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Résumé
La présente étude examine l’évolution des facteurs climatiques entre 1960 et 2008 des trois zones climatiques du
Bénin, les perceptions locales face aux changements climatiques ainsi que les adaptations développées par les
communautés locales pour faire face aux variations notées. À cet effet, les données climatiques ont été soumises
à l’analyse des séries chronologiques et les équations des différentes tendances ont été établies. En ce qui
concerne les perceptions et adaptations, des enquêtes individuelles appuyées par des entretiens de groupes ont
été effectuées sur 1045 chefs de ménages répartis dans les zones climatiques soudaniennes, soudano-guinéennes
et guinéennes. Les données liées à la perception locale de l’intensité des évènements climatiques dans les années
1960 à 1970 et après 2000 ont été soumises à une analyse en composantes principales, et celles liées aux formes
d’adaptation à une analyse factorielle des correspondances. Les résultats obtenus indiquent une augmentation
significative de la température moyenne (plus de 1°C) dans les trois zones, ainsi qu’une diminution perceptible
de la pluviométrie (-5,5 mm/an en moyenne) et du nombre moyen annuel de jours de pluie. Les autres résultats
indiquent une variation des perceptions liées aux changements climatiques en fonction des catégories
socioculturelles des sujets. La même remarque peut être faite pour les adaptations qui sont principalement les
semis précoces, l’utilisation d’engrais minéral ou une non-adaptation.
Mots-clés : Changements climatiques, zones climatiques, perceptions locales, adaptation, Bénin.
Abstract
Past climate trends: modeling, local perceptions and adaptation in Benin
The present study has examined the evolution trend of climatic patterns between 1960 and 2008 of the 3 climatic
zones of Benin and the local perceptions on the climate changes as well as the adaptation noted in the
agricultural practices. Thus, climate data were submitted to the trend analysis and the equations of the different
trends were also established. As far as the local perceptions on climate changes were concerned, an individual
survey, supported by group discussion was done, using 1045 informants dispatched up into the Sudanian,
Sudano-Guinean and Guinean zones. Data linked to the intensity of climatic events between 1960 and 1970 and
after 2000 were submitted to Principal Component Analysis and those linked to adaptation to Correspondence
analysis. Results indicated a significant increase of the mean temperature (more than 1°C) in the 3 climatic zones
and a perceptible decrease of the rainfall (5.5 mm/year) and the number of rainy days per year. Other results
revealed variability in the perceptions on climate changes according to socio-cultural groups of individuals. The
same conclusions were made as far as the adaptations were concerned. These adaptations were mainly the use of
mineral fertilizers, precocious sowing or a non-adaptation.
Keywords: Climate changes, climatic zones, perceptions, adaptations, Bénin.
28 Tendances climatiques passées, modélisation, perceptions et adaptations locales au Bénin
Introduction
Dans l’histoire humaine, le besoin de comprendre les changements climatiques n’a jamais
été aussi urgent et important qu’au 21ème siècle, surtout en zone tropicale où la déforestation et
l’extinction des espèces sont relativement plus importantes et les conditions de vie, plus
précaires (Bush et Flenley, 2007). Ces phénomènes sont encore plus accentués en Afrique où
la déforestation est très importante. L’importance de la variabilité temporelle en Afrique tient
au fait que les paramètres climatiques, censés varier dans le temps du fait du cycle saisonnier
global de la planète, présentent également différentes évolutions selon les régions.
