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La normalisation comptable internationale analysée

comme un processus politique. Le cas de la prospection et


de l'évaluation des ressources pétrolières
Christine Noël-Lemaître, Véronique Blum, Yannis Constantinidès
Dans Comptabilité Contrôle Audit 2010/1 (Tome 16), pages 133 à 158
Éditions Association Francophone de Comptabilité
ISSN 1262-2788
ISBN 9782311001020
DOI 10.3917/cca.161.0133
© Association Francophone de Comptabilité | Téléchargé le 17/10/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.81.56.84)

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Christine Noël, Véronique Blum et Yannis Constantinidès
LA NORMALISATION COMPTABLE INTERNATIONALE ANALYSÉE COMME UN PROCESSUS POLITIQUE
LE CAS DE LA PROSPECTION ET DE L’ÉVALUATION DES RESSOURCES PÉTROLIÈRES 133
reçu août 2008 / accepté février 2009

La normalisation comptable
internationale analysée
comme un processus
politique
Le cas de la prospection
et de l’évaluation
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des ressources pétrolières
International Accounting
standardization analyzed
in terms of a political process
The specific case of
petroleum resources
Christine NOËL*, Véronique BLUM** et Yannis CONSTANTINIDÈS***

* Professeur associé, Audencia Nantes école de management


** PRAG, Université Pierre Mendès France, Grenoble
*** Enseignant chercheur, Espace éthique APHP. Chercheur associé, Audencia Nantes École de management

Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 16 – Volume 1 – Avril 2010 (p. 133 à 158)

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Christine Noël, Véronique Blum et Yannis Constantinidès
LA NORMALISATION COMPTABLE INTERNATIONALE ANALYSÉE COMME UN PROCESSUS POLITIQUE
134 LE CAS DE LA PROSPECTION ET DE L’ÉVALUATION DES RESSOURCES PÉTROLIÈRES

Résumé Abstract
L’analyse de la réglementation comptable Some of the choices made through the ongo-
propre aux coûts d’exploration pétrolière ing international accounting normalisation
illustre l’aspect éminemment politique de la process show that the IASB has adopted norms
normalisation comptable internationale. La for controlling (images) rather than for ruling.
montée en puissance de l’IASC, et de son Controlling supposes that economical and social
successeur l’IASB, favorise l’émergence d’une agents become official actors in the negotiation.
nouvelle phase de la normalisation comp- A focus on accounting norms applied to minerals
table, celle-ci passant d’une logique de régle- exploration costs suggest that accounting regula-
mentation à une logique de régulation. Dans tion can sometimes be governed by political mat-
cette phase, la négociation des acteurs écono- ters. Considering the notable exception allowed
miques et sociaux intéressés est mise au pre- by IFRS 6, thanks to which oil companies can
mier plan. Ce changement de logique se reflète circumvent the paragraphs 11-12 of IAS 8, this
particulièrement au travers de l’exception article addresses the legitimacy and effective tar-
notoire consentie par l’IFRS 6 (Prospection et gets of the international accounting normalisa-
Évaluation des ressources minérales), exemp- tion. The question of the ethical status of the
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tant des paragraphes 10-12 de l’IAS 8. Cet board is then brought up.
exemple précis nous permet de questionner la
légitimité et les problèmes éthiques posés par
la normalisation comptable internationale.

Mots-clés : Normalisation comptable KEYWORDS : ACCOUNTING STANDARD-SETTING


– Réglementation – Légitimité – PROCESS RULING – LEGITIMACY – POLITICS –
Politique – Coûts d’exploration MINERALS EXPLORATION COSTS – ETHICS
pétrolière – Éthique.

Correspondance : Christine Noël Véronique Blum


Audencia Nantes école de management PRAG
8 route de la Jonelière Université Pierre Mendes France
44312 Nantes CEDEX 3 BP 47
cnoel@audencia.com 38040 Grenoble
veronique.blum@gmail.com

Yannis Constantinidès
Audencia Nantes École de management
27, rue Desnouettes
75015 Paris, France
constantinides@free.fr

Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 16 – Volume 1 – Avril 2010 (p. 133 à 158)

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Introduction
Il est traditionnel d’opposer le modèle européen continental et le modèle anglo-saxon de la normali-
sation comptable (Colasse, 2002, 2007). Le premier est fondé sur une régulation partenariale, sous
la tutelle de l’État, tandis que le second repose sur une procédure de concertation entre des experts
et les acteurs économiques intéressés, qualifiée de due process. Aux États-Unis par exemple, la norma-
lisation comptable est confiée à un organisme privé indépendant, le Financial Accounting Standard
Board (FASB). Ce mode de normalisation entend favoriser d’une manière transparente la défense des
intérêts des diverses parties prenantes en les associant à la définition des règles applicables. Il pose
toutefois des problèmes d’ordre éthique, soulignés par la littérature dès les années 1970 (Armstrong,
1977 ; Wyatt, 1986 ; Solomons, 1978). Le due process serait en effet un processus éminemment poli-
tique (Haring, 1979 ; Newman, 1981 ; Fogarty et al., 1994 ; Durocher et al., 2004 ; Elbannan et
McKinley, 2006) car l’adoption des normes comptables dépendrait davantage des rapports de force
entre les acteurs dominants, que des attentes des actionnaires et des autres parties prenantes. L’aspect
politique de la normalisation comptable se cristallise dans les phénomènes de lobbying repérables
dans les institutions comptables (Hussein et Ketz, 1991).
Empruntant au modèle américain, la normalisation comptable internationale est également basée
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sur le travail d’un organisme indépendant de droit privé, l’International Accounting Standard Board
(IASB). La normalisation comptable européenne constitue quant à elle une « configuration insti-
tutionnelle unique », résultant d’une collaboration entre l’IASB et l’Union européenne (Colasse,
2007). Chiapello et Medjad (2007) soulignent le caractère inédit et exemplaire de cette immixtion
du secteur privé dans le champ normatif communautaire. Pour certains (Chevallier, 1998 ; Raybaud-
Turrillo, 2001) la normalisation comptable internationale entrerait dans une phase postmoderne :
les sources étatiques sont de plus en plus concurrencées par des sources privées ou mixtes (Colasse,
2005). Or, l’émergence de sources privées ou mixtes en matière de normalisation comptable n’est pas
neutre. L’objectif de cet article est justement d’évaluer sur le plan éthique les procédures à l’œuvre
dans la normalisation comptable internationale. Ces procédures sont-elles conciliables avec les valeurs
des sociétés démocratiques, où l’intérêt général prévaut, et les exigences des marchés financiers en
matière de pertinence de l’information comptable ?
Le normalisateur comptable devrait chercher à promouvoir les règles favorisant la meilleure infor-
mation possible des parties prenantes. Pourtant les finalités affichées de la normalisation comptable
internationale, telles la transparence de l’information financière et l’efficience des marchés, semblent
difficilement compatibles avec une vision du normalisateur comptable en tant qu’adjudicateur de
conflits d’intérêts entre des groupes de pression. Cette contradiction est d’autant plus saillante dans
des secteurs économiques sensibles, tels que celui de l’énergie. C’est pourquoi nous avons choisi d’ana-
lyser les problèmes éthiques et politiques à l’œuvre dans la normalisation comptable internationale
à partir du cas particulier de l’industrie pétrolière. L’importance du pétrole dans le fonctionnement
de l’économie mondiale, l’existence de relations fortes entre des agents dont le poids est lui-même
significatif et les déterminants de son prix (croissance économique, météorologie et anticipations
des acteurs) font de cette source d’énergie une commodité « sous contrôle politique implicitement
consensuel » (Chevallier, 2004, p. 351). Notre intérêt pour ce secteur d’activité atypique se justifie
d’autant plus que cette exemplarité a été, dans le passé, source d’innovation comptable et financière.

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Le secteur pétrolier fut en quelque sorte le précurseur de règles qui furent dans un second temps
disséminées vers d’autres secteurs1 économiques. C’est pourquoi nous nous sommes intéressés aux
mécanismes à l’œuvre dans l’adoption de la norme IFRS 6 qui fixe les règles d’enregistrement de la
prospection et de l’évaluation des ressources minérales.
Notre démarche procède en trois étapes. Une première partie établit les fortes similitudes exis-
tant entre le processus de normalisation comptable internationale et le processus de normalisation
comptable américain. Une deuxième partie fait émerger, à partir de la philosophie de Habermas, les
problèmes éthiques liés à ce mode de normalisation. Enfin, dans une troisième partie, nous analysons
la généalogie des normes comptables européennes concernant les coûts d’exploration pétrolière, afin
de dévoiler les rapports de force à l’œuvre en la matière.

