Charbon - Version - Mai 2015

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Synthèse bibliographique sur la filière charbon

de bois dans la région Analamanga polarisée par


Antananarivo

BENARD Anne-Gaëlle
RASAMINDISA Alain
AUBERT Sigrid
DANFLOUS Jean-Paul

Version de février 2015


Sigles

CARAMCODEC Carbonisation améliorée et contrôle forestier décentralisé à


Madagascar

CEF Cantonnement des Environnements et Forêts

CIRAD Centre International de Recherche Agronomique pour le


Développement

CDB Charbon De Bois

CLB Communauté Locale de Base (VOI)

CREAM Centre de Recherche d’Etudes et d’Appui à l’analyse économique à


Madagascar

DREF Direction Régionale des Eaux et Forêts

GELOSE GEstion Locale SEcurisée

MEF Ministère des Environnements et Forêts

MOF Main d’Œuvre Familiale

MOS Main d’Œuvre Salariale

PPN Produit de Première Nécessité

RIAED Réseau International d’Accès aux Energies Durables

2
Table des matières
Sigles ........................................................................................................................................................ 2
Introduction............................................................................................................................................. 5
I Le charbon de bois, la principale source d’énergie à Madagascar........................................................ 6
1) De l’importance socio-économique du charbon de bois ......................................................... 6
2) Le marché : une demande importante, une offre relativement stable .................................. 7
3) L’approvisionnement urbain en charbon de bois, un défi de taille ....................................... 7
4) Politique du gouvernement en matière d’approvisionnement en bois énergie ................... 8
5) Les instruments de contrôle et de régulation.......................................................................... 8
II Etude d’une filière où domine l’informel ........................................................................................... 12
1) Caractérisation de la filière ..................................................................................................... 12
2) La filière charbon de bois autour d’Antananarivo ................................................................ 12
III Caractéristiques de la filière .............................................................................................................. 16
1) Structure de la filière ............................................................................................................... 16
2) Identification des acteurs ........................................................................................................ 16
3) Analyse des flux ....................................................................................................................... 19
4) Organisation spatiale et flux associés .................................................................................... 19
IV Diagnostic organisationnel et stratégies des agents......................................................................... 21
1) Une organisation verticale basée sur la confiance ................................................................ 21
2) De l’origine et des stratégies des charbonniers..................................................................... 21
3) De la faisabilité d’une démarche collective pour une production durable ......................... 21
V Les enjeux ........................................................................................................................................... 22
1) Valoriser le CDB produit grâce aux techniques de carbonisation améliorée...................... 22
2) Appuyer la professionnalisation de la filière ......................................................................... 22
3) Promouvoir la gestion locale de la ressource forestière : un enjeu économique, social et
environnemental.............................................................................................................................. 22
4) Parer à l’augmentation des coûts et des prix engendrés par davantage de contrôle ......... 24
5) Une ressource en danger ? ...................................................................................................... 24
6) Valoriser le charbon de qualité sur les marchés ................................................................... 25
Conclusion ............................................................................................................................................. 26
Bibliographie.......................................................................................................................................... 27
Sitographie ............................................................................................................................................ 29
Annexes ................................................................................................................................................. 30

3
Liste des figures

Figure 1 : Estimation de production de charbon de bois par types de plantation ........................... 6


Figure 2 : La procédure administrative pour l’exploitation du charbon de bois ............................ 10
Figure 3 : Procédure réglementaire ................................................................................................... 11
Figure 4 : Carte de l’implantation des principaux bassins de production autour d’Antananarivo 14
Figure 5 : Structure de la filière charbon de bois et prix de vente recensés ................................... 16
Figure 6 : Part de la production de bois par utilisation dans les districts de la région Analamanga
............................................................................................................................................................... 19
Figure 7 : Organisation spatiale de la production de charbon de bois dans le bassin de la région
d’Analamanga, pour l’approvisionnement d’Antananarivo (d’après les estimations
d’Andriamifidy, 2014b) ....................................................................................................................... 20

4
Introduction

Le présent document expose une synthèse bibliographique sur la filière charbon de


bois dans la région Analamanga, polarisée par Antananarivo. Il s’agit ici d’analyser les
flux de produits acheminés vers la capitale, dont l’approvisionnement pérenne en
charbon de bois constitue un défi de taille.
Plusieurs ouvrages ont été mobilisés afin de mieux appréhender le fonctionnement
d’une filière qui s’inscrit depuis des années dans le secteur informel, et ainsi tenter de
mettre en exergue des solutions permettant d’associer exploitation et préservation de la
ressource forestière, au profit des communautés locales vivant de l’exploitation du bois.
La littérature autour du charbon de bois est dense, mais elle concerne majoritairement
l’étude des pratiques de carbonisation, le cadre légal et sa réforme ainsi que les
conditions d’application des contrats de transfert de gestion des ressources naturelles
pour l’exploitation du bois. Les informations concernant les aspects socio-économiques
de l’étude de filière, notamment dans la région Analamanga pour l’approvisionnement
de la capitale, sont rares ; elles ont été glanées dans différentes études et ouvrages1.
A Madagascar, la consommation d’énergie est largement dominée par le bois en
raison de sa disponibilité et de son coût abordable pour les populations. Cependant, la
production de charbon de bois, principal combustible utilisé en ville, est très
consommatrice de ressources ligneuses, compte tenu des faibles rendements (avec la
technique traditionnelle, il est nécessaire de couper 100 kg de bois pour produire 10 kg
de charbon) (Montagne et al., 2010).
La diminution de la couverture forestière (estimée à 13 millions d’hectares) à
Madagascar est évaluée à 1,39% par an. Quelques 200 000 hectares disparaissent
chaque année du fait de (i) la surexploitation pour les besoins en bois de chauffe, bois
énergie, bois d’œuvre et bois de construction (ii) les défrichements à l’usage des cultures
vivrières et de rente et (iii) les feux de brousse, accidentels ou non (Vade-mecum, 2008).
Cet état de fait contribue à faire bondir les fervents protecteurs de l’environnement, qui
s’insurgent contre la diminution de la ressource ligneuse. Pour autant, l’exploitation des
ressources forestières pour l’utilisation de bois de chauffe et de charbon de bois est
indispensable pour les ménages malgaches, pour qui ces produits constituent les
principales sources d’énergie du fait notamment de leur faible pouvoir d’achat ; ainsi
que pour les producteurs qui en tirent des revenus de subsistance.
Le bois énergie est donc un produit de première nécessité (PPN) qu’il convient de
gérer pour assurer l’approvisionnement des centres urbains dont la vie économique et
la paix sociale dépendent, et permettre aux populations rurales qui vivent de
l’exploitation du bois d’obtenir des revenus pérennes et suffisants.

