Allumette — Wikipédia
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Une allumette est une petite tige de bois (généralement du peuplier, parfois du saule), de carton ou de chiffon,
destinée à créer une flamme par friction avec son extrémité enduite d'un produit chimique inflammable, après
quoi elle n'est plus utilisable.
Allumette
Caractéristiques
Le mot « allumette » date des environs de l'an 1200 pour désigner une petite bûche destinée à faire prendre le feu.
Les allumettes sont vendues généralement en nombre, conditionnées en boîtes ou en pochettes de carton.
Historique
Origines
Il a été retrouvé, à Saintes, datés du iie siècle, de petits bâtonnets de bois carbonisés à une extrémité2. On ne sait
pas si ces « allumettes » ont simplement servi à transporter une flamme, à éclairer, ou si elles ont participé à la
production de feu.
En revanche, en Chine est attesté dès le vie siècle, l'existence de bâtonnets de pin imprégnés de soufre, qui
auraient eu cet usage3.
Contrairement aux allumettes actuelles, ces allumettes au soufre ne peuvent s'enflammer que secondairement, au
contact d'une braise préalablement obtenue par les moyens classiques (briquet d'acier, par exemple, déjà connu
des Romains).
Les premières allumettes, mentionnées dès 1530, différaient des allumettes modernes. Connues sous le nom de
bûchettes, fidibus ou chénevottes, il s'agissait de petites tiges de bois, de roseau ou de chènevotte, de papier roulé
ou de mèches de coton trempées dans la cire4. L'utilisation de ces allumettes soufrées à une ou deux extrémités
est décrite au xviie siècle dans un poème de Saint-Amant (1594-1661) :
Ce passage décrit le problème d'arriver dans le noir complet au sortir d'un cauchemar, à battre le briquet (nommé
fusil avant le xviiie siècle), allumer l'amadou, allumer l'allumette au soufre (qui brûle avec une flamme bleue) pour
pouvoir enfin allumer une bougie.
Ce n'est qu'au début du xixe siècle (de 1805 à 1831) que l'on verra pour la première fois une allumette produire une
flamme en un seul temps, par réaction chimique ou par frottement. La boîte avec frottoir naît à cette époque, en
18301.
Progrès au xixe siècle
Thermographie
d'une allumette en
combustion5.
L'allumette moderne a été inventée en 1805 par Jean-Joseph-Louis Chancel, assistant du professeur Louis
Jacques Thénard à Paris6. Le mélange inflammable contenait du chlorate de potassium, du soufre, du sucre et du
caoutchouc. Il s'enflammait lorsqu'il était plongé dans un petit flacon d'amiante rempli d'acide sulfurique
concentré4. Cette sorte d'allumette, aussi onéreuse que dangereuse, ne rencontra pas un grand succès.
La première allumette inflammable par friction est l'invention du chimiste anglais John Walker le
27 novembre 18267. Il reprit des travaux infructueux menés par Robert Boyle, en 1680, sur l'utilisation du
phosphore et du soufre. Walker mit au point un mélange de sulfure d'antimoine (III), de chlorate de potassium,
gomme et d'amidon, qui pouvait s'enflammer en frottant sur une surface rugueuse composée d'une pâte à base
de phosphore amorphe et de peroxyde de manganèse8. Les premières allumettes, brevetées par Samuel Jones,
furent commercialisées sous le nom de lucifers. Elles présentaient d'importants défauts, la flamme étant instable
et la réaction trop violente. De plus, l'odeur qu'elles produisaient était désagréable.
Le Hongrois János Irinyi (en) (1817-1895) invente l'allumette moderne non explosive en 1836, substituant le
dioxyde de plomb au chlorate de potasse, évitant ainsi les explosions violentes9,10.
