Rapport Niveau de La Mer Jouzel
Rapport Niveau de La Mer Jouzel
Rapport Niveau de La Mer Jouzel
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29 février 2012
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Table des matières
Résumé..................................................................................................................... 5
I. Introduction ...................................................................................................... 7
II. Observations du niveau de la mer ................................................................. 9
II.1. Variations passées du niveau de la mer..........................................................9
II.2. Observations du niveau moyen de la mer.....................................................10
II.2.1. Données marégraphiques ............................................................................. 10
II.2.2. Données altimétriques................................................................................... 11
II.3. Évolution récente du niveau moyen des océans...........................................12
II.3.1. A l'échelle planétaire ..................................................................................... 12
II.3.2. Sur la France et les DOM-COM .................................................................... 16
III. Projections du niveau de la mer................................................................... 20
III.1. A l'échelle planétaire .....................................................................................20
III.1.1. Les projections du niveau moyen global au XXIe siècle ............................ 20
III.1.2. La montée ne sera pas répartie également............................................... 22
III.1.3. Le niveau de la mer suit actuellement la partie haute des projections....... 23
III.1.4. La mer va continuer de monter pendant des siècles ................................. 24
III.2. A l'échelle des côtes françaises ....................................................................24
III.2.1. Les processus à prendre en compte dans les projections......................... 24
III.2.2. Le cas de la mer Méditerranée ................................................................. 25
III.2.3. En conclusion sur les projections à l’échelle des côtes françaises ............ 26
IV. Impacts liés au changement du niveau de la mer ...................................... 27
IV.1. Impacts sur l’érosion côtière .........................................................................27
IV.1.1. La situation actuelle : une érosion préoccupante due à de nombreux facteurs 27
IV.1.2. Observations ............................................................................................ 29
IV.1.3. Les impacts potentiels du changement climatique .................................... 30
IV.1.4. En conclusion sur l’érosion côtière............................................................ 31
IV.2. Impacts sur la submersion marine ................................................................32
IV.2.1. Les phénomènes en jeu............................................................................ 33
IV.2.2. Les impact potentiel du changement climatique........................................ 33
IV.2.3. En conclusion sur la submersion marine................................................... 36
IV.3. Impacts sur les intrusions salines dans les aquifères côtiers ........................36
IV.3.1. Les phénomènes en jeu............................................................................ 38
IV.3.2. Les impacts potentiels du changement climatique .................................... 39
IV.3.3. En conclusion sur les intrusions salines.................................................... 40
IV.4. Impacts sur les infrastructures portuaires .....................................................41
V. Bibliographie .................................................................................................. 43
3
4
Résumé
Ce rapport concernant le lien entre le changement climatique et le niveau de la mer a été
rédigé en complément au rapport « Scénarios climatiques : indices sur la France
métropolitaine pour les modèles français ARPEGE-Climat et LMDZ et quelques
projections pour les DOM-COM » daté du 26 janvier 20111. Il fait suite à une demande du
ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement d’en
approfondir les conclusions sur la question du niveau de la mer. L’objectif principal est de
faire un point plus complet des connaissances tirées du dernier rapport du GIEC (2007) et
de recherches plus récentes, tant en ce qui concerne les observations que les projections
futures.
Ce rapport fait d’abord le point des connaissances acquises sur les variations passées du
niveau moyen de la mer, depuis les derniers millénaires jusqu’à la période la plus récente.
Il est en particulier noté que sur les derniers 3000 ans l’élévation du niveau moyen
mondial de la mer s’est élevé au rythme de 0,5 mm/an. Au XXe siècle ce rythme s’est
accéléré pour atteindre 1,7 +/-0,2 mm/an sur 1900-2009 et 3,2 +/-0,4 mm/an sur 1993-
2011. Pour quelques stations bathymétriques de la côte atlantique et de la côte
méditerranéenne françaises, le taux d’élévation varie de 1,1 à 3,0 mm/an entre 1890 et
2004 en conformité avec cette évolution moyenne mondiale. Les données des satellites
altimétriques permettent de suivre l’évolution du niveau de la mer depuis le début des
années 90 en couvrant l’ensemble des océans. Ces observations montrent l’importante
variabilité spatiale de l’évolution du niveau de la mer. Ainsi, sur les côtes de la métropole,
le rythme d’élévation est inférieur à la moyenne mondiale sur la période 1993-2007. Les
vitesses de variation du niveau de la mer déduites des données altimétriques, sur une
période de temps limitée à moins de deux décennies, ne peuvent en aucun cas être
extrapolées dans le passé ni dans le futur.
Au-delà du 21e siècle, l’effet de dilatation thermique de l’océan sur la hausse du niveau de
la mer se poursuivra ainsi que l’augmentation liée à la fonte des Inlandsis. Selon une
étude, si la température moyenne planétaire dépassait pendant des millénaires la
température préindustrielle de 3,1 ± 0,8°C, l’éléva tion du niveau de la mer pourrait
atteindre environ 7 mètres en raison de la fonte de la presque totalité de l’inlandsis du
Groenland.
1
http://www.developpement-durable.gouv.fr/Les-scenarios-climatiques-de.html
5
Comme le montrent les observations, la montée du niveau de la mer présentera
d’importantes disparités régionales. La distribution régionale du changement du niveau de
la mer est difficile à estimer car elle dépend de l’évolution locale de plusieurs paramètres :
de la température de l’océan, de la salinité, des courants marins, de la pression de
surface, de l’apport d’eaux continentales ou encore de la déformation des plateaux
continentaux. Les projections disponibles à l’échelle mondiale, ne prenant en compte
qu’une partie de ces processus, montrent une forte dispersion des résultats des modèles.
Cela traduit une forte incertitude sur l’amplitude de l’augmentation du niveau de la mer
dans une région donnée. Une étude de l’évolution du niveau de la mer au niveau des
côtes françaises prenant en compte l’ensemble des processus, y compris ceux qui
influencent la morphologie des côtes, reste à réaliser.
Faute de scénarios précis d’évolution du niveau de la mer au niveau des côtes françaises,
il est cependant possible de conduire des études de vulnérabilité à une augmentation
donnée de ce niveau, et donc d’en évaluer les impacts potentiels.
Le rapport souligne ainsi que l’érosion ou l’accrétion des littoraux est un phénomène
naturel qui peut être aggravé par les activités humaines, mais aussi par la remontée du
niveau de la mer. Les incertitudes associées aux impacts potentiels de l’élévation du
niveau de la mer sont importantes et les approches permettant une quantification de
l’impact futur du niveau de la mer sur l’érosion restent à améliorer et valider.
Pour ce qui concerne l’impact sur les intrusions salines dans les aquifères côtiers, le
changement climatique avec la modification du cycle hydrologique, conjugué à l’impact
anthropique lié au prélèvement dans les aquifères côtiers, pourrait avoir des
conséquences plus importantes que la seule remontée du niveau marin. Une
caractérisation de la vulnérabilité permet de mettre en évidence les aquifères
potentiellement les plus sensibles et d’émettre des recommandations en termes de suivi et
de gestion passant par des études détaillées ciblées.
Enfin, l’augmentation du niveau de la mer est plus préjudiciable pour les infrastructures
portuaires que l'augmentation des houles au large dont l'origine serait l’intensification des
tempêtes. Une analyse théorique amène à conclure que pour une hausse d’un mètre du
niveau d’eau moyen, les ouvrages implantés en faible profondeur devront être rehaussés
de deux mètres pour conserver la même performance en terme de franchissement.
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I. Introduction
A l'échelle de l'Homme, le niveau moyen des océans et la répartition
océan/continent paraissent figés dans le temps, immuables. Toutefois, les observations
géologiques permettent d'affirmer que le niveau de la mer a fortement varié au cours de
l'histoire de la Terre à des échelles de temps diverses. On estime notamment qu'il y a
21000 ans, lors du dernier maximum glaciaire, le niveau marin était de 130 mètres
inférieur à celui que nous connaissons actuellement, une grande partie de l'eau terrestre
se trouvant sous forme de glace continentale. Il est ensuite progressivement remonté avec
la déglaciation, et les experts considèrent qu'il s'est stabilisé il y a environ 3000 ans.