Comprendre et prédire ces variations annuelles, décennales ou multi-décennales dans un passé
récent est devenu un défi pour les spécialistes africains du climat (AMMA ISSC, 2005 ;
Janicot et al., 2008). Le développement des méthodes de prédiction des variations climatiques
sur le long terme a connu un développement prodigieux (Folland et al., 1991 ; Stockdale et
al., 1998 ; Washington et Downing, 1999). Mais cela n’a pas permis de cerner les causes
fondamentales de la baisse drastique de la pluviométrie en Afrique, surtout en zone sahélienne
(Rowell et al., 1995 ; Xue et Shukla, 1998). Ce changement pluviométrique a entrainé
naturellement des changements dans la variabilité des autres paramètres climatiques comme la
température, l’humidité relative et la tension de vapeur. Les changements climatiques
continuent d’affecter non seulement les écosystèmes forestiers, à travers une fréquence accrue
des feux de végétation, mais aussi les écosystèmes aquatiques à travers des inondations plus
fréquentes et les activités agricoles des populations africaines (IPCC, 2007). De même, les
changements climatiques ont pour effet une fréquence accrue de nouvelles maladies
infectieuses. Dans les régions sahéliennes de l’Afrique par exemple, les conditions de plus en
plus sèches et chaudes ont finalement conduit à la réduction de la saison des pluies, avec un
effet négatif direct sur le rendement des cultures et la fréquence des périodes de famine
(IPCC, 2007).
Ces changements climatiques sont perçus et compris de façons diverses par les populations
africaines selon leurs caractéristiques socioculturelles. Les différences de perception des
changements climatiques ont induit une variabilité dans les formes d’adaptation pour
minimiser les effets de ces changements climatiques. En effet, l’adaptation des populations
rurales est un aspect critique en ce qui concerne les pays en développement où la vulnérabilité
est élevée à cause des faibles moyens des communautés locales. L’adaptation est une sorte
d’ajustement écologique, social ou économique en réponse à des changements climatiques
observés ou à venir pour atténuer leurs impacts (IPCC, 2001 ; Adger et al., 2005). Ces
adaptations sont notées au niveau individuel comme au niveau des communautés et sont
motivées par une multitude de facteurs comme les échanges commerciaux (Smit et al.,
2000), les réseaux sociaux (Adger, 2005) ou par des actions individuelles surtout au niveau
des pratiques agricoles, en ce qui concerne les populations rurales. De ce fait, l’adaptation
pourrait aider les populations à garantir leur alimentation, leur revenu et sécuriser leur bien-
être dans le contexte actuel des changements climatiques et des conditions socio-économiques
se traduisant par les variations du climat, les sécheresses ou les inondations (Kandlinkar et
Risbey, 2000).
Face à ces changements climatiques, leurs effets sur les écosystèmes et les adaptations des
populations, il devient nécessaire et urgent en Afrique de mieux comprendre et caractériser
ces variations climatiques et surtout, d’analyser les perceptions locales à ce sujet. La
caractérisation des adaptations des populations locales dans un contexte de changements
climatiques permettra de mieux analyser, comprendre et vulgariser les meilleures adaptations,
tenant compte des spécificités climatiques régionales. La présente étude est préliminaire et a
pour objectif principal de caractériser la variabilité de paramètres climatiques à l’aide de
Climatologie, vol. 8 (2011) 29
séries chronologiques et d’analyser la perception locale et les adaptations au Bénin. Les deux
principales hypothèses testées dans cette étude sont 1) la tendance évolutive des paramètres
climatiques de 1960 à 2000 en fonction des zones climatiques du Bénin, 2) les perceptions
locales et les adaptations aux changements climatiques selon les groupes socioculturels.
1. Matériel et méthodes
1.1. Collecte des données climatiques et socioculturelles
Les données climatiques relatives à la hauteur de pluie, la température moyenne,
l’humidité relative, l’insolation et le nombre annuel de jours de pluie supérieure à 0,85
mm (Sivakumar, 1988) ont été analysées de 1960 à 2008 pour 34 stations géographiquement
réparties dans tout le Bénin (figure 1), données fournies par l’ASCENA (Agence pour la
Sécurité de la Navigation Aérienne).