1
L’étude réalisée en 2014 par Andriamifidy, consultante CIRAD, a constitué la source principale d’informations.
Cette étude se penche sur la filière bois en général et l’approvisionnement d’Antananarivo.

5
I Le charbon de bois, la principale source d’énergie à Madagascar

1) De l’importance socio-économique du charbon de bois

Quelques chiffres relatifs à la production et à la consommation

Le bois énergie (bois de chauffe et charbon de bois) constitue le combustible de


cuisson privilégié pour 90 % des ménages malgaches (Montagne et al, 2010). Au niveau
national, on estime la consommation à 1,75m3/pers/an en milieu urbain. Dans la région
d’Analamanga, elle serait de 100 kg/personne/an (AIDES, 2012).
Les plantations paysannes ne sont pas entièrement dédiées à la production de
charbon. Les exploitants les valorisent également par la fabrication de bois de
construction, d’œuvre et de service. La figure suivante présente des échelles de
production de charbon de bois de « bonne qualité » - c’est-à-dire des plantations de plus
de cinq ans, selon les types de valorisation privilégiées par l’exploitant sur une parcelle
d’un hectare.

Figure 1 : Estimation de production de charbon de bois par types de plantation2

Pour 1ha valorisable en charbon, madrier, traverse, bois rond, bois de chauffe
500 sacs
Pour 1ha valorisable en charbon uniquement
800 à 1300 sacs
Pour 1ha valorisable en charbon, bois rond et bois de chauffe
150 à 300 sacs
D’après Andriamifidy, 2014b

Un vivier d’emplois et une source de revenus importante pour les ruraux

L’exploitation des ressources ligneuses pour la production de bois énergie en général


engendre des revenus de subsistance pour les populations rurales productrices. La
fabrication de charbon de bois participe des stratégies de diversification des activités
qui permettent aux paysans d’accroître leurs revenus. Aussi, les revenus tirés de
l’exploitation forestière permettent aux producteurs d’acheter des intrants pour
l’élevage, financer la prochaine campagne culturale, acheter des produits de première
nécessité (PPN) (Adriamifidy, 2014b) ou pour effectuer de grosses dépenses (un
famadihana3 par exemple). Répondant à une demande urbaine constante, la production
de charbon de bois assure des revenus réguliers aux producteurs.

2
Source : Ministère des eaux et forêts, 2013.
3
Cérémonie traditionnelle malgache dite du « retournement des morts ».

6
Les emplois générés par l’exploitation de bois sont multiples : propriétaire
foncier, exploitant forestier, charbonnier, bûcheron, tâcherons, scieur de long etc.
Pour exemple, une ville de 100 000 habitants utilisateurs de bois-énergie génère
des revenus pour 20 à 30 000 personnes, surtout des ruraux, et pour chaque bassin
d’approvisionnement, il serait question de plusieurs milliers de charbonniers et de
bûcherons concernés (Montagne et al, 2010).

Un produit indispensable à usages multiples

Le charbon de bois revêt une importance toute particulière pour les ménages
urbains. Il permet effectivement l’accomplissement de différentes tâches de la vie
quotidienne : la cuisson des aliments, le repassage, l’éclairage, le chauffage, le séchage
des produits, la fertilisation par l’utilisation des cendres (Andriamifidy, 2014b), la
réduction de certaines odeurs du fait de son pouvoir absorbant (aux latrines par
exemple).

2) Le marché : une demande importante, une offre relativement stable

Le bois-énergie dispose d’un marché important, d’une demande stable et de prix


relativement stables hormis les variations saisonnières4. Il satisfait aux besoins
permanents des ménages urbains, pour lesquels il constitue un PPN. Les dépenses des
ménages de la région d’Analamanga pour l’année 2010 frôlent les 37 milliards d’Ariary
(ibid.). Ce chiffre illustre à lui seul toute l’importance économique du secteur.

3) L’approvisionnement urbain en charbon de bois, un défi de taille

Si le bois de chauffe reste le principal combustible pour la cuisson dans le monde


rural, les villes elles, ont effectué la transition vers le charbon de bois. Sur les Hautes
Terres malgaches, la culture du bois-énergie a accompagné la croissance des villes en se
développant depuis plus d’un siècle et a pu satisfaire une demande croissante due à
cette transition (Montagne et al, 2010).
Un ouvrage coréalisé par le CIRAD, l’ONG Partage, le FOFIFA et le CRA-W dans le
cadre du projet « Carbonisation améliorée et contrôle forestier décentralisé à
Madagascar » (CARAMCODEC) (ibid.) pose la question de l’énergie domestique à
Madagascar et notamment de la nécessité de trouver des solutions durables pour
l’approvisionnement urbain en charbon. Les auteurs de l’ouvrage dressent le bilan de
huit années de projet de gestion durable et d’organisation des filières dans la région de
Boeny, reposant sur des pratiques de carbonisation améliorée et une gestion
décentralisée. A la lumière de ces résultats, ils proposent un nouveau cadre
réglementaire pour répondre au défi que constitue l’approvisionnement urbain durable
en charbon de bois.
4
De novembre à mars, pendant la saison des pluies, la fabrication de charbon de bois devient difficile et de
facto les prix augmentent.

7
A Antananarivo, la consommation en bois énergie ne cesse d’augmenter.
Ramamonjisoa (1993) chiffrait pour l'année 1988 les besoins de l'agglomération
tananarivienne à 126 000 t, en 2011, elle frôlait les 170 000 t (Andriamifidy, 2014a). Par
ailleurs, le rythme de la croissance urbaine actuelle et le contexte de pauvreté persistant
font du charbon de bois la source d’énergie privilégiée des ménages, compatible avec
leur faible pouvoir d’achat.

