La Justice Pour Les Nuls - Emmanuel PIERRAT
La Justice Pour Les Nuls - Emmanuel PIERRAT
La Justice Pour Les Nuls - Emmanuel PIERRAT
La Justice
La Justice pour les Nuls, 3e édition
© Éditions First, un département d’Édi8, 2020.
Publié en accord avec John Wiley & Sons, Inc.
« Pour les Nuls » est une marque déposée de John Wiley & Sons,
Inc.
« For Dummies » est une marque déposée de John Wiley & Sons,
Inc.
ISBN : 978-2-412-05105-4
ISBN numérique : 9782412057070
Dépôt légal : février 2020
«A
ccusé » , « prévenu » , « mis en examen » ,
« témoin assisté » , « présumé innocent » ,
« plaider coupable » , « réquisitoire introductif » ,
« citation à comparaître » , « mandataire ad hoc » ,
« litispendance » … Ces mots répétés sur toutes les
ondes envahissent votre quotidien, perturbent vos nuits :
vous pensez qu’une « mise en demeure » est une
pendaison de crémaillère, que la « vente à la bougie » est
une grande surface de luminaires, que le « mariage
putatif » est une union avec une fille de mauvaise vie, que
l' « ordonnance de non-lieu » est remboursée par la
Sécurité sociale, que le « parquet » est plus chic que la
moquette… Bref, vous êtes perdu dans le labyrinthe
obscur de la justice.
Pourtant, sans même être déjà passés par la case divorce
au cours de nos amours ou suivre, fascinés, tous les
procès de serial killers, nous sommes tous,
quotidiennement, des sujets de droit. Mais nous n’en
avons pas toujours conscience. Nous réglons par exemple
le boucher comme la facture d’électricité, concluant ainsi,
presque inconsciemment, des contrats de vente. Nous
récoltons un PV pour nous être garés en livraison, votons
à l’assemblée générale des copropriétaires pour que le
syndic assigne l’entreprise de rénovation de l’immeuble
qui a bâclé le chantier, appelons la police pour résoudre
un problème de tapage nocturne avec la boîte de nuit
mitoyenne, etc. Impossible d'ignorer plus longtemps la
justice et le droit, dans une société où leur omniprésence
se fait de plus en plus sentir, à tel point que la
« judiciarisation » serait un mal contemporain.
À propos de ce livre
Travailleurs exploités, consommateurs mécontents,
propriétaires impayés, futurs parents, prisonniers
déprimés, automobilistes énervés, vous êtes donc tous,
« simples » citoyens, concernés. Ce guide n’a d’autre
objectif que de mieux vous faire comprendre la société
dans laquelle vous vivez. Nul n'est censé ignorer la loi,
paraît-il… Vous verrez que ça va mieux en le lisant !
Mais si vous êtes abonné du tribunal des pensions
militaires ou caïd de la fusion-acquisition, ne fuyez pas
pour autant : ce livre s'adresse également à vous. Nous
ne nous épancherons pas sur les subtilités du bail
emphytéotique, ni sur les particularités de la « folle
enchère » . Ceci n'est effectivement pas un énième
manuel de droit pratique. En revanche, anecdotes et
piqûres de rappel vous donneront les clés pour
comprendre et penser, en souriant souvent, une justice sur
laquelle vous avez perdu tout recul.
Plus amusant que des études de droit, plus économique
qu’un notaire, ce livre est fait pour vous, qui n'êtes pas
indifférent au monde qui vous entoure !
Comment fonctionnent les institutions judiciaires ? Vous
êtes invité à découvrir les mystérieuses coulisses de la
justice et ses multiples secrets de fabrication, du vote des
lois par le Parlement aux nombreux tribunaux qui
l’appliquent.
Que signifient ces costumes sombres, cette hermine
anachronique ? Apprenez à distinguer l'avocat du juge et
le procureur du greffier. Quel fut le sort du capitaine
Dreyfus ? Quel crime Galilée avait-il donc commis ? De la
loi du talion aux Codes napoléoniens en passant par le
droit canon ou la charia, les conceptions de la justice sont
diverses et sont le reflet direct des valeurs de nos
sociétés.
Les conventions utilisées dans
ce livre
La justice est un monde opaque et délibérément conçu
pour que les profanes n’y aient pas accès. Le monopole
des gens de robe est à ce prix ! Cet ouvrage, lui, évitera
donc de jargonner, comme, malheureusement, les
professionnels de justice ont trop souvent l'habitude de le
faire. Toutefois, en fin de volume, un glossaire permet de
se retrouver dans la jungle des termes usuels que même
les journalistes utilisent quotidiennement sans pour autant
bien les maîtriser ! Les mots explicités dans le glossaire
sont indiqués en italique quand ils figurent au cœur du
texte.
De même, nous avons choisi de ne pas alourdir ce livre
avec des références de lois et de décisions de justice
telles qu’un juriste chevronné aime en rencontrer dans les
notes de bas de page d’un traité spécialisé. On trouvera
en revanche des renvois aux sites Internet des
organismes cités au fil des chapitres.
Bref, si vraiment les digressions contenues dans cette
Justice pour les Nuls vous semblent totalement
hermétiques, il ne vous reste plus qu’à acheter un manuel
de « français langue étrangère » … ou à appeler votre
avocat.
Comment ce livre est organisé
Ce livre propose, au fil de ses parties, une histoire du droit
et de ses différents systèmes de pensée, un descriptif des
mécanismes aussi bien du procès que de ses acteurs,
ainsi qu’un tableau des principaux pans du droit.
753 Romulus divise ses concitoyens en deux groupes distincts : d’un côté, la
av. plèbe et, de l’autre, les patriciens, c’est-à-dire les nobles.
J.-
C.
509 Les patriciens chassent le dernier tyran, le très mal nommé Tarquin le Superbe,
av. et le remplacent par deux consuls. L’État passe ainsi du domaine royal au
J.- domaine public et devient la chose du peuple, la res publica. C’est la naissance
C. de la « république ».
La vendetta s’en va
Parallèlement, la justice privée recule au profit de l'État. Avant les
Douze Tables, l’usage permettait au maître, le pater, de punir
directement l’auteur d’un acte illicite. La seule limite à cette
vengeance était la loi du talion : « Œil pour œil, dent pour dent. » Les
Douze Tables autorisent encore la vendetta privée dans quelques
cas, notamment pour l’injure et les crimes de vols manifestes commis
par un esclave. Mais, dans la mesure du possible, l'État s'efforce de
la remplacer par un dédommagement que le coupable doit payer à la
victime et à sa famille. Voilà donc comment sont nés les actuels
« dommages et intérêts » .
Lorsqu’il s’agit de faits graves susceptibles de léser l’intérêt de la cité
et d’attirer sur elle les foudres des dieux, l’État assure la justice au
nom de la collectivité. Tel est le cas, par exemple, des sacrilèges, de
la trahison, de la désertion, des incendies volontaires ou encore des
homicides. Les mauvais garçons encourent alors des sanctions
criminelles : amendes fiscales, exil, déportation, voire mise à mort
(l’incendiaire, par exemple, encourt la peine… du feu).
Si le père a vendu trois fois son fils, que le fils soit libéré de son père.
Celui qui aura mis le feu à un bâtiment, ou à un tas de blé près d’une
maison, sera enchaîné, battu de verges et jeté au feu, s’il a agi
sciemment. Mais si c’est par négligence, il devra réparer le dommage ;
ou s’il n’est pas solvable, subir un léger châtiment.
Que le patron soit sacer [voué aux dieux infernaux], s’il a trompé son
client.
La naissance de la doctrine
Le dernier bastion de la résistance patricienne, face à la poussée
plébéienne, est la société des prêtres. Ces pontifes, qui avaient si
longtemps gardé le droit occulte, refusèrent, même après
l'établissement de la loi des Douze Tables, de partager le secret des
formules nécessaires pour intenter une action judiciaire ou pour se
défendre efficacement. C'est alors que s'amorce un mouvement qui
conduit la pensée juridique des auteurs romains, appelée
communément doctrine, de la religion à la philosophie du droit.
Symbole de la laïcisation du droit, le premier grand pontife plébéien
organisa des consultations en public au milieu du IIIe siècle av. J.-C.
Apparaît ainsi une profession juridique qui, à la fin de la République,
donne des conseils, plaide, juge et commence à produire une
littérature juridique spécialisée. Cette évolution est tout à fait nouvelle
dans la culture occidentale.
Symbole de la laïcisation du droit, le premier grand pontife plébéien
donna des consultations en public au milieu du IIIe siècle av. J.-C.
Apparaît ainsi une profession juridique qui, à la fin de la République,
donne des conseils, plaide, juge et commence à produire une
littérature juridique spécialisée. Cette évolution est tout à fait nouvelle
dans la culture occidentale.
L’Empire contre-attaque (27 av. J.-C.-
IIIe siècle apr. J.-C.)
La corruption, la concurrence économique des produits venant des
pays conquis, les conflits politiques, la baisse de participation des
citoyens aux comices, l'afflux d'esclaves sont autant de causes de la
crise de la République. La République romaine est morte, vive
l'Empire !
L’empereur omnipotent
Sous le terme générique de constitutions, on distingue quatre
catégories d’actes législatifs émanant de l'empereur : les édits, les
décrets, les mandats et les rescrits. Outre ces actes, l’empereur
assied son autorité par le biais de la jurisprudence et de la procédure
d’appel.
Les édits constituent des mesures à portée générale. Les décrets,
eux, malgré ce terme trompeur, sont des jugements. La procédure
romaine découvre également l’appel, qui, du fait du système
hiérarchique, est jugé… par l’empereur, vraiment omniprésent et
omnipotent. On comprend aisément que les jugements rendus par
l’empereur fassent jurisprudence auprès de fonctionnaires soucieux
de ne pas lui déplaire. Dès lors, le moindre jugement rendu par ce
dernier est interprété comme un véritable acte législatif. Les réponses
données par l’empereur aux questions de ses fonctionnaires, et en
particulier à celles des gouverneurs de province, deviennent
également des lois. La réponse étant interprétée comme devant
s’appliquer à tous les cas semblables, elle devient une loi de
l’Empire. Enfin, l'empereur établit le droit au moyen de directives
données aux fonctionnaires impériaux.
Aïe ! La preuve
Les duels judiciaires sont encore très populaires. Encadrés par des
règles strictes, ils résolvent les litiges en faisant appel au jugement
de Dieu pour désigner la personne qui se trouve dans son bon droit.
Le vainqueur du duel gagne donc également le litige juridique
l’opposant à son adversaire.
Le roi tente de remplacer les duels judiciaires par la preuve par
enquête ou par témoins. À partir du XIIIe siècle, les anciennes
preuves, tels que les ordalies au fer rouge ou à l’eau bouillante (qui
sont des épreuves physiques prenant à témoin la divinité, l’innocence
du défendeur étant établie s’il en ressort vivant ou non blessé) ou
encore le serment purgatoire, disparaissent totalement. Peu à peu,
l’aveu devient la reine des preuves.
L’aveu est, notamment, obtenu par divers moyens de torture réunis
sous la qualification de question. La question use le plus souvent de
poids ou de cordes attachés aux pieds du suspect, ou passe par
l’ingestion forcée d’huile ou d’eau. La question par le feu est
normalement interdite. L’importance de la question dans la procédure
est primordiale, puisque, aux XIIIe et XIVe siècles, si le suspect refuse
d'avouer, il doit être considéré comme innocent et être relaxé sans se
voir infliger aucune peine.
Les peines
Au XVIe siècle, avec le renforcement des prérogatives royales et la
montée en puissance d'un État central cherchant à affirmer son
pouvoir dans un contexte de crises religieuses et politiques variées,
le châtiment va progressivement remplacer le rachat des crimes
jusqu’alors parfois possible par le versement d’une amende. La
finalité de la peine change : il faut châtier le coupable parce qu'une
faute a été commise, la peine devant annuler le mal causé par
l’infraction. Le châtiment vise surtout à préserver l’ordre public, dont
le pouvoir royal se sent de plus en plus le garant. La centralisation de
la justice criminelle va de pair avec une répression plus sévère,
fonctionnant à l’exemplarité. Il existe un arsenal de peines variant en
fonction des crimes commis et de la personnalité du condamné.
La répression du suicide
La condamnation du suicide, crime de lèse-majesté divine, s’est
généralisée au VIe siècle, la sanction principale étant la privation de
sépulture ecclésiastique. À partir du XIIIe siècle, le droit laïc intente un
véritable procès au cadavre du suicidé, au terme duquel sont
prononcées des peines telles que la confiscation des biens ou le rejet
de la dépouille mortelle. Les parents peuvent être entendus pour
défendre le défunt et exposer des faits justificatifs, comme la démence.
L’ordonnance de 1670 a régularisé cette procédure en précisant la
manière de faire le procès du cadavre ou de la mémoire d’un défunt.
Elle prévoit notamment la confiscation des biens au profit du roi ou
encore la damnation éternelle. Un curateur au cadavre, nommé par le
juge, parle pour le défunt et peut même faire appel de la décision de
condamnation ! La simple tentative de suicide suffit à poursuivre le
coupable, qui peut alors être condamné… à mort.
Ça va faire mal…
Parmi les différentes peines infligées figurent la peine de mort – son
mode d'exécution le plus courant étant la pendaison –, le
bannissement, les galères ou le bagne. Les mutilations sont en net
recul depuis le Moyen Âge. Les galériens sont marqués des lettres
« GAL » sur l'épaule, les voleurs d'un « V » , ou d'un « VV » s’ils sont
récidivistes. L’ablation de la langue des blasphémateurs tombe en
désuétude au XVIIIe siècle. Le supplice de la roue, introduit par
François Ier en 1534 pour les voleurs de grand chemin, est aussi
appliqué aux régicides, aux parricides et aux homicides les plus
graves. Le condamné est étendu sur une croix de Saint-André, le
bourreau lui rompant les quatre membres et la poitrine à coups de
barre de fer ; le supplicié est ensuite attaché à une roue.
Dans ce vaste catalogue de réjouissances se trouvent aussi les
peines infamantes et dérisoires. Ce sont des peines destinées à
atteindre l’accusé dans sa réputation et son honneur en le plaçant
dans une situation humiliante. Cet éventail d’humiliations comprend,
entre autres, le pilori, le plongeon dans la corbeille, l’amende
honorable, le blâme ou encore la course sur l’âne. Cette peine,
souvent réservée aux proxénètes, oblige le condamné à se promener
la tête tournée vers la queue de l’âne à travers toute la ville. En droit
coutumier méridional, les coupables d’adultère sont, quant à eux,
condamnés à une simple course ; les condamnés cavalent tout nus
et peuvent être fouettés à chaque carrefour. En clair, l’imagination et
le sadisme sont au pouvoir !
Extraits du Code noir de 1685
Le Code noir est un recueil de textes promulgué par Louis XIV et
réglementant l’esclavage aux Antilles. En voici quelques extraits :
Article 34 – Et quant aux excès et voies de fait qui seront commis par
les esclaves contre les personnes libres, voulons qu’ils soient
sévèrement punis, même de mort, s’il y échet.
Le jour d’après
Les beaux principes révolutionnaires, c’est bien gentil, mais encore
faut-il les appliquer. C’est pourquoi, à la suite de la Déclaration, de
grandes lois sont votées, mettant en œuvre la révolution de la justice
et du droit.
Fi des châtiments
C'est également à cette époque, le 6 février 1791 plus exactement,
qu'est élaboré le premier Code pénal. Sa nouveauté consiste en
l’établissement de trois sortes d’infractions, selon leur gravité (les
contraventions, les délits et les crimes). Les sanctions applicables
sont prévues par la loi et ne relèvent plus de l’unique appréciation
des juges. La torture comme mode d’exécution des peines
criminelles est abolie. Les cas possibles de mise à mort passent
de 115 à 32. Ont notamment été éliminés de la liste des crimes
capitaux les attentats contre les bonnes mœurs, les troubles apportés
publiquement à l’exercice d’un culte religieux, les atteintes portées à
la propriété des citoyens par dégâts, larcins ou simples vols.
… Fraternité ?
Les dispositions réglant le droit de la famille reflètent la toute-
puissance du mari, chef de la famille. Il a les pleins pouvoirs sur son
foyer et peut faire enfermer ses enfants. À son mariage, la femme est
jugée « incapable » et a les mêmes « droits » , réduits à la portion
congrue, que les mineurs et les fous. De plus, les bambins nés hors
mariage n’ont aucun droit.
Par ailleurs, le Code civil cherche avant tout à défendre la propriété
sous l'influence de la bourgeoisie et consacre l’une des principales
avancées de la Révolution, la propriété immobilière sans droits
féodaux.
Le Code civil a jeté les bases du droit moderne, en France et dans de
nombreux autres pays de tradition romaine.
1814-1848 : la Restauration
Le retour de la royauté a des conséquences immédiates sur la
justice. Il s’agit pour les rois de se la réapproprier en la faisant
dorénavant émaner d’eux. C’est bien ce que proclame la déclaration
de Saint-Ouen de 1814 : « Toute justice émane du roi. » D'ailleurs, on
a oublié le mot « citoyens » : c'est le retour des « sujets » .
Justice en promo
C’est à nouveau l’époque des épurations successives. Comme les
régimes précédents, la Restauration et la monarchie de Juillet font
place nette en éliminant les gens de justice dans un premier temps,
puis les adversaires politiques, notamment au moyen de juridictions
d’exception. Tel est par exemple le rôle des cours prévôtales, créées
en 1815 et destinées à régler une bonne fois pour toutes leur compte
aux idéaux révolutionnaires. Composées de quatre civils et d’un
militaire, ces cours participent à la répression du vol, de la
contrebande et, de façon générale, des faits de violences publiques.
La sentence n’est pas susceptible d’appel, la sévérité des décisions
étant totalement variable d’une cour à l’autre, et les irrégularités de
procédure sont nombreuses.