1960 à 2000 est de 54,9 % ; la température moyenne est de 27,5°C. En zone soudanienne, les
sols sont hydromorphes, bien drainés ; ce sont pour la plupart des lithosols ; la végétation est
principalement composée de savanes avec de petits arbres. La zone soudano-guinéenne
présente une pluviométrie unimodale, de mai à octobre, avec 113 jours de pluie et une
pluviométrie moyenne annuelle (1960-2000) de 900 à 1100 mm. La température annuelle
varie entre 21,2°C (moyenne des minima) et 32,5°C (moyenne des maxima), l’humidité
relative étant comprise entre 45,5 % (moyenne des minima) et 87,1 % (moyenne des
maxima). Les sols sont ferrugineux et de fertilité variable ; la végétation est caractérisée par
une mosaïque de forêt claire, de forêt dense et de savane arbustive à arborée avec des galeries
forestières. La zone guinéenne est caractérisée par une pluviométrie bimodale avec une
moyenne annuelle de 1200 mm ; la température moyenne varie entre 25 et 29°C et l’humidité
relative entre 69 et 97 %. Les sols sont soit ferralitiques et profonds, soit riches en vertisols,
humus et minéraux.
La modélisation de la tendance évolutive entre 1960 et 2008 de chacun de ces paramètres
climatiques par zone climatique a été faite avec le logiciel Minitab 1.4., en utilisant l’analyse
des séries chronologiques, plus précisément l’analyse des tendances (Bowerman et O'Connell,
1993). L’ajustement linéaire ou quadratique des tendances observées est aussi effectué en
tenant compte de certains paramètres de précision comme l’erreur moyenne absolue en
pourcentage (MAPE), la déviation moyenne absolue (MAD) et la déviation moyenne
quadratique (MSD) des séries estimées par rapport aux valeurs réelles observées. Une faible
valeur de ces paramètres climatiques indique un bon ajustement de la série chronologique.
1.3. Analyse des perceptions locales et adaptations face aux changements climatiques
Au Bénin et plus généralement en Afrique, les perceptions locales des phénomènes et les
pratiques sont très influencées par les us et coutumes, eux-mêmes dépendant des groupes
socioculturels. De ce fait, les sujets enquêtés ont été regroupés suivant les huit principaux
groupes socioculturels, à savoir les Fon et les Yoruba, majoritairement représentés en zones
guinéenne et soudano-guinéenne, ainsi que les Fôôdo, les Dendi, les Bariba, les Pila-Pila, les
Otamari et les Bôo (en zone soudanienne) ; dans chaque groupe, les sujets ont été regroupés
suivant deux catégories d’âge (adulte = 50 à 70 ans ; vieux 70 ans) et de sexe (Assogbadjo
et al., 2008). Ainsi, au total, 20 catégories socioculturelles (au lieu des 48 potentielles) et
prenant en compte la combinaison entre principaux groupes socioculturels, l’âge et le sexe ont
été considérées (tableau 1).
Cette situation résulte de l’absence dans l’échantillon étudié de certains enquêtés répondant
à des combinaisons de modalités d’âge, de sexe et de groupes culturels. Pour chaque personne
enquêtée, l’indice de perception de chaque évènement climatique a été déterminé par la
différence de scores d’intensité après l’an 2000 et avant 1960. Pour chacune des 20
catégories, un indice moyen de perception est calculé pour chaque évènement à partir de la
valeur moyenne des indices de perception de cet évènement par les individus composant le
groupe considéré. Une matrice d’indices de perception des évènements climatiques est établie,
les lignes de cette matrice représentant les 20 catégories socioculturelles et les colonnes, les
évènements climatiques. Cette matrice a été soumise à une Analyse en Composantes
Principales (ACP) afin de décrire les relations existant entre les perceptions liées aux
changements d’intensité de différents évènements climatiques. La projection des catégories
socioculturelles dans le système d’axes définis par les évènements climatiques a permis
d’analyser les perceptions selon les catégories socio-culturelles. L’analyse statistique a été
faite dans le logiciel Minitab (Minitab, 1996).