4) Politique du gouvernement en matière d’approvisionnement en bois énergie

Considérant l’importance socio-économique du charbon de bois et des


préoccupations environnementales engendrées par sa production, l’Etat malgache se
doit d’organiser et de gérer l’approvisionnement durable pour ses ressortissants. Il s’est
engagé depuis 1999 dans une politique publique relative à l’énergie domestique. Les
objectifs de cette politique sont d’une part, la sécurisation de l’approvisionnement en
charbon des ménages urbains à faible pouvoir d’achat et d’autre part, la lutte contre la
pauvreté dans le monde rural avec le soutien aux activités génératrices de revenus que
sont l’exploitation forestière et le commerce du charbon, dans le cadre d’une gestion
durable des forêts.
L’élaboration de cette politique publique se fait à travers des administrations
chargées de l’énergie et des forêts avec le soutien de différents projets5. Les efforts se
concentrent sur l’amélioration du rendement du bois énergie dans la fabrication du
charbon de bois.
Les projets mis en œuvre se penchent sur trois axes :
- Amélioration de la technique de carbonisation,
- Développement d’outil de gestion locale durable et de contrôle de la ressource
forestière,
- Sensibilisation et formation des acteurs (producteurs et institutions).

5) Les instruments de contrôle et de régulation

a) Cadre juridique

Des textes de lois réglementent la production, la transformation et la


commercialisation du charbon de bois. De nombreux agents interviennent
théoriquement tout au long de la filière pour s’assurer de leur respect.
La régulation et le contrôle reposent sur trois textes fondamentaux relatifs à la gestion
de la ressource forestière :
- la loi n°90-033 relative à la Charte de l’environnement
- la loi n°97-017 portant révision de la législation forestière
- le décret n°97-1200 portant adoption de la politique forestière malgache

5
CARAMCODEC, COGESFOR menés par le CIRAD.

8
Depuis 1982, le charbon est spécifiquement soumis à un régime propre prévu par le
décret 82-382 fixant une réglementation pour l’exploitation du bois et sa transformation
en charbon. Par ailleurs, le Décret 82-312 réglementant la fabrication du charbon de
bois est actuellement en projet.
A cela, il faut ajouter le régime particulier auquel sont soumis les charbonniers
impliqués dans des communautés locales de base (CLB), signataires d’un contrat de
transfert de gestion prévu par la loi GELOSE6.
Ces textes fixent les droits et les obligations des charbonniers, concernant
l’acquisition et la reconnaissance du statut de charbonnier (différents justificatifs à
fournir), les modalités de fabrication du charbon (méthodes rationnelles, délimitation
des lots, pas d’incendie de souche d’arbres etc.) et celles de sa commercialisation
(autorisations nécessaires).

b) Outils de contrôle

Exploitant
- Titre foncier (dans le cas d’un exploitant-propriétaire)
- Acte de vente (dans le cas d’un exploitant non propriétaire)
- Permis d’exploiter7

Justification du statut de charbonnier :


- permis ou autorisation délivrée par le district8
- carte professionnelle de charbonnier9
- paiement d’une redevance, dans le cas des charbonniers exploitant les forêts
naturelles et reboisements de l’Etat.

Commercialisation :
- laissez-passer pour le transport côté et paraphé par le service des eaux et forêts,
signé et daté par le charbonnier
- laissez-passer faisant mention du numéro de permis ou d’autorisation,
provenance et destination du charbon, etc.

L'ensemble du régime juridique ne concerne que les fabricants de charbon et non les
détaillants ou autre. Ces acteurs ressortent du régime général par rapport à leurs
activités de commercialisation.

Le non-respect de ces obligations est sanctionné et rend le produit illicite.


Cependant, faute de moyens humains et financiers, l’administration forestière peine à
assurer sa mission de contrôle et de régulation de la production de charbon de bois. Par
6
Loi n°96-025 relative à la gestion locale des ressources naturelles.
7
D’après l’article 5 du Décret 98-732.
8
Délivrée par « le fonctionnaire chargé de l’administration forestière » ou par délégation au niveau de la
commune par « un agent habilité en matière forestière » (article 15 du décret n°82-312).
9
Délivrée après formation professionnelle, nécessaire selon l’article 7 du décret 82-312.

9
ailleurs, l’arsenal juridique autour de l’exploitation des ressources ligneuses est
complexe10 et difficilement accessible par les acteurs, même ceux censés le faire
respecter11. Ainsi, des filières d’approvisionnement se sont développées de manière
informelle.

c) Schéma de la procédure pour la commercialisation légale du charbon de bois

Le décret n°82-312 du 19 juillet 1982, réglementant la production de charbon, ne


précise pas la procédure à suivre pour demander l’autorisation d’en fabriquer. Aussi,
l’administration forestière l’a elle-même établit (Ramamonjisoa, 2015). Ainsi, pour ce
qui est de l’exploitation dans la région Analamanga, la DREF a fait circulée une lettre
listant les pièces à fournir pour demander l’autorisation auprès du CEEF (cf. fig. 2)
(ibid.).

Figure 2 : La procédure administrative pour l’exploitation du charbon de bois

Source : Ramamonjisoa, 2015

La figure ci-dessous schématise la procédure à suivre de la visite du terrain à la vente


pour l’exploitation et la commercialisation du charbon de bois. Elle associe les outils
utilisés et les acteurs impliqués, à chaque étape.

10
Une analyse du cadre juridique effectuée par P. Karpe, O. Andriamandroso et P. Montagne souligne le
manque de lisibilité des textes et les confusions qui en découlent (Montagne et al, 2010).
11
En cours de réforme.

10
Figure 3 : Procédure réglementaire

11
« Comme dans la plupart des
grandes villes du tiers monde, les
filières d’approvisionnement en
II Etude d’une filière où domine l’informel
produits ligneux d’Antananarivo sont
des filières informelles, qui 1) Caractérisation de la filière
fonctionnent quasiment à flux tendus
avec une efficacité, une réactivité et La filière charbon de bois est double. Les circuits
une adaptabilité remarquable aux
variations de la conjoncture »
de commercialisation émanent :
Montagne et al, 2010 - De plantations paysannes, gérées par des
exploitants spécialisés, en toute légalité
- De petits producteurs, inscrits dans le
secteur informel
En effet, pour assurer l’approvisionnement des villes, les filières de production de
charbon de bois se sont inscrites dans des circuits non officiels.