1. La normalisation comptable internationale,


une application du due process anglo-saxon
La normalisation comptable est l’établissement de règles communes dans le « double but d’unifor-
miser et de rationaliser la présentation des informations comptables susceptibles de satisfaire les
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besoins présumés de multiples utilisateurs » (Hoarau, 2003). Sur le plan européen, ce double objectif
d’uniformisation et de rationalisation a été confié à un organisme privé indépendant, l’International
Accounting Standard Board (IASB). L’Union européenne a délégué à l’IASB, dans un règlement du
19 juillet 2002, la mission d’élaborer les règles comptables applicables par les sociétés faisant appel
public à l’épargne au sein de l’espace européen. Dans une procédure comitologique2, la Commission
européenne conserve cependant un droit de regard sur les normes proposées par l’IASB, qu’elle doit
accepter ou rejeter après avoir pris l’avis d’un organisme composé de représentants des différents pays
membres de l’Union européenne : le Comité de Réglementation Comptable Européen (CRCE). Face
à ces acteurs, l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) a été fondé pour assister
la Commission européenne dans l’adoption des normes IFRS à partir des normes IAS. Le rôle de
l’EFRAG est plus spécifiquement de dispenser des conseils sur la qualité technique des normes IFRS.
Organisme privé mis en place par des organisations européennes, qualifiées de Founding fathers,
l’EFRAG joue un rôle non négligeable dans la normalisation comptable européenne. L’EFRAG
n’étant pas à ce jour impliqué dans l’élaboration de la norme IFRS 6 (à notre connaissance un exa-
men de cette norme ne fait pas partie de l’agenda à moyen terme de l’EFRAG), nous avons choisi de
ne pas nous centrer sur la description du mode de fonctionnement de cet organisme.
Afin de mieux comprendre les procédures qui conduisent à l’élaboration des normes comptables
européennes et le principe du due process, qui constitue leur fondement, nous analysons dans un
premier temps le mode de fonctionnement du normalisateur comptable américain, le Financial
Accounting Standard Board. Dans un deuxième temps, nous le comparerons avec celui de l’IASB,
ceci afin de mettre en avant ses caractéristiques propres.

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1.1. Le FASB, un organe de pacification des conflits d’intérêts


L’histoire de la normalisation comptable américaine peut être décomposée en deux périodes (Zeff
2005 a, b). La première période de normalisation (1930-1973) répond à la volonté du législateur
américain de relancer la croissance suite au crack de 1929, par la restauration de la confiance des
investisseurs dans les marchés de capitaux. La mission de définition des règles comptables est confiée
à la Security Exchange Commission (SEC), créée en 1934. En l’absence de compétences techniques
suffisantes, la SEC délègue son pouvoir de régulation à la profession comptable libérale, représentée
par l’Accounting Institute of Certified Public Accountant (AICPA). S’inaugure alors une phase de
coopération entre la SEC et l’Institut des Comptables Américains dont l’organe dédié, l’Accounting
Principles Boards (APB), a pour charge la définition des principes comptables applicables. Cette
collaboration ne tarde pas à révéler ses limites3. En matière de traitement des actifs immatériels, les
positions controversées de l’APB suscitent l’opposition de la SEC, de l’industrie du chiffre, du sec-
teur industriel et du Département du Trésor qui marquent leur préférence pour la méthode du coût
historique et contraignent l’APB à autoriser une dualité des méthodes d’enregistrement des crédits
d’impôts sur investissements. La mise en cause, par la profession comptable elle-même, du quasi-
monopole de l’APB sur la normalisation (Savoie, 1968) aboutit à la création d’un organisme privé et
indépendant, le FASB [Financial Accounting Standard Board]. À partir de 1973, la publication des
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normes comptables américaines échoit au FASB. La Constitution de cet organe indépendant peut
s’interpréter comme une tentative de pacification des rapports de force en jeu tandis que les tensions
entre agents économiques s’exacerbent. L’événement inaugure la seconde phase de la normalisation
comptable américaine.
Le début de cette seconde phase est fortement empreint des préoccupations liées au choc pétrolier
(Zeff, 2003). Le FASB est chargé par la SEC de spécifier le contenu des normes comptables améri-
caines, les normes GAAP [Generally Accepted Accounting Principles]. Dans une nuance qui n’est
pas purement stylistique, l’activité qui consistait à « établir des principes comptables » vise désormais
à « définir des standards ». Les principes ont pour vocation de normaliser les processus de traitement
de l’information comptable tandis que les standards (ou règles) visent plutôt le contenu et la forme de
l’information financière (Hoaurau, 2003).
Le FASB est composé d’experts indépendants choisis par les administrateurs (trustees) d’une
fondation, dans laquelle sont représentées les diverses parties prenantes de l’économie américaine.
Concrètement, les experts du FASB qui doivent, pendant la durée de leur mandat, se consacrer exclu-
sivement à leur activité de normalisateur, sont issus des grands cabinets d’audit. La procédure d’éla-
boration des normes comptables prévue par le FASB comprend plusieurs étapes. Chaque étape est
ouverte à la participation et à l’observation du public, ce qui est une des caractéristiques du processus
de normalisation américain. Tout d’abord, le FASB reçoit des demandes et des recommandations
pour des projets d’élaboration de normes ou la révision de normes existantes. Ces demandes éma-
nent des professionnels du chiffre ou d’acteurs économiques divers. Les informations reçues sont
synthétisées et discutées lors d’une réunion à l’issue de laquelle le bureau du FASB vote pour décider
s’il convient ou non d’ajouter le projet de norme à son planning de travail. La décision est prise à la
majorité simple. Le bureau va ensuite débattre à propos des solutions identifiées et analysées par le
personnel du FASB. Un premier projet de norme est élaboré. Ce projet est parfois exposé lors d’une
table ronde publique. Les réactions recueillies suite à cette occasion sont analysées et peuvent favoriser

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des modifications du projet. Finalement le bureau adopte le texte, éventuellement modifié pour tenir
compte des réactions obtenues, à la majorité simple.
Le processus d’élaboration des normes comptables américaines est ainsi qualifié de due process,
car le FASB sollicite, à chaque étape clef, des retours de la part des parties prenantes. La variété des
acteurs mobilisés est un moyen pour le FASB de concilier la compétition des intérêts en présence
(Miller et al., 1998). D’un point de vue formel la normalisation comptable américaine est donc carac-
térisée par une transparence affichée et par la participation d’une pluralité de participants. Mais l’im-
partialité du FASB a été sujette à de vives critiques de la part du monde académique notamment en ce
qui concerne les phénomènes de lobbying qui la traversent. Pour Savoie (1968) et Tandy et Wilburn
(1992), les entreprises et les cabinets d’audit exercent des pressions considérables sur le FASB, indui-
sant une rupture de l’égalité de traitement entre les participants à la négociation. Or selon Fogarty et
al. (1994), « rien n’est plus propre à entamer la crédibilité du reporting financier que la suspicion que
les résultats reportés sont prédéterminés et que les méthodes comptables utilisées sont sélectionnées
pour produire les résultats désirés par ceux qui préparent le rapport ». Ces critiques ne sont cependant
pas unanimes. Ainsi pour Hussein et Ketz (1991), les rapports de pouvoir en jeux au sein du FASB
ne compromettent pas le fonctionnement de l’organe de normalisation car aucun d’entre eux n’est
dominant.
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Les critiques formulées à l’égard du processus de normalisation comptable américain peuvent
être étendues dans une certaine mesure au fonctionnement de l’IASB, en raison des similitudes qui
existent entre cet organisme et le FASB. Toutefois le mode de fonctionnement propre à l’IASB et les
enjeux économiques entre les pays membres de l’Union européenne accroissent l’aspect politique de
la normalisation comptable européenne.

1.2. L’IASB et son fonctionnement, une réplique du modèle américain ?


L’IASB est un organisme privé indépendant, de droit britannique, basé à Londres. Il est contrôlé
par l’IASCF (IASC Foundation), une fondation basée aux États-Unis et financée par de grandes
entreprises industrielles et de services, par des firmes d’audit et par des organisations internatio-
nales et publiques. Il s’agit d’un premier point de similitude entre l’IASB et le FASB. L’International
Accounting Standards Committee (IASC), ancêtre de l’IASB, a été créé la même année que le FASB,
en 1973 par les organisations comptables professionnelles de plusieurs pays, dont la France, les États-
Unis ou encore le Japon. Suite à la décision de l’Union européenne d’adopter les normes comptables
internationales, l’IASC se réorganisa afin de renforcer son indépendance, en particulier vis-à-vis de
la profession comptable (Colasse, 2007).
La structure et le fonctionnement de l’IASB sont finalement assez semblables à ceux du FASB
tant par la composition de cet organisme que par les procédures de discussion et d’élaboration des
normes comptables.

