'un grand groupe n'est possible qu'en fixant
des règles strictes de comportement. À ce sujet, établissez clairement celles que vous entendez
suivre et faire respecter. Elles peuvent comprendre par exemple :
- La ponctualité. Arrivez vous-même plus tôt et commencez à l'heure prévue, sans attendre les
retardataires. Sinon, vous encouragez ces derniers à récidiver et vous pénalisez les autres.
- Le silence. Attendez que le silence complet se fasse pour parler et démarrez graduellement, pour
obtenir la pleine attention de tout l'auditoire. Ne tolérez pas les longues conversations privées :
même si elles ne vous dérangent pas personnellement, il n'en va probablement pas de même
pour les voisins immédiats des parleurs.
- La nourriture. Elle ne devrait être permise pendant la classe que dans des circonstances
particulières (par exemple, en raison d'horaires contraignants) et au début de la rencontre
seulement.
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Quant aux comportements déviants non dérangeants (lecture du journal ou autres), tout en faisant
preuve de tolérance, vous êtes tout à fait en droit de faire connaître vos attentes et préférences
clairement aux étudiants à ce sujet, comme à tout autre d'ailleurs, à condition d'en donner les
raisons et de les présenter avec gentillesse et, à l'occasion, avec humour. Par exemple, c'est une très
bonne idée de ne pas laisser les étudiants se disperser dans toute la salle, lorsque le nombre de
sièges est de beaucoup supérieur à celui des personnes présentes. Nous savons tous que la
communication, aussi bien verbale que non verbale, en est ainsi facilitée.
L'enseignant d'un grand groupe doit avoir confiance en lui-même (ou du moins le paraître), sans
arrogance, mais en pleine possession de ses moyens. N'acceptez jamais une longue discussion sur
un problème individuel. Si l'échange tourne à l'affrontement, vous risquez de perdre la face aux
yeux du groupe. Si une intervention s'étire en détails qui ne concernent en rien les autres, elle
constitue pour eux ennui et perte de temps. Proposez plutôt une rencontre en dehors de la classe
pour régler le cas.
En terminant cette partie, il convient d'insister sur l'importance de la première rencontre, dans
l'établissement des règles du jeu. Commencez le cours à l'heure exacte. Puis, expliquez comment
vous entendez gérer le cours, la classe et les différentes échéances tout au long du trimestre.
Commentez le plan de cours dans toutes ses composantes, de la façon la plus précise et détaillée
possible : sujet et durée de chaque rencontre, nature et date d'échéance des travaux et examens,
pondération de l'évaluation, vos moments et lieu de disponibilité. Aidez vos étudiants à briser la
glace en les invitant dès cette première rencontre à poser des questions : cela facilitera leur
participation lorsque l'exposé portera sur des sujets plus difficiles. Prévoyez donc une quinzaine de
minutes pour ce faire.
L'anonymat est l'une des principales contraintes des grands groupes. Il faut donc par tous les
moyens favoriser les contacts personnels, montrer aux étudiants qu'ils sont considérés
individuellement et non seulement comme groupe, en les traitant toujours avec respect. Un premier
moyen est de se mêler à eux avant et après la rencontre, et surtout pendant les pauses. Mais il y en
a d'autres :
L'obtention et surtout le maintien de l'attention des étudiants est un autre défi qui comporte des
difficultés particulières en grands groupes. Pour capter l'attention au début et stimuler la
motivation, il est bon de commencer le cours par un propos étonnant, voire provoquant, un cas
réel, une histoire vécue ou en reliant le sujet de la leçon à l'actualité ou à des éléments de la vie ou
de l'expérience des étudiants, ou encore à leur profession actuelle ou future. L'important est que
l'étudiant se sente directement concerné.
D'autre part, le faible contact visuel avec l'ensemble des personnes entraîne la perte d'attention. Dès
qu'on s'en rend compte, il faut rompre la monotonie par un changement de ton ou de rythme, par
une blague ou une question, etc. Plus spécifiquement :
Tous les bons pédagogues savent à quel point il importe que l'apprentissage soit actif, d'où la
nécessité de faire participer les étudiants par tous les moyens possibles, même en grands groupes.
Vous vous dites sans doute que cela est impossible avec 200 ou 300 personnes. Vous seriez étonné
de voir dans la littérature pédagogique le nombre de moyens qui y sont décrits par des professeurs
enseignant à des groupes de cet ordre. Et encore, à l'intérieur d'un cours magistral, ce dont il est
question ici. Le point suivant traite plus particulièrement de la discussion utilisée
occasionnellement dans un cours magistral alors que le sujet abordé maintenant est plus large et
englobe tous les moyens entraînant une participation active.