2) La filière charbon de bois autour d’Antananarivo

Autour de Tana, l’approvisionnement en


charbon de bois se fait majoritairement par des « La contrainte économique qui
plantations forestières paysannes (Montagne et enserre la filière charbon entre la
pauvreté urbaine et la pauvreté rurale
al., 2010). Elles sont constituées en majorité
entretient la dynamique des
d’eucalyptus, en particulier l’espèce Eucalyptus plantations forestières paysannes
robusta. Depuis son introduction à Madagascar, on dans le bassin d’approvisionnement
observe une dynamique de plantations paysannes d’Antananarivo. […] Elle contribue à
spontanée sur les Hautes Terres, surtout autour de faire des métiers du bois énergie des
métiers socialement dégradants [et] à
la capitale. L’installation et l’exploitation de
maintenir les filières bois énergie dans
l’eucalyptus ne nécessitent pas beaucoup le secteur informel ».
d’entretien. Une plantation peut produire pendant
près d’un siècle en étant exploitée tous les 3 ou 4 Montagne et al, 2010

ans.
Cependant, la baisse tendancielle du prix du bois, la croissance de la population
rurale, et la nécessité de maintenir leurs revenus de subsistance poussent les exploitants
à étendre leurs plantations (ibid.).
Par ailleurs, le passage au charbon de bois pour la cuisine des ménages a permis
d’élargir le rayon d’approvisionnement des villes (Montagne et al, 2010).
Néanmoins, cette synthèse bibliographique portera uniquement sur les filières à
proximité de la capitale, dans la région Analamanga. Celle-ci a effectivement été
identifiée comme principale fournisseur d’Antananarivo, satisfaisant 70% de la
demande en charbon de bois (Andriamifidy, 2014b).

12
Localisation des bassins de production

Le bassin d’approvisionnement d’Antananarivo s’étend :


- vers l’Est, jusqu’à Andasibe, presque jusqu’au lac Alaotra
- vers le Nord jusqu’à Anjozorobe
- vers l’Est, dans le Sud du district Ankazobe
- vers le Sud jusqu’au massif du Vakinankaratra, au-delà de Ambohibary12

La carte suivante montre la localisation des principaux bassins de production


autour de la capitale malgache, assurant son approvisionnement.

12
Faute d’étude sur cette région, nous n’en ferons plus mention dans le reste de cette synthèse.

13
Figure 4 : Carte de l’implantation des principaux bassins de production autour
d’Antananarivo

La structuration de l’espace urbain

A plus grande échelle, la filière charbon de bois structure l’espace urbain. Elle a
fait des gares routières autour de Tana les centres névralgiques de son
approvisionnement. Le charbon y est acheminé par des chauffeurs de taxi-brousse, des
transporteurs particuliers qui l’achètent en bord de route (cf. « Ville et biodiversité, le

14
bois-énergie à Madagascar », en ligne13) ou des exploitants qui possèdent un moyen de
transport (Andriamifidy, 2014b). A titre d’exemple, à Tana, un « quartier du bois » s’est
développé autour de la gare routière du Nord-Est avec l’implantation de grossistes en
bois d’œuvre et charbon de bois.

13
Sur le site riaed.net. Le Réseau International d’Accès aux Energies Durables est une plateforme
internationale d’expertise en matière d’énergies renouvelables et de leur promotion dans les Pays du
Sud. Elle est notamment animée par le GRET.

15
III Caractéristiques de la filière

1) Structure de la filière

La structure de la filière de l’amont vers l’aval est présentée sur la figure 3.


L’identification des acteurs impliqués, ainsi que les notions de coûts et de marges
réalisées sont détaillées dans la section suivante.

Figure 5 : Structure de la filière charbon de bois et prix de vente recensés

7000 AR 7000 AR 7000 AR

10 000 AR

13 000 AR

D’après Andriamifidy, 2014a&b

2) Identification des acteurs

La filière charbon de bois est une filière courte : il n’y a peu ou pas d’intermédiaires
intervenant dans la chaîne de valeur. Les exploitants, propriétaires ou non des parcelles
16
exploitées, ne font pas appel à des collecteurs ou des transporteurs pour
l’approvisionnement. Ils réalisent en général ces activités eux-mêmes. De plus,
contrairement aux filières classiques, où les acteurs ont chacun un rôle bien défini, les
agents interviennent ici à différents niveaux : exploitant-charbonnier, exploitant-
transporteur…Les fonctions sont souvent combinées selon les moyens financiers.
En amont de la filière on distingue deux types de producteurs (Andriamifidy,
2014b) :
- Les exploitants propriétaires
- Les exploitants non propriétaires

a) Les producteurs de charbon de bois

Les exploitants propriétaires possèdent le bois sur pied, normalement légalisé par
un titre foncier. Pour autant, la majorité des parcelles ne sont pas immatriculées
(Andriamidfidy, 2014 ; Ramamonjisoa, 2015). Les études ont recensé deux autres
pratiques locales définissant le propriétaire du terrain : (i) témoignage du fokon’olona
peut suffire à justifier l’appropriation de la parcelle dans le district de
Manjakandrian (Andriamifidy, 2014a&b), ou encore (ii) les lettres des propriétaires des
parcelles voisines, du chef fokontany et du maire déclarant les limites de la parcelle pour
le cas d’Anjozorobe (Ramamonjisoa, 2015) .
Les exploitants propriétaires peuvent justifier des documents nécessaires à
l’exploitation du bois (cf. I-5)b)). Ils ont recours à la main d’œuvre familiale, ou
emploient des tâcherons ou des salariés forestiers ; cette main d’œuvre est rémunérée
entre 1700 et 2 200 Ariary par sac de charbon (Andriamifidy, 2014b ; Ramamonjisoa,
2015). Dans d’autres cas, les employés sont payés à la journée et l’exploitant prend en
charge leur repas et déplacements (Andriamifidy, 2014b).
La contractualisation entre ces agents se fait à l’oral, et les tâcherons sont tenus de
respecter le calendrier d’exploitation de l’exploitant.
En général, les exploitants propriétaires possèdent leur propre moyen de transport
pour acheminer leurs produits vers Antananarivo, où ils vendent un sac de charbon
entre 12 et 14 000 Ariary.