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1.2.1. COMPOSITION DE L’IASB


L’IASB comprend 14 membres de neuf nationalités différentes, nommés par les trustees de
l’IASCF. L’IASB est chargé de développer dans l’intérêt public un ensemble de règles comptables
applicables à la production des états financiers dans une perspective de globalisation des échanges
économiques. En plus de cette mission, l’IASB coopère avec les normalisateurs comptables nationaux
pour favoriser la convergence des normes comptables sur la planète. La structure de l’IASB est présen-
tée dans le graphique 1. Les membres de l’IASB sont caractérisés comme des experts. Ils sont souvent
d’anciens auditeurs des grands cabinets d’audit.

Graphique 1
L’organisation de l’IASB

International Accounting
Standards Committee
Foundation
(19 Trustees)
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International
Accounting
Standards Board
Standards Advisory
National standard Council
setters and other (14 Board Members)
interested parties
Advisory Committees

International Financial
Key Reporting Interpretations
Appoints Commitee (12)
Reports to
Membership inks
Director of Technical
Advises Director of Operations Activities
and non-Technical Staff and Technical Staff

Source : Site internet de l’IASB

1.2.2. LE FONCTIONNEMENT DE L’IASB


Le fonctionnement de l’IASB est détaillé dans un document « IASC Foundation Constitution ». Il est
synthétisé dans un manuel de due process élaboré en avril 2006. Comme cela est prévu pour le FASB,
l’IASB a recours à de multiples consultations afin d’améliorer sa compréhension des différentes alter-
natives envisageables en matière de normes comptables et des conséquences de ces alternatives sur les
parties concernées. Le processus de normalisation repose sur les principes suivants :

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140 LE CAS DE LA PROSPECTION ET DE L’ÉVALUATION DES RESSOURCES PÉTROLIÈRES

• Un principe de transparence et d’accessibilité suppose que les réunions du Conseil de super-


vision des normes (SAC : Standards Advisory Council), de l’IASB et de ses groupes de travail sont
ouvertes au public. Les comptes rendus de ces réunions sont consultables sur le site de l’IASB.
• Un principe de consultation élargie suppose que l’IASB organise régulièrement de vastes
consultations, organise des groupes de travail favorisant la discussion entre les parties prenantes.
• Un principe de responsabilité suppose que l’IASB doit justifier les raisons qui peuvent l’amener
à ne pas respecter certaines étapes du processus de consultation.
Plus précisément, le processus d’élaboration des normes comptables mis en œuvre par l’IASB
comprend six étapes, détaillées dans le tableau ci-après.

Tableau 1
Les étapes du fonctionnement de l’IASB
Étape Objectif Commentaires

1 Poser le calendrier L’IASB reçoit des demandes de révision des normes en vigueur puis évalue
la pertinence de ces demandes et leur priorité afin d’établir son calendrier
de travail. La majorité requise à ce niveau est la majorité simple.
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2 Planification du L’IASB peut décider de mener le projet d’élaboration ou de révision de
projet la norme seule ou en collaboration avec d’autres organismes. L’IASB
constitue un groupe de travail. La majorité requise à ce niveau est la
majorité simple.

3 Élaboration et La publication d’un avant-projet, soumis à la discussion des parties


publication d’un prenantes est une des étapes clés de la procédure. Ce texte comprend
avant-projet en général les approches envisageables, le point de vue préliminaire
des rédacteurs et une invitation à discussion. Une période de 4 mois est
en général ouverte pour permettre la discussion de l’avant-projet. Les
commentaires sont collectés et synthétisés par l’IASB. La majorité requise
à ce niveau est la majorité simple.

4 Développement et Un projet tenant compte des commentaires collectés est rédigé et rendu
publication du projet public. Une période de 4 mois est à nouveau ouverte pour collecter les
commentaires éventuels des parties prenantes. La majorité requise à ce
niveau est la majorité de 9 voix.

5 Développement et L’IASB peut décider de rallonger la procédure en modifiant le projet


publication de la initial pour intégrer certains éléments. Après avoir pris en compte les
norme IFRS commentaires reçus, jugés pertinents, l’IASB rédige et publie la norme
IFRS. La norme est adoptée à la majorité de 9 voix.

6 Procédures Des réunions régulières sont menées afin d’anticiper les conséquences
postérieures à prévisibles de la norme et d’engager des actions destinées à assurer
l’adoption d’une l’effectivité de la norme publiée.
norme

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LE CAS DE LA PROSPECTION ET DE L’ÉVALUATION DES RESSOURCES PÉTROLIÈRES 141

Nous pouvons ainsi souligner les ressemblances existant entre le fonctionnement du FASB et celui
de l’IASB. En effet, si les étapes du processus laissent une large place à la consultation des parties
prenantes, et si ces différentes phases sont transparentes, la composition même de l’IASB peut lais-
ser présager le développement de rapports de pouvoir pesant sur l’adoption des normes comptables.
Les parties prenantes qui sont financièrement les mieux dotées et celles qui sont les plus influentes
peuvent en effet peser plus lourdement sur les débats. Comme nous l’avons signalé la normalisation
comptable américaine peut être définie comme un processus essentiellement politique qui n’échappe
pas à des pratiques courantes de lobbying, c’est-à-dire à des pratiques d’influence exercées par des
groupes de pression auprès des décideurs publics (Hussein et Ketz, 1991). Dès lors, quels sont les
dangers éthiques découlant du fonctionnement de l’IASB et du principe du due process ?
Pour répondre à cette question, nous proposons de mobiliser la pensée de Habermas. La distinc-
tion qu’il opère entre l’agir stratégique et l’agir communicationnel nous sert de grille de lecture pour
poser les critères d’une normalisation conforme à l’éthique. Il est courant d’opposer au point de vue
quelque peu idéaliste de Habermas la conception pragmatique de l’établissement des normes que se
fait John Rawls. Nous verrons toutefois que malgré d’indéniables différences, cette opposition n’est
qu’apparente, les deux auteurs s’accordant sur les valeurs fondamentales de la démocratie libérale.
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2. La philosophie de Habermas, grille de lecture
des enjeux éthiques de la normalisation
comptable internationale
L’influence de Habermas dans le domaine des sciences de gestion est considérable (Antoine et
Duchamp, 2004). La théorie de l’agir communicationnel a été mobilisée pour comprendre les pro-
cessus décisionnels et notamment la planification (Forester, 1985), le développement des systèmes
d’information (Myers et Young, 1997 ; Klein et Myers, 1998 ; Kwon, 2002) ou encore les rapports
entre le droit et la comptabilité (Arrington et Puxty, 1991 ; Broadbent et Laughlin, 1994 ; Power et
Laughlin, 1996). Sa théorie de l’action nous intéresse directement car elle peut se lire comme une
entreprise destinée à faire émerger les liens existants entre le politique, les valeurs et la connaissance.
En effet, une question guide constamment Habermas : comment créer les conditions d’une partici-
pation démocratique dans la vie quotidienne (Pusey, 1987) ? La pensée de Habermas permet dès lors
de mieux cerner les problèmes posés par l’évolution de la normalisation comptable et les conditions
d’une négociation compatible avec les exigences démocratiques. C’est pourquoi, après avoir synthétisé
l’apport de la théorie de l’action habermassienne, nous la mobiliserons pour expliciter les problèmes
éthiques posés par la normalisation comptable internationale.

2.1. L’apport de la théorie de l’action de Habermas


Les normes comptables sont à la fois des normes juridiques (pour certaines d’entre elles) et des normes
techniques. Elles reposent sur des conventions (Mistral, De Boissieu, Lorenzi, 2003 ; Amblard,
2002). Or, contrairement aux normes morales, les normes juridiques et techniques ne sont légitimes
que si elles peuvent être justifiées non seulement sur le plan axiologique mais également sur le plan

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LA NORMALISATION COMPTABLE INTERNATIONALE ANALYSÉE COMME UN PROCESSUS POLITIQUE
142 LE CAS DE LA PROSPECTION ET DE L’ÉVALUATION DES RESSOURCES PÉTROLIÈRES

pragmatique. Elles doivent en effet proposer la meilleure représentation possible d’une réalité écono-
mique toujours en mouvement. Cela implique que la norme soit issue de la confrontation des points
de vue des acteurs concernés.
Ainsi, est légitime une norme juridique qui résulte d’une procédure démocratique autorisant la
libre expression des parties concernées. Habermas définit les caractéristiques et les conditions que
doit respecter cette procédure à partir de la distinction qu’il opère entre l’agir stratégique et l’agir
communicationnel. Cette distinction le conduit à poser le cadre d’une éthique de la discussion qui
seule peut garantir la production de normes légitimes.

2.1.1. LES DIFFÉRENTES CATÉGORIES D’ACTION


Dans la théorie de l’agir communicationnel (1987), Habermas distingue cinq types d’action : l’action
téléologique, l’action stratégique, l’action normative, l’action dramaturgique et l’action communica-
tionnelle. Les deux premiers types d’action sont des actions instrumentales ; elles sont orientées vers le
succès d’un groupe d’acteurs. Les trois dernières sont des actions culturelles ; elles sont orientées vers
la compréhension des acteurs impliqués.