La même démarche analytique liée à l’établissement des groupes socioculturels a été
effectuée pour l’adaptation des populations par rapport aux changements climatiques. Pour
chaque groupe, le nombre de personnes ayant opté pour chacune des adaptations recencées
lors d’une précédente enquête exploratoire a été calculé. Ces adaptations sont essentiellement
l’utilisation d’engrais minéraux, du semis précoce, de la combinaison des deux méthodes ou
d’une non-adaptation liée au fait que les changements climatiques apparaissent comme le
domaine de la fatalité. Le tableau de contingeance obtenu a été soumis à l’analyse factorielle
des correspondances simples.
2. Résultats
2.1. Tendance évolutive des paramètres climatiques au Bénin
La pluviométrie
La tendance évolutive de la hauteur moyenne de pluie entre 1960 et 2008 pour les
différentes zones climatiques indique, de façon générale, une décroissance, la chute étant
nettement plus prononcée en zone soudanienne (de 1220 mm de pluie en 1962 à 1100 mm en
2008) avec un taux de régression moyen de 5,5 mm/an selon un ajustement linéaire (figure 3).
Toutefois, on note une légère reprise à partir de 1990 dans la zone soudanienne. En zones
guinéenne et soudano-guinéenne, les tendances sont moins linéaires et ne présentent pas des
allures définies aux regards des paramètres de précision MAPE, MAD et MSD qui sont tous
relativement plus élevés.
La température moyenne
Les variations temporelles indiquent globalement une tendance évolutive contraire à celle de
la pluviométrie et du nombre moyen annuel de jours de pluie, soit une variation temporelle
linéaire de la température moyenne annuelle, avec un taux de croissance relativement plus
32 Tendances climatiques passées, modélisation, perceptions et adaptations locales au Bénin
importante en zone soudano-guinéenne de 0,03°C par an (figure 4). De 1960 en 2008, une
augmentation de plus de 1°C est notée pour les trois zones climatiques.
Zone 1 Zone 2
Zone 1 Zone 2
Zone 3
Climatologie, vol. 8 (2011) 33
Zone 1 Zone 2
Zone 3
Zone 1 Zone 2
Zone 3
Légendes : FAH = Fon Adulte Homme ; FVH = Fon Vieil Homme ; FVF = Fon Vieille Femme ; FAF = Fon Adulte
Femme ; YAH = Yoruba Adulte Homme ; YAF = Yoruba Adulte Femme ; YVH = Yoruba Vieil Homme ; BAAH = Bariba
Adulte Homme ; BAVH = Bariba Vieil Homme ; DVH = Dendi Vieil Homme ; DAH = Dendi Adulte Homme ; FOVH =
Fôôdo Vieil Homme ; FOAH = Fôôdo Adulte Homme ; PAH = Pila-Pila Adulte Homme ; PVH = Pila-Pila Vieil Homme ;
OAF = Otamari Adulte Femme ; OVH = Otamari Vieil Homme ; OAH = Otamari Adulte Homme ; BOAH = Bôô Adulte
Homme ; BOVH = Bôô Vieil Homme.
Figure 6 : Perceptions locales sur les changements climatiques étudiées à partir d’une Analyse en Composantes
Principales (ACP) : projection des évènements climatiques et des groupes socio-culturels dans le système d’axes
factoriels. Local perceptions on climate changes in Benin from Principal Component Analysis (PCA): projection
of climatic events and the socio-cultural groups in the factorial axes system.
ceux des changements climatiques. S’agissant des autres formes d’adaptations comme par
exemple la consultation des dieux, on retrouve les groupes socioculturels Fon, les jeunes et
vieux Bôô, tous sexes confondus, et les jeunes hommes Dendi. À part les groupes
socioculturels Fon qui sont unanimes dans les formes d’adaptations développées, tous les
autres ont présenté différentes adaptations selon le sexe et l’âge face aux effets des
changements climatiques.
3. Discussion
Cette étude qui fait le lien entre les variations climatiques suivant toutes les zones
climatiques du Bénin et les perceptions locales est une analyse originale pour le Bénin.