Les exploitants non propriétaires ne possèdent pas de titre foncier et achètent le


bois sur pied à un propriétaire foncier (individuel ou collectivité locale). L’achat de bois
sur pied s’élève à 1 000 000 d’Ariary pour 1 hectare. Parfois, un prospecteur intervient
en leur faveur afin de négocier le prix d’achat.
Dans le district d’Anjozorobe, une étude a montré que ce type d’exploitants est
majoritairement composé de migrants. Ils parcourent le district et même au-delà, à la
recherche de parcelles exploitables. Le manque de terres arables procurant des revenus
suffisants pour subvenir à leurs besoins explique le recours à cette stratégie
d’exploitation itinérante (Ramamonjisoa, 2015).

17
Le manque d’informations regardant les aspects socio-économiques de l’analyse de
filière ne nous permet pas ici d’appréhender les relations qui unissent les acteurs, les
rapports de force existants, et donc d’analyser leur stratégie respective14.

b) Les transporteurs

Les exploitants n’étant pas en possession d’un camion font appel à un transporteur
pour l’acheminement du charbon vers Antananarivo. Ce service se chiffre à 240 000
Ariary, pour un camion de 160 sacs (Andriamifidy, 2014b).

c) Les grossistes et détaillants

La littérature disponible ne mentionne pas les prix d’achat par les grossistes aux
producteurs. On sait néanmoins qu’ils revendent entre 9000 et 12 000 Ariary aux
détaillants. Ces derniers pratiqueront un prix compris entre 12 000 et 14 000 Ariary le
sac au consommateur.

d) Les organisations de producteurs

Certains exploitants sont organisés en FIVA (Association des exploitants forestiers),


demandant une cotisation de 2000 Ariary par exploitant. Cette association aide les
producteurs dans les démarches administratives pour exercer leur activité en bonne et
due forme.

e) Les acteurs institutionnels

Le personnel du service forestier (DREF, CEF15)

Il intervient en aval de la production de charbon, pour la délivrance du permis


d’exploiter (2000 Ariary l’unité), et au niveau de la commercialisation, avec la délivrance
du laissez-passer (2000 Ariary l’unité). Il assure également le contrôle de
l’exploitation16.

La commune et le fokontany

Le paiement de ristournes à ces deux collectivités est une condition sine qua non
pour la commercialisation légale du charbon de bois. Elles s’élèvent à 30 000 Ariary

14
Manque de données sur le nombre de bûcherons, charbonniers ; les conditions de leur rémunération, entre
autres…
15
La DREF et la CEF sont les structures décentralisées du service forestier. « De 2008 à mai 2013, les
autorisations de coupe ont été délivrées par la DREF. Ce n’est à qu’à partir de mai 2013 qu’on a remis la
délivrance de ces autorisations sous la responsabilité du CEF (cantonnement) de chaque district »
(Andriamifidy, 2014).
16
Selon les dispositions du décret 82-032.

18
pour une exploitation d’un hectare à la commune ; et à 5000 Ariary par camion de
charbon pour le fokontany (Andriamifidy, 2014b).

Ces acteurs permettent la régulation de la commercialisation du charbon. Cependant,


faute de moyens humains et financiers, les procédures ne sont pas respectées, et le
contrôle est souple17.

3) Analyse des flux

Nous l’avons mentionné précédemment, les exploitants valorisent leur plantation de


multiple façon (bois d’œuvre, bois de construction etc.). Dans les districts autour
d’Antananarivo, il apparaît que la production de charbon de bois domine largement dans
les systèmes d’exploitation forestiers (cf. figure 4).

Figure 6 : Part de la production de bois par utilisation dans les districts de la


région Analamanga

Source : Rakotonirina, 2013

Les prix de vente varient selon l’espèce utilisée (pin ou eucalyptus) et sont différents
d’une zone à l’autre. Ainsi, en bord de route, dans les zones de production, un sac de
charbon coûte 7000 Ariary ; à Antananarivo, il est vendu entre 12 et 14 000 Ariary.

4) Organisation spatiale et flux associés

La carte suivante présente une estimation (en tonnes) des produits transportés vers
Antananarivo émanant des zones de production.
.

17
Cet aspect explique notamment le manque de données fiables sur les superficies exploitées et la quantité de
produits issus des plantations. Les failles admiinistratives de la DREF et du CEF ont été judicieusement révélées
par l’étude de Andriamifidy (2014).

19
Figure 7 : Organisation spatiale de la production de charbon de bois dans le bassin
de la région d’Analamanga, pour l’approvisionnement d’Antananarivo (d’après les
estimations d’Andriamifidy, 2014b)

La plus grosse zone productrice de charbon de bois est le district de Manjakandriana.


Ses plantations paysannes d’eucalyptus fournissent plus de 50 % du charbon de bois et
du bois de chauffe consommé à Antananarivo (plus de 1,5 millions de mètres cubes de
bois exploités). L’acheminement des produits de cette zone vers la capitale est facilité
par un réseau de routes et de pistes bien structuré.
Viennent ensuite Andramasina et Ankazobe avec chacun 50 000 tonnes de charbon
expédiées vers la capitale.

20
IV Diagnostic organisationnel et stratégies des agents

La cohérence autant verticale qu’horizontale entre les acteurs est facilitée dans la
mesure où il s’agit ici d’une filière courte.

1) Une organisation verticale basée sur la confiance

Dans le cas des exploitants-propriétaires (cf. section III-2)), un contrat oral lie les
propriétaires et les tâcherons qu’ils emploient. L’exploitant-propriétaire, en plus de la
rémunération, prend en charge les déplacements et les repas de ses ouvriers.
Concernant le transport, des relations de confiance sont établies entre les
chauffeurs de camions et les exploitants qui y font appel.
Enfin, pour la commercialisation, des relations de confiance et de longue date
existent entre les exploitants et les grossistes ou commerçants urbains.
Ramamonjisoa (2015) illustre l’importance de la communauté dans la fabrication
de charbon de bois : les membres d’une même famille peuvent constituer intégralement
une filière, de l’exploitant au détaillant.