Tableau 2
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Les catégories d’action dans la philosophie de Habermas
Type d’action Définition

Action téléologique Action finalisée (ou instrumentale) : l’acteur vise l’atteinte d’un but, avec
Actions instrumentales

efficacité et efficience, en déployant les moyens appropriés. L’acteur mobilise


des modèles physiques ou comportementaux et le monde dans lequel il
intervient est considéré comme objectif et rationnel.

Action stratégique Action finalisée (ou instrumentale) impliquant au moins deux acteurs.
Contrairement à l’action téléologique, l’action stratégique, suppose que l’on
prenne en considération les décisions d’au moins un acteur supplémentaire.
Vise l’utilité individuelle. Coordination des acteurs par intérêt

Action normative Action régulée par des normes et des valeurs communes à un groupe social.
Actions de compréhension

Le groupe social élabore des normes de comportement et attend des acteurs


qu’ils respectent ces normes, ce qui rend le comportement social prédictible.

Action Action qui implique l’expérience personnelle vécue du sujet. L’acteur fait
dramaturgique naître dans un auditoire une certaine impression résultant du dévoilement
partiel de sa subjectivité.

Action Action consistant à engager une relation interpersonnelle par le médium du


communicationnelle langage. Vise la coordination et l’atteinte d’un consensus. Coordination des
acteurs par acceptation réciproque.

L’opposition entre action stratégique et action communicationnelle peut nous permettre de com-
prendre les relations de pouvoir en jeu dans l’élaboration des normes comptables. L’action straté-
gique est une action dont le but est d’influencer autrui pour satisfaire son propre intérêt. Le moteur

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LE CAS DE LA PROSPECTION ET DE L’ÉVALUATION DES RESSOURCES PÉTROLIÈRES 143

de l’action stratégique est le succès. Pour cela, elle repose sur des jeux d’influence ouverts (guerre,
manifestation de force) ou masqués (endoctrinement, lobbying). Ce type d’action implique, dès
lors, de présenter un projet ou une réalité sous des aspects flatteurs qui favorisent sa recevabilité et
minimisent ses inconvénients. Au contraire, l’action communicationnelle est destinée à atteindre
l’entente des participants. Le moteur de l’action communicationnelle est ainsi l’intercompréhension
et l’argumentation. Cela ne signifie pas que l’agir communicationnel est le règne de l’altruisme. Mais
dans une action communicationnelle, les plans des participants ne sont pas coordonnés par de purs
calculs d’intérêts égocentriques. Ils visent l’obtention d’une entente ou consensus. Dans le voca-
bulaire d’Habermas, le consensus se distingue du compromis. En effet, le consensus repose sur un
assentiment et donc des convictions communes. « Les procès d’intercompréhension visent un accord
qui satisfasse aux conditions d’un assentiment, rationnellement motivé, au contenu d’une expression »
(Habermas, 1987, p. 297). La notion de consensus suppose en outre, contrairement au compromis,
un accord sans réserve. Dès lors, il s’agit nécessairement d’une idée limite, vers laquelle on doit tendre
tout en sachant qu’il est impossible de l’atteindre en pratique.
Dans la typologie forgée par Habermas, seule l’action communicationnelle est compatible avec la
démocratie. Cela ne signifie pas que toute action stratégique soit bannie d’un régime démocratique.
Habermas a conscience du fait que l’agir communicationnel pur est une construction proprement
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théorique et que toute relation interpersonnelle relève en partie de l’agir stratégique. Mais les procé-
dures d’élaboration des normes juridiques doivent tendre vers l’agir communicationnel et le favoriser.
Pour cela, le processus normatif doit être fondé sur une éthique de la discussion.

2.1.2. LES CONDITIONS D’UNE ÉTHIQUE DE LA DISCUSSION


Habermas définit la discussion comme une forme de communication dans laquelle les énoncés dont
la validité est problématique sont examinés par les acteurs du point de vue de leur justification (1972,
p. 279). L’éthique de la discussion est ainsi une morale formelle, centrée sur le mode d’élaboration,
de justification et de révision des normes. Elle n’évalue pas le contenu des normes sociales, elle ne
propose pas de mode de vie mais elle peut être mobilisée pour évaluer la pertinence et la valeur poli-
tique et éthique d’une procédure.
L’éthique de la discussion se décline en deux principes qui doivent être conjugués : le principe D
et le principe U. Selon le principe D (principe de discussion), une norme ne peut être valide que si
la totalité des personnes concernées ont pu prendre part à sa négociation. Ce principe implique que
chaque membre de la communauté ait le droit de participer à la discussion et jouisse d’un droit égal à
la prise de parole. Chaque acteur doit avoir la faculté de faire des propositions, de les expliquer mais
également de réfuter les propositions des autres parties. L’effectivité de ce principe suppose en outre
que la négociation ne soit pas influencée par une contrainte extérieure. Pour cela, une transparence
totale des discussions doit être garantie. Selon le principe U (principe d’universalisation), une norme
ne peut être valide que si ses conséquences prévisibles sont acceptables par toutes les personnes con-
cernées et préférables aux conséquences qui seraient engendrées par un autre type de règlement. La
conjonction de ces deux principes suppose de prendre en compte les intérêts de toutes les personnes
qui peuvent être affectées par la norme examinée et de tenir compte des jugements que lesdites per-
sonnes portent sur la norme.

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144 LE CAS DE LA PROSPECTION ET DE L’ÉVALUATION DES RESSOURCES PÉTROLIÈRES

On pourrait reprocher à Habermas de raisonner dans le cadre d’une communauté idéale compo-
sée de personnes non sensibles au marchandage éventuel et à l’égoïsme. L’éthique de la discussion de
Habermas doit être lue comme un modèle vers lequel on doit tendre et non un mode d’emploi prêt
à être utilisé. Une rapide comparaison avec la position de John Rawls relative aux normes morales
permet de montrer que la conception de Habermas est tout sauf naïve.
Aux yeux de Rawls, les normes préexistent à toute forme d’éthique ; elles ne sauraient donc être
validées par une discussion. Rawls est convaincu que les normes n’émergent pas magiquement d’une
discussion libre et désintéressée, comme Habermas semble le croire. Elles précèdent au contraire tout
dialogue et sont même la condition d’un échange positif. De fait, il faut admettre avec Rawls que
les normes morales ne résultent pas de la délibération, mais sont antérieures à elle. L’universalisation,
découlant du principe U, serait pour le moins arbitraire si les agents rationnels parvenant à un
consensus n’étaient pas d’emblée d’accord sur un certain nombre de droits fondamentaux ou univer-
sels. Ce serait pourtant un contresens de croire que les normes sont pour Habermas toujours posées
a posteriori. En réalité, l’éthique de la discussion échappe à l’écueil du relativisme dans la mesure
où elle se fonde sur la vérité objective et la justification rationnelle. Tout en permettant à chacun
de donner librement son opinion et d’exprimer ses intérêts, le dialogisme de Habermas peut à juste
titre prétendre à l’universalité parce qu’il dépasse la simple subjectivité. Comme l’écrit le philosophe
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allemand, « ce qui est requis, c’est un « véritable » processus d’argumentation dans lequel les individus
concernés coopèrent » (1987). Un « véritable » processus d’argumentation donc, et non un faux « débat
d’idées », où le but n’est pas d’atteindre la vérité, mais d’entraîner l’adhésion à n’importe quel prix.
Une discussion digne de ce nom suppose que ceux qui y prennent part sont raisonnables et que leurs
arguments sont universalisables.
Il ne faudrait pas en effet oublier que cet éminent représentant de l’École de Francfort qu’est
Habermas est d’abord kantien, tout comme Rawls. Il rejette bien sûr le « monologisme » de Kant
(et de Rawls), mais reprend à son compte les principaux présupposés kantiens, à commencer par la
croyance en l’universalité de la raison pratique. L’opposition entre le normativisme de Rawls et la
démocratie délibérative de Habermas, que les auteurs de manuels se plaisent à durcir, n’a donc pas
lieu d’être. Leurs conceptions sont plutôt complémentaires, même s’il faut reconnaître que Habermas
saisit mieux la portée morale de la « sphère publique ».
Nous pensons en effet comme lui qu’un point de vue normatif qui ne tiendrait pas compte
de la négociation entre les différents sujets concernés doit être rejeté. Un véritable consensus entre
agents raisonnables est requis pour actualiser des normes morales qui seraient sans cela abstraites et
formelles. Pour être rationnelle, la justification doit donc être interpersonnelle. L’éthique de la discus-
sion est en ce sens particulièrement adaptée à nos démocraties modernes et elle n’oblige pas à renoncer
à l’exigence kantienne d’universalité.
Peut-on dire alors que le mode de fonctionnement de l’IASB, répond, sur le plan formel, aux cri-
tères d’une éthique de la discussion ? Les procédures en œuvre relèvent-elles de l’agir stratégique ou
de l’agir communicationnel ?