Évidemment, le premier moyen qui vous vient à l'esprit et le plus connu consiste à inviter les
étudiants à poser des questions. À ce sujet, on sait d'une part que plus le groupe est grand, plus les
étudiants résistent à le faire; il ne faut donc pas attribuer leur silence à un manque d'intérêt, mais
plutôt à la timidité. D'autre part, une fois la glace brisée, le professeur craint de se voir entraîné
dans des digressions ou dans des répétitions interminables d'explications additionnelles. Bien sûr,
tout ici est question de dosage. On peut, par exemple, fixer une limite de temps pour les questions
à la fin de chaque bloc de 20 ou 30 minutes. Mais reporter les questions à la toute fin de la
rencontre est non seulement un procédé dissuasif, mais pédagogiquement peu efficace, car il
repousse trop loin la réponse à des besoins souvent beaucoup plus immédiats. Entre ces périodes,
on peut faire participer les étudiants de bien d'autres façons :
- Posez vous-même des questions, soit pour vous assurer des connaissances préalables (réponses à
main levée), soit pour vérifier la compréhension de points que vous venez de couvrir (vrai ou
faux ou choix multiple, avec réponses par tous à main levée successivement pour chaque
réponse proposée ou tous à la fois avec des cartons de couleurs différentes), soit pour inviter à
défendre un point de vue (question ouverte à répondre par un ou quelques étudiants
seulement).
- Une variante : la thèse de trois minutes. Après un exposé sur des enjeux spécifiques ou sur un
problème particulier, invitez les étudiants à écrire leurs réactions en trois minutes, ou leur
réponse à une question d'opinion sur le sujet, puis demandez à quelques-uns de défendre leur
point de vue oralement, en vous mêlant à l'auditoire. Un tel exercice comporte un double
avantage : en plus de faire appel aux opérations supérieures de l'échelle cognitive, il constitue un
bon moyen pour vaincre la résistance de ceux qui craignent de répondre instantanément.
- Demandez aux étudiants d'ajouter de nouveaux exemples à ceux que vous avez déjà donnés,
lorsque le sujet s'y prête.
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Bien sûr, l'interaction est une forme de participation, la plupart du temps sous forme de dialogue,
de discussion. À cause de sa fonction particulière en formation, il convient d'en traiter séparément.
On peut dresser une échelle de l'interaction en classe, du niveau le plus faible au plus élevé :
Comme on le constate, les quatre premiers niveaux peuvent s'insérer facilement dans un cours
magistral, car le contrôle de la classe demeure entièrement entre les mains du professeur. Les
niveaux subséquents supposent une interruption de l'exposé, avec cession du pouvoir de contrôle
aux étudiants, du moins temporairement. Impossible dans un grand groupe, direz-vous. Et
pourquoi donc? Encore une fois, les suggestions suivantes, dont certaines appartiennent aux
niveaux supérieurs d'interaction, viennent toutes de professeurs qui les ont expérimentées dans des
grands groupes, souvent dans des amphithéâtres avec sièges fixés au plancher. Plusieurs de ces
techniques sont mieux adaptées à certaines disciplines des sciences humaines, en particulier en
sciences sociales.
Bien qu'on n'en soit pas toujours conscient, la rétroaction, dans les deux directions, est une
composante essentielle de tout enseignement. Bien sûr, celle qui nous vient à l'esprit en premier
lieu est le retour de correction des travaux et examens, qui est traité dans la dernière partie de ce
texte, portant sur l'évaluation de l'apprentissage. Mais il convient ici d'attirer davantage l'attention
sur la rétroaction en classe, celle qu'on reçoit des étudiants et celle qu'on leur donne. Commençons
par cette dernière.
L'occasion la plus fréquente que vous avez d'encourager les étudiants est de répondre à leurs
questions et d'approuver verbalement leurs interventions par un commentaire approprié, au moins
lorsqu'elles sont très pertinentes. Ne manquez pas non plus de les féliciter pour leurs apports à
diverses activités bien réussies dans le cours. Faites-leur aussi connaître leurs lacunes et les moyens
de les corriger. Enfin, n'hésitez pas à prendre quelques minutes en classe pour commenter leurs
résultats aux exercices, travaux et examens périodiques que vous corrigez.