2) De l’origine et des stratégies des charbonniers

La production de charbon de bois constitue une source de revenus


complémentaires pour les petits exploitants, notamment les jeunes qui ne disposent que
de petites parcelles de culture, ou encore pour les migrants, employés comme tâcherons
pendant la morte saison agricole. Une dynamique de sédentarisation s’opère également
par l’exploitation du bois. Les migrants commencent effectivement par se faire employer
comme tâcherons sur les exploitations, avant d’acquérir des parcelles agricoles et de se
sédentariser (Andriamifidy, 2014b).
Pour les producteurs relativement plus riches –notamment les propriétaires qui
vendent le bois sur pieds-, la production de charbon de bois permet de financer des fêtes
familiales, l’achat d’équipement agricole etc18.

3) De la faisabilité d’une démarche collective pour une production durable

Ainsi, outre sa prévalence dans l’économie locale, l’activité charbonnière revêt


également une importance sociale considérable dans les campagnes malgaches : elle
permet l’intégration des migrants à la société, elle contribue à tisser des liens entre les
agents de la filière et s’ancre dans la culture et la vie quotidienne rurale malagasy.
Les associations paysannes ne sont pas fonctionnelles dans la région Analamanga
sur les zones qui nous intéressent ici. Cependant, à la lumière de notre diagnostic, de
telles démarches seraient possibles afin de réunir les acteurs autour d’un projet
d’exploitation durable d’une ressource qui leur est indispensable. Différents types
18
Sur le site Riaed.net, article « Ville et biodiversité ».

21
d’institution peuvent être envisagés selon les enjeux investis, dont les communautés de
base pour gérer les forêts exploitées selon des plans d’aménagement simplifiés.

V Les enjeux

1) Valoriser le CDB produit grâce aux techniques de carbonisation améliorée

La production de charbon de bois est très consommatrice de ressources ligneuses et


pour cause : « […] la fabrication du charbon de bois impose de couper un poids de bois 5
fois supérieur pour un rendement de 20% à la carbonisation. Améliorer le rendement à
la carbonisation de 10 à 20 % permet d’économiser 100 % de la ressource et de ne
consommer que 50 % du bois initialement nécessaire » (Montagne et al., 2010).
Le CIRAD et le FOFIFA ont mis en place une technique de carbonisation améliorée
permettant d’optimiser les rendements19. Celle-ci a fait ses preuves dans la région de
Boeny où des charbonniers ont été formés, à travers le projet CARAMCODEC.

2) Appuyer la professionnalisation de la filière

Nous l’avons vu, la stabilité de la demande urbaine assure des revenus constants
pour les agents de la filière charbon. Les prix ont tendance à être stables, et n’ont pas ou
peu augmentés par rapport à l’évolution du pouvoir d’achat de la population. Or, vus
l’importance du transport motorisé pour l’approvisionnement et l’augmentation du prix
des carburants, une réduction substantielle des marges et des revenus des agents à tous
les niveaux s’est faite sentir (Montagne et al, 2010).
De même, l’inscription de la filière dans un cadre non officiel ne permet pas une
bonne répartition de la valeur ajoutée. Ainsi, la professionnalisation de la filière permet :
- Une meilleure structuration des activités
- L’assurance de la durabilité de l’activité
- La création de meilleurs revenus pour les agents

3) Promouvoir la gestion locale de la Article 43 de la loi GELOSE


ressource forestière : un enjeu « Dès sa notification, l’agrément confère à la
économique, social et environnemental communauté de base bénéficiaire pendant
la période indiquée dans l’acte, la gestion de
La création de VOI, une opportunité de l’accès, de la conservation, de l’exploitation
développement territorial encore sous- et de la valorisation des ressources objets
exploitée de transfert de gestion sous réserve du
respect des prescriptions et des règles
d’exploitation définies dans le contrat de
La décentralisation de la gestion forestière
gestion ».
prévue par la loi GELOSE20 constitue une

19
Cf. Annexe 1.

22
opportunité pour les populations locales pour reprendre le contrôle de leur terroir et de
ses ressources forestières. En effet, « les contrats de transfert de gestion visent à
intégrer la production et la commercialisation associatives du bois-énergie dans le
« droit coutumier »21 des populations locales » (Muttenzer, 2012). Ce transfert
représente une opportunité de valorisation de la filière charbon pour une production
durable. La gestion de proximité permise par le contrat vise l’exploitation raisonnée des
ressources dans la mesure où elle remédie au manque de ressources humaines et
techniques des administrations forestières qui n’arrive pas à assurer cette gestion22.
De plus, l’amélioration de la gestion des ligneux (avec l’approvisionnement pérenne
des centres urbains) permet une redistribution des capitaux des villes vers les
campagnes, dont les terroirs se trouvent ainsi redynamisés et valorisés.
Par ailleurs, l’analyse des résultats du projet GESFORCOM (qui s’appuie sur la
création de CLB, la formation des charbonniers et du personnel forestier) a mis en
exergue des impacts positifs sur la préservation de la ressource ligneuse et
l’approvisionnement de la ville de Mahajanga (cf. Résultats projet GESFORCOM, 2010).
Cependant dans la région qui nous intéresse ici, la dynamique des contrats de
transfert de gestion en est encore à un stade embryonnaire. En 2013, 13 contrats de
transfert de gestion ont été recensés dans le district d’Anjozorobe ; 33 contrats initiaux
répartis dans les districts d’Anjozorobe, de Manjakandriana et d’Andramasina23.
Cependant, une étude réalisée en 2014 déplore les
dysfonctionnements de ces VOI, notamment dans le « Sur la bordure orientale des
district de Manjakandriana (Andriamifidy, 2014b). Hautes Terres et dans la dépression
Les charbonniers impliqués dans les VOI sont de l’Angavo, il n’y a pas de césure
radicale entre la forêt naturelle, et la
soumis à un régime particulier prévu par la loi
forêt de reboisement mais au
GELOSE qui permettrait de territorialiser la filière contraire une interpénétration de
charbon et de préserver la ressource. l’une et de l’autre puisque des
essences secondaires colonisent les
Permettre aux populations de se réapproprier sous-bois des futaies d’eucalyptus, ce

leur terroir, un enjeu écologique qui permet d’abriter certains (sic)