D’abord le chaud…
Les débuts du Second Empire sont profondément marqués par le
vent de liberté qui a soufflé sur la France lors la révolution de 1848 :
instauration du suffrage universel, abolition de l’esclavage… La
liberté de la presse est rétablie, tout comme celle du droit de réunion.
En 1848, la peine de mort en matière politique est même abolie.
Malgré son coup d'État, qui marque la fin de la IIe République,
Napoléon III affirme vouloir assurer la continuité des idéaux
révolutionnaires. Le mode de recrutement des jurés reflète l'esprit
des premières réformes du Second Empire : ils sont
démocratiquement choisis parmi tous les électeurs, ce qui modifie
directement la composition des jurys, jusque-là majoritairement
composés de propriétaires et de rentiers.
… puis le froid
Mais le jury démocratique ne fait pas long feu. Dès 1853, l’empereur
souhaite reprendre la mainmise sur les juridictions répressives en
contrôlant la nomination des jurés et en réduisant leurs pouvoirs. Le
Second Empire procède à une répression politique étendue dont les
victimes sont envoyées outre-mer afin d’ « aider » à la colonisation.
Finalement très pratique pour débarrasser le territoire des
délinquants et pour renforcer les effectifs coloniaux, ce régime est
rapidement étendu aux condamnés de droit commun. Le nombre de
détenus dans les bagnes, où les conditions de vie sont
particulièrement dures, devient considérable. La loi prévoit que tout
condamné aux travaux forcés est tenu de rester définitivement à la
colonie après l'expiration de sa peine lorsque celle-ci est de plus de
sept ans. Si la sanction est comprise entre cinq et sept ans, le
bagnard doit rester un temps équivalent dans la colonie (Guyane ou
Nouvelle-Calédonie, en général) et payer son voyage de retour !
Parallèlement, le fleurissement des « procès littéraires » confirme ce
retour en arrière. Madame Bovary et Les Fleurs du mal menacent
l'ordre établi ; en 1857, Flaubert et Baudelaire se retrouvent sur le
banc des accusés pour outrage à la morale publique et aux bonnes
mœurs.
La Ve République : l’inflation de la
justice
La Ve République connaît une inflation législative : plusieurs dizaines
de milliers de lois, décrets, ordonnances et autres textes juridiques
cohabitent allègrement. La création d’autorités indépendantes, le
renforcement des pouvoirs du gouvernement et de l'Europe et la
prolifération de lois de circonstance viennent enfler cette masse de
textes que nul n’est censé ignorer…
Parallèlement, on assiste à une évolution du règlement des conflits,
qui passe de plus en plus par les tribunaux. On se moquait encore
récemment des sommes faramineuses récoltées outre-Atlantique par
des clients de chaînes de fast-food trouvant leur café du matin un
peu trop chaud à leur goût. Les chiffres démontrent que ce
phénomène de judiciarisation touche aujourd’hui la France, qui tente,
pour l’heure sans grand succès, de désengorger les tribunaux et de
limiter les actions motivées par le seul appât du gain.
DANS CE CHAPITRE
Le crime bourgeois ne paie pas
Les utopies
Le terme utopie est un néologisme créé par le philosophe anglais
Thomas More signifiant « en aucun lieu » . Dans son ouvrage intitulé
L’Utopie, cet auteur décrit un monde imaginaire épris de tolérance et
de liberté. Les utopistes pensent une société idéale, exempte de
guerres et de misère. Pour construire cette société nouvelle, il est
nécessaire de réformer le droit, clé de voûte de l’organisation sociale.
Les quelques théories emblématiques évoquées ci-après, issues
d’époques très diverses, démontrent la profonde diversité de
l’appréhension du droit et du rôle qu’il peut être amené à jouer.
D’où ça vient ?
La théorie du droit naturel apparaît chez les philosophes grecs Platon
et surtout Aristote. Ce dernier distingue deux sources de droit : la
nature d'une part, les lois de la cité d’autre part. Il estime que, en cas
de divergence ou de désaccord entre ces deux sources de droit, le
droit naturel doit toujours prévaloir. Pour Aristote, ce n’est plus la
volonté plus ou moins mystérieuse des dieux qui fonde l’ordre social,
mais les lois inscrites dans la nature des choses que la raison
humaine est apte à découvrir.
La pensée d'Aristote a été reprise et développée par les stoïciens,
ainsi que par les doctrines humanistes et rationalistes. La théorie du
droit naturel a ainsi suscité des controverses qui ont jalonné l’histoire
de la philosophie du droit. Hobbes, Locke, Rousseau, Montesquieu
cherchent aussi à garantir un système politique naturel. Pour eux, le
droit naturel est conçu sur un mode individuel.
C’est le droit que chaque homme détient par nature avant
l’instauration de la vie politique. Pour Kant, le droit naturel rassemble
un ensemble de règles fondées sur la « raison pure » . Le concept
originel de « droit naturel » resurgit périodiquement pour nourrir la
réflexion doctrinale sur la question des fondements du droit. Au XIXe
siècle, l'essor du positivisme, de l'utilitarisme et des théories
socialistes provoque un recul du droit naturel.
Le droit naturel aujourd’hui
Aujourd'hui, l'acception la plus communément admise du droit naturel
est qu'il regroupe les droits tenant à la nature humaine, quelles que
soient la société, la nationalité ou la culture de l’être humain
concerné. Les droits de l’homme sont directement inspirés de cette
théorie du droit naturel.
On retiendra donc, parmi les grands textes issus de cette réflexion
sur les droits naturels, la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen de 1789 ou encore la Déclaration universelle des droits de
l'homme, adoptée le 10 décembre 1948 par les États membres de
l’ONU. Le préambule de cette déclaration n’hésite pas à affirmer
qu'elle représente l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et
toutes les nations. Cependant, déterminer quels droits doivent être
érigés au niveau des droits naturels reste très difficile et suscite de
nombreux débats. C'est ainsi, par exemple, que l’homosexualité ou le
transsexualisme sont passés en moins de trente ans du rang de
maladies mentales à celui de préférences relevant des droits de
l’homme.
La désobéissance civile
Le droit peut aussi servir d’instrument de lutte contre les injustices.
C’est le fondement du mouvement de désobéissance civile.
La positive attitude
Auguste Comte est considéré comme le fondateur de la doctrine
positiviste. Ce philosophe pense qu'il faut privilégier la connaissance
scientifique au détriment de la métaphysique, seules les lois de la
nature pouvant être appréhendées par l’homme. L’esprit positif est
caractérisé par l’abandon des causes, la mise à l’écart de tout absolu
et la seule recherche des lois. Dépassant la religion et la
métaphysique, le positivisme ne reconnaît le vrai que dans les faits
étudiés par les méthodes scientifiques.
Une construction entièrement nouvelle du droit naît, en opposition
avec les théories classiques : l'homme est déterminé, comme
l'humanité tout entière. Le positivisme considère que la répression
doit donc être organisée non pas en fonction de l’infraction commise,
mais en fonction de la personnalité du délinquant, de sa dangerosité.
Pour connaître et mesurer cet état dangereux, on s’adresse aux
sciences de l’homme et aux sciences sociales. Ce qui importe aux
positivistes est d’empêcher l’individu de nuire à l’avenir. L’une des
branches les plus originales du positivisme est la physiognomonie.
La naissance de la criminologie
Cesare Lombroso est un médecin légal italien, auteur de nombreux
ouvrages de recherche sur le caractère inné du crime. Sa démarche
introduit, pour la première fois, des outils techniques dans
l’expérimentation sur l’homme. C’est pourquoi Lombroso, malgré ses
théories « déterministes » parfois farfelues, est considéré comme le
fondateur de la criminologie.
Après avoir examiné 386 crânes de criminels, Lombroso en déduit
qu'il existerait chez les criminels une fossette occipitale
anormalement développée, plus proche de la fossette des
mammifères inférieurs que de celle de l'homme ! Pour Lombroso, le
criminel typique est un individu atavique et amoral commettant des
forfaits par nécessité biologique. Il présente certains traits
anatomiques, psychologiques et sociaux qui le rapprochent du
sauvage. Ce serait donc un être en état de régression, qui n’est pas
arrivé à accéder au degré d’évolution de l’homme contemporain, ni
par sa morphologie ni par sa sensibilité.
Le droit canonique
Le terme vient du grec kanôn, qui signifie la « règle » . Le droit
canonique (ou « canon » , au choix) désigne l’ensemble des lois et
des règlements adoptés ou acceptés par les autorités catholiques
pour le gouvernement de l’Église et de ses fidèles. Le droit canonique
fixe les droits et obligations des fidèles et, de manière générale, tout
ce qui concerne la société ecclésiastique, mais aussi certains
domaines du droit civil, tels que le mariage.
Sac de nœuds
Le droit canonique s’est élaboré progressivement, empruntant
d’abord au droit romain, à l’Évangile, puis à des règles coutumières
issues d’écrits mêlant prescriptions liturgiques et règles de vie. À
partir du IVe siècle, les papes ont créé de nouvelles normes par le
biais des décrétales pontificales. Ces lettres décrétales sont des
réponses sur des points de discipline. Cependant, ces décisions ont
une autorité relative. Par surcroît, les sources du droit sont très
nombreuses, puisqu’elles incluent tant les règles monastiques que
les lois des empereurs romains chrétiens ou encore les législations
diocésaines et les canons de concile (assemblée d’évêques et de
théologiens réunis pour régler des questions concernant le dogme ou
la liturgie).
Cette dispersion des sources pose vite un grave problème. Les
canonistes du Moyen Âge parviennent progressivement à unifier le
droit grâce à un travail de compilation des sources. L’importance des
faux, dans ces compilations, est énorme, les compilateurs ne se
gênant pas pour remanier les textes servant leurs intentions. Deux
d'entre elles, datant des années 850, ont d'ailleurs pour nom Faux
capitulaires et Fausses décrétales. Jusqu’au XIe siècle, le droit
n'intéresse pas encore vraiment la réflexion doctrinale.
Le Codex
Le Code de 1983 fait aujourd’hui autorité dans l’Église latine. Ce
nouveau Code tient compte des profonds changements apportés par
le concile Vatican II. Le Code de 1983 atténue le caractère
hiérarchique et ordonné de l’Église et entend plutôt promouvoir
l’image d’une Église-peuple de Dieu et d’une hiérarchie au service
des autres.
Extraits du Code de 1983 à propos du mariage
« Can. 1083 – § 1. L’homme ne peut contracter validement mariage
avant 16 ans accomplis, et la femme de même avant 14 ans accomplis.
§ 2. La Conférence des évêques a la liberté de fixer un âge supérieur
pour la célébration licite du mariage.
Le droit de la route
La charia (ou Sharî’a) signifie littéralement la « route » , c'est-à-dire la
voie que constitue la loi divine venant du Coran et de la sunna. C’est
ce qu’exprime la sourate 45, verset 18, du Coran : « Puis Nous
t'avons mis sur la voie de l'Ordre [une religion claire et parfaite]. Suis-
la donc et ne suis pas les passions de ceux qui ne savent pas. » La
charia réglemente la vie religieuse, politique et sociale ou encore le
droit pénal.
• l’aumône (zakât) ;
À l’origine, le législateur
Jean-Jacques Rousseau écrivait : « Si j'étais prince ou législateur, je
ne perdrais pas mon temps à dire ce qu'il faut faire ; je le ferais, ou je
me tairais. »
Dans toute société, le premier pouvoir – considéré parfois comme le
plus important – est celui de décider des lois : décider de ce qui est
possible et de ce qui est interdit, de ce qui est bien et de ce qui est
mal. Dans les sociétés démocratiques, ce pouvoir est confié à des
hommes et à des femmes appelés législateurs, élus par les membres
de leur société pour les représenter et pour décider des règles qui
vont régir leurs rapports. Ces législateurs, souvent considérés
comme des « sages » , se retrouvent tant à l’échelle d’un pays qu’à
l’échelle d’une région du monde. Ainsi, les citoyens français et
belges, par exemple, sont soumis à leurs législateurs nationaux mais
également aux législateurs européens, qui décident des lois
applicables dans toute l’Union européenne. De manière générale, les
législateurs organisent des assemblées afin de débattre et de décider
de la création ou de la modification des règles régissant la vie des
citoyens.
Le forum des grands sages votant
les lois : le Parlement
Le pouvoir législatif, c’est-à-dire le pouvoir de voter les lois,
appartient au Parlement. Et c’est vrai que les membres du
« Parlement » sont très bavards, même s'ils se défendent de mentir !
Le Parlement français est constitué de deux assemblées :
l'Assemblée nationale et le Sénat.
L'Assemblée nationale est composée de députés élus au suffrage
universel direct par tous les citoyens dans le cadre des élections
législatives. Il y a 577 députés à l'Assemblée, élus pour cinq ans, qui
appartiennent à différentes formations politiques. Le parti qui est
majoritaire en nombre de députés au sein de l'Assemblée nationale
gouverne généralement.
Lorsque le président de la République en place ne bénéficie pas
d'une majorité claire à l'Assemblée nationale, il peut décider de la
dissoudre prématurément et de provoquer de nouvelles élections
législatives. Mais l'exercice est risqué : il est déjà arrivé qu'un
président dissolve l'Assemblée alors qu'il bénéficiait d'une large
majorité, pour se retrouver avec une minorité ! C'est alors le jeu du
« qui perd gagne » . Le président de la République ne bénéficiant pas
de la majorité à l'Assemblée nationale peut en effet accepter de
gouverner avec des ministres qui ne correspondent pas à sa couleur
politique. La situation est alors appelée cohabitation.
Tout citoyen majeur peut se présenter aux élections législatives.
Mais, lorsqu’un député est désigné comme ministre, il doit être
remplacé afin de ne pas cumuler les casquettes de législateur et de
gouvernant.
Après avoir été le plus jeune bachelier de France à l'âge de 15 ans,
le plus jeune avocat de France à l'âge de 19 ans, lors de son élection
en 1932, Pierre Mendès France devient à 25 ans le plus jeune
député de France.
Le Sénat, lui, est composé de 348 membres, élus pour neuf ans. Les
sénateurs ne sont pas désignés directement par tous les citoyens
français. Pour avoir l’honneur de siéger avec vue sur les jardins du
Luxembourg, il faut être élu par d’autres personnes, pour la plupart
elles-mêmes déjà élues par les citoyens : conseillers régionaux,
délégués des conseils municipaux, etc. On les appelle les grands
électeurs, même si aucun minimum de taille n'est exigé au
recrutement ! Pour être sénateur, il faut être âgé de 35 ans au moins,
mais l'âge moyen au Sénat approche plutôt celui de la retraite…
À la manœuvre, le gouvernement
Le pouvoir exécutif est notamment le pouvoir de proposer des lois au
vote du Parlement afin d'instaurer la politique de son choix. Ce
pouvoir appartient au président de la République et à son
gouvernement.
L'État français est dirigé par le président de la République, qui,
depuis 1962, est élu au suffrage universel direct. Depuis
septembre 2000, son mandat est de cinq années. Le président a pour
mission de choisir le Premier ministre et de présider le Conseil des
ministres. Il peut consulter les Français par référendum sur des
questions importantes. Le président de la République a encore pour
rôle essentiel de veiller au respect de la Constitution. Il ne dispose
des pleins pouvoirs pour gouverner qu’en cas de crise grave, comme
une guerre civile par exemple.
Le Premier ministre, chef du gouvernement, propose la nomination
des ministres (de l'Éducation, de l'Agriculture, de la Défense, etc.) au
président de la République. Le gouvernement ainsi composé conduit
et détermine la politique de la France. Il propose donc des lois au
Parlement et lui soumet également le budget de l'État (les dépenses
autorisées pour chaque ministère, les impôts, etc.). Un Conseil
rassemblant tous les ministres se réunit chaque mercredi pour faire le
point sur l’action du gouvernement et les projets en cours. Le
gouvernement est « responsable » de sa politique devant
l'Assemblée nationale : il doit répondre aux questions des députés et
peut être amené à démissionner si plus de la moitié des députés le
désavoue.
Au final, le juge
Depuis 1790, la fonction du juge, chargé de sanctionner ceux qui ne
respectent pas la loi, est clairement séparée de celle du législateur
comme de celle des ministres. Cependant, les juges sont des
fonctionnaires, engagés par l’État et soumis au ministère de la
Justice et à ses directives.
Figure 4-3 Le triple rôle du juge.
Il est vrai que la presse, par son rôle d’information des citoyens, peut
dénoncer certains actes ou certaines éventuelles collusions entre nos
juges et nos gouvernants, par exemple. Ainsi, la presse peut exercer
une pression sur les titulaires des trois autres pouvoirs.
• la cour suprême située sur le toit vérifie que le droit est bien
appliqué par les juges des deux étages.
Nous allons détailler dans ce chapitre les différentes strates du mille-
feuille judiciaire.
Comment ça marche ?
Le Tribunal des conflits a été créé par la loi du 4 février 1850. Il est
composé de huit membres, dont trois sont nommés par le Conseil
d’État, trois par la Cour de cassation, et deux autres… par les six
premiers. Tous ces juges sont désignés pour trois années. Le
ministre de la Justice doit présider le Tribunal des conflits. En
pratique, il ne se déplace pour présider que lorsque le partage des
voix est égal entre les juges et qu’ils ne parviennent pas à se décider.
Sa présence fait l’objet par ailleurs d’une polémique, dans la mesure
où il peut être considéré comme attaché à l’État et sous sa
domination, donc disposé à ordonner la compétence de l’ordre
administratif au détriment de l’ordre judiciaire.