Depuis, le niveau moyen de la mer a peu varié : il ne se serait élevé que de 0,5 millimètres
par an au maximum (Kemp et al., 2011).
Toutefois, les données accumulées depuis le début du XXe siècle ont mis au jour
une tendance significative : le niveau de la mer a augmenté rapidement au cours du
dernier siècle, à un rythme jusqu’à 5 fois supérieur à celui des derniers millénaires (de 1,5
à 3 millimètres par an). Un consensus assez large existe parmi la communauté
scientifique pour attribuer ce phénomène au réchauffement du climat moyen observé sur
la même période. La montée des températures dans les basses couches de l'atmosphère
entraîne une augmentation du niveau marin par le biais de plusieurs facteurs. D'une part,
les océans se dilatent (phénomène « d'expansion thermique »), des océans plus chauds
occupant un volume plus important. D'autre part, les glaciers de montagne et les calottes
polaires fondent, générant un apport d'eau douce plus important à l'océan. Enfin, la
hausse des températures modifie le cycle hydrologique, ce qui influe également sur
l'apport en eau des réserves continentales. Cette contribution est toutefois moins bien
connue par les scientifiques. L'élévation du niveau de la mer qui découle du changement
climatique à venir représente un risque de submersion pour les régions littorales. Cette
question revêt une importance sociale particulière puisqu’environ 145 millions de
personnes habitant près des côtes, seraient aujourd’hui directement affectées par une
élévation de 1m du niveau de la mer (Anthoff et al., 2006). De faibles variations du niveau
marin pourraient ainsi avoir des conséquences socio-économiques majeures sur les
populations et activités humaines.
Dans ce contexte, l'étude des variations du niveau des océans, ainsi que de leur
évolution possible, suscite un intérêt considérable dans la communauté climatique et
parmi les décideurs politiques. Dans le cadre des rapports successifs du Groupe d'experts
Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC), la mise en commun des
connaissances mondiales sur le niveau des océans a permis de chiffrer de plus en plus
précisément l'évolution récente du niveau marin ainsi que la contribution des différents
facteurs climatiques dans ces variations. Les travaux de modélisation du climat futur
permettent également de proposer des scénarios d'évolution pour le siècle à venir, et
même au-delà, du fait de la forte inertie des océans. Néanmoins, de nombreuses
incertitudes demeurent du fait de processus encore incorrectement ou non pris en compte
dans ces projections (en particulier concernant la dynamique des glaciers continentaux ou
la fonte des calottes polaires).
Par ailleurs, quand bien même l’élévation du niveau marin serait connue de
manière précise, les incertitudes quant aux conséquences en termes de submersions,
érosion marine et intrusions salines dans les aquifères demeureraient importantes en
raison de la complexité des processus morphodynamiques et géologiques en jeu. A titre
d’exemple, les méthodes existant actuellement pour évaluer l’érosion potentiellement
induite par une élévation du niveau marin sont jugées insuffisantes par de nombreux
experts en morphodynamique côtière.
8
II. Observations du niveau de la mer
II.1. Variations passées du niveau de la mer
Sur des échelles de temps géologiques, de l’ordre de plusieurs centaines de
millions d’années, les variations du niveau marin sont contrôlées par les variations de la
forme des bassins océaniques, dues principalement à l’activité tectonique de la planète :
subduction de plaques océaniques, collision des continents, ouverture de nouveaux
océans et formation des dorsales océaniques. Les marges continentales enregistrent les
modifications des lignes de rivage, et donc du niveau marin.
Sur des échelles de temps comprises entre quelques milliers et plusieurs centaines
de milliers d'années, les variations d'élévation du niveau de la mer suivent les cycles
astronomiques de 100 000 ans responsables de l'alternance entre périodes glaciaires et
interglaciaires. En effet, le niveau moyen des océans dépendant directement de l'équilibre
entre la quantité d'eau présente sous forme de glace continentale (glaciers et calottes
polaires du Groenland et de l'Antarctique) et la quantité d'eau dans les bassins
océaniques, il est fortement lié à la température atmosphérique terrestre moyenne. La
Figure II.1 montre une estimation de l'évolution de la température au dôme Concordia
(Antarctique), de la température de surface de la mer dans les tropiques, de la
concentration en CO2 dans l'atmosphère et du niveau moyen global de la mer sur les
derniers 800 000 ans (ce qui englobe 8 cycles astronomiques).
Figure II.1. Reconstruction des évolutions passées du niveau moyen global des océans
(en bleu foncé), de la concentration de CO2 dans l'atmosphère (en vert), de la
température au dôme Concordia sur l’Antarctique (en bleu clair) et de la température de la
surface de la mer dans les tropiques (en rouge). D’après Jouzel et Masson-Delmotte
(2010).
9
Les périodes glaciaires sont caractérisées par un niveau moyen des océans bas,
allant jusqu'à -130 m en comparaison du niveau actuel lors du dernier maximum glaciaire
intervenu il y a 21 000 ans. A l'inverse, les périodes interglaciaires sont marquées par des
niveaux marins élevés, pouvant dépasser de 4 à 6 m les niveaux actuels lors des
optimums climatiques. La Terre est depuis 21000 ans dans une période interglaciaire,
durant laquelle le niveau de la mer est monté rapidement jusqu'au début de l’Holocène à
un taux de plusieurs dizaines de mm par an. L'élévation du niveau marin a ensuite ralenti
entre -6 000 et -3000 ans. Durant les 2-3 derniers millénaires, le taux d'élévation s'est
stabilisé à 0,5 mm/an, jusqu'à une accélération récente, depuis la fin du XIXe siècle
(Wöppelmann et al, 2008).
Hormis pour les variations observées depuis l'ère industrielle, toutes ces évolutions
passées ont pu être reconstruites à partir de données paléoclimatiques ou géologiques. La
datation isotopique (rapport O18/O16 dans les foraminifères et les coraux) permet par
exemple d'estimer les volumes des calottes glaciaires et la température des océans pour
en déduire le niveau de la mer. Aux échelles de temps de quelques siècles à quelques
milliers d’années, on utilise aussi des biomarqueurs d’anciennes lignes de rivage ainsi que
des données archéologiques (voir Lambeck et al., 2010).
Les marégraphes fournissent une mesure relative du niveau de la mer par rapport à
la croûte terrestre sur laquelle ils reposent car ils enregistrent aussi les mouvements
verticaux de celle-ci. Si on cherche à connaître uniquement la composante climatique du
niveau de la mer, il faut donc corriger la mesure marégraphique des mouvements du sol.
Si au contraire on s’intéresse à la hausse totale locale, celle ressentie par les populations,
alors c’est bien la mesure relative qu’il faut considérer.
L’altimétrie satellitaire fournit quant à elle une mesure absolue référencée au centre
des masses de la Terre, (ou, de manière équivalente, à un ellipsoïde de référence défini
mathématiquement). L’altimétrie fournit donc essentiellement la composante climatique du
niveau de la mer.
10
La mesure du niveau moyen des océans nécessite de filtrer les données pour se
débarrasser des variations liées aux vagues et houles, aux marées, ou à des situations
météorologiques particulières. Les données de niveau de la mer sont donc moyennées sur
des périodes allant du mois à l'année.