espèces de la flore ou de la faune
forestières « naturelles » ».
Les plantations forestières et paysannes, même
si elles n’ont pas les fonctions écologiques de la (Cf. « Ville et biodiversité », en ligne sur
riaed.net)
forêt naturelle, permettent de protéger cette
dernière par les fonctions économiques qu’elles
représentent (production de bois). La production de charbon de bois représente donc
20
Loi 96-025 du 30 septembre 1996, dite loi GELOSE, relative au transfert de gestion des ressources naturelles
aux communautés locales de base.
21
Permise par le Dina, pacte social obligatoire pour établir un contrat de transfert de gestion. Il est élaboré
selon les règles sociales locales.
22
Andriamifidy (2014) explique que l’exploitation du bois ne profite pas aux collectivités et n’engendre donc
pas de développement faute du paiement des ristournes etc. ; sauf dans le cas des transfert de gestion, où
soumis à un régime particulier et à une gestion territorialisée, les agents s’ancrent dans un système formel par
le paiement des redevances.
23
Cf. Annexe 2. Carte de la répartition des contrats de transfert de gestion dans la région Analamanga, réalisée
par Lohanivo Alexio, 2013.

23
une ressource énergétique durable pour les populations rurales et urbaines les plus
pauvres.
Par ailleurs, les plantations paysannes participent plus largement à la lutte contre
l’érosion des sols, à la préservation de la biodiversité (cf. encadré) et à la séquestration
de carbone atmosphérique.
Sécuriser la filière charbon de bois participe à la pérennisation des ressources
ligneuses, la sécurisation de l’approvisionnement urbain et la lutte contre la pauvreté
dans le monde rural.

4) Parer à l’augmentation des coûts et des prix engendrés par davantage de contrôle

Les hausses des prix du charbon de bois pour le consommateur et parfois les
ruptures d’approvisionnement sont souvent imputées à l’augmentation du contrôle par
les pouvoirs publics. Les taxes, ristournes et les procédures administratives nécessaires
à la commercialisation licite du charbon de bois découragent les producteurs. Associez à
cela la hausse tendancielle des prix du carburant, et toutes les conditions sont réunies
pour l’inscription durable de la filière dans le secteur informel.
Il convient pour y remédier d’accompagner les acteurs tout au long de la filière, par
des activités de sensibilisation et de formation permettant in fine de mieux structurer
ces filières.

5) Une ressource en danger ?

La littérature mentionne les difficultés d’approvisionnement de grandes villes de


province situées sur les côtes et notamment celles du Sud et du Sud-Ouest (Fort-
Dauphin, Tolaria) (cf. encadré). Ces villes, en plein essor démographique, ont vu se
développer des activités lucratives, aux dépens des espaces forestiers (culture du coton
et du maïs sur défriche, et bien entendu, production exponentielle de charbon de bois
afin de répondre à la demande urbaine)24. Sur ces terroirs, la régénération des espaces
forestiers est aujourd’hui compromise.
Concernant la production de charbon autour d’Antananarivo et sur les Hautes
Terres en général, la situation est plus favorable. Ainsi que nous l’avons mentionné plus
haut (cf. section II-2)), les reboisements ont permis la création d’un massif forestier
important (près de 150 000 hectares), en situation périurbaine (au Nord et à l’Est de la
capitale), pouvant assurer à travers une gestion durable, l’approvisionnement pérenne
de la ville d’Antananarivo. Il faut également souligner que deux des trois principales
villes malgaches (Antananarivo et Fianarantsoa) ainsi que ses villes moyennes,
représentant près de 50% de la population urbaine, sont approvisionnées par des
plantations paysannes.
Cependant, dans un contexte de pauvreté généralisé (chiffre), les exploitations ont
tendance à être surexploitées. En effet, les rotations de coupe sont de plus en plus
courte, mettant en danger le renouvellement de la ressource.
24
Cf. riaed.net

24
En outre, cette situation pose problème quant à la qualité du charbon commercialisé.
L’exploitation de jeunes plantations (1 à 2 ans) donne un charbon d’un calibre trop petit
- pour un rendement faible. Ceci engendre la coupe prématurée d’autres parcelles… Au
bilan, l’exploitation du charbon de bois est aujourd’hui ancrée dans un cercle vicieux
faisant craindre la péréclitation de la filière et la diminution de la ressource ligneuse.

6) Valoriser le charbon de qualité sur les marchés

Compte tenu du faible pouvoir d’achat des ménages consommateurs de bois-énergie,


c’est d’abord le prix qui motive l’acte d’achat du charbon de bois. Cependant, il apparaît
que les consommateurs sont également sensibles à la qualité du charbon. Certaines
essences permettant de faire cuire davantage d’aliments (car produisant du charbon
plus dense (Razaoharimiasa, 2013)), d’autres émanant moins de fumée. Ainsi, les
citadins ont une préférence marquée pour le charbon de bois issu de l’eucalyptus plutôt
que du pin ou du mimosa (Raheriarivony, 2004).
A Fort-Dauphin par exemple, les citadins préfèrent le charbon de bois provenant de
la zone sèche, semi-aride, de meilleure qualité que le charbon de bois d’eucalyptus, qui
produit plus de fumée25.
Le projet CARAMCODEC mené par le CIRAD et le FOFIFA a mis en exergue la qualité
du charbon produit grâce à une méthode de carbonisation améliorée : un pouvoir
calorifique plus grand, un produit « propre » (débarrassé de terre, de brindilles et
d’incuits qu’on retrouve sur les lieux de production), et un charbon moins friable.
La promotion d’un charbon de bonne qualité auprès des consommateurs offre ainsi
de bonnes perspectives pour la filière.

25
Cf. riaed.net

25
Conclusion

Les difficultés rencontrées par l’administration forestière concernant la gestion et


la régulation de l’exploitation du bois ont largement été soulignées (Montagne et al.,
2010 ; Andriamifidy, 2014a&b). Ainsi, bien qu’aucune étude ne s’y soit encore
véritablement penchée, il apparaît que la filière charbon de bois s’inscrive dans le
secteur informel pour l’approvisionnement de la ville d’Antananarivo. La filière ne
participe donc pas au développement du territoire dans lequel elle s’inscrit. Les services
forestiers sont contraints d’autoriser officieusement le charbonnage et le transport de
marchandises illicites, dans la mesure où l’approvisionnement constant d’Antananarivo
relève de la paix sociale. En conséquence, les quantités acheminées, les coûts associés et
les relations entre les acteurs sont à ce jour difficiles à évaluer.