En 1831, le Français Charles Sauria ajouta du phosphore blanc afin d'atténuer l'odeur. Ces nouvelles allumettes,
qui devaient être conservées dans une boîte hermétique, gagnèrent en popularité. L'Allemand Jakob Friedrich
Kammerer fut à l'origine de leur production industrielle en 1832. Malheureusement, ceux qui travaillaient à leur
fabrication furent atteints par des maladies osseuses, en particulier au niveau des mâchoires11, liées à
l'exposition au phosphore blanc. Après une campagne dénonçant ces pratiquesn 1, qui menaient à des infirmités
graves, défigurantes et parfois mortelles, une convention internationale sur l'interdiction de l'emploi du phosphore
blanc (jaune) dans l'industrie des allumettes, signée à Berne le 26 septembre 1906, et suivie d'actions législatives,
contraignit l'industrie à changer de méthode et à protéger les ouvriers.
C'est en Autriche, en 1833 que s'établit la première fabrique d'allumettes chimiques à base de phosphore. Elles
étaient tellement inflammables que le cahot des voitures de transport suffisait à les faire prendre [réf. nécessaire].
Aussi dans la plupart des États allemands se décida-t-on à en interdire l'usage jusqu'en 1840, époque où Preshel
inventa sa fameuse [réf. souhaitée] pâte composée de gomme épaisse de chlorure de potasse, de phosphore et de
bleu de Prusse. Plus tard, ce chimiste remplaça même le chlorate par l'oxyde pur (peroxyde de plomb, qui ne fait
pas d'explosion).
Allumette de sûreté
Allumettes de sûreté.
L'allumette de sûreté, encore appelée « allumette suédoise » en raison de la nationalité suédoise de son inventeur
Gustaf Erik Pasch, date de 1844. La « sûreté » provient du fait qu'elle nécessite un grattoir spécial, dont les
éléments chimiques interagissent avec ceux de l'extrémité de l'allumette pour s'enflammer. Le grattoir est
composé de poudre de verre et de phosphore rouge, tandis que l'extrémité de l'allumette est enduite de sulfure
d’antimoine, de dioxyde de manganèse et de chlorate de potassium. La chaleur engendrée par le frottement
transforme le phosphore rouge en phosphore blanc, qui à son tour contribue à l'inflammation de l'allumette. Une
société américaine développa un procédé similaire et le breveta en 1910. [réf. nécessaire]
En France, la taxe sur les allumettes mise en place par une loi de 1871, qui devait améliorer les finances publiques
nationales éprouvées par la guerre franco-prussienne de 1870, s'étant avérée d'un rendement trop faible, la
fabrication et l'importation des allumettes ont été déclarées monopole de l'État par la loi du 2 août 187212,13,14.
D'un tissu artisanal, le secteur est donc rapidement passé à une organisation industrielle unitaire, le monopole
étant affermé à la Société Générale des Allumettes Chimiques. En 1935, il est pris en charge par le Service
d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes, qui devient en 1980 une société anonyme, la SEITA,
privatisée en 1995, aujourd'hui fusionnée dans Altadis.
Le monopole fut aménagé par la loi no 72-1069 du 4 décembre 1972, autorisant l'importation d'allumettes en
provenance d’États membres de la Communauté européenne15. Après plusieurs recommandations de la
Commission européenne entre 196916 et 198717,18,19, le monopole de fabrication et d'importation fut levé en 1995,
à l'occasion de la privatisation de la SEITA20.
Marché parallèle
Parallèlement à ce monopole se met en place, notamment en milieu rural, un marché illégal relevant de la
contrebande. Ces allumettes de contrebande restaient fabriquées à base de phosphore, sable, colle et chlorate de
manière très artisanale21,22.
Allumettes contemporaines
Allumettes-tempête
Les allumettes-tempête peuvent être enflammées au dehors, même par très grand vent. Elles sont très appréciées
des marins et des campeurs mais aussi des pisteurs secouristes. La tête inflammable, très reconnaissable, est
beaucoup plus volumineuse que celle des allumettes classiques. Elles sont également très résistantes à
l'humidité23.
Ces allumettes sont moins chères que les précédentes ; elles sont conçues pour résister à l'humidité, mais elles
ne s'allument pas en plein vent.
Des boîtes étanches à vis permettent de conserver les allumettes au sec par tout temps et même en immersion.
On peut les garnir d'allumettes spéciales ou ordinaires.