Le Tribunal des conflits a donc élaboré des règles de démarcation
permettant aux justiciables de saisir la bonne juridiction. Rappelons
que l’ordre administratif juge les relations entre les particuliers et
l'Administration, tandis que l'ordre judiciaire se penche sur les
relations entre les particuliers ou entre un particulier et
l'Administration quand celle-ci rend des services commerciaux et
industriels. Ces règles de démarcation sont claires, mais les cas sont
tous différents, et il peut arriver que les juridictions de l’ordre judiciaire
et les juridictions de l’ordre administratif ne sachent pas très bien
déterminer leurs compétences : elles veulent juger le même procès et
se disputent une affaire. Ou, de manière plus négative, aucune des
deux ne souhaite prendre en charge une affaire ; par exemple,
lorsque l'affaire est trop « sensible » , ou quand les juridictions
craignent de se faire censurer si le litige est porté – le terme exact,
non dénué de poésie, est élevé – devant le Tribunal des conflits.
Dans ces deux hypothèses, il y a un conflit de compétence (conflit
positif – les deux ordres se déclarent compétents – ou conflit
négatif – aucun des deux ne s'estime concerné). La position de
garde-frontière du Tribunal des conflits est particulièrement
importante dans notre système judiciaire, car elle permet d’établir une
distinction claire entre les deux grands chemins du labyrinthe que
sont la voie judiciaire et la voie administrative.
Il convient de noter en effet que le juge unique est admis dans certains
cas : notamment pour les affaires devant être jugées en urgence, telles
que les référés, pour les affaires très particulières comme les affaires
de divorce, examinées par le juge aux affaires familiales, pour les
affaires d’expropriation par l’État, soumises au seul juge de
l’expropriation statuant sur les indemnités, ou encore pour les
demandes d’échelonnement des paiements des condamnations,
confiées au seul juge de l’exécution.
Pour les retraits de points sur le permis, il faut être plus que vigilant sur
la route… et en justice. Ce n’est pas parce que le jugement du tribunal
de police ne mentionne pas ces retraits qu’ils n’existent pas d’un point
de vue administratif. Pour en obtenir l’annulation, il convient de saisir à
son tour la justice en contestant cette décision administrative. Dans la
mesure où il s’agit d’une décision de l’Administration, ce sont les
tribunaux de l’ordre administratif qui sont compétents. À titre
d’exemple, il a été jugé à de nombreuses reprises que les retraits de
points sur le permis à la suite d’infractions constatées par des radars
automatiques ne répondaient pas aux exigences de preuve posées par
la Cour de cassation et le Conseil d’État.
L’amende forfaitaire
Bien souvent, l’automobiliste est soumis à l’amende forfaitaire. Ce qui
entraîne une confusion dans le vocabulaire courant, où la sanction
devient synonyme de contravention, qui désigne en réalité les
agissements répréhensibles.
Cette amende est moins facile à avaler que le fruit sec homophone. Il
s’agit d’une procédure simplifiée où il est demandé une somme
forfaitaire à l'auteur de l'infraction, qui évite ainsi de passer devant le
tribunal, voire lui permet de payer une somme minorée s’il la règle
immédiatement auprès de l’agent de police ou dans les trois jours. Si
l’automobiliste conteste l’amende forfaitaire, il doit rédiger un courrier
recommandé avec accusé de réception au procureur de la
République. Ce dernier ne peut pas refuser l’examen de cette
contestation.
Ainsi, la France a été condamnée le 7 mars 2006 par la Cour
européenne des droits de l’homme pour avoir dénié à un
automobiliste l’accès à un tribunal. En l’espèce, le procureur de la
République avait balayé ses arguments sans les transmettre au
tribunal. Il a été rappelé que le procureur de la République qui reçoit
une lettre de contestation de l’amende doit soit renoncer à la
poursuite, soit transmettre le dossier au tribunal, qui pourra prendre
une ordonnance pénale ou convoquer l’automobiliste.
L’ordonnance pénale
Inutile de tenter de vous faire rembourser cette ordonnance par la
Sécurité sociale ! L'ordonnance pénale est la décision prise par le
tribunal de police, sur les seules déclarations de la police et du
procureur de la République. Cette procédure simplifiée a été mise en
place pour désengorger les tribunaux et, officiellement, pour vous
éviter de vous déplacer au tribunal. En réalité, elle permet un gain de
temps, et donc d’argent, considérable pour la justice.
Comment ça marche ? Le justiciable reçoit une lettre recommandée
avec accusé de réception lui indiquant qu’il a été déclaré coupable de
certains actes (il a grillé un stop, par exemple) et qu’il a été
condamné à payer une amende.
Il bénéficie d'un délai de trente jours à compter de la date d'envoi du
courrier recommandé pour s’acquitter de cette amende ou la
contester.
On ne peut plus contester une amende une fois celle-ci réglée. Si
l’automobiliste souhaite débattre des faits qui lui sont reprochés, il ne
doit donc pas payer l’amende, sous peine de n’avoir plus de moyen
de recours par la suite. Pour former opposition, il suffit d'adresser une
lettre recommandée avec accusé de réception au greffe du tribunal
de police en expliquant que les actes reprochés sont contestés. Le
citoyen est alors convoqué à une audience avec le juge afin qu'il
puisse présenter sa défense. Attention, la simple parole ne suffit pas,
car le procès-verbal a été rédigé par un agent assermenté. Il faudra
donc apporter des témoignages. Il est encore possible de nier être
l’auteur des faits. Il est alors demandé de consigner une somme
forfaitaire, puis ce sera au procureur de la République de prouver
l’identité de la personne qui conduisait le véhicule ayant servi à la
commission de l’infraction.
Mais les délais pour faire appel sont courts : dix jours seulement à
compter du prononcé du jugement. L’appel peut être interjeté par la
personne condamnée et/ ou par la victime et/ou encore par le
procureur. Cependant, la victime ne pourra faire appel que de la
décision portant sur son indemnisation. Si elle trouve que la peine
d'emprisonnement appliquée n'a pas été assez lourde, elle ne
dispose d'aucun recours : cette décision appartient à l'État seul.
En raison des délais d’appel très réduits, il vaut mieux être présent à
l’audience si l’on souhaite être informé le plus rapidement possible de
la décision des juges. Cependant, s’il est présent, le condamné
risque également d’être mis en prison immédiatement si une peine
d’emprisonnement est prononcée. En cas d’absence, un mandat
d’arrêt est prononcé, et il faut attendre en pleine salle d’audience que
les autorités de police aillent chercher la personne condamnée pour
qu’elle soit mise en prison… Quant à connaître la motivation ayant
poussé les juges à rendre telle ou telle décision, elle ne sera
communiquée aux parties bien souvent qu’après le délai d’appel, le
temps de la rédaction suivi de celui des formalités de signature et
d'apposition des cachets officiels !
La Cour de cassation
Enfin, le toit du labyrinthe : la Cour de cassation. Septième ciel ou
Jugement dernier ? Reine du mépris du petit, la Cour de cassation ne
s'intéresse qu'au droit et à la manière dont il est interprété par les
juges. Elle n’a cure des faits, c’est-à-dire de la « petite histoire » qui a
donné lieu aux décisions qui lui sont soumises. Cette Cour est la plus
haute juridiction de l’ordre judiciaire. Son rôle essentiel est
d'uniformiser l'application de la loi par les différents tribunaux afin
d'éviter que des interprétations divergentes de la loi ne soient
effectuées par les juges. C'est pourquoi il n’en existe qu’une seule.
On parle de former un pourvoi en cassation lorsqu’une partie estime
que la cour d’appel n’a pas bien appliqué la loi. Pour saisir la Cour de
cassation, il convient de prendre un avocat spécialisé (voir
chapitre 9), qui rédige un mémoire sur la bonne ou la mauvaise
application de la loi par la cour d’appel. Contrairement à l’appel, le
pourvoi en cassation n’est pas suspensif, et il est nécessaire d’avoir
versé préalablement toutes les sommes auxquelles on a été
condamné, même si, par la suite, ces sommes pourront être
remboursées en cas de succès. Ce principe a pour but d’éviter que
des mauvais payeurs introduisent des recours pour retarder le
moment du paiement.
La procédure est écrite, et il n’y a donc aucune plaidoirie des
avocats. Il existe six chambres spécialisées (une chambre sociale,
une chambre commerciale, une chambre pénale et trois chambres
civiles). Chacune a à connaître des affaires de son domaine réservé.
Si une affaire touche plusieurs domaines, elle est jugée en chambre
mixte. Les juges de la Cour de cassation sont des juges
professionnels. Les mémoires de chaque partie sont généralement
examinés par trois juges, qui se prononcent après que leur a été
transmis l’avis du procureur général, c’est-à-dire du représentant de
l’État.
La Cour de cassation peut décider que la cour d’appel avait raison,
ou elle peut au contraire casser l’arrêt de la cour d’appel, c’est-à-dire
considérer qu’elle a fait une mauvaise application du droit. Mais
attention, ne crions pas victoire ! La décision peut être cassée car le
droit a été mal appliqué ; cela ne signifie pas pour autant que la partie
qui a gagné en cassation a définitivement remporté son affaire. La
justice française aime le suspense ! La Cour de cassation
n'examinant pas les faits et se contentant d’énoncer son
interprétation de la loi, elle renvoie par conséquent le dossier devant
une autre cour d’appel, qui va réexaminer les faits de l'affaire à la
lumière des explications de droit qui auront été données par la Cour
de cassation. Dès lors, même si cette seconde cour d’appel emploie
une interprétation du droit différente de la première cour d'appel, il
n'est pas dit qu'elle aboutira à un résultat différent.
Gagner devant la Cour de cassation en faisant censurer une
première cour d’appel ne signifie donc pas gagner la guerre, mais
seulement une bataille. Si les parties considèrent que la seconde
cour d’appel s’est, elle aussi, trompée dans l’application de la loi telle
qu’interprétée par la Cour de cassation, sa décision pourra
également être sujette à un nouveau pourvoi… Il peut donc s’agir
d’un petit jeu sans fin – sauf que, financièrement, ce petit jeu a un
coût non négligeable qui dissuade bon nombre de justiciables !
Après la décision finale de la Cour de cassation, le seul recours
possible nécessite de sortir du labyrinthe des juridictions françaises. Il
s’agit de la Cour européenne des droits de l’homme, lorsqu’il est
considéré que les juges français interprètent et appliquent la loi en
portant atteinte aux droits et libertés fondamentaux des citoyens,
définis au sein de la Convention européenne des droits de l'homme.
Les symboles de la justice
La justice a toujours fait appel à de nombreux symboles afin de frapper
les esprits. N’oublions pas qu’au Moyen Âge et sous l’Ancien Régime
peu de justiciables savaient lire, et ces symboles permettaient
d’exprimer l’importance et le sens de la justice. Ces symboles sont
présents au sein des palais de justice, principalement à travers des
peintures ou des statuts.
Le tribunal administratif
À la différence de l'ordre judiciaire, qui comporte de multiples
juridictions, l'ordre administratif ne compte qu'un seul tribunal : le
tribunal administratif. Il en existe un par région, parfois par
département dans certaines régions très peuplées.
Le tribunal compétent est celui du lieu où se situe l’administration
mise en cause. Selon l'importance des affaires qu'il est amené à
traiter chaque année, le tribunal administratif peut comporter
plusieurs chambres spécialisées.
Chaque affaire est jugée par trois juges, sauf dans les situations
d'urgence (reconduite à la frontière, par exemple) ou dans des cas
« faciles » , comme les permis de construire, la redevance
audiovisuelle, etc. Les juges du tribunal administratif ne sont pas
issus de la même école que les juges de l’ordre judiciaire, mais de
l'Administration ; et les conseillers d'État (c'est-à-dire les juges du
Conseil d’État, instance suprême de l’ordre administratif) sortent en
général de l’École nationale d'administration (ENA).
Le tribunal administratif est compétent pour toutes les affaires qui
mettent en cause la responsabilité de l'Administration. Cela peut aller
d'une faute commise par un fonctionnaire ou une commune, comme
la délivrance d’un permis de construire non valable, à une décision
prise par le préfet, telle que le refus d’un titre de séjour à un sans-
papiers. Les délais pour saisir ce tribunal sont stricts et souvent très
courts. En revanche, les délais que s’accordent les juges
administratifs pour se prononcer sur une affaire sont très variables,
mais souvent extrêmement longs. Les questions de nationalité et de
titres de séjour sont prioritaires, alors que les procès de mise en
cause de la responsabilité d’un agent de l’État ou de contestation
d'un redressement fiscal, par exemple, peuvent parfois être examinés
après deux à quatre années d’attente. Par surcroît, et bien souvent, il
est reproché au tribunal administratif de ne pas être à l’écoute des
justiciables et de mener l'examen des affaires qui lui sont soumises
de manière trop opaque.
Il existe de nombreuses différences entre la procédure devant l'ordre
judiciaire et la procédure devant l’ordre administratif. Cette dernière
est uniquement écrite. Cela signifie que l'avocat ou la partie qui se
présente seule devant le tribunal – car il est possible de se passer
d'avocat – doit expliquer son cas et argumenter ses demandes par
écrit dans ce que l’on nomme un mémoire, le tribunal ayant au
préalable été saisi par une requête. Chaque partie envoie ses
explications écrites au tribunal, qui les adresse à l’adversaire.
De longs mois, voire des années plus tard, le tribunal convoque le
justiciable et le représentant de l'Administration à une audience pour
examiner le dossier. Lors de celle-ci, il n’y a pratiquement pas de
plaidoirie. Les parties peuvent se déplacer, mais l’audience est
extrêmement frustrante, car généralement les avocats, s'il y en a, y
prononcent juste cette phrase aussi mythique que laconique : « Je
m'en rapporte à mes écritures. » Cela signifie que tout est dit dans le
mémoire déposé auparavant et qu'il n'expliquera pas oralement
l'affaire. Ce mutisme est fortement incité par les juges de l’ordre
administratif, qui ne veulent pas perdre de temps à écouter les
« baveux » (surnom donné aux avocats, réputés bavards).
Par ailleurs, devant le tribunal administratif, en dehors des juges, il
existe dans tous les cas l’équivalent d’un procureur de la République,
dénommé commissaire du gouvernement. Celui-ci a pour fonction
d’étudier les mémoires des parties avant les juges et de leur proposer
une décision. Les magistrats ne sont bien évidemment pas obligés de
suivre son avis, mais, dans la plupart des cas, la position du
commissaire du gouvernement est approuvée par les juges
administratifs. L’un des seuls intérêts d’aller au simulacre d’audience
de plaidoirie devant le tribunal administratif est donc d’entendre le
rapport du commissaire du gouvernement, permettant d’avoir des
indices sur la sauce à laquelle on va être mangé. Le tribunal
administratif ne se prononce pas sur l'affaire le jour même. Il renvoie
à une date ultérieure qui, là encore, peut être très lointaine et allonge
encore les délais de procédure. On l’aura compris, saisir le tribunal
administratif exige de la patience.
Le Conseil d’État
Le Conseil d’État est le pendant de la Cour de cassation de l’ordre
judiciaire au sein de l’ordre administratif. Il n’en existe qu’un, et il
siège au Palais-Royal, à Paris. Il est composé de plusieurs sections,
et son organisation peut paraître parfois compliquée et sinueuse. En
effet, le Conseil d'État a des attributions diverses.
La Commission nationale de
l’informatique et des libertés
La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a été
créée en 1978 par la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux
libertés. Elle est composée de 18 membres – 2 députés, 2 sénateurs,
2 membres du Conseil économique, social et environnemental,
2 conseillers d'État, 2 conseillers à la Cour de cassation, 2 conseillers
à la Cour des comptes, 5 personnalités qualifiées et un membre de la
Commission d'accès aux documents administratifs (soit
seulement 6 professionnels du domaine).
Ses membres sont nommés pour cinq ans et ont pour mission de
s’assurer du respect de la vie privée des citoyens face au
développement des fichiers informatiques traitant de données
personnelles. La Commission veille à ce que les noms, adresses,
numéros de téléphone et autres habitudes de consommation ne
soient pas inscrits dans des fichiers pour être ensuite revendus à
l'insu des intéressés. Tout traitement de données doit ainsi être
déclaré à la Cnil, et les personnes dont les données sont traitées
doivent être valablement informées et pouvoir s’y opposer. À titre
d'exemple, un fichier clients ou la liste d'un fan-club doivent être
déclarés. Plus important, lorsque des données personnelles sont
confiées à un opérateur téléphonique ou à un opérateur Internet par
exemple, celles-ci ne peuvent être revendues à certaines entreprises,
qui par la suite pourraient envoyer de la publicité sans consentement
exprès.
Certains traitements de données dites « à risques » (sur l’état de
santé, sur l’origine raciale, l’appartenance syndicale ou l’orientation
sexuelle) sont soumis à autorisation de la Cnil. Un établissement
bancaire ou un agent immobilier ne peut donc pas ficher ses clients
en fonction de leur origine ethnique ou de leur orientation sexuelle.
Toute contravention à ces règles est passible de sanctions
administratives (avertissements, mises en demeure, sanctions
pécuniaires pouvant atteindre 300 000 euros, injonctions de cesser),
mais aussi parfois de sanctions pénales, notamment pour ce qui est
des fichiers discriminatoires.
Pour toute revendication de cet ordre, il est possible de contacter la
Cnil par courrier (3, place de Fontenoy - TSA 80715 - 75334 Paris
Cedex 07) ou de consulter son site Internet (www.cnil.fr). Le site
propose également une démonstration ludique du « traçage » sur
Internet. Ainsi, les internautes peuvent prendre conscience que
chaque page visitée laisse une trace qui permettra par la suite de
noter l’historique de cette visite. Le site de la Cnil propose également
des systèmes de déclaration en ligne dits de téléprocédure.