Les données marégraphiques historiques ont plusieurs limites. D'une part, elles ont
une distribution spatiale hétérogène : elles se situent principalement dans l'hémisphère
Nord le long des côtes européennes et américaines (il existe quelques longs
enregistrements marégraphiques dans l’hémisphère sud mais en nombre limité), et ne
donnent donc aucune information sur le niveau marin en plein océan. D'autre part, la
densité du réseau marégraphique a fortement varié dans le temps, le réseau actuel étant
beaucoup plus dense qu'au début de XXe siècle. Les marégraphes n'ont pas toujours
fonctionné en continu et l'on retrouve ainsi des « trous » dans les séries de données pour
nombre d'entre eux. Ainsi, seulement 10% des données marégraphiques sont
utilisables pour l'étude du changement climatique (on considère en effet qu'une
cinquantaine d'années continues est nécessaire pour pouvoir commencer à analyser les
tendances dans les séries). Une autre difficulté importante vient du fait que les
marégraphes mesurent le niveau de la mer relativement au niveau du continent. Les
mouvements verticaux de la croûte terrestre, liés à la tectonique des plaques et au
volcanisme, aux mouvements isostatiques comme le rebond post-glaciaire2, ou encore
aux activités humaines (pompage des eaux profondes, extraction des ressources fossiles),
créent des signaux parasites à retirer si l’on ne s’intéresse qu’à la composante climatique
du niveau de la mer.
Les données des marégraphes sont complétées depuis le début des années 90 par
les observations des satellites altimétriques successifs : Topex/Poseidon (lancé en 1992),
Jason-1 (2001) et Jason-2 (2008). Ces données permettent d'obtenir une cartographie
quasi-mondiale de la hauteur de la surface des océans avec une grande précision, et par
la même occasion d'estimer la distribution régionale de la vitesse d'élévation du niveau de
la mer. Au fil des différentes missions altimétriques, la précision de la détermination
du niveau instantané de la surface de la mer est passée de quelques décimètres à 1-
2 centimètres.
2
Le rebond post-glaciaire (également appelé ajustement isostatique ou glacio-isostasie) se définit comme le
soulèvement de masses terrestres consécutif à la fonte des calottes glaciaires et lié au phénomène
d'isostasie.
3
Doppler Orbitography and Radiopositioning Integrated by Satellite
11
Figure II.2. Principe de l'altimétrie spatiale (d'après "La terre vue de l'espace", par Anny
Cazenave et Didier Massonnet).
Toute une série de corrections est ensuite appliquée, à la fois sur les mesures
satellite-océan (corrections instrumentales, des effets de l'atmosphère), et sur les
paramètres géophysiques (marées, paramètres météorologiques, etc...) pour obtenir une
mesure instantanée du niveau de la mer. Les satellites Topex/Poseidon et Jason réalisent
une couverture complète des océans en 10 jours. La moyenne géographique de toutes les
mesures individuelles de hauteur de mer réalisées pendant ce laps de temps (appelé
cycle orbital) fournit une valeur du niveau ‘moyen’ de la mer. D’un cycle à l’autre, ce niveau
moyen évolue, ce qui permet de construire une courbe d’évolution du niveau moyen global
de la mer en fonction du temps.
De nombreuses études ont utilisé les données des marégraphes pour reconstituer
l'évolution du niveau moyen global des océans depuis la fin du XIXe siècle. Une sélection
a été réalisée pour ne garder que les données issues des marégraphes situés dans des
régions continentales stables du point de vue géologique, et présentant des mesures
continues sur plusieurs décennies (Douglas 2001 ; Holgate et Woodworth 2004 ; Holgate
2007). Cette étape préalable indispensable ne laisse que peu de séries marégraphiques à
la disposition des scientifiques, pour des couvertures spatiales limitées. D'autres études
ont pris le parti de considérer un nombre plus important de marégraphes en les regroupant
12
régionalement et en utilisant des méthodes de reconstruction (Jevrejeva et al. 2006 ;
Church et al. 2004 ; Church et White, 2011).
Figure II.3. Évolution récente du niveau moyen global des océans, estimée à partir des
données marégraphiques sur le XXe siècle. Les points rouges (+ barre d'erreur)
représentent les estimations de Church et al. (2004), les points bleus celles de Jevrejeva
et al. (2006). D'après Cazenave et Llovel (2010).
Le taux d'élévation modeste de 1900 à 1930 est suivi d'un taux de 1,8 ± 0,3 mm/an
sur les 50 dernières années. Selon Church et White (2011), l'analyse des données sur la
période 1901-2009 indique un taux d'élévation du niveau de la mer de 1,7 ± 0,2
mm/an.
D'après les données altimétriques disponibles depuis le début des années 90, le
taux d'élévation du niveau marin s'est accéléré durant les dernières décennies. Il est
relativement linéaire, et s'élève à 3,2 ± 0,4 mm/an sur la période 1993-2011 (Figure
II.4, Cazenave et Llovel 2010). A noter que ces résultats sont en bon accord avec ceux
déduits des donnés marégraphiques sur la même fenêtre temporelle.
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Figure II.4. Évolution récente du niveau moyen global des océans, estimée à partir des
données altimétriques sur les deux dernières décennies. Le cycle annuel a été enlevé, les
points bleus représentent des données sur 10 jours, la ligne rouge est une moyenne
glissante sur 4 mois. Mise à jour de Cazenave et Llovel (2010).
Selon le dernier rapport du GIEC (IPCC 2007), deux sources majeures expliquent
l'élévation récente du niveau moyen global de la mer :
• L’expansion thermique des océans due à leur réchauffement causé par la hausse
des températures moyenne des basses couches de l'atmosphère. Cet effet, dit
stérique4, est estimé à partir de données hydrographiques mesurant la température
et la salinité de l'océan (relevés bateaux, sondes, bouées dérivantes, flotteurs
profilants du projet ARGO).
• L’augmentation du contenu en eau des océans, par l'apport d'eau douce consécutif
à la fonte des glaciers de montagne et des calottes polaires (appelées aussi
inlandsis) du Groenland et de l’Antarctique. La contribution des calottes polaires est
estimée à partir de mesures spatiales (altimétrie, gravimétrie spatiale5) alors que
pour les glaciers de montagne, on utilise principalement des mesures in-situ.
4
L'effet stérique représente la modification de la masse volumique des océans liée aux changements de
température et de salinité.
5
Depuis 2002, le système GRACE mesure globalement les variations de la gravité sur Terre (Gravity
Recovery And Climate Experiment), ce qui permet d'en déduire les transferts de masse d’eau.
14
Le tableau II.1 récapitule les valeurs estimées des contributions de chacun de ces
facteurs, en décomposant pour l'apport en eau douce depuis les continents les
contributions respectives des glaciers de montagne, des calottes groenlandaise et
Antarctique, et des eaux continentales. Les chiffres sont donnés pour la période 1961-
2003 (données marégraphiques) et pour la période 1993-2003 (altimètres) utilisées par le
GIEC, ainsi que pour la période 2003-2009 utilisée par Llovel (2010).
16
Figure II.6. Carte de la distribution géographique des vitesses de variation du niveau de la
mer (1993-2007) d'après Topex/Poseidon et Jason-1 : Zoom sur la Méditerranée.
Source :LEGOS.
Comme discuté dans la section II.3.1, la hausse moyenne du niveau de la mer est
la somme d’une contribution de l’expansion thermique due au réchauffement et à l’apport
d’eau douce lié à la fonte des glaciers et des inlandsis. Comme le réchauffement des
océans n’est pas uniforme et que quelques régions océaniques se sont même refroidies
au cours du dernier siècle, la variabilité régionale de l’évolution du niveau de la mer est
importante. Cette variabilité spatiale est accentuée par d’autres facteurs comme les
changements de salinité de l’océan. De plus, cette variabilité régionale fluctue à la fois
dans le temps et dans l’espace en réponse aux grands modes de variabilité de l’océan
(voir par exemple Meyssignac et al., 2011b). Ainsi, les vitesses de variation du niveau
de la mer déduites des données altimétriques (Figures II.5 et II.6), sur une période
de temps limitée à moins de deux décennies, ne peuvent en aucun cas être
extrapolées dans le passé ni dans le futur.