Belgique
Italie
Les allumettes de cire (fiammiferi cerini) sont de minuscules allumettes de papier de cellulose pure paraffinée,
ayant un aspect de mini-cierge de cire. Très populaires, peu encombrantes et résistant bien à l'humidité, elles
demandent une certaine dextérité pour être allumées sans se plier : il faut les pincer entre les deux ongles du
pouce et de l'index, très près de la partie inflammable. Les boîtes sont en carton décoré à glissière, avec un rabat
empêchant la chute accidentelle des allumettes et parfois même un élastique permettant la fermeture
automatique du tiroir24.
Collection
Collection d'allumettes
américaines.
Allumettes Supersonique
(1985-1986 CONCORDE).
La collection des boîtes d'allumettes porte le nom de philuménie. Elle est pratiquée de longue date par
d'infatigables chercheurs, évoqués par Anatole France, Le Crime de Sylvestre Bonnard, membre de l'Institut25.
La plus ancienne boîte d'allumettes française connue, « Pyrogènes », très joliment ornée, est conservée à la
Bibliothèque nationale1.
Références culturelles
Littérature
La Petite Fille aux allumettes, conte de Hans Christian Andersen écrit en 1845.
Cinéma
La Fille aux allumettes, film finlandais de 1990 réalisé par Aki Kaurismäki.
Musique
Stone et Charden : La chanson Le prix des allumettes parue en 45 tours en 1972 et écrite par Eric Charden et
Yves Dessca26.
The Beatles : le batteur Ringo Starr tape du doigt sur un paquet d'allumettes de bois comme instrument de
percussion sur la chanson I'm Looking Through You enregistrée en 196527.
Mathématiques
Géométrie
Les figures géométriques constructibles avec des allumettes sont exactement celles qui sont constructibles à la
règle et au compas28,29.
Les allumettes ont donné le nom d'un type particulier de graphe : le graphe allumette défini comme étant à la fois
un graphe distance-unité et planaire. En effet un tel graphe peut être représenté physiquement au moyen
d'allumettes de mêmes longueurs ne se croisant pas.
Art en allumettes
Portrait de Lénine en
allumettes usagées.
Sculptures et maquettes
Architecture
Les maisons allumettes, érigées à la fin des années 1800, sont retrouvées dans les quartiers plus anciens de la
ville de Gatineau au Québec, Canada. Construites en bois avec des façades étroites, en hauteur, avec un toit très
pentu à deux versants et alignées les unes à la suite des autres, ceci leur donne l'apparence d'allumettes cordées
dans leur boîte32. George Papillon, un employé de la compagnie E. B. Eddy, était chargé de vendre à bas prix ou
même de donner le bois qui servirait à bâtir ces maisons afin de récompenser les ouvriers de l'usine ou d'en attirer
de nouveaux, d'où le nom d'origine « maisons en bois Papillon »33. Plusieurs de ces maisons ont été détruites lors
du grand feu de 1900 et certaines reconstruites32.
Aussi dans cette ville, le boulevard des Allumettières rappelle un nouvement syndical qui a permis aux femmes,
fabriquant des allumettes dans cette même usine, d'avoir de meilleures conditions de travail34.
Notes et références
Notes
1. « La fabrication des allumettes chimiques date de 1833, époque où l’on a trouvé le moyen de fixer le
phosphore sur le bois. Depuis 1845, elle s’est rapidement développée en Angleterre, où des quartiers les plus
populeux de Londres elle s’est ensuite répandue à Manchester, Birmingham, Liverpool, Bristol, Norwich,
Newcastle, Glasgow, accompagnée partout de cette maladie des mâchoires qu’un médecin de Vienne
déclarait déjà en 1845 être spéciale aux faiseurs d’allumettes chimiques. La moitié des travailleurs sont des
enfants au‑dessous de 13 ans et des adolescents au‑dessous de 18. Cette industrie est tellement insalubre
et répugnante, et par cela même tellement décriée, qu’il n’y a que la partie la plus misérable de la classe
ouvrière qui lui fournisse des enfants, « des enfants déguenillés, à moitié morts de faim et corrompus. »
Parmi les témoins que le commissaire White entendit (1863), il y en avait deux cent soixante‑dix au‑dessous
de 18 ans, quarante au-dessous de 10, douze de 8 ans et cinq de 6 ans seulement. La journée de travail varie
entre douze, quatorze et quinze heures ; on travaille la nuit ; les repas irréguliers se prennent la plupart du
temps dans le local de la fabrique empoisonné par le phosphore. — Dante trouverait les tortures de son enfer
dépassées par celles de ces manufactures. » Karl Marx, Le Capital I (https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Marx
_-_Le_Capital,_Lach%C3%A2tre,_1872.djvu/105) [archive]
Références
2. Nima Saedlou, Monique Dupéron, Utilisation de résineux dans l’artisanat du bois en Gaule romaine (https://w
ww2.nancy.inra.fr/collectif/sylva2004/pdf/poster_Saedlou.pdf) [archive]
4. Jacques Collina-Girard, Le feu avant les allumettes, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2016,
p. 11.