Le flicage des salariés par les employeurs
Avec l’avènement de l’informatique, les salariés ont vu se multiplier les
outils de surveillance, tels que les pointeuses électroniques, les badges,
les systèmes de vidéosurveillance, voire de cybersurveillance. À quelles
conditions ces technologies peuvent-elles être mises en place ? Sont-
elles légales ? L’employeur a parfaitement le droit de surveiller ses
salariés dans le cadre de l’accomplissement de leur mission
professionnelle. En revanche, il ne peut s’immiscer dans la sphère
personnelle de ses salariés. La mise en place de tout système de
surveillance doit donc être réalisée après l’information préalable des
salariés et la consultation des représentants du personnel. Les
systèmes de vidéosurveillance et de cybersurveillance doivent être
déclarés à la Cnil. Par ailleurs, les juges en matière de droit du travail se
sont penchés sur la question des dossiers personnels des salariés
figurant sur leurs ordinateurs professionnels. Après de nombreux
débats et revirements, il a été décidé que l’employeur peut consulter,
sans l’accord et hors la présence du salarié, toutes ses
correspondances et ses dossiers présents sur l’ordinateur
professionnel, sauf s’ils mentionnent clairement leur caractère
personnel.
• le chef d’établissement ;
• le gestionnaire d’établissement ;
L’internationalisation
La société française s’internationalise… comme le reste
de la planète. C’est donc d’abord une mondialisation du
droit qui s’impose peu à peu. Les organisations
internationales fleurissent dans tous les secteurs, de la
pêche baleinière à la protection du patrimoine culturel.
Chacune d’entre elles engendre son lot de traités plus ou
moins contraignants.
Dans cette globalisation, l’anglais a depuis longtemps
remporté la prime. Devenu la langue commune du village
planétaire, il a entraîné avec lui des pratiques de
négociation qui impliquent notamment le recours à un
vocabulaire et des usages juridiques communs a priori
issus des pays anglo-saxons.
Plagier la procédure
Lorsque le droit français regarde de l'autre côté de
l'Atlantique, les réflexions – voire les simples plagiats –
concernent aussi la procédure, c'est-à-dire la façon même
de concevoir l’administration de la justice. Le cas le plus
récent consiste en l'instauration du « plaider-coupable » .
Le but serait de simplifier le traitement des affaires
pénales, en offrant la possibilité de se sacrifier d'emblée,
sans combattre, en échange d’une clémence négociée…
Lasse, la contrefaçon hexagonale de cette invention
yankee est de piètre qualité et n'offre pas au suspect les
mêmes garanties que celles du modèle original ; sans
compter les réticences des professionnels voyant aussi
bien leur marché que les droits de la défense fondre au
moule de cette machine à juger, qui rappelle les pires
feuilletons judiciaro-policiers.
Des limites provisoires
Les freins à ce gigantesque copier-coller juridique
fonctionnent encore, même si l’usure menace.
Leurs attributions
Les magistrats du siège prononcent des jugements sur les litiges qui
leur sont soumis par les parties ou par le parquet. Ils ont pour mission
d’appliquer la loi et de dire le droit après avoir entendu les parties en
litige, leurs représentants (c’est-à-dire leurs avocats) et le ministère
public.
Les magistrats du siège exercent différentes fonctions, au sein de
plusieurs juridictions. Seuls les magistrats officiant devant les
juridictions civiles et pénales seront évoqués ici, les juridictions dites
« spécialisées » étant détaillées dans le tableau reproduit
précédemment.
Le juge généraliste, qui siège au tribunal de grande instance (au
tribunal judiciaire depuis le 1er janvier 2020), tranche l’ensemble des
litiges entre particuliers au civil. En matière pénale, il juge les auteurs
de délits au tribunal correctionnel.
D’autres juges exercent devant le tribunal de grande instance des
fonctions plus spécialisées. Le juge aux affaires familiales (dit aussi
« JAF » ) concilie, prend les mesures provisoires, prononce le
divorce. Le juge de la mise en état veille au déroulement loyal de la
procédure devant le tribunal, avant que l'affaire soit enfin plaidée pour
être jugée. Le juge des référés, en tant que président du tribunal
statuant en référé, peut prendre des décisions rapides en cas
d'affaire simple ou de risque, pour l'une des parties, de subir un
préjudice difficilement réparable. Le juge de l’exécution peut être saisi
des problèmes relatifs à la mise en œuvre des décisions civiles. (On
l'appelle aussi familièrement « JEX » , comme le célèbre produit
nettoyant…) Le juge des libertés, en sa qualité de gardien de la
liberté individuelle, peut être saisi notamment en cas de détention
arbitraire, d’atteinte à la liberté et d’aller et venir, ainsi que d’atteinte à
la vie privée.
Les affaires pénales les plus complexes sont confiées au juge
d’instruction. Les dossiers lui sont attribués par le président du
tribunal. Son intervention n’est obligatoire qu’en matière criminelle,
c’est-à-dire pour les infractions les plus graves. En matière
délictuelle, le parquet apprécie l’opportunité d’ouvrir une information,
en fonction de la complexité de l'affaire, des investigations
nécessaires pour la mettre en état, ou des mesures provisoires utiles
avant le jugement. De fait, à peine 10 % des affaires jugées sont
d'abord portées devant le juge d'instruction. L’ouverture de
l’information peut être aussi le fait de la victime en cas de constitution
de partie civile.
Le juge d’instruction a pour mission d’instruire à charge et à
décharge. Pour ce faire, il dirige les services de police ou de
gendarmerie en déléguant certains de ses pouvoirs par commission
rogatoire. Il est décisionnaire en matière de mandat d’arrêt et de
placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire. Chef
d'orchestre de l'instruction, il dispose d'une panoplie d'actes divers :
transport sur les lieux aux fins de reconstitutions, perquisitions,
saisies, restitutions, interceptions de correspondances émises par la
voie de télécommunications, auditions de témoins, interrogatoires et
confrontations, délivrance de mandats de comparution, d’amener et
d’arrêt, placement en détention ou sous contrôle judiciaire, délivrance
de commissions rogatoires nationales ou internationales, ordonnance
de désignation d’expert. Signalons que les parties (mis en examen et
partie civile) peuvent soumettre une demande motivée d’acte au juge
d’instruction par écrit. Ce dernier dispose d’un délai de trente jours
pour rendre une ordonnance motivée.
Au terme de son enquête, il incombe au juge d'instruction de décider
si l'affaire doit être soumise à la juridiction de jugement ou au
contraire aboutir à une ordonnance de non-lieu. On comprend, au
regard de l’importance des pouvoirs qui lui sont conférés, que
revienne périodiquement la question des « abus de pouvoir » de ces
juges dont l’opinion publique accepte mal les erreurs.
Le juge de l’application des peines (également dénommé « JAP » )
est chargé du suivi des condamnés à l’intérieur et à l’extérieur de la
prison. Il a pour rôle d’individualiser l’exécution des peines privatives
et restrictives de liberté à proportion des efforts consentis par les
condamnés. En milieu carcéral, il décide des principales modalités du
traitement pénitentiaire en utilisant l’ensemble des mesures
d’individualisation prévues par le Code de procédure pénale. Sauf
urgence et après avis de la commission de l’application des peines, il
décide des aménagements de peine des condamnés (permissions de
sortie, placement à l’extérieur, semi-liberté, libération conditionnelle,
etc.).
En milieu « libre » (à ne pas confondre avec le Milieu, souvent en
liberté…), le juge de l'application des peines contrôle et suit les
condamnés qui lui sont confiés par une décision judiciaire, en cas
d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve, de travail d'intérêt
général, de liberté conditionnelle, etc.
Figure 9-2 En un coup d’œil : les différents magistrats du siège.
Que font-ils ?
Les missions du procureur de la République sont longuement
définies par les articles 31 et suivants du Code de procédure pénale.
Les textes nous enseignent qu’en théorie le procureur de la
République et le procureur général défendent l'intérêt de la société
(ou « intérêt public » ) : le premier devant les tribunaux, le second au
sein des cours d’appel et de la Cour de cassation. Ils sont assistés de
substituts ou d’avocats généraux. Tous sont hiérarchisés et placés
sous l’autorité du garde des Sceaux.
Dans la loi, cela est résumé ainsi : « Le ministère public exerce
l'action publique et requiert l'application de la loi. […] Il est représenté
auprès de chaque juridiction répressive. Il assiste aux débats des
juridictions de jugement ; toutes les décisions sont prononcées en sa
présence. Il assure l’exécution des décisions de justice. » De plus,
« il est tenu de prendre des réquisitions écrites conformes aux
instructions qui lui sont données […]. Il développe librement les
observations orales qu’il croit convenables au bien de la justice » . En
pratique, il requiert très souvent à charge…
Destinataires des plaintes et des procès-verbaux, les magistrats du
parquet sont juges de l’opportunité des poursuites. Le cas échéant,
ils ont en charge la direction des services de police et de
gendarmerie lors des enquêtes judiciaires. Ils sont présents aux
audiences et plaident dans l’intérêt public en requérant une peine. On
les trouve ainsi à tous les stades du processus répressif : en amont,
le procureur de la République dirige l'enquête diligentée par les
officiers et les agents de police judiciaire, et, en aval, après la
condamnation, il assure l’exécution de la peine.
Ainsi, le procureur général incarne le « Big Brother » de l’application
de la loi pénale en cour d’appel et du bon fonctionnement des
parquets de son ressort. Il est aussi le « Big Boss » , puisqu’il anime
et coordonne l’action des procureurs de la République ainsi que la
conduite de la politique d’action publique par les parquets de son
ressort. Sur demande du procureur général, le procureur de la
République lui adresse un rapport annuel sur l’activité et la gestion de
son parquet ainsi que sur l’application de la loi. Le procureur général
a, dans l’exercice de ses fonctions, le droit de requérir directement la
force publique. En clair, il a le pouvoir d'envoyer la maréchaussée à
l'attaque ! Il n'est donc pas surprenant que les officiers et agents de
police judiciaire soient placés sous sa surveillance. Le procureur
général peut les charger de recueillir tous les renseignements qu’il
estime utiles à une bonne administration de la justice.
Le parquet n’est pas seulement présent en matière pénale. Il
intervient également en matière civile, et plus particulièrement en ce
qui concerne l’état des personnes : changement de nom, assistance
éducative, tutelle, adoption et problèmes de filiation. Le justiciable le
retrouve également dans certaines procédures commerciales : il
requiert devant le tribunal de commerce, et la loi lui donne le pouvoir
de saisir d'office cette juridiction dans les cas d'entreprises en grande
difficulté.
Le procureur de la République a encore d’autres fonctions
d’importance. Il reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la
suite à leur donner. Toute autorité constituée, tout officier public ou
fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la
connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans
délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat
tous les renseignements, procès-verbaux etactes qui y sont relatifs. Il
peut alors engager des poursuites ou bien classer sans suite la
procédure dès lors que les circonstances particulières liées à la
commission des faits le justifient (soit parce que le dossier ne tient
effectivement pas la route, soit parce qu'il a d'autres chats à fouetter !
).
Le procureur de la République informe les plaignants et les victimes,
si elles sont identifiées, des poursuites ou des mesures alternatives
aux poursuites qui ont été décidées à la suite de leur plainte ou de
leur signalement. Lorsque l’auteur des faits est identifié mais que le
procureur de la République choisit de classer sans suite la
procédure, il avise également les plaignants et les victimes de sa
décision en indiquant les raisons juridiques ou d'opportunité qui la
justifient.
La joute peut se poursuivre pour éviter qu’un dossier ne soit enterré.
Les textes disent : « Toute personne ayant dénoncé des faits au
procureur de la République peut former un recours auprès du
procureur général contre la décision de classement sans suite prise à
la suite de cette dénonciation. Le procureur général peut […]
enjoindre au procureur de la République d'engager des poursuites.
S'il estime le recours infondé, il en informe l’intéressé. »
Enfin, le procureur de la République contrôle les mesures de garde à
vue. Il visite les locaux de garde à vue chaque fois qu’il l’estime
nécessaire et au moins une fois par an.
Les costumes judiciaires
Au XIIIe siècle, la robe des magistrats était composée d’une soutane
noire et d’une robe rouge d’origine royale. On peut encore voir ce
costume – aujourd’hui fondu en une seule pièce – sur le premier
président et le procureur général. Sous l’Ancien Régime, la tradition
voulait que les rois donnent des costumes identiques aux leurs aux
magistrats des parlements. Il s’agissait du costume royal revêtu lors du
sacre, de l’entrée du roi en ville et de son enterrement. Cette coutume
signifiait que la justice était l’attribut essentiel des souverains. Le
pouvoir de rendre la justice était délégué par le roi aux magistrats. Il
était donc légitime que ceux-ci revêtent les mêmes habits que le
souverain.
L’accès à la profession
Pour être avocat, il faut d’abord être titulaire d’une maîtrise
(désormais baptisée « master 1 » ) en droit ou de l'un des diplômes
reconnus comme équivalents par arrêté du ministre de la Justice, du
ministre de l’Éducation nationale et du ministre des Universités, après
avis du Conseil national des barreaux. Il faut ensuite réussir l’entrée à
un centre régional de formation professionnelle des avocats
(CRFPA), par le biais d'un examen organisé par les universités. Cette
épreuve d’entrée ne peut être présentée que trois fois.
À l'issue de leur formation de dix-huit mois au CRFPA – dont six mois
de stage en cabinet d'avocat – qui fera d'eux des « maîtres » en
matière de procédure civile, pénale, commerciale, administrative ou
prud’homale, de techniques contractuelles et de déontologie, les
étudiants sont soumis à un nouvel examen de sortie, afin d'obtenir le
certificat d'aptitude à la profession d'avocat (Capa). Dès l'obtention
du Capa, les petits nouveaux peuvent solliciter leur inscription auprès
du barreau de leur choix après avoir prêté serment. Depuis 2005, le
régime du stage de deux années au terme duquel le stagiaire pouvait
solliciter son inscription au Grand Tableau lui permettant de poser sa
plaque a été abrogé : désormais, les jeunes diplômés peuvent, dès
leur sortie de l’école, soit intégrer un cabinet en tant que
collaborateur libéral ou salarié, soit exercer à titre individuel.
Près de 50 % des 50 000 avocats français dépendent du seul
barreau de Paris. Ce déséquilibre procède de l’inégalité de la
répartition de la population (presque 20 % de la population française
vit en Île-de-France) et des richesses (l'Île-de-France contribue à près
de 30 % du produit intérieur brut national), chère à la France
centralisée d’antan.
Combien ça coûte ?
La rémunération des avocats varie selon l’activité, la renommée et la
localisation du cabinet. L'avocat perçoit des honoraires libres, fixés
en accord avec son client. Le montant des honoraires peut faire
l’objet d’un contrat écrit dès le premier entretien : il s'agit alors d'une
convention d’honoraires.
Qu'ils soient horaires – facturés à l'heure – ou forfaitaires – facturés à
la tâche –, les tarifs des avocats peuvent varier considérablement de
l’un à l’autre… Le revenu annuel médian des avocats français
s'élevait en 2015 à 42 931 euros, soit 3 577 euros par mois.
De la volaille : la police
Leur origine
Déjà sous l'Antiquité, les décisions des juges étaient appliquées par
les ancêtres de nos actuels huissiers, les officiales. Ceux-ci portaient
différents titres selon leurs fonctions : les plus remarqués étaient les
apparitores et les executores. Les apparitores avertissaient le peuple
pour le rassembler lors des jugements. Ils introduisaient les plaideurs
et assuraient la « police » des audiences, c’est-à-dire qu'ils
rétablissaient le silence lorsque les voix s'enflammaient. Les
executores avaient pour tâche de s’emparer des biens des débiteurs
récalcitrants (action de saisie) ou même de les conduire en prison.
Puis, la Pax Romana s'écroula sous le flot des nombreuses invasions
barbares et la justice privée réapparut… Ce ne fut qu’au Moyen Âge
que, petit à petit, le royaume s’organisa autour d’un ensemble de
hiérarchies qui établirent chacune sa propre organisation judiciaire.
Pourtant, dans toutes ces différentes juridictions, une certaine unité
permettait de représenter le pouvoir. Pour cela, il fallait des agents
jouissant d’une autorité incontestée. Nos ex-officiales romains furent
alors transformés en bedeaux, serviens, semonceurs, puis en
sergents et en huissiers. L’huissier devint un des symboles de
l’autorité royale.
La verge était la principale caractéristique de l’autorité de l’huissier. Il
s’agissait d’une sorte de petite baguette ronde, en ébène, longue
d’une trentaine de centimètres et garnie de cuivre ou d'ivoire. D'après
un décret datant de 1568, les huissiers devaient toucher « ceux
auxquels ils auront la charge de faire exploit de justice » . C’est
d’ailleurs de là que vient le mot « exploit » , transformé par la suite en
acte. Dès que l’huissier avait touché quelqu’un de sa verge, celui-ci
lui devait obéissance et soumission.
En janvier 1572, nos officiers perdirent l'obligation du port de leur
costume, et leurs signes distinctifs se réduisirent à un écusson à trois
fleurs de lys visible sur l’épaule ainsi que, toujours, la fameuse verge.
Parallèlement, ils virent leurs attributions se compartimenter. Par
exemple, à Paris, la juridiction du Châtelet comprenait six sortes
d'huissier :
Leur origine
Les notaires sont eux aussi apparus dès l'Antiquité, sous les traits
des scribes égyptiens ou des tabellions romains. Au IIIe siècle avant
notre ère, durant le Bas Empire romain, des fonctionnaires dont les
attributions s’apparentent à celles des notaires authentifient déjà des
contrats au nom de l'État. Dès la fin du XIIIe siècle, le rôle du notaire
se développe, la fonction notariale s’étend à l’ensemble des
domaines placés sous l'autorité du souverain. En 1539, par
l'ordonnance de Villers-Cotterêts, François Ier esquisse ce que sera
l’organisation de la profession de notaire : les actes devront être
rédigés en français, leur existence sera consignée dans un
répertoire, et ils seront protégés par le secret professionnel.