Le défi largement mis en exergue dans la littérature disponible, consistant à


satisfaire la demande urbaine en charbon de bois, comporte d’autres challenges
(sociaux, économiques, environnementaux). Associer exploitation et préservation de la
ressource forestière permettrait l’approvisionnement sécurisé d’Antananarivo en
charbon et la pérennisation de l’activité, qui est une source de revenus indispensables
pour les populations rurales.

Le contrôle forestier décentralisé peine à être efficace. De fait, le transfert de


gestion aux CLB peut être une des solutions pour mieux réglementer l’exploitation du
bois, et ancrer la filière dans un circuit légal. La population, davantage impliquée dans la
gestion des ressources de son terroir, devient l’agent principal de sa conservation et de
sa valorisation. L’établissement d’un cahier des charges et l’instauration de bonnes
pratiques de production dans le cadre des transferts de gestion sont une des voies vers
la préservation de la ressource.

La sensibilisation des consommateurs aux bénéfices sociaux, économiques et


environnementaux gravitant autour de la production de charbon de bois est
indispensable pour la valorisation de produits issus d’aires d’exploitation raisonnée,
dont la traçabilité est assurée.

Ainsi, la filière charbon de bois, aux vues de l’importance qu’elle revêt aujourd’hui
et encore pour longtemps à Madagascar, est porteuse de potentialités pour le
développement des territoires ruraux de production.

26
Bibliographie

ANDRIAMIFIDY Andoniaina Vatosoa, 2014a, Analyse prospective en vue de l’exploitation


durable du bois énergie dans le district de Manjakandirana, Université d’Antananarivo,
ESSA-Agro management, 137 p.

ANDRIAMIFIDY Andoniaina Vatosoa et al., 2014b, Filières bois et charbon de bois dans la
région Analamanga et approvisionnement de la ville d’Antananarivo, Antananarivo,
CIRAD, 68 p.

AIDES, 2012. Diagnostic du secteur énergie à Madagascar. Quantification de la demande en charbon


de bois,

Equipe GESFORCOM Madagascar, 2010, Brochure « Résultats GESFORCOM », 24 p.

MERAL Philippe, CASTELLENET Christian, LAPEYRE Renaud (dirs.), 2008, La gestion


concertée des ressources naturelles, L'épreuve du temps, Paris, Gret- Karthala, 330 p.

MONTAGNE Pierre, RAZAFIMAHATRATRA Serge, RASAMINDISA Alain, CREHAY Romain


(éds.), 2010, Arina Le charbon de bois à Madagascar, entre demande urbaine et gestion
durable, Antananarivo, CITE, 187 p.

MUTTENZER Franck D., novembre 2012, « Analyse cognitive d’une politique publique :
justice environnementale et « marchés ruraux » de bois-énergie » in Madagascar,
conservation et développement, vol. 7, 79-86 pp.

RAHERIARIVONY Fenohasina, 2004, Gelose et énergie domestique pour un développement


durable : cas de la production du charbon de bois, Université d’Antananarivo, 66 p.

RAKODRONDRANIVO Mihary, 2014, Vers une gestion durable des plantations forestières :
état des lieux, cas de la région Analamanga, ESSA, 103 p.

RAKOTONIRINA Mamy, 2013, Caractérisation de l’exploitation des plantations paysannes


de la région Analamanga en vue d’une production optimale en bois énergie, ESSA,
Antananarivo, 86 p.

RAMAMONJISOA Bruno, 1993, La ville aux mille charbonniers, Université d’Antananarivo,


Département des Eaux et Forêts, , 267 p.

RAMAMONJISOA Tojonirina David, 2015, La gestion durable des ressources naturelles


renouvelables, Cas du charbon de bois dans la zone d’Anjozorobe, mémoire de master en
droit, Université d’Antananarivo, 104 p.

RASOAZANAMANANA Tahiry, 2009, Effets externes de la production de charbon de bois,


Mémoire de DEA-Economie, Université d’Antananarivo, 72 p.

27
RAZAOHARIMIASA Nihry, 2013, Etude de l’exploitation de charbon de bois dans la
commune rurale de Nandihizana, Université d’Antananarivo, 100 p.

Vade-Mecum des bonnes pratiques de carbonisation à Madagascar, ????, Projet


CARAMCODEC, CIRAD, Union européenne, 30 p.

VONONIRINA Amélie et ANDRIAMBELOSOA Saminirina, janvier 2014, Etude sur l’énergie


à Madagascar, CREAM, 57 p.

28
Sitographie

www.cirad.org

www.conservation.org

www. madagascar-sage.org/gelose.htm

www.onu.mg/pnud

www.parcs-madagascar.com

www.pnae.mg

www.riaed.net

www.smbmada.net

www.worldwildlife.org/madagascar

29
Annexes

Annexe 1 : extrait du vade-mecum du projet CARAMCODEC concernant les bonnes


pratiques de carbonisation à Madagascar

Les améliorations proposées se focalisent sur 6 éléments de base :


1) Le séchage préalable du bois qui permet une diminution du temps de
carbonisation et facilite la carbonisation de la charge de bois ;
2) L’orientation de la meule et l’emplacement de la bouche d’allumage par rapport
au vent dominant qui ralentit la vitesse de la carbonisation et augmente la
qualité et la quantité du produit ;
3) La qualité du chargement qui minimise les vides pouvant créer des prises de feu
incontrôlables de la charge ;
4) Le recouvrement de la meule qui permet une meilleure étanchéité et une
carbonisation homogène ;
5) L’ouverture et la fermeture des évents d’aération en fonction des conditions
climatiques qui permet une meilleure conduite de la carbonisation
6) L’extinction des braises par de la terre de préférence avec de l’eau qui évite de ce
fait l’éclatement des morceaux de charbon et augmente le poids du charbon
commercialisé.

30
Annexe 2 : Carte de la répartition des transferts de gestion (et leur statut) dans la région
Analamanga en 2013

31

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