Afin de s'affranchir des limites des données des marégraphes, d'autres auteurs ont
utilisé les données altimétriques (Tsimplis et al. 2008-b ; Calafat et Gomis 2009) pour
reconstruire un champ de niveau de la mer à l'aide de techniques d'interpolation. Calafat
17
et Gomis (2009) estiment le taux d'élévation de la mer Méditerranée à 0,6 ± 0,1 mm/an sur
la période 1961-2000, un chiffre plus élevé que celui donné par Marcos et Tsimplis (2008-
a). Les deux études s'accordent toutefois sur le fait que sur la seconde moitié du XXe
siècle, le taux d'élévation du niveau de la mer a été plus faible en Méditerranée
qu'en moyenne globale, et en particulier plus faible que celui observé sur la côte
Atlantique. Cette constatation pourrait s'expliquer par des changements de la circulation
atmosphérique moyenne et des forçages apportés à l'océan, en terme de pression
atmosphérique et de vents de surface (Tsimplis et al. 2005 ; Gomis et al. 2008). Citons
également les travaux de Meyssignac et al. (2011a), qui ont reconstruit un champ de
niveau de la mer sur la période 1970-2000, en associant les donnés marégraphiques à
des sorties de modèles océaniques régionaux. Les auteurs donnent un chiffre d'élévation
de 1,4 mm/an sur cette période, mais restent très prudents quant à leurs conclusions. Les
résultats sont en effet différents selon la reconstruction utilisée, et selon que l'on compare
les tendances des marégraphes seuls aux tendances des champs reconstruits. Ce résultat
souligne la nécessité d'utiliser des séries plus longues que 30 ans pour estimer les
tendances sur le niveau marin, la forte variabilité interannuelle à multidécennale du niveau
de la mer Méditerranée pouvant masquer le signal associé au changement climatique.
Les données altimétriques donnent peu d'informations sur les variations plus
locales au niveau des côtés françaises, et se limitent à la période récente. Pour aller plus
loin et compléter un peu ces chiffres, intéressons-nous au réseau de donnés
marégraphiques existant sur le territoire français. Ces mesures existent depuis
suffisamment d'années pour avoir plus de recul sur l'élévation récente du niveau de la mer
qu'avec l'altimétrie.
18
également une question cruciale pour analyser les tendances dans ces séries (Gaufrès et
Sabatier 2006).
Taux de
variation du
Site d'observation Période Source
niveau de la
mer (mm/an)
1807-1890 -0,09 ± 0,15
Brest 1890-1980 Wöppelmann et al. (2006) 1,30 ± 0,15
1980-2004 3,00 ± 0,50
1885-2007 Letetrel (2009) 1,10 ± 0,10
Marseille
1885-2004 Marcos et Tsimplis (2008-a) 1,20 ± 0,10
Saint-Jean de Luz 1942–1996 Marcos et Tsimplis (2008-a) 2,10 ± 0,30
Îles Kerguelen 1949-2004 Testut et al. (2006) 1,10 ± 0,70
Tableau II.2. Taux de variation du niveau de la mer au XIXe et XXe siècle, estimés à partir de
données marégraphiques françaises.
Le cas des DOM-COM est quant à lui assez problématique, les séries mises à
disposition étant trop courtes pour analyser le signal du changement climatique (Pouvreau
2008). A titre d'exemple, on ne dispose que de 10 années effectives pour la Réunion, 4
pour Mayotte et la Martinique, 10 pour la Polynésie française... Il est donc actuellement
impossible de donner des chiffres plus précis que ceux issus de l'altimétrie (Figure II.5)
pour ces régions.
8
Réseaux de rEFérence des observations MARégraphiques
19
III. Projections du niveau de la mer
III.1. A l'échelle planétaire
Figure III.1 Projections de l'élévation du niveau moyen global de la mer au XXIe siècle. Les
lignes et les grisés montrent l'élévation moyenne pour la période 1991-2100, d'après le
rapport d'évaluation du GIEC (IPCC 2001) (le grisé sombre est la fourchette de la
moyenne des modèles pour la gamme de scénarios d’émission des gaz à effet de serre
considérée, le grisé clair induit tous les modèles et tous les scénarios et les lignes
extérieures comprennent une incertitude supplémentaire pour la glace de terre). Les
projections du quatrième rapport d'évaluation de 2007 (coefficient de confiance 90%) sont
représentées par les barres de 2095, la barre magenta étant la gamme des projections et
la rouge une gamme étendue tenant compte de l'effet additionnel, possible mais mal
quantifié, d'une réponse dynamique rapide des inlandsis du Groenland et de l'Antarctique
au réchauffement climatique La flèche rouge indique que des valeurs supérieures ne sont
pas exclues, mais que la connaissance liée aux phénomènes n'est pas suffisante pour
évaluer leur vraisemblance ou donner la meilleure estimation ou la limite supérieure de
l'élévation ; d'après Church et al. (2009).
20
celles qui autorisent des estimations d'incertitude pour les apports des glaces de terre,
donnent une élévation de 9 à 88 cm (lignes noires extérieures).
Les facteurs qui ont été pris en compte dans ces projections sont pour l’essentiel
les mêmes que ceux qui ont été pris en compte dans l’analyse de l’évolution récente
observée (voir Tableau II.1). Il s’agit donc de l’expansion (ou dilatation) thermique, de la
fonte des glaciers continentaux et celle des inlandsis du Groenland et de l’Antarctique.
Des évaluations de ces différentes contributions sont représentées sur la Figure III.2 en
fonction des différents scénarios d’émission du GIEC.
21
Figure III.2 Projections de l’élévation du niveau moyen global de la mer et différentes
contributions à cette élévation (en mètres pour 2090-2099 par rapport à 1980-1999) selon
six scénarios d’émission. Source : IPCC 2007, 4e rapport, bases physiques, figure TS27.
Quand on les compare de cette façon, les projections des troisième et quatrième
rapports d'évaluation pour le XXIe siècle se ressemblent, particulièrement à l'extrémité
supérieure de la gamme.
Figure III.3 Élévation du niveau de la mer relative à la moyenne globale pour la période
2080-2099 par rapport à 1980-1999. Les calculs prennent en compte les changements de
température, salinité et courants simulés par 16 modèles du GIEC forcés avec le scénario
A1B. Les zones en pointillées indiquent les régions pour lesquelles les modèles sont en
bon accord.
22
Comme le montre la Figure III.3, la montée du niveau de la mer présentera
d’importantes disparités régionales, dues à l’évolution locale de plusieurs variables : de
la température de l’océan, de la salinité et des courants marins. Ces disparités seront
aussi accentuées par les changements de l’apport d’eaux continentales ou encore de la
déformation des plateaux continentaux qui ne sont pas pris en compte dans ces
projections. La Figure III.3 met aussi en évidence la faible convergence des résultats
issus des projections des différents modèles traduisant une forte incertitude sur
l’amplitude de l’augmentation du niveau de la mer dans une région donnée.
Figure III.4 Élévation du niveau de la mer observée par des marégraphes et des altimètres
satellitaires, comparée aux projections du troisième rapport d'évaluation. Les données
viennent principalement de marégraphes (annuelles, en rouge) et d'altimètres satellitaires
(trimestrielles, en bleu, jusqu'à la mi- 2006). D'après une figure de Rahmstorf et al. 2007 et
http:// www.pik-potsdam.de/~stefan/ material/observations_ vs_ projections.ppt.
En dehors des calottes polaires, les glaciers représentent une faible quantité de
glace (moins de 40 cm d'équivalent élévation du niveau de la mer, si tous devaient
fondre), ce qui limite leur contribution à l'élévation. Toutefois, la dilatation thermique de
l'océan se poursuivra pendant des siècles, même après que la concentration dans
l'atmosphère des gaz à effet de serre aura été stabilisée, à cause de la lenteur du transfert
de chaleur de la surface aux profondeurs de l'océan.
À plus long terme, l'inquiétude majeure réside dans les inlandsis antarctique et
groenlandais. Les simulations des modèles indiquent qu’au-delà d’un certain seuil de
réchauffement, la fonte en surface n’y sera pas compensée par l’accumulation de neige.