La loi du 25 ventôse an XI après la Révolution, soit en mars 1803,
donne au notariat un statut dont les fondements et les grands
principes n’ont pas été, pour l'essentiel, modifiés depuis. Les notaires
du XIXe siècle sont comme aujourd'hui des officiers publics qui
détiennent le sceau de l'État et assurent le service public de
l'authenticité. Enfin, l'ordonnance du 25 novembre 1945 dote le
notariat de structures institutionnelles et crée, en plus des chambres
départementales, les conseils régionaux ainsi que le Conseil
supérieur du notariat.
Leur statut
L'ordonnance du 2 novembre 1945 dit : « Les notaires sont les
officiers publics établis pour recevoir tous les actes et contrats
auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère
d’authenticité attaché aux actes d’autorité publique et pour en assurer
la date, en conserver le dépôt, en délivrer les grosses et
expéditions. » Le notaire a ainsi des rôles multiples :
• authentifier les contrats, c’est-à-dire constater l’accord des
parties, leur donner force probante et date certaine ;
La discipline
Leur réputation est souvent malmenée, et l’expression « notaire
véreux » est pratiquement entrée dans le langage courant.
Pourtant, il est interdit aux notaires, soit par eux-mêmes, soit par
personne interposée :
L’opportunité de l’expertise
Le serment prêté en cour d'appel par l'expert judiciaire est le suivant :
« Je jure d’apporter mon concours à la justice, d’accomplir ma
mission, de faire mon rapport et de donner mon avis en mon honneur
et en ma conscience. » L’application pratique est sujette à beaucoup
de nuances.
Les magistrats ne peuvent avoir des connaissances dans tous les
domaines : médecine, économie, finance, psychologie, architecture…
Or, pour rendre la justice, il est nécessaire d’avoir une bonne
appréhension des divers éléments d’une affaire dans toutes ses
dimensions. C'est pourquoi les magistrats sollicitent
occasionnellement l’avis de professionnels compétents dans une
technique ou une science spécifique (médecins, psychologues,
architectes, ingénieurs, géomètres experts ou techniciens, etc.).
Parce qu'ils sont des acteurs récurrents de la justice, la loi prend soin
de définir précisément leur intervention, de leur désignation jusqu’au
jugement rendu sur la base de leurs observations. Ainsi, la loi prévoit
que l'expertise peut être ordonnée dans le cas où une consultation ou
des constatations ne pourraient suffire à éclairer le juge. Il n’est
désigné qu’une seule personne à titre d’expert, à moins que le juge
n’en décide autrement à titre exceptionnel.
Le pouvoir du juge
La décision qui ordonne l'expertise :
Le déroulement de l’expertise
L’expert doit informer le juge de l’avancement de ses opérations et
des diligences accomplies par ses soins. Et pour cause, il est très
rare que le juge assiste aux opérations d’expertise, bien que cela soit
légalement possible.
L’expert doit prendre en considération les observations ou
réclamations des parties lorsqu’elles sont présentées dans le délai
imparti. À défaut de respecter la deadline, l’expert n’est pas tenu de
prendre en compte les observations ou réclamations qui auraient été
faites après l’expiration de ce délai, à moins qu’il n'existe une cause
grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge. Les
observations des parties sont formulées dans des dires, c’est-à-dire
dans des argumentaires écrits contradictoires : toute communication
d'une partie avec l’expert doit être transmise à la partie adverse. Les
règles du procès sont également applicables à l’expertise.
Il n’est pas exclu que l’expert recueille l’avis d’un autre technicien,
mais seulement s’il exerce dans une spécialité distincte de la sienne.
En cas de problème, si l'expert se heurte à des difficultés qui font
obstacle à l'accomplissement de sa mission ou si une extension de
celle-ci se révèle nécessaire – si les chefs de mission sont
insuffisants –, il en informe le juge. Dans l'hypothèse d'un accord
amiable intervenu entre les parties, l’expert informe le juge que sa
mission est devenue sans objet. Les parties peuvent demander au
juge de donner force exécutoire à leur accord : celui-ci est donc
formalisé par un jugement.
Après le dépôt du rapport, le juge fixe la rémunération de l'expert en
fonction notamment des diligences accomplies, du respect des délais
impartis et de la qualité du travail fourni.
Les experts judiciaires habilités par la justice apportent donc dans ce
cadre légal un éclairage sur certains aspects d'une affaire, pour
permettre aux magistrats de prendre leur décision en connaissance
de cause. Les experts établissent un rapport qu’ils remettent au
magistrat, mais leur avis ne lie pas celui-ci, qui peut à tout moment
ordonner une contre-expertise.
Les jurés
Le Code de procédure pénale prévoit ceci : « Le jury de
jugement est composé de six jurés lorsque la cour d’assises
statue en premier ressort et de neuf jurés lorsqu'elle statue en
appel. » Devenir juré de cour d'assises : cet accident n'arrive
qu’aux autres, croit-on à tort…
Le juré aussi prête serment
La mission de juré, parce qu’elle implique des conséquences
humaines lourdes, nécessite elle aussi un serment
particulièrement solennel. Le Code de procédure pénale
indique : « Le président adresse aux jurés, debout et
découverts, le discours suivant : “Vous jurez et promettez
d’examiner avec l’attention la plus scrupuleuse les charges qui
seront portées contre X, de ne trahir ni les intérêts de l’accusé,
ni ceux de la société qui l’accuse, ni ceux de la victime ; de ne
communiquer avec personne jusqu’après votre déclaration ; de
n’écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou
l’affection ; de vous rappeler que l’accusé est présumé innocent
et que le doute doit lui profiter ; de vous décider d’après les
charges et les moyens de défense, suivant votre conscience et
votre intime conviction, avec l’impartialité et la fermeté qui
conviennent à un homme probe et libre, et de conserver le
secret des délibérations, même après la cessation de vos
fonctions.” Chacun des jurés, appelé individuellement par le
président, répond en levant la main : “Je le jure.” »
Qui sont-ils ?
Chacun sait qu’il peut être désigné, mais tout le monde ignore
pourquoi ou comment. Or, un homme averti en vaut deux. Le
principe est posé par le Code de procédure pénale : peuvent
seuls remplir les fonctions de jurés les citoyens de l'un ou de
l'autre sexe, âgés de plus de 23 ans, sachant lire et écrire en
français, jouissant des droits politiques, civils et de famille.
Vous tremblez tant la définition du parfait juré vous
ressemble ? Rassurez-vous, toute règle de droit a son lot
d'exceptions. Le législateur épargne les mauvais élèves
suivants :
• les personnes dont le bulletin no 1 du casier judiciaire
mentionne une condamnation pour crime ou une
condamnation pour délit à une peine égale ou
supérieure à six mois d’emprisonnement ;
La partie civile
La partie civile est la personne qui s’estime victime d’une
infraction et qui entend, à ce titre, obtenir une indemnisation
de son préjudice. Une fois que la juridiction a statué au pénal
sur la sanction due à la société, elle examine les demandes
civiles de dommages et intérêts.
Un effort de considération de la victime a été fait en droit
français : elle est désormais mieux informée de ses droits –
de se constituer partie civile et d'obtenir réparation de son
préjudice – par l'officier de police judiciaire qui reçoit sa
plainte pour un crime ou un délit. Ainsi, la victime peut se
constituer partie civile en citant directement l’auteur des faits
devant la juridiction compétente ou en portant plainte devant
le juge d’instruction si l’action publique est mise en
mouvement par le parquet.
La constitution de partie civile est recevable jusqu’au moment
des réquisitions du ministère public au cours du procès de
l’auteur de l’infraction. À défaut de poursuite par le parquet, la
victime a le pouvoir de contraindre ce dernier à poursuivre
l’infraction commise à son préjudice en déposant une plainte
avec constitution de partie civile. Ce passage en force a un
prix, celui de la consignation que la partie civile est tenue de
verser, et dont le montant est fixé arbitrairement par le juge
d'instruction.
Les témoins
Un témoin est une personne qui atteste en justice – devant
une juridiction de jugement ou devant un juge d'instruction –
de ce qu'elle a vu ou entendu. Ne peuvent être considérés
comme des témoins les magistrats, les jurés et la partie civile,
même si celle-ci a voix au chapitre et est appelée à la barre
pour livrer sa version des faits.
Les témoins prêtent serment, selon la formule consacrée, de
« dire toute la vérité, rien que la vérité » et « de parler sans
haine et sans crainte » devant la cour d'assises lors de leurs
dépositions, sauf s'il s'agit :
• du père, de la mère ou de tout autre ascendant de
l’accusé, ou de l’un des accusés présents et soumis au
même débat ;
• de la partie civile ;
La « Gardienne » : l’Administration
pénitentiaire
Placée sous l'autorité du garde des Sceaux depuis 1911,
l'Administration pénitentiaire est l’une des cinq directions du ministère
de la Justice (les autres directions étant celles des services
judiciaires, des affaires civiles et du Sceau, des affaires criminelles et
des grâces et de la protection judiciaire de la jeunesse). Le directeur
de la direction de l'Administration pénitentiaire est nommé par décret
du président de la République, sur proposition du garde des Sceaux.
Cette direction comprend une administration centrale, des services
déconcentrés, un service à compétence nationale (SEP) et un
établissement public administratif chargé de la formation de tous les
personnels pénitentiaires, l’École nationale d’administration
pénitentiaire (Enap), située à Agen.
L'Administration pénitentiaire assume une double mission : la
surveillance des personnes placées sous main de justice et la
préparation de leur réinsertion. Au 1er janvier 2012, l'Administration
pénitentiaire comptait (hors Enap) 35420 agents (source :
www.justice.gouv.fr). Le lecteur attentif ne manquera pas de
remarquer que les détenus sont quasiment deux fois plus nombreux
que le personnel de l'Administration pénitentiaire.
L’argent
Dès son arrivée, au moment de sa mise sous écrou, le détenu doit
remettre ses bijoux, ses papiers d'identité et son argent afin que
ceux-ci soient déposés au coffre. Il ne peut désormais plus manier de
moyen de paiement jusqu'à sa libération. Il n’est autorisé à garder
que son alliance, sa montre, une chaîne avec une médaille religieuse
de petite taille et des photographies de sa famille.
• la part disponible ;
(Source : www.justice.gouv.fr)
Les visites
Le règlement de chaque établissement détermine les jours et heures
de parloir. Les prévenus et accusés (autrement dit, les personnes
incarcérées mais non encore jugées) ont droit à un minimum de trois
visites hebdomadaires, tandis que les condamnés ne bénéficient que
d'une visite hebdomadaire.
Tout visiteur doit détenir un permis accordé par le juge d’instruction si
le visité est prévenu ou par le chef de l’établissement s’il s’agit d’un
condamné.
Si le visiteur n’est pas un membre de la famille, la délivrance du
permis est subordonnée au résultat d’une enquête menée par la
police ou la gendarmerie.
Le déroulement du parloir est surveillé et strictement réglementé
(interdiction de recevoir ou d'échanger des objets – par exemple du
tabac, du papier, des magazines, des aliments, des boissons, etc. –,
d'avoir des relations sexuelles, etc.). Le détenu est nécessairement
fouillé avant et après le parloir, les visiteurs passant également par
des portiques de sécurité dignes d'un aéroport en zone de menace
terroriste.
La santé
Rapidement après sa mise sous écrou, le détenu voit un médecin,
qui procède notamment au dépistage de… la tuberculose. Une unité
médicale rattachée à l’administration hospitalière prend en charge le
suivi médical des détenus dans toutes les prisons. Par ailleurs, un
personnel soignant est constamment présent, et un suivi
personnalisé pour des problèmes physiques ou psychologiques peut
être sollicité par le détenu ; son courrier est alors confidentiel. Le
détenu ne peut ni stocker ni consommer de médicaments qui n’ont
pas fait l’objet d’une prescription interne. Il est précisé que le détenu
est affilié au régime général de la Sécurité sociale : sa famille a droit
au remboursement des frais médicaux s'il est en situation régulière. Il
faut encore noter que le détenu n’a droit qu’à trois douches par
semaine… Enfin, la peine ne peut être suspendue pour raison
médicale qu’à l’issue de deux expertises concordantes.
La discipline
La violation du règlement intérieur de la prison peut être sanctionnée
en commission de discipline. Il est précisé que le détenu peut être
entendu et assisté par son avocat ou un mandataire pendant
l’audience disciplinaire. Les sanctions pouvant être infligées sont les
suivantes :
• l’avertissement ;
Prisons de femmes
Les hommes et les femmes sont détenus dans des établissements ou
des quartiers distincts. Les femmes ne sont en contact qu’avec des
femmes, puisque le personnel de surveillance est alors exclusivement
féminin, alors que celles-ci peuvent surveiller des détenus masculins.
L’absence et la disparition : le
colonel Chabert
La mort peut être prononcée judiciairement en cas de disparition
d’une personne. Cela recouvre différentes hypothèses : la personne
dont on ne retrouve pas le corps à l’issue d’une catastrophe, celle qui
s’envole du jour au lendemain sans laisser d’adresse, celle qui ne
revient pas d’une guerre ou d’un long voyage. Ces hypothèses ont
abondamment nourri les faits divers ainsi que notre littérature.
Le droit distingue deux hypothèses afin de permettre la gestion du
patrimoine et des droits de l’absent ou du disparu. Juridiquement,
l’absent est celui qui a cessé de paraître au lieu de son domicile ou
de sa résidence sans que l’on en ait eu de nouvelles. Une procédure
de présomption d’absence peut être diligentée auprès du juge des
tutelles par toute personne qui y a un intérêt. La personne présumée
absente est considérée comme une personne vivante ; ses biens
seront donc gérés par un tuteur désigné par le juge. Cette mesure de
protection peut être demandée pour les personnes disparues comme
pour celles qui, par suite de l’éloignement, se trouvent malgré elles
hors d’état de manifester leur volonté (qu’elles soient emprisonnées à
l’étranger ou prises en otage…).
Avec le temps, si la personne disparue ne revient pas, sa mort
devient des plus vraisemblables. Toute personne qui y a un intérêt
peut donc, après un délai de dix années (porté à vingt années si la
procédure de présomption d’absence n’a pas été effectuée), saisir le
tribunal pour qu'un jugement de déclaration d’absence soit rendu.
Cette décision de déclaration d'absence produira les mêmes effets
que le décès naturellement intervenu. Cependant, il est possible – le
colonel Chabert dépeint par Balzac en est un exemple – que l'absent
réapparaisse. Les héritiers doivent alors lui restituer les biens qu’ils
ont acquis dans le cadre de la succession. Ambiance garantie en
famille ! Cependant, lorsque le mariage de l'absent a été dissous par
le jugement d'absence, à son retour, le mariage demeure rompu : il
appartient à l’absent de reconquérir le conjoint délaissé s’il veut à
nouveau convoler. L'ex-absent pourra donc légalement épouser sa
veuve !
Une autre procédure, celle de la disparition, plus souple, permet de
prononcer judiciairement le décès d’une personne lorsque celle-ci a
disparu dans des circonstances de nature à mettre sa vie en danger.
Le jugement de disparition interviendra si l’on démontre par un
faisceau d’indices que le décès est quasi certain. Il s’agit
d’hypothèses de catastrophes naturelles ou accidentelles (naufrages,
accidents d’avion, guerre…). Le décès sera dans cette seconde
hypothèse consacré par décision judiciaire.
Ces dispositions légales (procédures de disparition et d’absence) ont
été créées dans le cadre du Code civil consécutivement aux
campagnes napoléoniennes, car de nombreux soldats n’avaient pas
réapparu à leur domicile.
Figure 13-3 Récapitulatif : se marier, oui, mais pas sans certaines conditions !
La filiation
La filiation est ce qui rapproche un enfant de sa famille ; elle génère
différentes conséquences juridiques tenant à l’attribution du nom de
famille, à l’autorité parentale, au devoir d'entretien des parents, au
bénéfice des droits successoraux et à la nationalité.
Figure 13-4 Les quatre sortes de divorce.
Au quotidien, le droit de la
consommation
Acheter une baguette de pain, téléphoner, louer ou acheter un
appartement, tous ces actes de la vie quotidienne représentent des
contrats passés avec des professionnels. Le droit civil contient des
dispositions légales assez générales régissant les contrats. Un
célèbre adage – les juristes en sont friands – précise : « Qui dit
contractuel dit juste. » Ainsi, selon l'esprit du Code civil version
Napoléon, tout contrat est la rencontre de deux volontés libres : celle
de celui qui propose et celle de celui qui accepte. C'est la loi de l'offre
et de la demande. Une fois ces volontés rencontrées, le contrat signé
fait la loi des parties.
Or, ces dispositions propres au droit civil se révèlent insuffisantes, car
les rapports entre professionnels et particuliers ne sont pas égaux : le
droit de la consommation a donc émergé afin de protéger le plus
faible, autrement dit le consommateur. Ce dernier est, en effet, à la
merci d'un professionnel aux méthodes commerciales peu
scrupuleuses ou de la puissance économique d’une multinationale
qui impose des contrats types sur des imprimés non négociables,
contenant des clauses particulièrement contraignantes en caractères
minuscules.
Le droit de la consommation a donc peu à peu émergé, à partir des
années 1960, pendant les Trente Glorieuses, face à l’avènement d’un
consumérisme accru. En 1962, le président Kennedy avait d'ailleurs
déclaré dans un discours que les consommateurs étaient le groupe
social le plus important et le moins écouté. Divers lois ou règlements
ont été votés au fil des années afin de rééquilibrer les rapports entre
les professionnels et les consommateurs.
• le droit à la représentation.