Cependant, des progrès considérables sont faits ces dernières années pour évaluer les concepts
et tendances des changements globaux du climat (Bryant 1997 ; IPCC, 1998, 2001a, b et c) et
leurs impacts potentiels sur l’agriculture et la foresterie (Rosenzweig et Parry, 1994 ;
Mendelsohn et Williams, 2004 ; Kurukulasuriya et al., 2006). Globalement, la tendance est à
la hausse des températures moyennes annuelles, et à la baisse des précipitations moyennes
annuelles. Toutefois, en zone soudanienne, on note une légère reprise de la pluviométrie à
partir de 1990. Cette légère tendance à la hausse a été préalablement notée par Lebel et Ali
(2009) pour la partie centrale de la zone sahélienne. Ces derniers expliquent ce phénomène
par l’allongement de la durée des pluies journalières en juillet à partir de 1990. Quant à
l’humidité relative, la tendance présente plutôt une chute dans les années 1980 à 1990 pour les
trois zones climatiques du Bénin.
Des études antérieures ont montré que ces variations peuvent avoir des impacts
significatifs sur la production agricole amenant de ce fait les communautés locales à adopter
des stratégies d’adaptation comme réponses aux conditions d’altération du milieu (Molua,
2008). En effet, l’agriculture africaine est essentiellement pluviale. La stratégie la plus
commune utilisée par les producteurs dans ce contexte de changement climatique est le
déplacement du calendrier agricole qui consiste à semer les graines dès les toutes premières
pluies pour bénéficier selon eux, de toute la durée de la saison pluvieuse. Par ailleurs, les
cultures plus adaptées à ce contexte de sécheresse seront les plus bénéfiques à l’agriculture
paysanne pluviale. Alternativement, des techniques d’irrigation adaptées devraient être
développées pour réduire les effets néfastes liés aux baisses des pluies. Les valeurs de plus en
plus élevées observées au niveau de la température couplées à une pluviométrie de plus en
plus faible peuvent également avoir des impacts sur les écosystèmes forestiers (Durand,
2007).
Climatologie, vol. 8 (2011) 37
Toutefois, les incertitudes sont encore importantes, notamment du fait que certains
paramètres peuvent avoir des effets contraires selon les conditions. En effet, l’augmentation
de la température ambiante et de l’ensoleillement est favorable à certaines cultures, mais cela
peut amener à des résultats désastreux sur l’agriculture si elle est associée à un fort déficit
pluviométrique (Durand, 2007). Il a été admis que les conséquences écologiques des
prévisions des changements climatiques (Houghton et al., 2001) devraient être relativement
prononcées au niveau des zones de hautes latitudes et altitudes (Hall 1988 ; Maxwell 1992).
D’un autre côté, les effets des changements climatiques sur les communautés de plantes ne
pourront être expliqués par les réponses physiologiques d’une seule espèce. En effet, dans un
même espace coexistent plusieurs espèces de caractéristiques différentes qui ne réagiront pas
de la même façon aux variations des conditions du milieu (température, pluviométrie,
humidité relative). De ce fait, les changements globaux observés au niveau des variables
abiotiques du milieu ne vont pas agir de la même façon sur les espèces, même si celles-ci se
retrouvaient dans un même milieu. Dans ce contexte, les interactions liées aux effets de
compétition ne seront plus par exemple perceptibles de la même façon que lorsque les espèces
étaient dans leurs conditions initiales (Heegaard et Vandvik, 2004).
En outre, les variations observées au niveau de la température (+0,03 °C/an) et de la
pluviométrie (-5,5 mm/an) au Bénin ne seront pas sans conséquence économique, aussi bien
au niveau macroéconomique qu’à l’échelle des paysans. Les variations similaires de ces
mêmes variables climatiques sont observées sur les mêmes périodes dans d’autres pays
africains comme le Cameroun (Molua, 2008). Les impacts économiques des changements du
climat ont été évalués et il en découle que d’ici 2050, on assisterait à une perte économique
d’environ 41 % par rapport à la période 1961-2001 pour une augmentation de la température
de 2,5°C et une augmentation des précipitations de 8,5 %. Néanmoins, pour une augmentation
modérée de la température de 1,5°C et une augmentation significative des précipitations de 15
%, on assisterait à une augmentation des revenus issus de l’agriculture d’environ 18,5 % par
rapport à la période 1961-2001 (Molua, 2008). Ceci affecterait l’ensemble de l’économie des
pays en développement dont 30 % du PIB (Produit Intérieur Brut) sont issus de l’agriculture.