Ainsi, si la température de stabilisation dépasse ce seuil pendant des millénaires,
l'inlandsis du Groenland (dont la fonte totale représenterait 7 m d’augmentation du
niveau de la mer) pourrait fondre en presque totalité. Selon l’étude de Grégory et
Huybrechts (2006), le seuil devrait être atteint lorsque la température moyenne de la
planète aura augmenté de 3,1 ± 0,8 °C (un écart type) par rapport aux temps
préindustriels. Sans diminution des émissions de gaz à effet de serre, il sera
vraisemblablement franchi au cours du XXIe siècle. Si le réchauffement se maintenait
durablement à ce niveau, la planète connaîtrait alors une élévation du niveau de la
mer de plusieurs mètres au cours des siècles et millénaires à venir.
Le niveau de la mer local est influencé par tout déplacement vertical de la surface
de l’océan mais aussi du fond marin. Ces déplacements peuvent être dus :
• A des changements de volume de l’océan résultant des effets de la température et
de la salinité sur la densité de l’eau ;
• A des changements de masse liés aux échanges océan-glace-atmosphère-
9
“ IPCC Workshop on Sea Level Rise and Ice Sheet Instabilities”, Kuala Lumpur (Malaisie), 21-24 June
2010: http://www.ipcc.ch/pdf/supporting-material/SLW_WorkshopReport_kuala_lumpur.pdf
24
continents, à la redistribution de la masse dans l’océan par la dynamique dans
l’atmosphère (vents à la surface et changement de pression atmosphérique
générant des courants océaniques) ou par la dynamique océanique (circulation
induite par les changements de densité, instabilités), ou encore à des changements
de la gravité locale (eux-même induits par des changements de masse).
• A des changements du niveau du fond de l’océan liés à la déformation isostatique
de la terre solide en réponse aux redistributions de masse d’eau (en particulier
l’ajustement isostatique post-glaciaire) et aux effets de gravitation associés, à la
tectonique, au dépôt de sédiments, à l’érosion, à la compaction des sédiments ou
au changement de la rotation terrestre.
Or les quelques projections qui ont été réalisées à l’échelle de régions côtières ne
résultent en fait que d’une extension de résultats qui ne sont établis que pour des régions
éloignées des côtes. De plus, ces projections d’échelle se limitent à une évaluation des
changements de volume de l’océan et, lorsqu’elles prennent en compte les changements
de masse notamment dus à la fonte des glaciers, des calottes et des Inlandsis, il ne s’agit
dans la plupart des cas que d’une extrapolation de résultats établis en moyenne globale.
A titre d’illustration, nous allons préciser ici quelques résultats obtenus récemment
pour les côtes méditerranéennes qui ont fait l’objet d’une attention plus particulière.
Changements
Changements de Changements
de volume liés
volume liés au de volume liés
Scénarios au changement
changement de au changement
de température
température de salinité
et salinité
Scénario A1B +0,19 – +0,52 -0,49 – -0,22 -0,22 – +0,18
Scénario A2 +0,24 – +0,61 -0,55 – -0,23 -0,17 – +0,31
Tableau III.2 Projections de l’élévation du niveau moyen de la mer Méditerranée au XXIe
siècle (en m). Les fourchettes de valeurs données pour chaque scénario d’émission
correspondent à des intervalles de confiance à 90%. Ces estimations ne prennent pas en
compte des changements de masse notamment liés à la fonte des glaciers et des
inlandsis. Source : Marcos et Tsimplis (2008-b).
Ces estimations ne prennent en compte que les variations de volume de l’océan qui
augmente lorsque la température augmente et diminue lorsque la salinité augmente.
Comme on peut le noter, l’effet combiné des changements de température et de salinité
sur le volume peut avoir un effet d’accroissement ou de diminution du niveau moyen de la
mer suivant les différents modèles et les différents scénarios. Il convient d’y ajouter une
25
contribution liée à la fonte des glaciers et des inlandsis que Marcos et Tsimplis, reprenant
du dernier rapport du GIEC (IPCC 2007) estime comprise entre +0,04 et +0,2 m mais en
soulignant la forte incertitude qui est attachée à ce terme. Il s’agit en effet d’une estimation
globale qui ne prend notamment pas en compte la spécificité des échanges d’eau au
détroit de Gibraltar. Cette étude souligne aussi les disparités entre les changements du
niveau de la mer dans les différentes parties du bassin même si une majorité de modèles
simule une augmentation plus importante dans la moitié occidentale que dans la moitié
orientale.
26
IV. Impacts liés au changement du niveau de la
mer
IV.1. Impacts sur l’érosion côtière
A mesure que les zones côtières sont de plus en plus attractives et aménagées, leur
vulnérabilité aux risques côtiers s’aggrave considérablement. Quelques chiffres, issus pour la
plupart de l’étude Eurosion (2004), permettent de prendre la mesure des changements qui
affectent actuellement ces zones fragiles : un quart de la population mondiale vivrait
aujourd’hui à moins de 100 km d’une côte et en dessous de 100 m d’altitude ; en Europe,
entre 1986 et 2003, des aménagements ont été construits sur environ 950 km de côtes
auparavant non bâties ; en 50 ans en Europe, la population établie dans les municipalités
côtières a plus que doublé pour atteindre 70 millions d’habitants en 2001, et cette tendance
perdure. La stratégie souvent adoptée de maintien du trait de côte dans son état actuel
représente un coût croissant : en Europe entre 1986 et 2001, les dépenses publiques
consacrées à la défense contre la submersion et l’érosion ont progressé de 30% pour
atteindre 3,2 milliards d’Euros en 2001 (Eurosion 2004). Dans ce contexte d’aggravation de la
vulnérabilité des zones côtières aux risques littoraux, l’élévation du niveau marin représente
une pression additionnelle qui viendra, au cours du XXIe siècle, s’ajouter à une situation déjà
préoccupante.
L’érosion du trait de côte est l’un des aléas qui s’exerce sur les zones littorales. Elle
induit trois types de risques : (1) la perte de terrain, (2) la fragilisation par érosion de défenses
côtières naturelles (ex. dunes) ou artificielles (ex. digues en terre) pouvant parfois entraîner
une rupture, (3) la sape d’ouvrages de protection par affouillement. Ces risques seront
potentiellement aggravés par l’élévation du niveau marin.
27
vases par la végétation des marais côtiers, des sédiments transportés par les
processus éoliens par la végétation dunaire.
• Les processus anthropogéniques directs (défenses côtières, rechargement de plages)
et indirects (usage des sols à l’échelle des bassins versants, extractions de sédiments
fluviaux et marins, travaux hydrauliques, urbanisation du littoral, subsidences liées à
l’exploitation d’hydrocarbures ou d’aquifères côtiers).
L’élévation du niveau marin n’est donc que l’un des facteurs expliquant l’érosion ou
l’accrétion du trait de côte. Ce facteur est tout particulièrement important dans les zones
deltaïques, les plages de sable ou de galets, les marais côtiers mais affectent aussi certaines
falaises meubles ou composées de roches tendres telles que la craie. Les activités humaines
mais aussi l’hypothèse d’une pénurie de sédiments sur le littoral10 sont généralement
évoquées pour expliquer l’ampleur que prend actuellement l’érosion côtière en France et à
l’échelle mondiale.
Figure IV.1 Synthèse des forçages et facteurs interagissant pour contrôler les changements
morphologiques de la zone littorale. Source : Morton (2003).
10
En effet, la dernière déglaciation (entre -21000 et -6000 ans) a créé des conditions favorables au transport
solide de sables par les fleuves, alors en régime torrentiel, causant des apports de sédiments importants sur
le plateau continental et sur le littoral. Les sédiments alors transportés ont pu être mobilisés dans les
mécanismes de transport sédimentaires marins lors de la rapide remontée du niveau de la mer consécutive à
la fonte des glaciers. Certains s’accumulent ainsi pour former des systèmes sableux. Depuis 1500 à 2000
ans le niveau marin a peu évolué, entraînant un apport de sédiments nettement plus faible.