Et, depuis le traité d'Amsterdam, en 1997, la protection des
consommateurs est partie intégrante du traité sur l’Union
européenne. L’objectif est d’harmoniser les dispositions des États
membres en la matière. L’uniformisation doit cependant s'effectuer
« par le haut » , c'est-à-dire par l'adoption des dispositions les plus
favorables aux consommateurs.
La procédure de licenciement
Tout licenciement doit être précédé d’un entretien préalable avec la
personne concernée. L’objectif est que le salarié soit informé de ce
que l’employeur entend faire et qu’il puisse s’expliquer quant aux
griefs qui lui sont exposés. Théoriquement, l’entretien doit permettre
une conciliation. Cependant, dans la majorité des cas, l’entretien
préalable débouche sur un licenciement.
Une procédure de licenciement est par ailleurs affaire de courriers et
de délais. Le salarié doit d’abord être convoqué à l’entretien par lettre
recommandée ou remise en main propre contre décharge (car rien
n’oblige le salarié à accepter la remise en main propre). Cette
convocation doit préciser que l’entretien a pour objet un licenciement,
mais que, à ce stade, le licenciement est seulement envisagé. En
effet, la convocation ne peut pas prononcer par avance le
licenciement. Enfin, il est obligatoire que la convocation rappelle la
possibilité pour le salarié de se faire assister par la personne de son
choix.
Ensuite, un délai de cinq jours ouvrables doit être respecté entre la
réception de la convocation et l'entretien (notez que le jour de la
réception ne compte pas). Depuis 2004, l'entretien préalable peut
avoir lieu en dehors du temps de travail ; toutefois, dans ce cas, le
temps de l’entretien doit être compté dans le temps de travail.
Autrement dit, le salarié est payé pendant qu'il s'entend dire qu'il
risque fortement d'être viré !
Deuxième courrier de la procédure (mauvais signe pour le salarié…) :
la lettre de notification du licenciement, toujours en recommandé. Ce
courrier doit énoncer les motifs de la décision. Ce point est capital,
car, en cas de contestation de la part du salarié, l’employeur ne
pourra pas invoquer des griefs qui n’auraient pas été indiqués dans la
lettre de notification. Dans le jargon des avocats, la lettre de
notification fixe les limites du litige, ce qu'on pourrait résumer ainsi :
toute la lettre, mais rien que la lettre. Par exemple, si un salarié est
licencié pour insuffisance de résultats et qu'il conteste cette
insuffisance devant le conseil de prud'hommes, l’employeur ne
pourra pas ajouter qu’il reproche aussi au salarié des absences
injustifiées ou un vol pour essayer de justifier le bien-fondé de la
rupture du contrat de travail.
Par ailleurs, l’employeur doit attendre deux jours ouvrables après
l’entretien préalable pour envoyer la lettre de notification.
Normalement, ce délai est censé permettre à l'employeur de réfléchir
et de prendre sa décision. Ainsi, en théorie, le licenciement ne doit
pas être décidé lors de l’entretien. Dans les faits, il ne doit en tout cas
pas être annoncé à ce moment-là.
Figure 14-2 La procédure de licenciement.
Le moindre manquement à la procédure – en dehors même du bien-
fondé ou non du motif du licenciement – rend le licenciement
injustifié. Il faut reconnaître que, pour quiconque n’est pas bien au fait
du droit, par exemple dans une petite entreprise, l’ensemble des
formalités et obligations pesant sur l’employeur s’apparente à un
parcours semé de pièges. Néanmoins, les sanctions sont limitées.
Le salarié dont le licenciement est irrégulier peut saisir le conseil de
prud’hommes pour obtenir, s’il a plus de deux ans d’ancienneté et si
son ex-entreprise plus de onze salariés, une indemnité d'un montant
maximal de un mois de salaire brut. Si le salarié a moins de deux ans
d’ancienneté ou si son ex-entreprise compte moins de onze salariés,
l'indemnité sera fonction du préjudice effectivement démontré. Et,
depuis 2002, la Cour de cassation accepte que l'indemnité versée au
salarié ne soit que symbolique (1 euro). Les temps sont durs !
Le motif du licenciement
Tout licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse, ce que le
juge a l’obligation de vérifier. Le conseil de prud'hommes examinera
donc la situation afin de s'assurer que le motif reproché au salarié
dans la lettre de notification (et pas un autre ! ) existe objectivement
et est exact, c'est-à-dire vérifiable. En ce cas, il y a une cause réelle.
Le juge vérifiera également que les faits reprochés sont graves, de
sorte que le licenciement soit nécessaire pour assurer la bonne
marche de l’entreprise. En ce cas, la cause est sérieuse. En résumé,
il n’est plus possible, depuis 1973, de licencier quelqu’un pour des
raisons subjectives, autrement dit pour « délit de sale gueule » …
En cas de licenciement sans cause réelle sérieuse, le salarié de plus
de deux ans d'ancienneté dont l'entreprise compte plus de onze
salariés a droit à une indemnité de six mois de salaire brut au
minimum, et peut obtenir plus s’il démontre un préjudice particulier
(âge avancé ou très longue période de chômage, par exemple). Si
l’employeur est d’accord, le salarié peut même être réintégré dans
l’entreprise. Cette dernière option est facultative et, surtout, très
rarement mise en pratique… Les organismes d'assurance sociale
(Assedic) exigent pour leur part le remboursement des sommes
versées au salarié après le licenciement, c’est-à-dire jusqu’à six mois
d’indemnités de chômage. Bref, c’est parfois le jackpot pour le
salarié, et souvent une addition salée pour l'entreprise !
Dans le cas où le salarié a moins de deux ans d’ancienneté ou si
l’entreprise compte moins de onze salariés, les indemnités sont
moindres, calculées en fonction du préjudice effectivement subi, sans
ce plancher de six mois de salaire. D'où l'intérêt de rester au moins
deux ans dans sa boîte avant de se mettre ses patrons à dos !
La naissance de la société
Le contrat de société constitue l’acte de naissance de la personne
morale. Par cet acte, plusieurs personnes décident de s’associer en
vue d’exercer une activité économique sous la forme d’une société.
Ce contrat précise l’objet de la société, c’est-à-dire le type de l’activité
concrètement exercée. La description de l’objet social est un élément
très important du contrat de société ou, en pratique, de ce qui va être
dénommé les statuts de la société. La description ne doit être ni trop
générale ni trop détaillée. En cas de changement radical d’activité,
les statuts devront être modifiés.
Les apports
Chaque associé doit faire un apport à la société. L’apport est un bien
ou une valeur que l'associé transfère à la société ; en échange, il
reçoit des parts ou des actions de la société.
L'apport peut prendre trois formes :
Le capital social
Le capital social est la somme des valeurs apportées à la société.
Les apports en industrie ne sont néanmoins pas comptabilisés. Si
l’apport en numéraire est facile à évaluer d'un point de vue financier,
l'opération est plus difficile pour les apports en nature. Les associés
de la société doivent pour ce faire recourir à un commissaire aux
apports (en pratique, un commissaire aux comptes ou un expert).
Néanmoins, si l’apport en nature ne dépasse pas une certaine valeur,
les associés peuvent décider à l’unanimité de ne pas faire appel à un
commissaire aux apports, ce qui, dans certaines conditions, engage
leur responsabilité.
Seul et fauché, mais à la tête d’une société !
L’exigence d’un capital social minimal dans les sociétés à responsabilité
limitée (SARL) a été supprimée par la loi pour l’initiative économique,
dite « loi Dutreil », du nom du ministre à l’origine de son adoption, en
date du 1er août 2003. Avant, il fallait 7 500 euros
(anciennement 50 000 francs) pour fonder une SARL. Depuis la loi
Dutreil, il n’est plus nécessaire de réunir cette somme pour constituer
le capital social de sa SARL. Comme, par ailleurs, il est également
possible, depuis 1985, de créer des sociétés unipersonnelles – c’est-à-
dire qui ne comptent qu’un seul associé –, telles que l’entreprise
unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL). On peut ne pas être très
argenté, ne pas trouver de personnes prêtes à s’associer à son projet,
mais fonder quand même une société.
L’affectio societatis
L’affectio societatis n’est pas une maladie, mais l’ « intention de
s’associer » . Pas formellement exigée par la loi, elle constitue
pourtant une condition essentielle du contrat de société. Les associés
doivent avoir la volonté de vraiment collaborer ensemble, sur un pied
d’égalité, à la réussite de l’entreprise commune. Cette notion permet
de mettre à l'écart les sociétés fictives, dans lesquelles les associés
ne sont que des prête-noms dont le consentement à la société n’est
pas réel parce qu’ils ne sont pas animés, justement, par cet affectio
societatis.
La vie de la société
Une fois les statuts définis et l'activité mise en route, le droit impose
encore des règles de fonctionnement à la société.
La transformation de la société
Il y a transformation d’une société lorsqu’elle change de forme
sociale tout en continuant d’exister et en conservant donc sa
personnalité morale. Il peut s’agir, par exemple, d'une SARL qui est
transformée en SA, afin de permettre la cotation des titres de la
société (introduction en Bourse). Du fait que la société conserve sa
personnalité morale, il y a un transfert des droits et des obligations
qui pesaient sur l’ancienne société vers la nouvelle.
Les différentes sociétés
On distingue les sociétés à risque limité des sociétés à risque illimité.
Dans les sociétés à risque limité se trouve en premier lieu, et comme
son nom l’indique, la société à responsabilité limitée. Il faut y ajouter la
société anonyme, dans laquelle la responsabilité est également limitée
aux apports. Dans ces deux types de société, sauf faute particulière de
gestion, l’entrepreneur ne peut pas perdre plus que ce qu’il a investi
dans la société.
La disparition de la société :
dissolution et liquidation
Une société peut prendre fin, « mourir » , pour plusieurs raisons.
Cette ultime étape dans la vie de la société est appelée dissolution.
Le droit prévoit plusieurs cas de dissolution, ayant tous pour
conséquence la liquidation de la société.
La liquidation
La liquidation est l’ensemble des opérations qui, après la dissolution
de la société, ont pour objet la vente des actifs de la société afin de
payer les créanciers et, si c'est possible, de rembourser les associés
des apports qu'ils ont effectués.
DANS CE CHAPITRE
Le principe de la légalité pénale
La tentative
Chapitre 15
Oups ! Aïe ! Le droit pénal
Icertaines
l suffit d'ouvrir un quotidien à la page des faits divers ou de regarder
séries policières pour se faire une première idée de ce que
recouvre le droit pénal. Cependant, les journalistes n’expliquent pas
nécessairement tous les détails, et les fictions télévisées sont
souvent américaines. Ce qui entraîne des approximations, voire une
image erronée… Pour les juristes, le droit pénal se définit comme
« l'ensemble des règles juridiques qui organisent la réaction de l’État
vis-à-vis des infractions et des délinquants » . Il a donc pour objectif
de punir les comportements qui portent atteinte à la société. Vaste
programme !
Cette ambition se retrouve dans le Code pénal, dont la majeure partie
consiste à énumérer les différentes infractions existantes. Cette
longue liste de turpitudes (plus de 12 000) est organisée par un
certain nombre de grandes dispositions qui régissent plus
globalement le droit pénal ; ce sont le principe dit « de la légalité » et
ses conséquences (en particulier, l’interprétation stricte ainsi que la
non-rétroactivité de la loi pénale), la classification des infractions ou
encore les éléments constitutifs de l’infraction.
De nos jours, l’état de nécessité est souvent invoqué mais n’est reconnu
qu’exceptionnellement par les tribunaux : en 2005, le tribunal
correctionnel d’Orléans a relaxé 49 faucheurs volontaires de maïs
génétiquement modifié sur le fondement de l’état de nécessité. Mais la
cour d’appel n’a pas partagé cette analyse et les a condamnés, estimant
que les conditions de l’état de nécessité n’étaient pas remplies. De
même, les chômeurs dérobant de la nourriture dans les supermarchés
ou les personnes démunies voyageant régulièrement sans titre de
transport ne bénéficient guère de l’« état de nécessité ».
L’élément matériel
Le droit pénal ne sanctionne pas la simple intention de commettre
une infraction : il faut que cette intention se concrétise pour que la
sanction pénale soit encourue. L’action matérialisant l’intention
délictuelle constitue ce que l’on appelle l’élément matériel de
l’infraction. C’est par exemple le coup de poing porté à autrui (qui
devient alors l’élément matériel du délit de violences volontaires). En
revanche, si l'envie de gifler un collègue en reste au stade de l'envie,
cela ne relève pas du domaine du droit pénal (éventuellement de
celui du confessionnal)… La justification de cette règle est que la très
forte envie de gifler quelqu'un, tant qu’il n’y a pas de passage à l’acte,
ne trouble pas l’ordre social. Le droit se montre plus pragmatique que
la morale !
Il faut préciser que l’élément matériel peut consister en une action ou,
plus rarement, en une omission. Les délits plus courants sont les
délits d’action, qui consistent à effectuer un acte prohibé par la loi
(escroquer, blesser, etc.), mais il existe aussi des délits d’omission,
qui consistent en un acte « négatif » , là où la loi commandait au
contraire d’agir dans l’intérêt général (il peut s’agir notamment du fait
de ne pas porter secours à une personne en péril, de ne pas
dénoncer un crime dont il est encore possible de limiter les effets…).
Parfois, ne rien faire expose à la sanction pénale !
L’élément moral
Pour qu’il y ait une infraction, il faut que l’élément matériel résulte de
la volonté de son auteur, que l’acte soit volontaire. C’est ce que l’on
appelle l’élément moral de l'infraction. Le Code pénal est très clair :
« Il n'y a pas de crime ou de délit sans intention de le commettre. »
Mais alors, en quoi consiste la volonté dans un crime dit
« involontaire » ? On parle ainsi d’homicide involontaire, alors qu’il
s’agit en général d’un homicide par imprudence. L’élément
intentionnel réside justement dans l’acte d’imprudence en question.
En fait, la volonté est toujours présente dans un crime ou un délit,
mais elle peut être plus ou moins décelable. Quelquefois, la volonté
porte sur l’acte et sur ses conséquences, c’est-à-dire que la personne
a voulu les dits acte et conséquences ; il s'agit des infractions
qualifiées de « volontaires » , comme le meurtre, synonyme
d’homicide, ou le vol. Dans d’autres cas, la volonté ne porte que sur
l’acte, c’est-à-dire que la personne a voulu commettre le fait, l’acte,
mais sans en rechercher toutes les conséquences ; il s'agit des
infractions abusivement qualifiées – même par les juristes ! – d'
« involontaires » , comme l'homicide ou les blessures par
imprudence.
Le droit pénal est la matière par excellence qui illustre le mieux l’idée
selon laquelle la loi évolue pour s’adapter aux évolutions des mœurs.
Ces dernières années, une pratique des plus déplaisantes nous a
donné l'occasion de confirmer cette idée : le revenge porn. Il s’agit de
la pratique, démultipliée à l’époque des réseaux sociaux, consistant
à, après une rupture amoureuse, se venger de son ex-compagnon en
diffusant de lui des contenus érotiques ou pornographiques. La
difficile appréhension légale de cette pratique a généré un fort
contentieux et a fini par conduire le législateur à intervenir, par la loi
du 7 octobre 2016. Le nouvel article 226-2-1 du Code pénal prévoit
désormais qu'est puni de deux ans d'emprisonnement et
de 60 000 euros d'amende « le fait, en l'absence d'accord de la
personne pour la diffusion, de porter à la connaissance du public ou
d'un tiers tout enregistrement ou tout document portant sur des
paroles ou des images présentant un caractère sexuel, obtenu, avec
le consentement exprès ou présumé de la personne ou par elle-
même » . L’objectif poursuivi était de permettre à toute personne de
s'opposer à la diffusion notamment de photos ou de vidéos érotiques
ou pornographiques alors qu’elle en aurait initialement accepté la
réalisation.
DANS CE CHAPITRE
Le droit de la propriété intellectuelle
Le droit de la communication
Chapitre 16
Entrée des artistes : droit de la
propriété intellectuelle et droit de
la communication
L es arts et les créations en tous genres sont des domaines
réglementés par la loi. Le droit protège les auteurs et les créateurs en
leur accordant des privilèges pour qu’ils puissent vivre de leur art. La
loi, cependant, contrôle aussi le contenu des œuvres, puisque la
justice peut, par une censure déguisée, imposer aux écrivains et aux
journalistes de taire certains propos ou d’ajouter des feuilles de vigne
pour cacher une nudité qui pourrait choquer le public… En matière de
création, la loi manie donc cumulativement la carotte et le bâton.
La responsabilité administrative
Chapitre 17
Les géants en action : le droit
administratif
A ux États-Unis et au Royaume-Uni, l'Administration est régie par
les mêmes règles que celles qui sont applicables aux citoyens. En
France, ce n'est pas le cas. L'Administration y est soumise à un
ensemble de règles particulières qui forme ce qu’on appelle le droit
administratif. L’application de ces règles est contrôlée par un
magistrat spécifique spécial, dénommé juge administratif.
Ainsi, le tribunal jugeant l'Administration n'est pas le même que celui
des autres justiciables. Pour un problème de trouble du voisinage, si
la haie de votre voisin place votre terrasse irrémédiablement à
l’ombre, il faut saisir le tribunal de grande instance (ou tribunal
judiciaire), juridiction civile. Mais, en cas de litige avec une
administration, il faut saisir un tribunal administratif, puis, le cas
échéant, une cour administrative d'appel et, enfin, en ultime recours,
le Conseil d'État, qui sont ce qu’on appelle les juridictions
administratives.
L'une des justifications de cette situation est que les individus
agissent dans un but d'intérêt particulier, alors que l'Administration
poursuit un but d'intérêt public, d'intérêt général ; ce qui nécessite
qu'elle soit soumise à des règles différentes.
Le principe de légalité
L'Administration n'a pas un pouvoir illimité. Elle doit, heureusement,
agir en respectant la loi ; c'est ce qu'on appelle le principe de légalité.