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LE CAS DE LA PROSPECTION ET DE L’ÉVALUATION DES RESSOURCES PÉTROLIÈRES 145

2.2. Les problèmes éthiques posés par la normalisation


comptable internationale
L’éthique de la discussion suppose que les procédures d’élaboration des normes juridiques et poli-
tiques reposent sur la représentation de tous les intérêts en jeu et l’organisation d’un dialogue ouvert
entre les parties prenantes. Ainsi, la procédure, l’institutionnalisation du dialogue, fondent l’accepta-
bilité des normes et des résultats par les acteurs engagés. En d’autres termes, un espace démocratique
doit intégrer les voix marginales au processus d’élaboration des normes sociales et politiques. La
procédure du due process, fondée à la fois sur la consultation des acteurs économiques impliqués et sur
la compétence technique d’experts, devrait a priori répondre aux exigences d’une éthique de la dis-
cussion. Cependant, parce que tous les acteurs, intervenants dans le débat qui précède l’adoption des
normes par le bureau de l’IASB, n’ont pas les mêmes moyens d’action et le même poids, le caractère
équitable du débat peut être faussé. Le tableau 3 synthétise les éléments du fonctionnement de l’IASB
qui sont compatibles avec l’éthique de la discussion et ceux qui au contraire ne le sont pas.

Tableau 3
Le fonctionnement de l’IASB selon les critères
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de l’éthique de la discussion
Éléments relatifs au fonctionnement de Éléments relatifs au fonctionnement de
l’IASB satisfaisant au principe l’IASB ne satisfaisant pas au principe

Toutes les personnes concernées par la norme Chaque acteur a-t-il le même droit à la parole ?
peuvent intervenir dans le débat conduit par Les ressources financières et techniques
l’IASB (consultation élargie). déployées peuvent jouer.
Discussion
Principe D

La procédure d’élaboration de la norme est Des actions relevant de « l’agir stratégique »


transparente (les différents stades sont relayés (lobbying) peuvent être exercées entre les
notamment sur le site internet de l’IASB). différentes étapes.

Les conséquences prévisibles des normes Les conséquences prévisibles des normes
Universalisation

discutées sont examinées par l’IASB. discutées sont rarement acceptables pour
Principe U

toutes les parties prenantes, dans la mesure où


leurs intérêts divergent. Les conséquences de la
norme pour les groupes économiques les plus
influents priment.

Une analyse des procédures formelles de l’IASB nous conduit à affirmer que les critères propres
à une éthique de la discussion semblent globalement respectés. Il en est ainsi du principe D (discus-
sion) : la discussion entre les parties prenantes est en effet organisée aux différents stades d’élabora-
tion de la norme, de sa proposition qui peut émaner des acteurs économiques, à la réaction parties
prenantes face à la proposition de norme de l’IASB. De même, de par sa volonté de prendre en compte
les conséquences économiques des normes comptables produites, l’IASB répond partiellement au
principe U (universalisation).

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Mais dans les faits chaque acteur a-t-il les mêmes droits à la discussion des normes comptables ?
Chaque acteur a-t-il le même poids dans la négociation ? La transparence laisse l’impression à l’acteur
lambda qu’il peut intervenir à chaque étape du processus. Mais, en fait, elle sert surtout les intérêts
des groupes de pression. En effet, les phénomènes de résistance et de lobbying, observés au sein du
FASB laissent présager l’existence de telles manœuvres, relevant du seul agir stratégique, dans la nor-
malisation comptable internationale. Les arbitrages opérés par l’IASB peuvent dès lors être guidés par
les rapports de force en présence, notamment sur le plan économique, et par le point de vue d’experts
techniques. Dans cette perspective, Habermas fustige la culture des experts qui se manifeste dans des
pans entiers de la réglementation. En effet, l’État tend à se désengager de l’élaboration des normes
juridiques au profit d’entités regroupant des experts. La comptabilité est justement l’une de ces aires
où le législateur transfère une partie de son pouvoir à des élites, dont la légitimité s’auto alimente de
l’usage d’une rhétorique technique. En ce sens, la comptabilité est exemplaire du mouvement par
lequel le processus normatif se transforme en expertocratie. Cela ne signifie pas qu’il faille proscrire
les experts des processus normatifs pour assurer leur légitimité. Mais il est indispensable que leur dis-
cours soit public (Broadbent et Laughlin, 1995). À défaut de cela, il existe un risque de colonisation
de l’espace public par la bureaucratie technique. Ce danger est d’autant plus grand que le due process
a été lui-même adopté par des experts et ne saurait revêtir une réelle légitimité démocratique.
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Le principal danger éthique des procédures de fonctionnement prévues pour l’IASB réside ainsi
dans les éventuels phénomènes de lobbying susceptibles de peser sur le cours de la définition d’une
norme comptable. La réglementation comptable internationale propre aux coûts d’exploration pétro-
lière fournit justement un exemple, particulièrement probant, pour illustrer la place primordiale
accordée par le normalisateur au poids économique des parties prenantes et les jeux d’influence qui
en découlent. Il convient donc à présent de nous centrer sur les déterminants qui ont conduit à l’adop-
tion de la norme IFRS 6 consacrée à l’exploration des ressources minérales.

3. L’adoption de la norme IFRS 6 :


le résultat de jeux d’influence ?
Afin de montrer que le processus de définition de la norme IFRS 6 est perméable aux jeux de pouvoir
entre les acteurs influents du secteur des ressources minérales, nous avons choisi d’étudier les moda-
lités particulières d’élaboration de cette norme IFRS 6. La plupart des recherches menées en matière
de régulation comptable se fondent sur des méthodes qualitatives à base d’analyse de documents et
d’entretiens (Chantiri, 2000). Certaines se centrent sur une approche plus historique. En accord avec
le cadre d’analyse que nous avons retenu, à savoir l’éthique de la discussion de Habermas, nous avons
choisi d’étudier le calendrier d’élaboration de la norme IFRS 6, son contenu (en le comparant à la
norme américaine SFAS 69) et la composition des groupes de discussion chargés de sa définition afin
de révéler d’éventuels rapports de force ou déséquilibres à l’œuvre.
Après avoir présenté les enjeux pesant sur la réglementation comptable propre à l’industrie pétro-
lière à partir du cas américain, nous retraçons la chronologie de l’élaboration de la norme IFRS 6,
puis nous discutons de sa pertinence en la comparant à la norme américaine SFAS 69.

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LE CAS DE LA PROSPECTION ET DE L’ÉVALUATION DES RESSOURCES PÉTROLIÈRES 147

3.1. La régulation comptable propre au pétrole,


le fruit de détenteurs d’enjeux
L’analyse concrète de l’exemple américain nous permet de mieux comprendre ce qui se joue dans la
réglementation comptable de l’activité pétrolière. C’est pourquoi, après avoir présenté les différentes
méthodes utilisées aux États-Unis pour l’enregistrement des coûts d’exploration pétrolière, nous
retraçons le débat politico-économique relatif à l’adoption de ces normes par le FASB.

3.1.1. LES MÉTHODES D’ENREGISTREMENT DES COÛTS D’EXPLORATION


PÉTROLIÈRE UTILISÉES AUX ÉTATS-UNIS
Jusqu’à la fin des années 1970, les institutions comptables américaines autorisaient l’enregistrement
des coûts d’exploration pétrolière selon trois méthodes distinctes :
• la méthode des full expense accounting (FE), dans laquelle toutes les dépenses d’exploration pétro-
lière doivent figurer en charges ;
• la méthode du successfull effort accounting (SE), dans laquelle les dépenses ayant permis la décou-
verte de nouvelles ressources d’hydrocarbures peuvent être immobilisées ;
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• et la méthode du full costing (FC), dans laquelle toutes les charges générées par l’activité d’ex-
ploration peuvent être immobilisées.
Dans la pratique, seules les deux dernières méthodes sont utilisées. Le choix de la méthode du
SE ou du FC n’est pas neutre sur le plan comptable (Antill et Arnott, 2000). Ainsi le recours à la
méthode du SE a pour effet de minorer le résultat tandis que la méthode du FC tend à le majorer.
Plusieurs études ont permis de dresser une typologie des entreprises ayant recours à la méthode du SE
ou du FC. La méthode du SE est ainsi préférée par les organisations de grande taille. Au contraire,
les organisations de petite taille, ou centrées sur l’activité amont (exploration-production) sont en
général plus endettées et plus agressives en exploration (Deakin, 1979 ; Dhaliwal, 1980). Dès lors,
elles montrent une réelle préférence pour l’immobilisation de la totalité des coûts d’exploration, ce
qui leur permet de majorer d’autant leur résultat. Ces différents éléments ont été invoqués par les
compagnies pétrolières lors des débats relatifs à l’uniformisation des méthodes comptables applicables
aux coûts d’exploration. L’analyse des débats relatifs à l’harmonisation de ces méthodes comptables
aux États-Unis montre qu’elle relève d’un compromis instable entre les intérêts divergents des acteurs
économiques en présence.