28
Echelles spatiales Causes et facteurs Causes et facteurs
et temporelles naturels anthropiques
- changements climatiques
anthropiques
Très long terme : - disponibilité de sédiments
- anthropisation des
Echelle temporelle : de - variations du niveau marin
rivières et des bassins
plusieurs centaines à des - changements climatiques
versants
milliers d’années - paléomorphologie
- ouvrages de protection
Echelle spatiale ~100km (géomorphologie héritée)
- gestion des zones
côtières
- anthropisation des
- élévation du niveau marin
rivières et des bassins
tel que mesuré à la côte
Long terme : versants
(prenant en compte
Echelle temporelle : de - ouvrages de protection
d’éventuelles subsidences)
quelques dizaines d’années - gestion des zones
- variations de climat
à environ un siècle côtières
régional
Echelle spatiale ~10-100km - prélèvement des
- le transport sédimentaire
ressources naturelles (la
« naturel »
subsidence)
Court terme :
- houles, marées et surcotes - ouvrages dans la zone de
Echelle temporelle : des
- variations climatiques surf
heures à des années
saisonnières - rechargements de plages
Echelle spatiale ~10m-1km
IV.1.2. Observations
Dès lors que l’on s’intéresse à l’évolution pluri-décennale de la zone côtière et aux
impacts potentiels du changement climatique, il est pertinent de mener des mesures
pérennes, récurrentes et homogènes pour le suivi du trait de côte et de la géomorphologie
littorale comme cela est le cas par exemple sur la côte Aquitaine depuis la fin des années 90
(Observatoire de la Côte Aquitaine). Cependant, peu de sites sont finalement suivis de la
sorte : au contraire, l’hétérogénéité et la dispersion des mesures est la situation qui prévaut
actuellement d’une manière générale. Une difficulté supplémentaire est liée au fait que l’on
cherche à observer l’érosion – ou l’accrétion - sur des périodes suffisamment longues afin de
s’affranchir des variations saisonnières et des reculs qui seraient la manifestation d’un
événement extrême ou d’un aménagement installé récemment. En pratique, il serait
29
nécessaire de mener des observations de manière récurrente et sur des échelles de temps
pluri-décennales. Le déficit de telles données est l’une des explications à la relative faiblesse
des moyens disponibles pour prédire l’évolution du trait de côte à des échelles spatiales
régionales et à des échelles de temps pluri-décennales. Ce sont à ces échelles spatiales et
temporelles qu’il devient pertinent de prendre en compte le changement climatique.
Types géomorphologiques
Tendances
Plages Rivages limono-
Côtes rocheuses
vaseux
% km % km % km
Tableau IV.2 : Tendances d’évolutions observées pour chacune des grandes classes morpho-
sédimentologiques du littoral de France métropolitaine et de Corse (Données Eurosion,
2004).
30
En l’état actuel des connaissances, la grande variabilité des résultats produits par les
modélisations semi-empiriques limitent nos possibilités de prédire de manière déterministe
l’évolution des littoraux. Les modélisations mathématiques au sens large ne sont pas en
mesure à l’heure actuelle de prendre en compte l’ensemble des processus
morphodynamiques interagissant dans la zone côtière à ces échelles de temps. Aussi, elles
ne peuvent répondre actuellement à la question de l’impact de l’élévation du niveau marin sur
le trait de côte. Des approches basées sur l’étude des facteurs physiques, sociaux et
économiques de vulnérabilité donnent cependant des résultats prometteurs. Un exemple de
mise en œuvre par l’USGS (service géologique américain) d’une telle méthode est donné en
Figure IV.2. Des niveaux d’incertitude élevés demeurent néanmoins dans ces approches : ils
sont liés au choix des composantes de l’indicateur et d’une méthode d’agrégation.
L’érosion ou l’accrétion des littoraux est un phénomène naturel qui peut être aggravé
par les activités humaines, mais aussi par la remontée du niveau marin. L’impact actuel de la
remontée du niveau marin peut être étudié par différentes approches, ces différentes
approches (modélisations semi-empiriques, ou évaluation de la vulnérabilité physique)
montrant une grande variabilité dans leurs résultats. Les incertitudes associées aux impacts
potentiels de l’élévation du niveau marin sont donc importantes et les approches permettant
une quantification de l’impact futur du niveau marin sur l’érosion restent à améliorer et valider.
31
IV.2. Impacts sur la submersion marine
L’élévation du niveau marin pourra induire ou aggraver deux types de submersions :
des submersions permanentes de zones basses (notamment de marais côtiers) et des
submersions de tempêtes marines temporaires. Ces dernières sont « des inondations
épisodiques de la zone côtière par la mer dans des conditions météorologiques (forte
dépression et vent de mer) et marégraphiques sévères » (Garry et al. 1997).
Dans les Antilles et à la Réunion, les épisodes de houle cyclonique sont à l’origine de
submersions, de dégâts aux infrastructures par le choc mécanique des vagues, la mise en
mouvement de débris et d’affouillement. En Guadeloupe, le cyclone de 1928, qui a été
caractérisé par une submersion du « Petit Cul-de-sac marin », a causé 1200 morts. A la
Réunion, outre les épisodes de houle cyclonique tels que Gamède (2007), la houle australe
peut aussi avoir des effets destructeurs (événement de mai 2007 notamment).
Figure IV.3: Les observations menées suite à des submersions marines peuvent viser à
cartographier les zones inondées (à gauche à Moutiers en Retz, Vendée) ou à caractériser
les types de dommages subis (à droite : affouillements lié aux vagues à la Tranche sur Mer,
Vendée). Source : Pedreros et al. 2011.
32
topographique en arrière est inférieur au niveau de la mer.
Toute chose égale par ailleurs, l’élévation du niveau marin aura pour conséquence une
aggravation de ces phénomènes.
Les submersions marines épisodiques sont liées à des élévations du niveau marin lors
de tempête ou de cyclone, ces élévations résultants éventuellement de la combinaison des
phénomènes de marée et de surcotes. La surcote intègre non seulement la surcote
atmosphérique induite par les champs de vent et pression, mais aussi les contributions dues
aux vagues, et ce à plusieurs niveaux. Tout d’abord, à l’approche de la côte, les vagues
déferlent du fait des conditions de géomorphologie et de bathymétrie côtière,ainsi que des
caractéristiques des vagues, hauteur et période, engendrant une surélévation du niveau
d’eau à la côte (« wave set-up »). En outre, l’action des vagues à la surface de l’eau et sur le
fond influence l’écoulement et la surcote atmosphérique. Pour fixer les ordres de grandeurs,
en Métropole, la marée (marnage) varie de quelques centimètres (Méditerranée) à plus de 12
m (Mont Saint-Michel), tandis que les surcotes décennales observées en Manche-Atlantique
varient de quelques dizaines de centimètres (Socoa) à plus de 1 m (Dunkerque), et que les
quelques observations de « wave set-up » disponibles indiquent des valeurs de plusieurs
dizaines de centimètres pour les plages métropolitaines exposées. A titre d’exemple, la
tempête Xynthia (27-28 février 2010) est à l’origine de surcotes de pleine mer atteignant
localement des niveaux exceptionnels de 1,5 m qui, combinés à des niveaux de marée de
8m, ont produit des niveaux le mer extrêmes de période de retour plus que centennale sur le
site de La Rochelle.
Les dommages induits par les submersions liées à une tempête sont donc dus à la
conjonction de plusieurs phénomènes, certains pouvant interagir entre eux. Pris
individuellement, chacun des paramètres (hauteur des vagues, surcote, marée) peut-être
caractérisé par une probabilité d’occurrence. Pour autant, le caractère extrême d’une valeur
donnée n’est pas systématiquement associé à une forte submersion ou à de forts dommages
(exemple : forte surcote par faible coefficient de marée). Pour analyser les submersions, il
convient donc de prendre en compte tous les phénomènes précités, ainsi que leurs
interactions.