Les moyens d'obtenir des informations sur les réactions, sur le niveau de compréhension et sur les
désirs de vos étudiants sont aussi nombreux :
- Une première indication vous vient du comportement non verbal pendant la classe. Il faut donc
vous montrer attentif à ces réactions : physionomies alertes, soupirs, bâillements, bruits de
chaises et autres ont tous leur signification, que vous devez non seulement connaître mais
surtout percevoir rapidement lorsqu'elles se manifestent, afin de rajuster le tir.
- Pour vérifier la compréhension en cours d'exposé ou à la fin, posez des questions à réponses
brèves ou à choix multiple; pour en faciliter l'énoncé, vous pouvez les préparer à l'avance sur
transparents. Surtout, n'oubliez pas de fournir et de commenter les bonnes réponses, afin
d'identifier et de corriger les lacunes.
- La boîte à questions : placez une boîte à un endroit fixe de la salle et invitez les étudiants à y
déposer leurs questions, suggestions, revendications, à n'importe quelle rencontre. Faites-en état
en classe périodiquement et tenez-en compte lorsque c'est possible.
- N'attendez pas à la toute fin du trimestre pour procéder à une évaluation formelle du cours, que
ce soit par questionnaire ou par la méthode du groupe nominal en classe (technique se
rapprochant du remue-méninges). Une telle pratique vous permettra de faire les ajustements
pertinents avant la fin de la session.
Il existe deux façons principales d'utiliser des notes de cours. La première consiste à préparer un
schéma, un squelette que vous distribuez au début de la rencontre et que les étudiants complètent
pendant la classe. Ce sommaire doit être présenté de façon très aérée, en plusieurs pages, pour que
ceux-ci puissent prendre en note les principales explications que vous donnez en classe. Ces pages
doivent donc renfermer tous les titres et intertitres des sujets que vous désirez aborder. Elles
peuvent aussi comprendre une copie des transparents que vous projetez pendant votre exposé. En
plus de fournir à l'étudiant un plan détaillé de la leçon, grâce auquel il sait continuellement où on
en est, cette méthode l'assure d'avoir toujours le minimum d'information sur le contenu du cours.
Enfin, elle vous permet de préparer vos notes au rythme où le cours progresse, ce qui présente un
grand avantage si vous le donnez pour la première fois.
L'autre méthode consiste à préparer des notes plus ou moins abondantes en texte suivi1, que les
étudiants doivent se procurer avant le début de la session. Son principal avantage est d'assurer le
1 Sur la conception et la rédaction de notes de cours, on peut consulter un autre texte du même auteur,
L'élaboration de notes de cours.
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professeur que les étudiants disposeront de toute la matière, indépendamment de ce que le temps
permettra d'aborder en classe. Toutefois, en plus d'exiger beaucoup de temps de préparation, cette
solution pose une difficulté particulière, celle de l'intégration harmonieuse du texte et de l'exposé.
Une erreur à éviter est de répéter de façon plus ou moins textuelle ce qui est déjà écrit dans les
notes. Les étudiants auront tôt fait de vous rappeler qu'ils savent lire. La rencontre devrait alors
servir à autre chose :
Cette méthode est généralement très appréciée des étudiants : en plus de les libérer de l'obligation
fastidieuse de tout écrire, ce qui d'ailleurs leur permet de rater une rencontre à l'occasion sans trop
de conséquences fâcheuses, elle laisse une plus grande marge de manœuvre sur le contenu des
rencontres, qui peuvent alors être moins centrées sur le professeur. Mais peut-on encore vraiment
parler de cours magistral? La réponse à cette question nous conduit tout naturellement au chapitre
suivant.
Tous les conseils, techniques et suggestions présentés jusqu'ici supposent qu'on adopte
l'enseignement magistral comme mode principal de communication. Il est cependant
des cas où ce dernier n'est pas adéquat, par exemple lorsque, après bien des efforts, on
se rend compte qu'on ne se sentira jamais à l'aise dans le contexte d'une
communication de type magistral en grand groupe, ou lorsque les objectifs de
formation que l'on poursuit sont difficilement atteints par cette méthode.
Que faire alors? Ne vous découragez pas : il existe plusieurs solutions de rechange. Celles-ci
reposent presque toutes sur l'utilisation de l'écrit comme principal transmetteur de l'information de
base. Voyons-en quelques-unes.