La jurisprudence
La jurisprudence, c’est-à-dire l’ensemble des jugements rendus par
les tribunaux, joue un grand rôle en droit administratif. C’est elle qui
construit peu à peu la matière. Par la suite, l'Administration, quand
elle agit, doit tenir compte des jugements rendus par les tribunaux,
pour éviter de prendre des mesures qui seraient illégales, car
contraires à des jugements déjà prononcés. Même si, en principe, le
juge ne peut prendre des « arrêts de règlement » , qui auraient une
vocation générale.
Le service public
La notion de service public est la cheville ouvrière du droit
administratif, certains commentateurs allant jusqu’à dire que le droit
administratif est le droit des services publics. Le service public peut
être défini comme l'activité assurée par une entité publique en vue de
satisfaire un besoin d’intérêt général.
La responsabilité administrative
À l’origine, l’État ne pouvait voir sa responsabilité mise en cause, en
vertu de l’adage selon lequel « le roi ne peut mal faire » . En 1873,
l’arrêt Blanco consacre le principe de responsabilité de l'État, tout en
affirmant que celle-ci n'est pas soumise aux règles de droit commun
prévues par le Code civil.
La responsabilité du fonctionnaire
Il faut distinguer la faute de service, qui entraîne la responsabilité de
l'Administration et qui est jugée par le tribunal administratif, de la
faute personnelle du fonctionnaire, qui peut engager sa propre
responsabilité et relève des tribunaux judiciaires. Ainsi, le militaire qui
cause un accident pendant ses congés peut voir sa propre
responsabilité mise en cause, car la faute éventuellement commise
n’a aucun lien avec le service public auquel il participe en tant que
militaire.
Dans certains cas, la faute peut être commise à l’occasion de
l’exercice du service public, mais être considérée comme détachable
de celui-ci, parce qu’elle est particulièrement grave ou qu’elle résulte
d’une malveillance.
Dans ce cas, elle entraîne la responsabilité personnelle du
fonctionnaire. Par exemple, le maire qui emploie des termes
diffamatoires dans un communiqué engage sa propre responsabilité,
car il a fait preuve de malveillance. Il a aussi été jugé en 2004 que le
préfet qui donne l’ordre de détruire des paillotes construites sans
autorisation sur le domaine public commet une faute détachable du
service public, du fait de sa gravité.
Il peut aussi se présenter ce qu’on appelle un cumul de
responsabilité entre le fonctionnaire et l'Administration. Il suffit que la
faute personnelle du fonctionnaire ait été commise pendant le service
pour que la responsabilité de l'Administration puisse aussi être mise
en jeu. Dans ce cas, la victime peut demander au juge judiciaire de
condamner le fonctionnaire et au juge administratif de condamner
l'Administration. En revanche, la victime ne peut être indemnisée
qu'une fois. Le plus souvent, la victime agit contre l'Administration,
plus solvable, qui éventuellement, par la suite, se retourne contre le
fonctionnaire.
Faute personnelle et faute de service : l’affaire
Papon
Maurice Papon a été condamné par la cour d’assises de la Gironde, à
Bordeaux (juridiction judiciaire), à une peine de réclusion criminelle, au
plan pénal, et à plusieurs millions de francs de dommages et intérêts,
au plan civil, du fait de sa responsabilité dans la déportation de familles
juives alors qu’il était fonctionnaire à Bordeaux pendant la Seconde
Guerre mondiale. Le juge judiciaire a ainsi estimé qu’il y avait une faute
personnelle de l’intéressé, entraînant sa propre responsabilité. Maurice
Papon considérait, lui, qu’il y avait aussi une faute de service,
entraînant la responsabilité de l’Administration. Il s’est donc retourné
contre l’État devant les juridictions administratives. Le juge
administratif a pris en compte une ordonnance du 9 août 1944 qui a
expressément constaté la nullité des actes du gouvernement de Vichy.
Ce faisant, selon le juge, le gouvernement de 1944 a admis que les
agissements du régime de Vichy avaient un caractère fautif. Le Conseil
d’État a donc conclu à l’existence d’une faute de service, entraînant un
partage de responsabilité entre Maurice Papon et l’Administration.
Un enfant autrement ? La
procréation médicalement assistée
Le droit de ne pas avoir d’enfants est reconnu… tout comme celui
d’en concevoir par assistance médicale. La procréation
médicalement assistée est susceptible de recouvrir différentes
hypothèses :
• L’enfant est conçu par fécondation in vitro ; les embryons
conçus à partir des ovules et du sperme des parents sont
implantés dans l’utérus de la mère.
• Les gamètes (cellules reproductives) proviennent d’une
personne extérieure au couple et sont implantés dans l’utérus
de la mère.
• L’embryon conçu in vitro est implanté dans l’utérus d’une autre
femme (c’est le cas dit « des mères porteuses » ).
L'assistance médicale à la procréation doit être justifiée par l'infertilité
du couple ou pour éviter la transmission à l’enfant d’une maladie
d’une particulière gravité. Cette assistance à la procréation ne
bénéficie qu'aux couples stables (mariés ou justifiant d'une vie
commune de plus de deux années), de sexes différents, en âge de
procréer. Toute séparation de la vie commune et tout décès de l’un
des époux empêche la procréation médicalement assistée.
Avec la révision des lois de bioéthique, discutée en 2019, la PMA
devrait être ouverte à toutes les femmes, y compris aux femmes
seules ou aux couples de femmes. De nouvelles manifestations et
contestations sont à prévoir, comme lors du Mariage pour tous, avec
comme toile de fond le spectre de la gestation pour autrui.
En ce qui concerne l’aide d’un tiers donneur (qui offre son sperme ou
son ovule), elle ne peut intervenir que si les techniques d’assistance
à la procréation au sein du couple ont échoué. Les cellules
reproductives sont le reflet du patrimoine génétique et donc des
caractéristiques forgeant l’identité des personnes. Le don de gamètes
obéit à des conditions particulières. Avant l'intervention de la loi de
2004 sur la bioéthique, le donneur devait vivre en couple, et le
nombre d’enfants qui pouvaient naître de ce don était limité à cinq.
Ces conditions ont été supprimées. Les seules conditions désormais
requises sont d’avoir déjà procréé, de donner son consentement
écrit, ainsi que celui de son conjoint si le donneur vit en couple. Le
nombre d’enfants à naître de ce don est désormais limité à dix.
Afin d'éviter les pratiques constatées outre-Atlantique (où des
catalogues de mères porteuses ou de donneurs ou donneuses
étudiant dans les plus grandes universités sont proposés moyennant
finances), le don de gamètes est, par principe, gratuit. Toute
contrepartie financière est illicite. Il en est de même de la « location »
de son utérus.
Des traitements de maladies (comme certains types de cancer) ont
pour effets secondaires des probabilités élevées de stérilité chez le
patient.
Désormais, depuis la loi bioéthique de 2004, toute personne qui
risque de voir sa fertilité altérée dans le cadre du traitement d’une
maladie peut faire recueillir et conserver ses gamètes avant le
traitement, en vue de bénéficier d'une aide médicalisée à la
procréation une fois sa santé recouvrée.
Hibernatus junior : la
cryoconservation
Souvent, la procréation médicalement assistée par fécondation in
vitro est effectuée sur de nombreux embryons, dont la totalité ne sera
pas forcément implantée dans le corps de la mère. Que fait-on de
ces « personnes potentielles » surnuméraires congelées ? La loi
bioéthique de 2004 prévoit le sort de ces embryons
« cryoconservés » . Chaque année, le couple doit être informé du
devenir de ces embryons et est consulté sur la volonté de maintenir
un projet parental. Si le couple persiste dans son intention, la totalité
des embryons sera réimplantée. Si, au contraire, il renonce,
l’embryon pourra être accueilli par un autre couple (par
transplantation dans l'utérus) ; il s'agit d'une sorte d'adoption intra-
utérine. Les embryons n’ayant pas trouvé de port d’accueil dans un
délai de cinq années sont toutefois détruits. À l’issue de ce délai de
cinq années, le couple doit décider soit de détruire les embryons, soit
de les mettre à la disposition de la recherche.
L'expérimentation scientifique portant sur les embryons humains
conservés in vitro reste interdite. Une exception existe cependant
concernant les recherches qui ne portent pas atteinte à l’intégrité de
l’embryon. La loi bioéthique de 2004 prévoit une période test de cinq
années pendant laquelle peuvent être menées des recherches sur
des cellules-souches embryonnaires (cellules polyvalentes, qui, en se
développant, peuvent se transformer en différentes sortes de
cellules, donc d'un potentiel curatif et scientifique important).
L'utilisation de ces embryons doit en outre être effectuée dans le
cadre de recherches scientifiques autorisées par l'Agence de la
biomédecine.
Et le clonage ?
La reproduction par fécondation n’est désormais plus la seule
scientifiquement envisageable pour créer des êtres vivants. Des brebis,
des chats, des chiens sont issus du clonage. Cependant, outre le débat
éthique entourant ce mode de conception, on ignore pour l’heure la
véritable viabilité de ces créatures. Les adeptes de Raël prônent le
clonage et semblent en expérimenter les techniques, sans succès pour
l’heure malgré les effets d’annonce.
La Charte de l’environnement
L'influence des conférences internationales, relayées par les
institutions européennes, a permis l'adoption en 2004 de la Charte de
l'environnement. Ce texte a acquis, par une loi de 2005, une valeur
constitutionnelle en France, ce qui implique que tout texte de droit qui
serait contraire à ses dispositions pourrait être annulé.
Cette charte consacre les grands principes du droit de
l'environnement :
• le développement durable ;
• le principe de prévention ;
• le principe de précaution ;
• le principe du « pollueur-payeur » .
Le préambule de la Charte de l’environnement comporte des
déclarations d’intention visant à rappeler l'objectif du texte :
reconnaître à l'homme le droit à un environnement sain et mettre en
œuvre les moyens pour y parvenir, dont le développement durable.
L’environnement est un patrimoine commun à l’humanité. La Charte
érige en droit fondamental celui d’avoir un environnement sain. Cette
notion ne milite pas pour le rejet de tout progrès et le retour au
monde primitif ! Au contraire, l'être humain est au centre de la notion,
puisque la sauvegarde de l’environnement est préconisée dans un
objectif de santé publique : il est plus sain – paraît-il ! – de respirer de
l'air pur que des gaz d'échappement.
Santé publique et politique environnementale sont donc étroitement
liées : l'utilisation de l’amiante a été interdite car cancérigène, les
peintures au plomb ne sont plus utilisées afin d'éviter le saturnisme,
la circulation alternée en cas de pics de pollution est justifiée par les
difficultés respiratoires consécutives…
Ce droit doit être pris en considération par les pouvoirs publics : il doit
guider la main du législateur et des autorités publiques lors de la
rédaction d’un texte de loi ou d’un texte réglementaire. Ce droit peut
également être invoqué judiciairement par tout citoyen dans le cadre
d’actions judiciaires (ce qui a été le cas pour le fauchage d'OGM –
voir encadré plus bas).
Nous sommes donc loin des bonnes résolutions prévues par l’accord
de Paris.
« Proclame :
Article 3 – Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi,
prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à
l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences.
Montesquieu (1689-1755)
Écrivain, historien et sociologue français, Charles Louis de
Secondat, baron de Montesquieu, est l'un des plus
éminents représentants du Siècle des lumières ; son
œuvre a influencé l'ensemble des réflexions politiques.
Après des études de droit à Paris, il entame une carrière
de magistrat au parlement de Bordeaux puis, sa fortune
acquise, il se consacre notamment à l’étude des sciences
politiques et à l’histoire. Bien entendu, tout le monde a en
mémoire Les Lettres persanes, qui est son premier
ouvrage, publié en 1721 dans l’anonymat le plus complet.
Cette satire spirituelle de la société parisienne obtient un
franc succès. Montesquieu fait également preuve d’un
courage exemplaire en luttant contre la torture, l’esclavage
et toute forme d’intolérance.
Dans un autre registre, il fait éditer, en 1748, sous son
nom cette fois-ci, De l’esprit des lois, qui lui vaut une
reconnaissance universelle. Montesquieu consacre à cet
ouvrage plus de vingt ans de travail sur l'étude des
différentes législations. À cette fin, il parcourt l'Europe
pendant plusieurs années, notamment l'Italie et
l'Angleterre. Cette œuvre essentielle est une réflexion sur
la sociologie et sur les principes d’organisation politique et
sociale, inspirant fortement les fondements de nos
démocraties actuelles. Montesquieu y livre ses théories
personnelles sur la raison d’être des lois et sur les
rapports entre celles-ci et les peuples.
Trois types de régimes politiques sont ainsi passés au
crible : la république, la monarchie et le régime
despotique. Montesquieu analyse leurs principes, leurs
vertus et leurs dérives. C’est ainsi qu’il préconise la
distribution des pouvoirs à l’intérieur d’un gouvernement,
concept aujourd’hui communément désigné par
l’expression « séparation des pouvoirs » . Il s’agit donc de
séparer véritablement les trois composantes du pouvoir –
les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire – afin de créer
un équilibre et d'offrir plus de garanties aux citoyens. En
effet, d'une part chacun des trois pouvoirs a vocation à
statuer dans le cadre de ses prérogatives, d’autre part
chaque pouvoir a la faculté d’empêcher les excès des
autres. En évitant la concentration de tous les pouvoirs en
une seule main, le risque des dérives despotiques devrait
être écarté.
De l’esprit des lois marque d'une profonde influence la
société française. Certaines réflexions vont en particulier
inspirer la Révolution française quelques décennies plus
tard. De même, l'influence de Montesquieu s'est propagée
à l'étranger, surtout aux États-Unis, puisque les auteurs de
la Constitution des États-Unis d'Amérique ont puisé,
en 1787, leur inspiration dans cet ouvrage. À cette date,
Montesquieu était décédé depuis quelques décennies déjà
et n’a donc jamais pu attaquer les Américains pour
plagiat !
Les rédacteurs de la
Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen (1789)
Au début de la Révolution française, l'Assemblée
nationale constituante, réunie à Versailles, vote
le 26 août 1789 une déclaration générale reconnaissant
des droits fondamentaux et imprescriptibles à tout homme.
Cinq hommes bien inspirés en sont les principaux
rédacteurs : La Fayette, Condorcet, Mirabeau, Mounier et
Sieyès. Le texte, d’une portée universelle, s’inspire des
travaux des philosophes du XVIIIe siècle, comme
Montesquieu, Voltaire ou Rousseau, mais aussi de la
Déclaration d'indépendance des États-Unis d'Amérique,
adoptée en 1776, et de l'Habeas Corpus Act en vigueur en
Angleterre (voir chapitre 3). Le texte est rédigé autour de
trois fils conducteurs : liberté, égalité et fraternité.
La Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen du 26 août 1789
« Les représentants du peuple français, constitués en
Assemblée nationale, considérant que l’ignorance, l’oubli ou
le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des
malheurs publics et de la corruption des gouvernements,
ont résolu d’exposer, dans une déclaration solennelle, les
droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme, afin que
cette déclaration, constamment présente à tous les
membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs
droits et leurs et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir
législatif et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque
instant comparés avec le but de toute institution politique,
en soient plus respectés ; afin que les réclamations des
citoyens, fondées désormais sur des principes simples et
incontestables, tournent toujours au maintien de la
Constitution et au bonheur de tous.
Marie-Antoinette (1755-1793)
« J’en appelle à toutes les mères… » En quelques mots,
celle qu’on n’appelle plus que « l'Autrichienne » ou « la
veuve Capet » a réussi, au deuxième jour de son procès,
ce 15 octobre 1793, elle qui est pourtant si honnie, à
redevenir, quelques instants, Marie-Antoinette, reine de
France.
Par la grâce d'une accusation aussi absurde
qu'infâmante – lui reprocher des relations incestueuses
avec son fils, le dauphin… âgé de 4 ans au
déclenchement de la Révolution – la salle est soudain
devenue houleuse, au point d'obliger le président à
demander une interruption de séance. Robespierre,
furieux, reprochera au calomniateur d'avoir offert à la ci-
devant souveraine « son dernier triomphe public » . C’est
même plus que cela. L’indignité de l’accusation et la
dignité de la réponse qui lui fut faite ont grandement
permis à Marie-Antoinette d'entrer dans la postérité la tête
droite. Dans l’immédiat, cependant, l’incident n’a pas suffi
à inverser le cours du procès et sa tête, Marie-Antoinette
est condamnée à la perdre.
Les trois principaux chefs d'accusation sont : dilapidation
des deniers publics avant la Révolution ; intelligence et
correspondance avec les ennemis de la République ;
conspirations et complots contre la sûreté intérieure et
extérieure de la France.
Le 13 octobre 1793, Chauveau-Lagarde, commis d'office,
se rend à la Conciergerie, s’entretient brièvement avec sa
célèbre cliente et prend connaissance du dossier. Devant
la gravité des accusations, notamment les deuxième et
troisième points (intelligence avec l’ennemi, complots
contre la sûreté de la France), il demande un renvoi de
l'affaire, qui lui sera refusé.
Le procès débute donc le lendemain, 14 octobre. Une
quarantaine de témoins vont se succéder devant la barre,
durant les deux jours d’audience. Quand bien même il en
serait venu le triple, cela n'aurait fait aucune différence : le
dossier est vide.
Les accusateurs de la reine n’ont pu réunir aucun
document concret, aucune preuve tangible qu’elle ait
comploté contre la République. Et c’est bien parce qu’ils
avaient eux-mêmes conscience de l’inanité de leur
accusation qu’ils vont commettre l’impardonnable erreur
de vouloir enfoncer le clou en faisant passer Marie-
Antoinette non seulement pour un adversaire politique,
mais aussi pour un monstre contre-nature.