6. Sur Jean Joseph Louis Chancel, inventeur des allumettes ou briquets oxygénés (http://www.persee.fr/web/re
vues/home/prescript/article/pharm_0035-2349_1964_num_52_180_6749) [archive]
10. (en) Richard Evelyn Threlfall, The Story of 100 Years of Phosphorus Making, 1851-1951, Albright & Wilson,
1951, p. 362.
11. Lire ici, p. 4 : A. Chevalier, Mémoire sur les allumettes chimiques préparées avec le phosphore ordinaire (http
s://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6474211t) [archive], BNF Gallica
tps://webcache.googleusercontent.com/search?hl=fr&q=cache:https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/caef/Documents/E
13. Smith, Paul, « L’ancienne manufacture d’allumettes d’Aubervilliers », In Situ. Revue des patrimoines, Ministère
de la culture et de la communication, direction générale des patrimoines, no 26,6 juillet 2015 (ISSN 1630-7305
(https://portal.issn.org/resource/issn/1630-7305), lire en ligne (https://journals.openedition.org/insitu/12871) [archive], consulté
le 7 juin 2020).
22. La saga du Haut-Gué : Champlitte Montsaugeon - Jean-Christophe Demard, René Nuffer - Paris : ERTI Éditeur,
1987 (ISBN 2-903-524-14-9)
25. Lire ici, p. 312 : Anatole France, Le Crime de Sylvestre Bonnard, membre de l'Institut (https://gallica.bnf.fr/ark:/
12148/bpt6k88391h) [archive], BNF Gallica
28. (en) T. R. Dawson, « 'Match-Stick' Geometry », The Mathematical Gazette, vol. 23, no 254,mai 1939 (lire en ligne
(https://www.cambridge.org/core/journals/mathematical-gazette/article/matchstick-geometry/7E1F1089E56A1C1EDA907BC95B
F59129) [archive]).
YouTube, 8 octobre 2022 : vidéo courte montrant comment construire le milieu d'un segment.
30. Pierre Berloquin, « Jouez avec : les allumettes », Jeux et Stratégie, no 3,mai-juin 1980, p. 27-32
32. https://www.reseaupatrimoine.ca/cyberexpositions/les-tresors-du-patrimoine/hull-et-les-
allumettes/maisons-allumettes-ou-maison-papillon/ [archive]
33. « Des « maisons de bois Papillon » aux maisons allumettes », Le Droit,11 septembre 2010 (lire en ligne (https://w
ww.ledroit.com/archives/des--maisons-de-bois-papillon--aux-maisons-allumettes-2760fe69466bddda45b34cdfe3736c9
a) [archive], consulté le 27 février 2021).
34. « Donalda Charron | Regard sur des familles pionnières d'ici (http://reseaupatrimoine.ca/cyberexpositions/re
gard-sur-des-familles-dici/des-femmes-hors-de-lordinaire/charron/donalda-charron/) [archive] » (consulté le
27 novembre 2019)
Annexes
Bibliographie
Pascal Fontaine, Les allumettes et l'éclairage par les corps gras. Étude faite d'après le cours de chimie
industrielle d'Anselme Payen (1859). Chaire d'Histoire des Techniques et des Sciences. Conservatoire des Arts
et Métiers, Paris, 2007, 19 pages.
Articles connexes
Briquet
Marchand d'allumettes
Liens externes