Rappelons d'abord que certains types d'objectifs pédagogiques comme ceux qui se rattachent à la
pensée critique ou à la formation d'attitudes sont mieux atteints par les méthodes qui font appel
surtout à la discussion. Si c'est le cas dans votre matière, vous pourriez avoir intérêt à centrer votre
enseignement sur de telles méthodes, plutôt que sur le cours magistral. Nous nous limitons ici à
souligner les particularités de leur application dans des grands groupes.
La première chose à faire avec un grand groupe, pour faciliter la discussion, c'est de le briser. Si
une certaine forme de discussion est possible occasionnellement dans un groupe de 100 ou 200
personnes, son utilisation de manière systématique exige qu'on le fractionne en petits groupes
variant de 5 à 15 personnes au maximum. Si vous avez un groupe de plusieurs centaines, divisez-le
d'abord en deux ou trois sous-groupes dont la responsabilité sera partagée entre vous-même et vos
assistants de cours, à raison d'un assistant par sous-groupe. Vous devrez vous garder le rôle de
superviseur général, vous déplaçant d'un groupe à l'autre. Puis, constituez cinq à dix petits groupes
à l'intérieur de chacun. Un tel fractionnement suppose que l'on obtienne deux ou trois salles (une
par sous-groupe), ou que l'on prépare un calendrier de rencontres en alternance (par exemple,
sous-groupe A les semaines paires et B les semaines impaires). On trouvera la description d'une
expérience de ce type à l'Annexe II du présent texte.
Pour les variantes, on peut consulter un autre texte du même auteur : Comment utiliser la
discussion de groupe dans l'enseignement (mentionné en bibliographie).
Les années 1970 et 1980 ont vu se développer, dans la foulée des méthodes d'enseignement
programmé, un certain nombre de systèmes d'enseignement fondés sur l'apprentissage individuel.
Ces systèmes se voulaient une réponse aux contraintes des grands groupes et, en particulier, à ce
qu'on appelait les faiblesses du cours magistral traditionnel. Bien que leur diffusion, très rapide
dans les premiers temps, n'ait pas connu par la suite le succès promis, ces méthodes demeurent des
solutions de rechange intéressantes pour ceux qui n'aiment pas faire des exposés magistraux ou qui
ne croient pas à l'efficacité de ce type d'enseignement, surtout lorsque les groupes sont très
nombreux. Avant de passer en revue les principales formes d'enseignement individualisé, voyons
les caractéristiques qui leur sont communes :
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3.2.1 Caractéristiques
- Chaque étudiant est responsable de son apprentissage : il travaille seul, à son rythme, où et
quand il le désire.
- La matière est transmise principalement par écrit, occasionnellement par cassette.
- Le cours est découpé en unités de taille variable, dont chacune forme un tout fondé sur des
objectifs d'apprentissage précis; l'atteinte en est mesurée par un test à la fin de chacune. C'est
l'étudiant qui décide du moment où il le passe, lorsqu'il se sent prêt, puisqu'il progresse à son
rythme dans le cours.
- Le rôle principal du professeur en est un d'organisateur et de facilitateur de l'apprentissage
individuel, ainsi que de conseiller auprès de l'étudiant.
- Les assistants, puisqu'il s'agit habituellement de grands groupes, participent à la préparation du
matériel écrit, à la préparation et à la correction des tests, à l'aide individuelle et à la tenue des
dossiers des étudiants.
- Il y a peu ou pas de rencontres du groupe en entier. La salle de cours sert de local de
consultation et de salle d'examen pour la passation des tests.
- Le mode d'évaluation est habituellement fondé sur la réussite : il faut réussir (au moins à 80 %)
le test d'une unité pour passer à la suivante. La note finale est alors basée sur la quantité d'unités
maîtrisées, plutôt que sur la moyenne des notes obtenues à chaque test. On détermine un
nombre d'unités minimal à réussir pour obtenir la note finale de passage. Voici les principales
variantes :
Comment ne pas terminer cette partie sans une invitation à considérer le potentiel énorme qu'offre
la télématique en matière d'apprentissage individualisé? D'ici quelques années sans doute, chaque
étudiant possédera son micro-ordinateur personnel, par lequel il pourra entrer facilement en
«Une évaluation centrée sur l'apprentissage est mieux servie par des moyens ou des
techniques qui renforcent les étudiants dans l'apprentissage indépendant et qui leur
fournissent autant de feed-back spécifique que possible pendant la session.»
Pour ce faire, la première étape consiste à préciser vos buts et à retourner aux objectifs du cours.