3.1.2. VERS L’ÉLABORATION DE LA NORME SFAS 69


Suite au premier choc pétrolier, les effets de la dépendance pétrolière américaine se traduisent par un
ralentissement de l’activité économique. Pour faire face à la survenance inattendue de la volatilité du
prix du baril et mieux appréhender la question des prix durablement élevés, le congrès américain met
en place, en 1975, un plan global : le Energy Policy and Conservation Act. Dans le but de faciliter la lec-
ture des informations comptables, le Congrès demande à la SEC de mettre un terme à l’hétérogénéité
des pratiques et impose au FASB un choix entre la méthode du SE et la méthode du FC.
La publication de la norme SFAS 19, en 1977, instaure la méthode du SE comme seule référence,
favorisant ainsi les grandes entreprises pétrolières et soulevant de vives critiques. Une joute politique

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148 LE CAS DE LA PROSPECTION ET DE L’ÉVALUATION DES RESSOURCES PÉTROLIÈRES

s’engage tandis que le Congrès et les Départements de la Justice et de l’Énergie se rallient aux petites
entreprises pétrolières qui se considèrent comme pénalisées par cette décision. En 1978, pour la
seconde et dernière fois, depuis sa création, le FASB est outrepassé par la SEC qui requière une
nouvelle méthode comptable destinée aux activités de production de gaz et de pétrole sous le nom
de Reserve Recognition Accounting (RRA) (Anonyme, 1978). Cette publication doit contenir un
supplément informatif portant sur la valeur des réserves prouvées ainsi que l’information relative aux
cash flows issus de l’activité de production mais oblige surtout les entreprises à mettre en œuvre (dans
un délai de trois ans) l’application d’une nouvelle méthode d’enregistrement des coûts d’exploration,
intégralement passés en charge.
Le débat politique suscité par cette obligation nouvelle rejetant conjointement les méthodes du SE
et du FC, au terme de quatre années d’échanges (de 1978 à 1982), démontre que le contexte normatif
américain s’établit strictement dans un souhait politique d’adaptation des images comptables et finan-
cières au contexte économique. En effet, les arguments pesant sur la controverse s’inscrivent dans des
préoccupations sociales et sociétales relevant de la nécessité de réduire la volatilité des revenus publiés
(argument du Congrès) et de la crainte d’une concentration des entreprises du secteur pétrolier. Ce der-
nier argument était notamment défendu par les plus petites entités. La SFAS N° 69 éditée par le FASB
en 1982, conclut la querelle en instaurant en complément des coûts historiques (SE et FC) le principe
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de reflet des valeurs courantes des réserves au travers d’un ensemble d’éléments voulus exhaustifs (la
mesure standardisée des cash flows futurs actualisés). Cette norme maintient ainsi un compromis de
pluralité des normes comptables relatives à l’enregistrement des coûts d’exploration pétrolière et satis-
fait les demandes des analystes financiers et des ingénieurs pétroliers (Zeff, 2005 a et b).
La normalisation comptable américaine dans le domaine de l’énergie est complexe car elle doit
répondre à une double contrainte. D’une part, l’image comptable destinée aux investisseurs doit être
intelligible, pertinente et fiable. D’autre part, il est impossible de négliger l’impact des règles et des
contraintes comptables sur la performance des entreprises du secteur pétrolier qui ont un poids subs-
tantiel sur l’économie nationale. Il faut dès lors dénouer le paradoxe du citoyen actionnaire exigeant à
la fois dans sa consommation d’énergie et en matière de rentabilité des actifs financiers. La difficulté
de résolution de ce paradoxe qui ne peut se résumer par l’optimisation d’un système d’équations sous
contrainte, rend les décideurs moins imperméables à des considérations d’ordre privées, relayées par
des lobbys (Bourgeois et Nizet, 1995). À cet égard, l’acceptation d’une double méthode d’enregistre-
ment des coûts comptables peut s’analyser comme un compromis au sens d’Habermas. Ce compro-
mis témoigne d’un échec dans la recherche d’un consensus que la divergence des intérêts des acteurs
n’a pas autorisé.
Pour rompre avec les pressions et les pratiques décriées de l’APB, le FASB choisit dès 1973 d’ex-
clure les entreprises industrielles du processus de détermination des normes comptables. Cette réor-
ganisation n’a cependant pas permis d’éviter les jeux de pouvoirs liés à la normalisation comptable.
L’impossibilité de parvenir à un consensus peut dès lors être expliquée de trois manières distinctes.
Un premier élément d’explication renvoie à une politique de lobbying figeant le débat (Watts et
Zimmermann, 1978) et laissant l’agir stratégique dominer la négociation. Ce lobbying, émanant
des entreprises pétrolières consisterait pour les dirigeants à maintenir leur pouvoir discrétionnaire
dans la gestion des résultats (Asekomeh, Russel et Tarbert, 2006). Un second élément d’explication
pourrait résulter d’une définition du secteur pétrolier trop large. Celui-ci englobe en effet à la fois les

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LE CAS DE LA PROSPECTION ET DE L’ÉVALUATION DES RESSOURCES PÉTROLIÈRES 149

entreprises intégrées – acteurs majeurs du marché – et les entreprises spécialisées sur l’amont. Or ces
deux types d’acteurs ont des intérêts économiques divergents. Enfin, un troisième élément d’explica-
tion est relatif à l’avantage économique découlant de la liberté laissée aux entreprises. Le fait de laisser
les entreprises communiquer selon les méthodes qui leur semblent les plus efficaces, permet de main-
tenir un niveau concurrentiel dans le secteur et d’assurer l’approvisionnement des consommateurs et
la défense des individus. Ce compromis pourrait alors s’interpréter comme un processus éminem-
ment sociétal. Le débat peut toutefois se poursuivre en s’étendant à la normalisation internationale.
La normalisation comptable au sein de l’espace européen est en effet caractérisée par une complexité
accrue du fait des jeux politiques entre les États membres. Aux stratégies développées par les acteurs
privés (entreprises et cabinets d’audit notamment) s’ajoutent les conflits entre les représentants des
différents États.

3.2. La norme IFRS 6, un compromis entre


acteurs économiques en présence ?
Dans ce contexte et face à ces attentes, la norme IFRS 6 a été publiée peu de temps avant la mise
en application des IFRS et inscrite à l’agenda de l’IASB depuis 1998. Afin de montrer que la norme
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IFRS 6 résulte d’un compromis économique, au sens de Habermas, nous avons choisi de mesurer
l’influence des parties prenantes engagées dans l’élaboration de la norme à partir des taux de présence
de chaque catégorie d’acteurs dans les panels de discussion. Cette approche est de nature à nous four-
nir des indices sur le poids respectif de chaque acteur.

3.2.1. L’ÉTUDE DU COMITÉ DE PILOTAGE


Depuis 1998, l’IASB travaille à un projet de réglementation comptable propre à l’exploration et à
l’évaluation des ressources minérales. Le tableau 4 relate les grandes étapes de la réflexion de l’IASB.
Tandis que le caractère temporaire de la norme semble indiquer un continuum du dialogue, le déve-
loppement d’une nouvelle ébauche de discussion initialement prévue pour le courant de l’année 2008
a été repoussé à la fin de l’année.
Les discussions portant sur la définition de l’IFRS 6 ont rassemblé des experts conseillers (advisory
panel) autour d’un comité de pilotage qui lui était spécialement dédié4. Si l’on suppose que les acteurs
en présence disposent d’un temps de parole et d’un poids égal dans le dialogue, l’analyse de l’origine
des membres du comité consultatif – panel – (présentée dans le tableau 5) laisse apparaître une com-
position qui entre en contradiction avec les exigences d’une éthique de la discussion telle que nous
l’avons présentée dans la deuxième partie de cet article. En effet, selon le principe D (discussion), tous
les acteurs engagés dans le processus de négociation doivent être représentés d’une manière équilibrée
afin de bénéficier d’un accès identique à la parole.

Or, la formation du comité de pilotage de la norme IFRS 6 réhabilite le rôle de l’industrie dans
le processus de définition des normes comptables. Le comité est constitué d’une forte proportion de
représentants de la profession comptable issue des entreprises concernées par l’application des normes

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Tableau 4 : Projet sur l’industrie d’extraction porté par l’IASC


Projet sur l’industrie d’extraction porté par l’IASC

ACTIVITÉS RÉALISÉES

1998 Création d’un comité de pilotage chargé de travailler sur l’information financière
émise par les industries d’extraction.