Accusée d'avoir entretenu des relations incestueuses avec
son fils de 8 ans, Marie-Antoinette s'exprimera ainsi : « Si
je n'ai pas répondu, c'est que la nature se refuse à
répondre à une pareille inculpation faite à une mère. J’en
appelle à toutes les mères ! J'en appelle à toutes celles
qui peuvent se trouver ici… » Et il s’en trouve dans la
salle. Mais aussi des hommes, pourtant peu favorables à
« l'Autrichienne » , mais amers qu'on tombe si bas.
L'assistance devient houleuse. Herman ordonne une
suspension de séance. Apprenant l’incident, Robespierre
s’emportera contre Hébert. « L’Incorruptible » avait
immédiatement perçu la portée de l'événement : en trois
phrases, Marie-Antoinette avait réussi à renverser son
image. Ce « dernier triomphe » , pour reprendre
l’expression de Robespierre, déciderait, en partie, de sa
légende future.
Mata-Hari (1876-1917)
Depuis un siècle, Mata-Hari – agent H 21 – a si souvent
inspiré la littérature, le cinéma, la télévision et même
d’autres arts au point qu’elle en est presque devenue un
personnage de fiction, à l'égal d'un James Bond –
matricule 007.
Du reste, les exploits de Mata-Hari en tant qu'espionne
relèvent davantage – les historiens l'ont montré – de la
chimère que de la réalité. Mais ils ont quand même perdu
Mata-Hari.
Il semblerait plutôt que la célèbre danseuse du début du
XXe siècle – désignée par les Allemands sous le nom de
code d'agent H 21 – ait été manipulée par les services de
contre-espionnage français et allemand. Une chose est
sûre, cependant : Mata-Hari n'a jamais transmis à
quiconque une information réellement confidentielle. Mais
la malheureuse, se croyant encore au théâtre, a multiplié
les faux-pas et les imprudences avec une ingénuité
déconcertante. Elle s’est en outre fourrée dans un guêpier
qu'elle aurait dû éviter parce qu'elle était aux abois : sa
carrière était au point mort, ses charmes commençaient à
souffrir de l'âge – la quarantaine – et la guerre rendait de
toute façon beaucoup plus difficiles les affaires des
courtisanes mondaines.
Mata-Hari est arrêtée en février 1917 non pas au Grand
Hôtel, comme cela est souvent écrit, mais au Plaza Palace
Hôtel, un établissement aujourd'hui disparu, qui se trouvait
au bas des Champs-Élysées.
L'instruction dure quatre mois, jusqu'au 21 juin et totalisera
quatorze interrogatoires, tous menés par le « capitaine »
Bouchardon.
Épuisée, amaigrie par ses conditions de détention à la
prison pour femmes Saint-Lazare, Mata-Hari avoue tout ce
qu'on lui demande d'avouer. Son procès, à huis clos, qui
débute le 24 juillet 1917, est expédié en trois jours. Le
procureur, André Mornet (1870-1955), la traite de
« Salomé sinistre qui joue avec la tête du soldat français »
et réclame la peine de mort.
Le contexte politique est tendu : l'armée française a
connu, au printemps 1917, d’importantes mutineries
consécutives à la boucherie interminable de la bataille de
Verdun. Il faut donner du grain à moudre à la fibre
patriotique et nationaliste.
Son avocat, s’il n’a rien pu faire au cours du procès sinon
plaider avec autant d’émotion que de conviction, va en
revanche tout tenter pour sauver la tête de sa cliente.
C’est qu’Édouard Clunet (1845-1922), avocat au barreau
de Paris depuis 1866, passe pour avoir été l'un des
amants de Mata-Hari et, à 72 ans, il lui voue une affection
presque paternelle.
Le pourvoi en cassation est rejeté le 27 septembre. En
désespoir de cause, Édouard Clunet, dont le fils vient
pourtant d'être tué au front, demande dans les tout
premiers jours d’octobre audience au président de la
République, Raymond Poincaré, pour solliciter la grâce de
la condamnée. Mais Poincaré se montre glacial. Il reçoit
son visiteur de dos, debout devant l’une des fenêtres de
son bureau. « Silhouette noire, immobile, qui se découpe
sur le ciel d’automne tout charrié de lourds nuages » ,
rapportera l'avocat. Après avoir entendu le plaidoyer de
Me Clunet pour sa cliente, Poincaré se retourne
finalement, la main tendue vers le ciel : « Regardez cela,
maître. Il serait fou de prétendre intervenir sur la course
des nuages. Et moi, il me paraît impossible d'infléchir le
cours des choses en faveur de votre protégée. » (Cité par
François d’Orcival, Le Nouveau Roman de l’Élysée, trois
siècles d’histoire de France, éditions du Rocher, 2012.)
Mata-Hari est fusillée au matin du 15 octobre 1917. Elle a
refusé qu'on lui bande les yeux et cette preuve de cran,
devant le peloton d'exécution composé de douze sous-
officiers zouaves, contribuera à sa légende qui se
développera après la guerre.
Dominique de La Garanderie
(née en 1943)
Le mardi 26 novembre 1996, les avocats parisiens furent
une majorité à penser que Dominique de La Garanderie
méritait le bâton. Elle était digne d'être la première d’entre
eux, d’être leur bâtonnier. La première femme bâtonnier.
Le « bâtonnier de l’ordre » , ou chef de l’ordre des
avocats, est élu (pour deux ans) par l'assemblée générale
des avocats inscrits à un barreau – il existe 161 barreaux
en France et donc, autant d'ordres – pour en assurer la
présidence.
D'autres femmes avaient précédé Dominique de La
Garanderie dans la fonction, mais… en province et donc,
avec un retentissement bien moindre.
À lui seul, le barreau parisien rassemble un peu plus
de 42 % des effectifs des quelque 67 000 avocats
français. Le bâtonnier est donc à la tête d'un corps de
métier qui regroupe pas moins de 28 145 membres (au 1er
janvier 2018) et le Conseil de l’ordre parisien est à lui seul
une véritable PME, maniant un budget annuel d’une
cinquantaine de millions d’euros et comptant plus de deux
cents salariés permanents. Autant dire qu'être bâtonnier
du barreau de Paris est un « full time job » qui, pendant
deux ans, oblige son détenteur à délaisser les affaires de
son cabinet.
Diriger deux cents salariés n'avait pas, en tout cas, de
quoi effrayer Dominique de La Garanderie, elle qui a
consacré – et qui continue de consacrer – toute sa
carrière au droit du travail.
Elle est née Dominique Tisseyre, en 1943, à Paris, d’un
père journaliste et résistant, mort en déportation à
Buchenwald, et d'une mère antiquaire. Après un DESS de
droit privé, elle devient avocate à 25 ans, en 1968 et
décide de se spécialiser dans une matière alors quasi
marginale et uniquement contentieuse, le droit social.
En 1976, elle fonde son propre cabinet. Son élection au
bâtonnat fut le fruit d’une longue et opiniâtre carrière dans
les instances syndicales et ordinales de la profession :
Conseil de l'ordre, Conseil national des barreaux (où elle
fut, en 1992, la première femme élue au bureau),
présidence de la section internationale du Conseil national
des barreaux, présidence de la Délégation française des
barreaux européens, etc.
Depuis son bâtonnat, Dominique de La Garanderie a
poursuivi son combat féministe en créant notamment, au
début des années 2000, l'Association française des
femmes juristes, où sont représentés tous les métiers du
droit (avocates, huissières, juristes d’entreprise,
magistrates, notaires, professeures de droit…), dont elle
est désormais la présidente honoraire. Elle a également
poursuivi son engagement humaniste, en entrant au
Comité consultatif national des droits de l’homme, où elle
occupa (jusqu’en 2005) la vice-présidence du comité sur
les droits de l’enfant. Elle est, par ailleurs, membre de la
Fédération internationale des droits de l'homme et
d'Avocats sans frontières. Elle a également participé aux
travaux du comité d’éthique du Medef (le syndicat
patronal). Pour honorer sa longue carrière – qui n'est pas
terminée ! –, la promotion 2012-2013 de l'École de
formation professionnelle des barreaux de la cour d’appel
de Paris (EFB) portait son nom.
Le tribunal de Nuremberg
(1946)
Qui n’a pas gardé en mémoire la photo de Roosevelt,
Staline et Churchill posant en 1945 pendant les accords
de Yalta ? Sujet classique du baccalauréat… Ces célèbres
figures ont pris alors une décision inédite dans l'histoire du
droit : à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les
puissances alliées envisagent de juger les chefs du
régime nazi devant une instance créée à cette occasion.
Le Tribunal militaire international, première juridiction
internationale de l’histoire, est ainsi mis en place. Ses
statuts sont décrits en annexe des accords de Londres,
signés le 6 août 1945.
Les vaincus étant jugés par les vainqueurs, les magistrats
sont tous des représentants des principales nations
victorieuses : l'URSS, les États-Unis, la France et le
Royaume-Uni. Quant au lieu où se déroule le procès, les
Alliés choisissent la ville de Nuremberg, non seulement
parce que son palais de justice a été épargné par les
bombardements, mais aussi, symboliquement, parce que
cette ville était le haut lieu des parades annuelles nazies
sous le IIIe Reich.
Du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946, vingt-deux
accusés sont jugés, dont des proches de Hitler, comme
Göring et Hess, des généraux, des diplomates, mais
également des économistes et des intellectuels qui ont
participé à l’élaboration de l'idéologie nazie. Quatre chefs
d'inculpation sont retenus : crimes contre la paix, crimes
de guerre, crimes contre l’humanité et complot en vue de
commettre l’un de ces trois crimes. À l'issue du procès, les
magistrats alliés prononcent douze condamnations à mort.
D’autres criminels écopent de la peine d’emprisonnement
à vie, et certains sont condamnés à des peines
d’emprisonnement allant jusqu’à vingt ans. Trois ont
obtenu l’acquittement. Par ailleurs, les entités militaires
sont poursuivies, dont le parti nazi, la SS, la Gestapo, la
SA ou le haut commandement de l’armée. Toutes sont
déclarées « organisations criminelles » .
Dans les statuts du Tribunal militaire international, les
Alliés définissent pour la première fois les infractions de
« crimes de guerre » et de « crimes contre l’humanité » .
Pour ce qui est des crimes de guerre, il s’agit notamment
de l’assassinat, des mauvais traitements ou de la
déportation pour travaux forcés ou dans tout autre but des
populations civiles dans les territoires occupés,
l’assassinat ou les mauvais traitements des prisonniers de
guerre ou des personnes en mer, l’exécution des otages,
le pillage des biens publics ou privés, la destruction sans
motif des villes et des villages ou la dévastation que ne
justifient pas les exigences militaires. Les crimes contre
l’humanité comprennent l’assassinat, l’extermination, la
réduction en esclavage, la déportation et tout acte
inhumain commis contre toutes les populations civiles,
avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour
des motifs politiques, raciaux ou religieux. Quant aux
crimes de paix, ce sont la direction, la préparation, le
déclenchement ou la poursuite d’une guerre d’agression
ou d’une guerre de violation des traités, d’assurances ou
d’accords internationaux.
Les définitions des crimes de guerre et des crimes contre
l'humanité ont été reprises par la législation française ; ils
sont ainsi prévus et réprimés par le Code pénal.
Depuis 1964, le crime contre l'humanité est la seule
infraction pénale en France qui soit imprescriptible. Quant
aux crimes de guerre, ces infractions se prescrivent par
trente ans. Certaines poursuites récentes se sont fondées
sur ces incriminations ; en particulier, les procès
retentissants de Touvier, Barbie ou Papon.
«M
ieux vaut dix coupables en liberté qu’un innocent
en prison » , entend-on dans la plupart des
prétoires. Et pour cause, même si la justice est
rendue par des hommes susceptibles de commettre une
erreur, punir un innocent reste un traumatisme terrifiant.
La justice française aurait commis quelques-unes de ces
« horreurs judiciaires » dans des circonstances diverses.
De nombreuses autres affaires ne sont pas officiellement
des erreurs judiciaires ; mais de forts doutes subsistent
dans la mémoire collective quant à la culpabilité des
personnes condamnées. Tour d'horizon des dix dossiers
qui ont le plus défrayé la chronique.
Médiateur de la République
De 1973 et ce jusqu’en 2011, le médiateur de la
République était chargé de faire la jonction entre
l’administration et les citoyens. Considéré comme une
autorité administrative indépendante, il intervenait dans les
conflits en proposant des solutions amiables. Il était
nommé par le Conseil des ministres pour six ans non
renouvelables, de par la nécessité de demeurer
indépendant.
Depuis 2011, ces pouvoirs sont conférés au Défenseur du
droit qui voit le jour à la suite de la révision
constitutionnelle de 2008.
Le délit de vagabondage
En France, jusqu'en 1992, il était interdit de vagabonder.
Ainsi, selon le Code pénal de 1810, le vagabondage était
un délit réprimé et la peine pouvait aller jusqu’à six mois
d'emprisonnement. L'article 270 en donnait la définition
suivante : « Les vagabonds ou gens sans aveu sont ceux
qui n’ont ni domicile certain, ni moyens de subsistance, et
qui n’exercent habituellement ni métier, ni profession. »
Ces trois conditions devaient être réunies pour qualifier le
délit de vagabondage.
Ces articles ont été abrogés par la loi de décembre 1992,
entrée en vigueur le 1er mars 1994, réformant le Code
pénal. Cette abrogation donna lieu à une avalanche
d’arrêtés municipaux tentant de pallier la perte de cette loi.
Prostitution : disparition du
délit de racolage passif
Au fil des siècles, le point de vue du législateur sur la
prostitution a évolué. De la culpabilisation des prostituées
à la pénalisation des clients, la loi a suivi les changements
de mentalité sur la pratique.
La loi du 13 avril 2016 repose sur trois dispositions
principales : l'abrogation du délit de racolage passif, la
pénalisation des clients et la création d’un parcours afin de
permettre la sortie de la prostitution, et une insertion
sociale et professionnelle pour ceux qui la pratiquaient.
Le changement de paradigme est le suivant : alors que
depuis 2003 les prostituées étaient culpabilisées et
sanctionnées par le délit de racolage passif (la loi
prévoyait une condamnation de deux mois
d’emprisonnement et une amende de 3 750 euros), ce
sont désormais les clients qui risquent une amende
de 1 500 euros (3 750 en cas de récidive) et un stage de
« sensibilisation à la lutte contre l'achat d’actes sexuels » .
Cette loi ne satisfait cependant pas grand monde : d'un
côté, des associations de prostituées considèrent que
leurs conditions de travail se sont dégradées depuis que
les clients sont pénalisés, et que cela les met en danger ;
de l'autre, on entend les arguments de ceux qui militent
pour une dépénalisation totale de la prostitution et qui
mettent en avant la liberté individuelle ; enfin, ceux qui
sont en faveur d’une interdiction pure et simple de la
prostitution ne sont pas non plus satisfaits.
Questionnant deux des plus grands tabous de notre
société (le sexe et l’argent), la question est loin d’être
réglée et de nombreux litiges sont pendants devant les
hautes juridictions françaises pour remettre en question
telle ou telle disposition de la loi du 13 avril 2016.
Partie 6
Annexes
Dans cette partie…
Acquittement
Affectio societatis
du contrat de société.
Aide juridictionnelle
Audition
Bloc de constitutionnalité
Code civil
Commissaire du gouvernement
Commissaire-priseur
Officier ministériel chargé d’estimer et de vendre des
biens mobiliers aux enchères publiques.
Commission rogatoire
Composition échevinale
Conciliateurs de justice
Confrontation
Conseil de discipline
Conseil de prud’hommes
Conseil d’État
et de leur discipline.
Cour d’appel
Cour d’assises
Cour de cassation
Déclinatoire de compétence
Hypothèse où l’État estime qu’une affaire ne relève pas
de la compétence du juge judiciaire mais du juge
administratif.
Défendeurs
Demandeurs
Diffamation
Doctrine
Droit d’auteur
Droit de récusation
Droit moral
Droit naturel
Droit patrimonial
Droit pénal
Habeas corpus
Indivision
Injure
Journal officiel
Bulletin quotidien au sein duquel les lois et les décrets
sont publiés.
Juge départiteur
Juge d’instruction
Juges consulaires
Juré
Jurisprudence
Ensemble de décisions de justice rendues dans un
domaine de droit. Plus la juridiction ayant rendu la
décision est élevée, plus son influence sur la résolution
de cas similaires est importante.
Jury populaire
Mariage
Ordre
Ordre administratif
Ordre judiciaire
Pouvoir exécutif
Pouvoir législatif
Principe de légalité
Propriété intellectuelle
Relaxe
Requête
Respect du contradictoire
Saisine
Tribunal administratif
Tribunal correctionnel
Tribunal de commerce
Tribunal de police
Tribunal d’instance
Union libre
Synonyme de concubinage. État de fait lié à la
cohabitation de deux personnes qui ne sont ni mariées
ni pacsées.
Voie de fait
www.conseil-constitutionnel.fr
www.conseil-etat.fr
www.courdecassation.fr
http://defenseurdesdroits.fr
www.echr.coe.int
http://europa.eu
www.justice.gouv.fr
www.legifrance.gouv.fr
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Sommaire
Couverture
La Justice Pour les Nuls, 3e
Copyright
À propos des auteurs
Introduction
À propos de ce livre
Les conventions utilisées dans ce livre
Comment ce livre est organisé
Les icônes utilisées dans ce livre
Et maintenant, par où commencer ?
Le droit canonique
À la manœuvre, le gouvernement
Au final, le juge
La Cour de cassation
La partie civile
Les témoins
Le service public
La responsabilité administrative
Montesquieu (1689-1755)
Médiateur de la République
Le délit de vagabondage
Partie 6. Annexes
Annexe A. Glossaire
Annexe B. Sites Internet
Sites officiels
Blogs