Situez ces derniers dans l'échelle du domaine cognitif et jaugez l'importance relative de chacun.
Vos moyens d'évaluation de l'apprentissage devront les refléter fidèlement. De plus, considérez les
contraintes qu'apportent certaines formes d'évaluation (examens avec questions à développement et
travaux longs) quand on doit les appliquer dans des groupes de plusieurs centaines. Dans la
mesure du possible cependant, il ne faut pas se limiter à un seul moyen d'évaluation. N'oubliez pas
que vous pouvez aussi compter sur l'aide de vos assistants.
- Pensez dès maintenant à vous constituer une banque de questions, reliées aux objectifs du cours,
que vous pourrez compléter et améliorer au fil des ans.
- Faites appel aux étudiants pour vous suggérer de bonnes questions, que vous pourrez adapter à
votre gré par la suite. Ces questions pourront être utilisées aux sessions subséquentes.
- Un aspect très important à prendre en compte : si les objectifs d'apprentissage de votre cours
couvrent les niveaux supérieurs du domaine cognitif, comme la résolution de problème, la
synthèse ou la pensée critique, il ne faut pas oublier d'inclure des questions pour les mesurer, en
proportion correspondante. Ce type de question, de forme fermée, est plus difficile et demande
plus de temps à concevoir, mais encore moins que de corriger des examens à longs
développements.
- Ne tenez pas pour acquis que vos questionnaires sont exempts de défauts parce qu'ils produisent
des résultats uniformément distribués selon la célèbre courbe normale : une telle obtention est
«normale», dès qu'on se trouve en présence de groupes suffisamment nombreux. Utilisez plutôt
un programme d'analyse d'items pour identifier les questions qui posent problème, afin de les
corriger ou de les éliminer la prochaine fois.
- Il est souhaitable de toujours inclure une ou deux questions ouvertes à réponse brève dans
chaque examen : cela contribue à rassurer les étudiants qui craignent les examens à questions
fermées ne leur permettant pas d'expliquer leurs réponses. Certains professeurs prévoient même
l'ajout de feuilles de commentaires pour les étudiants qui désirent justifier leurs réponses. Il est
alors possible de tenir compte de ces explications pour pondérer les résultats dans les cas de
mauvaises réponses à répétition dans les questions à choix multiple.
- Recherchez la clarté : faites relire vos questions par des collègues ou d'anciens
étudiants et demandez-leur d'y répondre, pour vous assurer qu'elles seront bien comprises.
Une dernière suggestion pour terminer cette partie : pour diminuer les problèmes que posent les
retardataires qui ne peuvent se présenter aux examens le jour indiqué, vous pouvez permettre à
tous de ne pas se présenter à un examen une fois à leur choix au cours du trimestre, y compris à
l'examen final, ce qui constitue un fort incitatif à ne pas manquer les précédents. Toutefois, cette
pratique suppose que tous les examens ont le même poids dans la note finale et qu'il y en a
plusieurs : au moins trois, de préférence quatre ou cinq. Le nombre d'examens a peu d'importance
quant au travail de correction, puisque chaque examen peut alors être plus court, ou à correction
mécanique. On remarquera ainsi une diminution du nombre d'appels de dernière minute pour
s'excuser et surtout, du nombre d'examens de reprise, qui posent souvent problème quant au lieu,
au moment ou au contenu de la reprise.
La passation d'un examen par un grand nombre d'étudiants pose aussi des difficultés logistiques,
notamment en ce qui concerne la distribution du matériel, la disposition des places, le temps alloué
et la prévention du plagiat.
Pour diminuer le stress chez les étudiants qui craignent de manquer de temps, organisez la
distribution du matériel d'examen pour qu'elle se fasse rapidement, par exemple en vous faisant
aider par vos assistants ou par les étudiants en tête de rangées, ou encore en commençant la
distribution avant l'heure prévue, de façon à ce que tous puissent commencer en même temps dès
le début de la période. Soyez aussi présent dans la salle au moment de l'examen, afin de répondre
aux questions d'éclaircissement si nécessaire.
4.3.1 La correction
La majeure partie de la correction des travaux et des examens à questions ouvertes sera faite
probablement par des assistants. Votre tâche principale, ici, sera donc de les former
convenablement par des directives aussi claires que précises et des grilles de correction détaillées.