Novembre 2000 Publication de l’avant-projet IASC, 52 lettres de commentaires parviennent en


réponse.

Septembre 2002 Le comité informe de l’impossibilité de réaliser un projet exhaustif avant la mise en
application des normes IFRS et propose l’adoption d’une norme temporaire.

16 janvier 2004 Publication de l’Ébauche ED 6 « Exploration pour et évaluation des ressources


minérales », en tant que solution provisoire.

10 décembre 2004 Publication de l’IFRS 6.

30 juin 2005 Amendement portant sur la diffusion d’informations comparatives. Correction


de IFRS 1.36B. Proposition de la modification en avril 2005. Proposition de
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modification formulée le 2 mai 2005. Échéance maximale pour considérer les
lettres de commentaires : 3 juin 2005.

1er janvier 2006 Date de mise en application de l’IFRS 6.

Octobre 2006 Reprise des consultations avec en outre prise de connaissance détaillée des
différentes normes co-existant au niveau mondial.

OBJECTIFS COMMUNIQUÉS

Fin 2008 Publication d’un avant-projet sujet à discussion.

Fin 2009 Développement d’une ED (nouvelle ébauche), projet modifié après les
concertations publiques.

Fin 2010 Finalisation de la norme définitive.

(67 % de l’effectif). Six représentants des majors sont mentionnés parmi les professionnels du chiffre, ce
qui procure aux grandes entreprises une représentativité de 18 %. En comparaison, les « utilisateurs5 »
sont représentés à hauteur de 12 %. D’autre part, les États-Unis contribuent à 50 % à cet effectif, avec
une représentation maximale de la catégorie « utilisateur » (29 %). Deux des quatre représentants des
utilisateurs proviennent d’organismes de régulation, les deux autres sont un représentant de l’ordre des
experts comptables et un investisseur minier, considéré ici comme investisseur professionnel.
Les lettres de commentaires soumises à l’organisme régulateur pendant la durée de l’élaboration
d’une norme constituent un moyen de lobbying direct. Elles trahissent les intérêts particuliers de leurs
auteurs (Georgiou, 2004) et rendent plus hautement probables d’autres formes de lobbying tels le
recours aux auditeurs ou les réunions privées avec les membres des comités de régulation. Postulant que
la sincérité des lettres de commentaires est supérieure à la qualité des réponses obtenues par sondage,
Asekomeh, Russel et Tarbret (2005) proposent une étude de contenu des 52 lettres de commentaires

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Tableau 5
Répartition des membres du panel de consultants selon leurs origines géographiques,
fonctionnelles et sectorielles. Source : iasb.org
Organisation d’origine

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Fonction des conseillers Issu d’un compagnie Expert des activités

Pétrolières Pétrolières Total en %


Auditeur Comptable Analyste Utilisateur Minières et gazières Minières et gazières

AFRIQUE 1 3 2 0 2 1 3 0 6 18%

17% 50% 33% 0% 33% 17% 50% 0%

ASIE 1 7 0 1 2 5 2 0 9 27%
PACIFIQUE

11% 78% 0% 11% 22% 56% 22% 0%

EUROPE 2 8 0 1 4 5 0 2 11 33%

CONTINENT
18% 73% 0% 9% 36% 45% 0% 18%

USA 1 4 0 2 2 3 0 0 7 21%
Christine Noël, Véronique Blum et Yannis Constantinidès

14% 57% 0% 29% 29% 43% 0% 0%

TOTAL 5 22 2 4 10 14 5 2 33 100%
GLOBAL

Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 16 – Volume 1 – Avril 2010 (p. 133 à 158)
PROPORTION 15% 67% 6% 12% 30% 42% 15% 6% 100%
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reçus au cours de l’élaboration de l’IFRS 6. Cette étude permet de noter une surreprésentation des
praticiens puisque vingt-trois lettres sur cinquante-deux parvenues au Board proviennent des indus-
tries concernées. La corrélation entre les positions des entreprises d’extraction de ressources minérales
et l’ensemble des auteurs de commentaires est importante. Une méthode d’analogie à un suffrage est
utilisée pour mettre en évidence une dispersion importante des postures adoptées (0,48) en ce qui
concerne le choix d’une méthode d’enregistrement des coûts d’exploration. Elle consiste en l’appli-
cation d’une dichotomie binaire (s’oppose ou encourage) face aux réactions des auteurs aux réformes
proposées. La dispersion des positions indique un désaccord important entre les acteurs pour qui la
méthode des SE ne remporterait que 33 % d’encouragements. L’enregistrement aux coûts historiques
remporte davantage d’adhésion (6 % d’objection avec un écart-type de 0,24). Le rejet de l’adoption
d’une règle uniforme d’enregistrement des coûts est en outre manifeste. Une telle hypothèse ne ras-
semble que 15 % des suffrages sur la totalité des courriers et 9 % des entreprises concernées.
Le cumul des poids des participants issus d’entreprises minières ou pétrolières se manifestant soit
par le biais du lobbying épistolaire ou encore dans la composition du comité consultatif procure à
l’industrie d’extraction une représentativité visible de 55 % des droits à la parole (Tableau 6). Les
positions adoptées par l’IASB reflètent ce poids conséquent. En effet, relativement aux méthodes
d’enregistrement des coûts d’exploration, elles permettent au dirigeant de conserver leur pouvoir
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discrétionnaire, tout en évitant d’altérer l’image des entreprises par une revalorisation des actifs miné-
raux à une période de prix élevés des commodités. Mais quels sont les points communs et les éléments
de divergence de la norme IFRS 6 et de la norme SFAS 69 ?

Tableau 6
Représentativité des entreprises productrices de ressources minérales
dans le processus d’élaboration de l’IFRS 6
Voix exprimées

Par les entreprises pétrolières


et minières
Total en valeur
absolue En valeur absolue En pourcentage

Lettres de commentaires reçues au 52 23 44 %


sujet de l’IFRS 6

Membres du panel IFRS 6 33 24 72 %

Nombre total de voix exprimées 85 47 55 %

3.2.2. UNE COMPARAISON DE LA NORME IFRS 6 ET DE LA NORME SFAS 69


À la veille des premières mises en application, par le règlement (CE) 1910/2005 du 8 novembre 2005,
la Commission Économique Européenne a adopté la norme IFRS 6. La norme avait été publiée le
9 décembre 2005 par l’IASB. L’IFRS 6 définit en quatre pages les objectifs et champs d’application
des normes de comptabilisation, d’évaluation et de dépréciation des actifs au titre de la prospection

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et de l’évaluation. Cette norme s’adresse à toute entité en relation avec la prospection et l’évaluation
de ressources minérales dans un temps borné : elle concerne toute activité après l’obtention de droits
légaux pour prospecter et avant la faisabilité et la viabilité n’en soient évaluées. Dans l’espace borné se
déroule l’activité de prospection et d’évaluation pour laquelle l’IFRS 6 propose un cadre comptable.
Les ressources mentionnées incluent aussi bien les minerais, le gaz, le pétrole et toute autre ressource
non renouvelable.
SFAS N° 69, publiée par FASB en novembre 1982, porte, en quarante-quatre pages, sur un
ensemble plus vaste d’éléments. La norme SFAS N° 69, qui n’est dédiée qu’aux seules activités pétro-
lières et gazières, porte sur les quantités de réserves prouvées, la capitalisation des coûts relative aux
activités de production, les coûts d’acquisition, d’exploration et de développement, les résultats des
opérations de production, et les mesures standardisées des cash flows futurs générés par les quantités
de réserves. Les immobilisations acquises dans le cadre de ces activités restent ainsi sujettes à l’applica-
tion de la norme IAS 16. SFAS N° 69 propose une définition des réserves prouvées nettes et identifie
l’ensemble des actes causant des réévaluations (révisions, amélioration de la récupération, achats,
extensions physiques, production et ventes). Elle précise en outre les dates d’évaluation (début et fin
d’exercice), les méthodes de consolidation ainsi que les unités de mesure des quantités. Elle requiert
l’identification de sources d’incertitude et tolère la divulgation d’information relative à des réserves
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autres que celles qui sont prouvées, à la condition que l’autorisation soit accordée par le gouvernement
d’origine de l’entreprise appliquant la norme SFAS N° 69. Cette tolérance permet, par exemple, aux
entreprises canadiennes, de communiquer une information cohérente et comparable sur des marchés
de capitaux distincts.
Les coûts de production sont distingués des coûts de prospection et d’évaluation, pour la première
fois, dans la norme SFAS N° 69. La norme IAS 18 (Produits des activités ordinaires) autorise une
exception notoire aux coûts de production des minerais. La norme IFRS 6 définit de manière très
précise les éléments compris dans les coûts de prospection, de l’acquisition des droits aux activités
d’évaluation en passant par les forages de prospection. La norme SFAS n° 69 est moins claire à ce sujet
et maintient une dichotomie nette entre les coûts associés à des réserves prouvées et ceux associés à
des réserves non prouvées.
Par ailleurs, des choix comptables faits par l’IASB se rapprochent des choix américains. L’IFRS 5
(Actifs non courants détenus en vue de la vente et activités abandonnées) utilise ainsi une dichotomie
proche de la distinction opérée entre les réserves prouvées et les réserves non prouvées. Pour l’IASB,
un actif est réputé hautement probable lorsqu’il est de façon significative plus probable qu’impro-
bable (réserves prouvées versus probables). La qualification par l’IASB d’actif probable se rapproche
de la notion de réserve possible en opposition aux réserves probables telles qu’elles sont définies par
l’Association des Ingénieurs Pétroliers. Les modes précis d’évaluation des actifs probables sont passés
sous silence. La terminologie choisie par IASB présente l’avantage de se généraliser à d’autres activités.
Rouverte à l’automne 2006, la réflexion du comité de pilotage de l’IFRS 6 porte désormais sur le sujet
de l’évaluation des réserves6 qui devrait trouver une définition d’ici à fin 2010.
D’autre part, dans la norme SFAS n° 69, quinze pages sont dédiées à la définition d’une métho-
dologie d’évaluation et au niveau de précision des détails informationnels nécessaires pour quantifier
les réserves et qualifier le contexte économique. Les alternatives sont proposées et les éventuels rejets
justifiés. En ce sens, les procédures ayant abouti à la formulation de la norme SFAS 69 ont bien