Il devient alors urgent d’inclure les considérations climatiques dans les politiques de
développement agricole. Ceci devrait passer par le développement des actions tendant à
réduire la vulnérabilité des populations, le développement des capacités de suivi des
changements du climat et le renforcement de la capacité du secteur agricole à faire face aux
variations climatiques.
Les variations observées au niveau des paramètres climatiques, surtout la température
ambiante et le nombre moyen annuel de jours de pluie, sont également perceptibles au niveau
des populations locales qui arrivent non seulement à confirmer avec beaucoup de certitude les
tendances observées, mais aussi à évaluer les conséquences qui en découlent. Ainsi, pour les
communautés rurales, les changements climatiques sont à la base des baisses de fertilité des
sols et des rendements au niveau agricole, de la prolifération des maladies, de la sécheresse,
des inondations, des vents violents, etc. Face à ces menaces qui pèsent sur la survie des
communautés rurales, on assiste au niveau local à des stratégies d’adaptation pour y faire
face. Les tendances observées le plus souvent varient selon les groupes ethniques, l’âge, le
sexe et les activités socio-économiques des ménages. Ainsi, il est observé des stratégies
d’adaptation qui se traduisent par un changement des pratiques agricoles (utilisation d’engrais
minéral pour faire face aux baisses de production) et techniques culturales (semis précoces
pour anticiper sur les pluies précoces à durée plus réduite qu’auparavant). Toutefois, des
études antérieures (Hassan et Nhemachena, 2008) ont montré que l’âge et le sexe ne sont pas
forcément les facteurs déterminant les stratégies adaptatives développées au niveau local,
mais c’est plutôt l’expérience des paysans en matière d’agriculture et les capacités des
38 Tendances climatiques passées, modélisation, perceptions et adaptations locales au Bénin
ménages à avoir accès au crédit et au marché. En effet, en plus des stratégies adoptées au
Bénin, il est généralement préconisé aux paysans de diversifier les cultures agricoles,
d’utiliser différentes variétés plus adaptées aux variations du climat, d’accroître l’utilisation
des techniques d’irrigation, de protection des sols et de maîtrise de l’eau, de combiner
davantage l’agriculture et l’élevage, de développer davantage des techniques de culture mixte,
d’écourter les longueurs des périodes de culture et de diversifier les activités non champêtres
comme solution d’appoint (Dixon et al., 2001 ; Hassan et Nhemachena, 2008). Ainsi, les
paysans arriveront à réduire les dommages en adoptant des stratégies proposées.
Conclusion
La présente étude a permis de décrire l’évolution des principaux facteurs climatiques entre
1960 et 2008 et les perceptions locales et adaptations en matière de changements climatiques.
L’étude a révélé une augmentation significative (+1°C) de la température ambiante, une
diminution de la pluviométrie annuelle, du nombre moyen annuel de jours de pluie et de
l’humidité relative moyenne. Par ailleurs, les perceptions locales liées aux changements
climatiques sont en adéquation avec la tendance évolutive de la température ambiante et de la
pluviométrie ; toutefois, la relation entre l’accroissement de la température ambiante et
l’allongement de la durée des saisons sèches avec les autres évènements climatiques est
différemment perçue par les populations selon les groupes socioculturels. Les résultats
obtenus liés à l’adaptation des populations (semis précoces, utilisation d’engrais minéral)
suggèrent que les politiques gouvernementales et les stratégies en matière d’investissement
devraient prendre en compte les perceptions locales liées aux changements climatiques pour
développer des stratégies d’adaptation face aux changements climatiques, y compris les
méthodes institutionnelles et technologiques, et ceci, particulièrement en faveur des fermiers
défavorisés d’Afrique.
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