Pour les examens à questions ouvertes, remettez-leur un texte complet de la réponse attendue, avec
un barème des points à attribuer pour les éléments essentiels ou à enlever pour les principales
erreurs. Concernant les questions qui ont été ratées par une grande majorité des étudiants, aussi
bien ouvertes que fermées, il vaut mieux les annuler complètement : cela vous évitera de répondre
à l'infini aux objections et revendications de toutes sortes.
4.3.2 La rétroaction
La rétroaction constitue un élément essentiel du processus d'évaluation. Si on accepte facilement
les compromis sur la forme et la longueur des moyens d'évaluation retenus, il n'en va pas de même
pour la correction. Celle-ci doit s'accompagner d'une information aussi précise que possible sur les
forces et les faiblesses des étudiants. Si vous donnez des travaux longs, il faut les commenter au
moins brièvement en précisant les points forts et les points faibles ou en donnant les raisons des
points perdus : c'est la meilleure façon d'aider l'étudiant à s'améliorer.
- Pour accélérer le processus, utilisez une grille préétablie et multicopiée où il n'y a qu'à cocher
les remarques pertinentes à chaque travail.
- Pour compléter l'information ou pour les travaux non corrigés, remettez à tous ou rendez
disponible une copie d'un travail type auquel les étudiants pourront comparer le leur.
- Quant aux examens, expliquez en classe au moins les questions les plus ratées. Si l'examen était
trop long pour les traiter toutes, distribuez un corrigé, quitte à le récupérer en fin de période
pour sauvegarder vos réserves de questions.
La remise de masses de travaux et d'examens sur place pose aussi un problème d'ordre pratique.
Pour sauver du temps, classez-les par ordre alphabétique de leurs auteurs et demandez à des
bénévoles de les distribuer en se plaçant à des endroits déterminés selon des sections de l'alphabet
regroupant un nombre à peu près semblable d'étudiants. Ceux-ci pourront ainsi récupérer le leur
plus rapidement au début ou à la fin de la rencontre.
Un dernier conseil : gardez toujours copie des listes complètes de résultats, en cas de pertes ou
d'erreurs, relativement fréquentes dans des groupes nombreux.
S'il est vrai qu'en pratique, il existe souvent bien peu de différence entre une classe de 30 étudiants
et une de 300, du moins si on en juge par le déroulement du cours, il n'en reste pas moins que le
professeur, lui, en voit une considérable, ne serait-ce que par l'anxiété que génère l'affrontement
d'une telle masse et par les contraintes particulières d'organisation et de gestion qu'elle entraîne.
En fait, sur le plan pédagogique, la principale conséquence est de limiter l'enseignant dans le choix
des méthodes qu'il pourrait utiliser : le cours magistral devient son principal véhicule, le plus
souvent à l'exclusion ou presque de celles qui mettent l'accent sur les échanges à part égale. Pour
cette raison, la plupart des conseils et suggestions présentés dans ce guide ont porté surtout sur les
moyens de rendre le cours magistral plus efficace : préparation minutieuse, gestion du temps
rigoureuse, règles strictes de discipline, lutte contre l'anonymat, encouragement à la participation,
variation des stimuli, manifestation de l'enthousiasme pour sa matière, utilisation de cas concrets, de
sa propre expérience et de celle des étudiants pour stimuler l'intérêt, etc.
Pour ceux qui recherchent des solutions de rechange, soit par préférence personnelle ou pour
s'assurer d'une plus grande fidélité aux types d'objectifs qu'ils poursuivent dans leurs cours, nous
avons proposé quelques formes d'enseignement individualisé, qui transforment le rôle du
professeur en celui de guide et de conseiller, plutôt que de transmetteur de connaissances, confiant
ce rôle aux médias, principalement à l'imprimé, et qui laissent à l'étudiant une plus grande
autonomie quant aux modalités de son apprentissage.
Enfin, nous nous sommes tournés vers une autre contrainte inévitable : l'évaluation. La principale
question est de savoir comment évaluer de façon juste et équitable l'apprentissage de centaines
d'étudiants sans s'imposer des jours et des semaines de correction. Ici, la réponse est à peu près
unanime : l'examen à questions fermées, à correction objective. Pour s'éviter des centaines d'heures
de correction à chaque trimestre, il ne faut pas craindre d'en consacrer quelques dizaines à la
préparation d'une banque de questions à correction automatique. La principale difficulté est de
s'assurer d'y inclure une proportion suffisante de questions propres à mesurer les habiletés
supérieures de l'échelle cognitive : analyse, synthèse, résolution de problème. Pour le
développement de la pensée critique, nous avons suggéré quelques formes de travaux courts,
laissant les travaux longs plutôt aux autres types de cours. Puis nous avons insisté sur les moyens
de fournir une rétroaction adéquate à l'étudiant, aspect le plus utile de l'évaluation, pour s'améliorer
et corriger ses lacunes.