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respecté le principe U (Universalisation) dans la mesure ou « l’étude d’impact » est diffusée, ce qui
permet à l’organisme régulateur de justifier ses choix. L’IASB n’a pas, à ce jour, déterminé de conduite
précise en la matière. Les choix de l’IASB autorisent encore une certaine souveraineté des États et
des dirigeants, en permettant par exemple la divulgation d’informations selon des modes de calculs
précédemment utilisés (le processus est à mémoire courte puisqu’il concerne l’exercice précédant l’ap-
plication de la norme IFRS 6). L’entreprise Total décrit par exemple ses quantités de réserves selon la
norme 4-10 de la réglementation S-X de la SEC. British Petroleum proposait une estimation selon le
même référentiel et une comparaison aux valeurs obtenues par la norme britannique. Pour l’exercice
2006, la multinationale a abandonné cette double information au profit du référentiel américain.

Tableau 7
Comparaison des normes IFRS 6 et SFAS 69
IFRS 6 SFAS 69

Date de publication 9 décembre 2005 Novembre 1982

Nombre de pages 4 44
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Activité concernée Prospection et évaluation de Pétrolières et gazières
ressources minérales

Coûts de prospection Non capitalisables Pas de précision de droit légal


antérieurs à l’obtention Inscrits en charge au compte de dans la définition de la notion
d’une licence résultat d’exploration
Impact : baisse du résultat
IFRS 16 – IFRS 38

Coûts de construction et IFRS 6 ne traite pas des coûts Sont définis par la norme, ainsi que
de développement (CCD) occurrents après la faisabilité les résultats de la production
technique et la viabilité commerciale
d’une ressource minière.
IFRS 16 – IFRS 38

Immobilisations liées à la Non incluses après faisabilité Spécifiquement définies


production techniques et viabilité commerciale
IAS 16

Coûts de IFRS 37 – IFRS 16 Non distingués des coûts de


décomissionnement et développement et de production
restauration

Évaluation des ressources Selon les normes appliquées l’année Réserves prouvées ainsi que tout
précédant l’application de l’IFRS 6. À acte de réévaluation. Champ plus
définir avant 2010. large si les normes comptables du
pays d’origine l’exigent.

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L’IASB souhaite se laisser du temps pour consulter les parties intéressées avant d’imposer des
règles contraignantes et précises. La posture peut également traduire une réelle difficulté à établir des
normes globalement cohérentes et une volonté de laisser les grandes entreprises et les États s’organiser
dans le fond comme ils le souhaitent. Si dans les publications de l’IASB, les définitions d’actifs de
prospection et d’évaluation sont plus claires et précises que dans la norme SFAS N° 69, les autres
points restent flous. Cela démontre explicitement que le normalisateur international se trouve dans
une période de transition fondée sur la coexistence de plusieurs méthodes d’enregistrement et d’éva-
luation. Il est à craindre qu’au cours de cette période des groupes de pression aux intérêts divergents
s’affrontent afin d’obtenir les règles comptables qui leur seraient favorables. Au travers de ce conflit
d’intérêts, la légitimité de l’IASB et du comité de pilotage est en jeu.

Conclusion
L’objectif de cet article était de déterminer si les procédures à l’œuvre dans la normalisation comptable
internationale sont compatibles avec une conception de la comptabilité conforme à l’éthique et aux
exigences d’une société démocratique. À cette fin, nous avons choisi de nous centrer sur le contexte
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d’émergence d’une norme temporaire, l’IFRS 6, consacrée à l’enregistrement des coûts d’exploration
pétrolière. La méthode utilisée (étude du calendrier de travail de l’IASB et de la composition du
comité de pilotage) ne nous permet pas de conclure d’une manière péremptoire à l’hégémonie d’un
groupe d’intérêts. Mais elle nous fournit des indices précieux qui pourront être confirmés par des
études ultérieures.
Tant le mode de fonctionnement de l’IASB, que la composition et les rapports de force à l’œuvre
dans le comité de pilotage chargé de réfléchir aux normes comptables internationales propres au
secteur des ressources minérales, révèlent une prééminence de l’agir stratégique sur l’agir communi-
cationnel, au sens de Habermas. Si la logique du due process peut réunir en apparence les conditions
de réalisation d’une éthique de la discussion (transparence des débats, consultation des différents
acteurs impliqués à différents niveaux), nous avons souligné que la normalisation comptable interna-
tionale dépendait largement de rapports d’intérêts entre des acteurs économiques dominants. Cette
définition de la normalisation comptable comme un processus éminemment politique est susceptible
de poser des problèmes sur le plan éthique. En effet, des rapports de force et des intérêts divergents
peuvent s’équilibrer pour aboutir à un compromis favorisant l’ordre social (Ladrière, 2001), à la seule
condition que les intérêts de chacun soient représentés de la même manière. Or, nous avons souligné
tous les acteurs économiques ne représentaient pas le même poids dans les débats de l’IASB. Dès lors,
il existe un risque réel de réduire la comptabilité au rang de simple instrument au service de la com-
pétitivité économique de secteurs ou d’acteurs déterminés. Cette conséquence s’oppose ouvertement
aux objectifs affichés des normes comptables internationales, à savoir la promotion d’une information
financière transparente, comparable et pertinente pour les investisseurs.
Afin d’affiner et élargir notre analyse, il serait pertinent de compléter cette recherche par une
étude relative à l’impact de la norme IFRS 6 sur les entreprises du secteur pétrolier. En effet, une
augmentation de la volatilité des cours confirmerait les limites que nous avons soulignées en ce qui
concerne l’effectivité des ambitions affichées de la normalisation comptable internationale.

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Notes ces procédures. En Europe, l’initiative revient au


pouvoir régalien qui choisit la délégation tandis
1. Par exemple, dès 1978, les entreprises pétrolières qu’aux États-Unis, le pouvoir politique représenté
sont amenées à publier des informations complé- par les institutions tente par là de récupérer la maî-
mentaires relatant les estimations des valeurs des trise semblant lui avoir définitivement échappé, au
réserves pétrolières en valeur courante, précédant, cours des décennies passées, tandis que l’expertise
de trois décennies les méthodes réintroduites par professionnelle parvenait à s’imposer. Dans les
IASB à partir de 2006. deux cas, les choix binaires proposés aux poli-
2. Une telle procédure vise à pallier le manque d’ex- tiques et l’approche juridico-fiscale choisie par les
pertise du pouvoir régalien par la nomination régulateurs déçoivent.
d’experts issus d’organismes régulateurs qui sou- 4. La composition du panel est décrite sur iasb.org.
mettent ensuite leurs propositions aux instances
5. Le terme « utilisateur » se réfère aux institutions
de décision (régalienne). Il y a donc délégation
dont le rôle est de représenter les intérêts des
des décisions en absence de délégation de respon-
actionnaires.
sabilité politique (Aghion et al., 2006).
6. Voir les notes destinées aux observateurs de la
3. L’apparente ressemblance des procédures euro-
norme IFRS 6, listant les modèles d’évaluation
péennes et américaines se différencie pourtant
existant.
dans l’initiative des constructions de chacune de
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