Le rapport de 2007 du GIEC (Nicholls et al. 2007) indique que l’élévation du niveau
moyen de la mer, engendrera une submersion permanente de zones basses et que les
niveaux marins extrêmes actuels seront atteints plus fréquemment qu’aujourd’hui. Ce rapport
indique que l’élévation du niveau de la mer au cours des 100 prochaines années se traduira
33
d’une manière générale par un accroissement de la fréquence des niveaux d’eau extrêmes,
mais que les effets locaux sont incertains et dépendent de la géomorphologie littorale, de
l’usage des sols et de la stratégie de défense côtière.
Figure IV.4 : Principaux phénomènes physiques contrôlant le niveau d’eau ; ce schéma n’est
pas à l’échelle (Yates-Michelin et al. 2011)
La remontée du niveau marin aura potentiellement des impacts sur chacun des trois modes
de submersion :
• « débordement » : l'élévation du niveau moyen de la mer, et de plus fortes surcotes,
pourront faciliter la submersion par débordement ;
• « franchissements par paquets de mer » : sous l’hypothèse que la morphologie
actuelle change peu, l'augmentation de la profondeur d'eau en proche côtier facilitera
la propagation des vagues d'amplitude plus importante à la côte, augmentant ainsi le
risque de franchissements des défenses naturelles ou anthropiques ;
• « rupture » : les plus fortes vagues arrivant à la côte pourront également générer des
phénomènes d'érosion et de déstabilisation des ouvrages de défense, aboutissant à
des ruptures.
11
Il s’agit cependant d’une approximation car ces différents phénomènes interagissent entre eux.
34
Les outils de modélisation hydrodynamiques permettent aujourd’hui de quantifier de
manière satisfaisante l’ensemble des processus marins et de calculer le niveau d’eau à la
côte, sous l’hypothèse d’une élévation du niveau marin donnée et d’une tempête type. En
France, cet exercice a par exemple été mené en Languedoc-Roussillon, mettant en évidence
la maturité des outils de modélisation hydrodynamiques. Les limites sont liées principalement
à des données topographiques insuffisamment précises à l’échelle régionale (Figure IV.5), et
dans la zone où un levé LIDAR était disponible, à l’hypothèse selon laquelle la bathymétrie
demeurerait inchangée quelle que soit la date à laquelle la tempête de référence est
modélisée. Il faut également noter l’importance de l’influence des étangs dont
l’hydrodynamique reste complexe à modéliser.
Figure IV.5: Scénario de tempête exceptionnel en 2100 basé sur l’hypothèse d’une tempête
de type novembre 1982 et une hypothèse de 1m d’élévation du niveau marin. Source
Vinchon et al. (2010).
Pour évaluer des coûts de dommages potentiels, il est nécessaire de réaliser non plus
une carte pour un scénario donné, mais une réelle carte d’aléa, croisant fréquence et
intensité des submersions marines épisodiques, ainsi que les mouvements du trait de côte
induits par la submersion permanente, l’érosion et l’accrétion. Il est également nécessaire de
disposer de bases de données permettant d’évaluer les coûts des dommages directs
constatés sur des événements passés. En pratique, les dommages potentiels induits par des
événements de submersion aggravés par l’élévation du niveau marin sont difficiles à évaluer :
ainsi, les travaux de Hallegate et al. (2008) ont montré à travers l’exemple du cyclone Katrina
(2005, New Orléans) que les dommages indirects ne pouvaient être déduits simplement d’une
évaluation des dommages directs. En tout état de cause, des niveaux d’incertitude importants
sont associés aux évaluations existantes des coûts potentiels des dommages induits par les
submersions marines et l’érosion littorale dans le contexte du changement climatique. De
35
telles évaluations restent aujourd’hui des exercices de recherche.
IV.3. Impacts sur les intrusions salines dans les aquifères côtiers
Les aquifères côtiers constituent une ressource en eau importante pour des usages
domestiques, agricoles et industriels dans de nombreuses régions du monde (Ledoux et al.
1990). Des modifications de l’hydrologie et hydrogéologie sur le littoral résultent des
déplacements de l’interface eau douce eau salée (Kim et al. 2009). Les aquifères côtiers sont
plus ou moins sensibles aux intrusions salines sous conditions naturelles et/ou sous influence
anthropique (exploitation par pompage), en fonction de leur structure, de leur hétérogénéité et
de leur relation avec les eaux de surface (au niveau des estuaires). Ils sont caractérisés par
une interface entre des eaux souterraines de deux types :
• L’eau douce des aquifères provenant de l’infiltration des précipitations, des cours d’eau
(ruissellement) au niveau de la surface continentale.
• L’eau salée qui imprègne les terrains au voisinage des côtes ou qui pénètre les cours
d’eau au niveau des estuaires et peut ainsi donner lieu à la salinisation des eaux
souterraines en relation hydraulique avec les eaux de surface.
Une intrusion saline menace la quantité d’eau douce disponible. Une augmentation du
niveau marin induite par un changement climatique aura comme conséquence la migration de
l’interface eau douce/eau salée vers le continent, i.e. de l’intrusion saline (Werner et
Simmons, 2009). Ainsi, une bonne compréhension d’une intrusion saline induite par une
augmentation du niveau marin est essentielle pour la gestion des ressources des aquifères
côtiers (Watson et al. 2010).
36
Dans les zones littorales, les aquifères d’eau douce souterraine sont en contact avec
l’eau salée d’origine marine, qui envahit plus ou moins les formations géologiques côtières,
l’eau douce d’une densité moindre que l’eau salée, « flottant » sur l’eau salée. Le niveau
piézométrique (altitude ou profondeur de l’interface entre zone saturée et zone non saturée
de l’aquifère correspondant à la surface libre de la nappe d’eau douce) est donné en
première approximation par l’équilibre hydrostatique12. Il s’élève vers l’intérieur des terres,
est de manière générale influencé par la topographie mais aussi par les prélèvements par
pompage. L’intrusion d’eau salée a la forme d’un biseau plongeant vers l’intérieur des terres,
appelé communément « biseau salé ». Le contact des eaux de densité différente est régi par
les lois d’équilibre hydrodynamique et par les phénomènes de diffusion qui s’inscrivent
obligatoirement dans un contexte géomorphologique, lithologique et hydrogéologique propre
à chaque région. De plus, cette interface va évoluer en fonction de la recharge et de
l’exploitation de l’aquifère. Du fait de la miscibilité des fluides de densité différente, une zone
de transition va prendre place.
Des solutions analytiques ont été développées afin de représenter cette interface eau
douce / eau salée. Nous nous placerons ici sous les conditions de l’approximation du modèle
dit de Ghyben–Herzberg qui permet d’examiner le cas d’un aquifère côtier libre, isotrope,
soumis à une recharge en régime permanent pour des fluides non miscibles avec une
interface nette entre les deux fluides (Figure IV.6). Ainsi, en un point quelconque de l’aquifère,
l’interface entre l’eau douce et l’eau salée se situe sous le niveau de la mer à une profondeur
égale à 40 fois l’élévation du niveau piézométrique au-dessus du niveau de la mer,
considérant une masse volumique moyenne pour l’eau salée de 1,025. Sous cette
approximation, la position de l’extension du biseau salé X T peut être déterminée selon
Strack (1976) en fonction du flux d’eau douce vers la mer, de la recharge de l’aquifère, de la
conductivité hydraulique, et de l’altitude du niveau marin par rapport à la limite inférieure du
biseau salé.
0 XT
Figure IV.6: Coupe schématique perpendiculaire au littoral selon Ghyben-Herzberg (extrait de
Frissant et al,. 2005).
12
Equilibre entre la gravité et les forces de pression.