On l'a vu, les problèmes que pose l'enseignement en grands groupes ne sont pas insurmontables.
Pour peu qu'on accepte d'investir un peu plus de temps dans la préparation et l'organisation, il est
tout à fait possible d'obtenir des résultats aussi encourageants qu'avec des groupes plus petits,
comme le confirment d'ailleurs de nombreux professeurs d'expérience.
Annexe I
Voici un exemple concret de jeu de rôles, tel que pratiqué par le professeur Geske2 d'une université
américaine, dans un cours sur la publicité à de grands groupes. Dans ce cours, les étudiants se
voient offrir la possibilité de participer à l'un de cinq jeux de rôles distribués au cours du semestre,
moyennant quelques points de plus à leur note finale pour cette participation. Dans l'un de ces
jeux, la mise en situation était : «Faut-il bannir toute publicité sur l'alcool et le tabac?» Les rôles
suivants furent attribués aux étudiants volontaires : l'activiste communautaire, la présidente des
«mères opposées à la conduite avec facultés affaiblies», le chercheur subventionné par une
association de lutte contre le cancer, le directeur du marketing chez un grand fabricant d'alcools,
un représentant de la direction d'un fabricant de cigarettes et un représentant de la ligue des droits
et libertés. Le débat se déroulait devant le reste de la classe, qui pouvait intervenir sur demande par
des questions à l'un ou l'autre des six représentants.
Le professeur rapporte que le succès de cette méthode est tel qu'il doit partager le travail de
préparation des rôles entre plusieurs étudiants, parce qu'il y a trop de volontaires : ainsi, quelques-
uns se voient offrir un rôle de «recherchiste» pour aider dans leur préparation les étudiants qui ont
obtenu les rôles de représentants, pour la moitié des points attribués à ces derniers. Parmi les
avantages de la méthode, le professeur signale : distance rompue entre les étudiants et lui, surtout
lorsqu'il ne remplit pas lui-même le rôle d'animateur et se mêle alors à l'assistance, climat
impersonnel de la grande classe considérablement diminué, participation active d'un plus grand
nombre comme acteurs ou intervenants dans la salle, meilleure utilisation des auditoriums de style
«théâtral», plus adaptés à ce genre d'activité.
2 Geske, Joel. “Overcoming the Drawbacks of the Large Lecture Class”, dans College Teaching, vol. 40, n° 4,
1992, p. 151-154.
Annexe II
La description qui suit est basée sur l'expérience d'une professeure de sociologie. La méthode
décrite fut appliquée dans deux cours différents, l'un en psychologie sociale, l'autre en sociologie
de la condition féminine, tous deux à des groupes de plus de cent étudiants.
Essentiellement, il s'agissait de remplacer le cours magistral traditionnel par des lectures de textes
soigneusement choisis et rassemblés dans un recueil de près de mille pages, regroupés par thèmes,
à lire selon un calendrier préétabli. Chaque rencontre hebdomadaire de trois heures commençait
par une brève synthèse du thème de la semaine par la professeure et était suivie d'une discussion en
petits groupes d'une dizaine d'étudiants chacun. La professeure obtenait une salle plus grande que
la normale avec tables amovibles, de façon à former des espaces-groupes suffisamment éloignés les
uns des autres. Les discussions étaient animées par les assistants du cours, qui se déplaçaient d'un
groupe à l'autre. Chaque assistant était responsable de quatre ou cinq groupes. De plus, dans
chaque groupe, un membre était désigné comme rapporteur; sa fonction était surtout de noter les
questions ou les éléments de discussion qui causaient des difficultés particulières. Il les remettait à
la professeure, qui les traitait au moment de la plénière qui clôturait la rencontre.
L'efficacité des discussions dépendait en bonne partie des grilles de lectures accompagnant les
textes, qui servaient à la fois pour la préparation individuelle et pour la discussion. Les grilles
étaient composées essentiellement de questions propres à stimuler la réflexion par l'analyse et la
synthèse, et par la confrontation de la pensée des différents auteurs étudiés.
L'évaluation de l'apprentissage était faite au moyen de tests à questions brèves aux trois ou quatre
semaines, à quoi s'ajoutait un essai d'une dizaine de pages sur un thème choisi par l'étudiant et
approuvé par la professeure.
L'avantage principal de cette méthode était de permettre aux étudiants d'acquérir une bonne
compréhension des textes, au moyen des grilles de lecture et de la confrontation de leurs propres
réponses à celles des autres. Toutefois, l'efficacité de la discussion elle-même dépendait surtout du
degré de motivation des membres de chaque groupe à bien se préparer, ce qui n'était pas toujours
le cas. Dans l'ensemble, les résultats furent positifs, tant du point de vue des étudiants que de la
professeure.
22
Ouvrages consultés
BLIGH, D. A. et al. Teaching Students. Exeter, G. B. Exeter University Teaching Services, 1975.
BLIGH, D. A. et al. What's the Use of Lectures? Exeter, G. B., D. A. et B. Bligh (Briar House),
1978.
CHAMPAGNE, M. «L'enseignement universitaire est-il plus efficace en petits groupes qu'en grands
groupes?». Parlons pédagogie, nov. 1979.
FISET, M. «Enseigner aux grands groupes». Pratiques d'enseignement, Service des ressources
pédagogiques, Université Laval, 1995. (Entrevue vidéo).
GESKE, J. “Overcoming the Drawbacks of the Large Lecture Class”. College Teaching, vol. 40,
n° 4, 1992.
GOETZ, E. T. et al. “Elaborative Strategies : Promises and Dilemmas for Instruction in Large
Classes”. Annual Meeting of the National Reading Conference, Austin, Texas, 29 nov.-3 déc 1983.
GOLDSCHMID, M. et B. GOLDSCHMID. L'enseignement individualisé au niveau universitaire,
traduit de “Individualizing Instruction in Higher Education, A Review”, dans Higher Education,
vol. 3, n° 1, 1974.
GROSS DAVIS, B. Tools for Teaching, chap. 12 : “Preparing to Teach the Large Lecture
Course”. San Francisco, Jossey-Bass, 1993.
HERR, K. U. Improving Teaching and Learning in Large Classes : A Practical Manual. Fort
Collins, Collection Office of Instructional Services, Colorado State University, 1989.
HOSLEY, C. J. “How to Get Reaction from Students in Big, Impersonal Lecture Classes”.
Chronicle of Higher Education, vol. 33, n° 34, 6 mai 1987.
MCKEACHIE, W. J. Teaching Tips, A Guidebook for the Beginning College Teacher. Lexington,
D. C. Heath & Cie, 1978.
WEIMER, M. G. (éd.). Teaching Large Classes Well. San Francisco, Jossey-Bass, New Directions
for Teaching and Learning, n° 32, 1987.
24
Pistes bibliographiques
FISET, M. «Enseigner aux grands groupes». Pratiques d'enseignement, Service des ressources
pédagogiques, Université Laval, 1995. (Entrevue vidéo).
WEIMER, M. G. (éd.). Teaching Large Classes Well. San Francisco, Jossey-Bass, New Directions
for Teaching and Learning, n° 32, 1987.
À notre avis, le plus complet et le plus pratique des guides d'enseignement en grands groupes.
Aborde la plupart des thèmes traités ici.
GIBBS, G. et A. JENKINS (éd.). Teaching Large Classes in Higher Education; How to Maintain
Quality with Reduced Resources. Londres, Kogan Page, 1992.
Pertinent surtout pour l'enseignement des sciences appliquées, puisque la plupart des chapitres
rapportent l'expérience de plusieurs professeurs de l'École polytechnique d'Oxford (Angleterre)
dans l'adaptation de leur enseignement à des groupes de plus en plus nombreux. Le dernier
chapitre présente des recommandations pertinentes à tous les types de cours et de disciplines.
BLIGH, D. A. What's the Use of Lectures? Exeter, G. B., D. A. et B. Bligh (Briar House), 1978.
Un classique sur le sujet. Aborde les objectifs que peut atteindre le cours magistral, les facteurs qui
influencent l'apprentissage par cette méthode, les techniques les plus efficaces et quelques solutions
de rechange.
CHAMPAGNE, M. «Le SEP ou plan Keller : adieu aux cours magistraux», Au fil des événements,
10 février 1983.
Ce court article décrit le processus de préparation et de fonctionnement d'un cours selon le
Système d'enseignement personnalisé ou Plan Keller.