37
IV.3.1. Les phénomènes en jeu
Trois conditions peuvent être considérées, une limite contrôlée par le flux (le flux d’eau
douce vers la mer ne varie pas lors d’une augmentation du niveau marin ; l’augmentation du
niveau piézométrique de l’aquifère est concomitante à la montée du niveau marin), une limite
contrôlée par la charge hydraulique (le niveau piézométrique à terre est maintenu constant
malgré l’augmentation du niveau marin) (Werner et Simmons, 2009) et une augmentation du
niveau marin associée à une remontée générale du niveau piézométrique (Chang et al.
2011).
A titre d’illustration, pour une élévation du niveau marin de 1,5m, dans le cas des
« systèmes à flux contrôlé », la valeur maximum de la migration de l’extension du biseau salé
∆X T , est de 45 m, pour des valeurs de recharge comprise entre 40 et 120 mm/an, une
conductivité hydraulique de 10-4 m/s et une profondeur d’aquifère comprise entre 30 et 50 m.
Dans le cas de « systèmes avec une charge hydraulique contrôlée », l’augmentation du
niveau marin est à l’origine d’une diminution du gradient hydraulique vers la mer. La migration
de l’interface eau douce/eau salée serait alors de l’ordre de plusieurs centaines de mètres à
1 km pour la même élévation de 1,5 m du niveau marin (Werner et Simmons, 2009).
La simulation de ces deux premiers cas à partir d’un modèle conceptuel simple permet
ainsi de montrer qu’une faible remontée du niveau marin, peut entraîner une progression
significative de l’interface eau douce/eau salée, sans prendre en compte une influence
anthropique. L’évaluation des hétérogénéités spatiales et temporelles des paramètres des
aquifères côtiers vis-à-vis d’une augmentation du niveau marin n’a pas été envisagée selon
cette approche.
Un troisième cas pour ce type de modèle conceptuel est présenté par Chang et al.
(2011). Ce troisième cas considère une remontée du niveau piézométrique sur l’ensemble de
l’aquifère. Cette remontée serait liée à la modification de la condition limite à la côte associée
à l’augmentation du niveau marin, après une longue période de temps (correspondant à la
mise en place d’un nouvel équilibre hydrostatique). Intuitivement, cette situation peut conduire
à la limitation de la migration de l’extension du biseau salé et donc réduire l’impact d’une
augmentation du niveau marin (Figure IV.7).
Les résultats de ces modèles conceptuels sont basés sur des simulations réalisées pour
des aquifères idéalisés rectangles avec des propriétés homogènes. De plus, on fait
l’hypothèse de flux constants au sein de l’aquifère, sans prise en compte des phénomènes de
transport, alors que les effets du changement climatique pourraient modifier de manière
importante la recharge et les flux à l’échelle régionale. L’impact des prélèvements sur le
biseau salé pourrait être prédominant par rapport à la variation du niveau marin comme
l’indique Loáiciga et al. (2011) pour la simulation de scénarios au niveau de l’aquifère proche
de la ville de Monterrey, en Californie.
38
Figure IV.7: Modèle conceptuel de l’impact d’une augmentation du niveau marin sur le biseau
salé avec prise en compte d’une augmentation du niveau piézométrique (Groundwater Level)
sur l’ensemble de l’aquifère (Chang et al. 2011).
Les résultats de ces différents modèles conceptuels sont cependant nécessaires pour
appréhender les enjeux concernant les aquifères lors d’une augmentation du niveau marin à
grande échelle. L’évaluation des impacts détaillés nécessite de mener des études spécifiques
prenant en considération la géométrie, les hétérogénéités, les paramètres hydrauliques, la
recharge et les prélèvements.
Les impacts potentiels du changement climatique sur les aquifères côtiers, notamment
une modification du niveau marin et une modification des distributions spatio-temporelles des
précipitations efficaces (recharge) sur les ressources en eau souterraine des aquifères côtiers
peuvent être :
• Modification des intrusions salines et migration dans des proportions variables de
l’interface eau douce – eau salée.
• Inondation des zones basses par de l’eau de mer et infiltration des aquifères libres par
de l’eau de mer.
• Contamination des eaux souterraines par le bore en plus des chlorures, des eaux
marines au niveau des plaines d’inondation.
• Modification de la recharge des aquifères due à une variabilité spatio-temporelle des
précipitations et de l’évapotranspiration ainsi que du volume d’eau douce et de la
répartition d’eau douce dans les aquifères.
• Modification des zones de décharge des aquifères pouvant impacter les écosystèmes
des zones humides.
• Augmentation du niveau piézométrique associée à l’élévation du niveau marin et à la
modification du régime des précipitations pouvant occasionner des impacts sur des
infrastructures du sous-sol (système d’assainissement, réservoirs enterrés, …).
39
La présence de ces événements sur le littoral peut varier de manière significative selon
les lieux, la nature des aquifères et leur modalité d’exploitation. Les impacts associés aux
modifications des régimes de recharge et de décharge peuvent être aussi naturellement
influencés par la variabilité climatique. Pour certains aquifères, l’exploitation des eaux
souterraines par forage (pompage) peut accentuer les impacts potentiels du changement
climatique et de l’augmentation du niveau marin.
a b
c d
Figure IV.8: Comparaison pour les simulations pour les hautes et basses eaux 2005 (année
sèche) (Dörfliger et al. 2010). Les figures a et b correspondent à des conditions de hautes
eaux, pour un état initial en a, et pour une élévation du niveau marin de +1m en b. Les figures
c et d pour des conditions de basses eaux, pour un état initial en c et pour une élévation du
niveau marin de +1m en d.
Des simulations de modification du niveau marin (+0,6 et +1m) pour des conditions de
prélèvement identique à l’actuel et deux années de référence (humide (2001) et sèche
(2005)) au niveau du secteur littoral du Marais Poitevin (Dörfliger et al. 2010), basées
uniquement sur l’hydrodynamisme, montrent que pour une année humide, seules les
périodes de basses eaux sont caractérisées par un niveau piézométrique inférieur au niveau
marin jusqu’à Longeville et que pour une année sèche, si en périodes de hautes eaux, les
niveaux piézométriques sont à l’équilibre avec celui de l’océan à l’intérieur des terres, il n’en
est pas de même en période de basses eaux : des secteurs déprimés d’étendue importante
se développent sur plus d’une dizaine de kilomètres à l’intérieur des terres (Figure IV.8).
40
conséquences plus importantes que la seule remontée du niveau marin. Une augmentation
de la salinité pourrait être associée non seulement à une action croisée de l’augmentation du
niveau marin et des conditions de recharge et d’exploitation, mais aussi à des infiltrations au
niveau des zones inondées lors de submersions.
Néanmoins, des travaux en France métropolitaine ont débuté pour étudier les
conséquences des changements attendus. Dans le projet Discobole, l'augmentation du
niveau de la mer ainsi que l'évolution des surcotes conduisant à un accroissement sensible
de la profondeur d'eau au voisinage d'une digue test est analysé (Lebreton et Trmal, 2009).
L'augmentation de la profondeur conduit à un renforcement des états de mer à proximité des
ouvrages qui a pour conséquence un plus fort endommagement des carapaces
d'enrochements ainsi qu'une augmentation des débits de franchissement. Un cas test
d'ouvrage est également analysé en prenant en compte l'augmentation éventuelle des houles
du large.
Ces travaux, basés sur une analyse théorique des méthodes de dimensionnement,
amènent aux conclusions suivantes: pour une hausse d’un mètre du niveau d’eau moyen, les
ouvrages implantés en faible profondeur devront être rehaussés de deux mètres pour
conserver la même performance en terme de franchissement (Sergent et al., 2010). En outre,
ces ouvrages subiront une augmentation de contraintes non négligeable. Ainsi, pour
conserver les mêmes conditions de stabilité, les blocs d'un même ouvrage situés en faible
profondeur pourront voir leur masse plus que doubler pour les futurs climat de houle et niveau
marin.
En parallèle, des travaux sur modèles réduits physiques sont menés afin de vérifier ces
premiers résultats.
Ces études sont encore théoriques et ne prennent pas en compte les projections
régionalisées du climat futur sur les ouvrages réels.
42
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