Chapitre 2

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Chapitre 2 : Les biens du commerçant

Le commerçant possède un bien particulier qui lui permet d’exercer son activité : c’est son
fonds de commerce (section 1). C’est un bien composite constitué par la réunion de nombreux
autres biens et droits parmi lesquels le droit au bail ou au renouvellement du bail
professionnel tient une place particulière (section 2).

Section 1- Le fonds de commerce


Dans sa version originelle, le code de commerce français ignorait la notion de fonds de
commerce. Cette expression est employée pour la première fois dans un texte de loi par la loi
de finance du 28 février 1872 à propos d’une disposition fiscale sur la mutation de clientèle à
tarif particulier. Une étude globale de ce bien nécessite, au-delà de la définition, d’en cerner la
nature juridique et la composition (paragraphe 1), d’en déterminer les modes d’exploitation
(paragraphe 2) et de voir les opérations qui y sont accomplies (paragraphe 3).

Paragraphe 1- Nature et composition du fonds de commerce


La notion de fonds de commerce est une création de la pratique commerciale dont la loi s’est
ultérieurement emparée mais sans prendre le soin de le définir. La doctrine française a
proposé une définition qui est reprise par le droit OHADA cette définition qui fait ressortir la
nature composite de ce bien (A) appelle à préciser les éléments qui le composent (B).

A- Définition et nature du fonds de commerce


Le fonds de commerce est défini par l’article 135 AU/DCG comme étant « constitué par un
ensemble de moyens qui permettent au commerçant d’attirer et de conserver sa clientèle ».
Cette définition manque cependant de clarté car elle ne renseigne ni sur la nature exacte du
fonds de commerce ni sur les éléments qui le composent.

Le fonds de commerce est une entité dont la nature juridique a deux aspects contradictoires.
C’est à la fois une unité et une multitude de biens. Le fonds de commerce est un bien
incorporel même s’il est constitué, en partie, de meubles corporels. Le fonds de commerce

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une entité juridique propre constitué de l’ensemble des éléments mobiliers corporels (ex :
matériel, marchandises, véhicules) et incorporels (ex : marque, enseigne, droit au bail) qu’un
commerçant regroupe pour conquérir une clientèle et la conserver. Le fonds de commerce n’a
pas la personnalité juridique et il est lui-même considéré comme étant un bien incorporel
distinct des biens qui le compose. De sorte que le fonds peut être mis en garantie, mis en
location ou cédé dans son ensemble.

Certains auteurs parlent de patrimoine d’affectation isolé à l’intérieur du patrimoine du


commerçant (Ripet et Roblot ou même Le Floch). Mais l’idée de la pluralité de patrimoine
pour une seule personne n’est assez difficilement reçue dans la tradition juridique française
dont nous sommes tributaires, bien que la fiducie soit aujourd’hui admise. Quoiqu’il en soit, à
l’état actuel du droit positif, le fonds de commerce n’est qu’une composante du patrimoine du
commerçant que ses créanciers peuvent saisir dans son ensemble ou n’en saisir que certains
éléments, sans considération de l’origine civile ou commerciale de la créance. Aussi, le fonds
de commerce n’est pas un patrimoine distinct, c’est un bien qui fait partie du patrimoine du
commerçant mais qui a simplement la particularité d’être constitué de plusieurs biens
différents. C’est l’une des rares formes d’universalité des biens communément admise à côté
de la notion de patrimoine mais il ne faut pas oublier que ces différents biens ont leur régime
juridique propre et le fait d’être intégré dans un ensemble ne leur fait pas perdre leur
individualité. L’intérêt du regroupement des biens réside dans leur destination commune qui
est la conquête et surtout le maintien d’une clientèle en vue de l’exploitation d’une activité
commerciale.

B- Les éléments du fonds de commerce


Nonobstant les efforts de définition et de détermination de sa nature juridique, le fonds de
commerce ne peut être convenablement appréhendé que par l’examen des éléments qui le
composent. L’acte uniforme distingue les éléments obligatoires du fonds de commerce (1) de
ceux qui sont facultatifs (2).

1- Les éléments nécessaires du fonds de commerce


L’article 135 AU/DCG cite trois éléments essentiels du fonds de commerce, il s’en suit que
sans ces éléments le fonds ne saurait exister en tant qu’universalité. Il s’agit de la clientèle
accompagnée de l’enseigne et/ou du nom commercial. Il ressort de cet article et d’une
conception bien assise que la clientèle est le principal élément du fonds de commerce.

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La clientèle peut être définie comme l’ensemble des personnes disposées à entretenir des
relations contractuelles avec un commerçant. Encore faut-il que la clientèle soit propre au
commerçant, qu’elle lui soit personnellement attachée pour faire partie du fonds. Ainsi, la
clientèle n’est pas personnelle lorsque l’exploitation du fonds se fait en vertu d’un contrat de
franchise ou de concession commerciale portant sur une marque, voire une enseigne
correspondante. Dans ces cas, la clientèle serait non pas attachée au fonds mais plutôt à la
marque ou à l’enseigne. Mais il ne s’agit que d’une présomption simple que le commerçant
pourrait combattre en démontrant qu’au-delà de la marque et/ou de l’enseigne, il a su fidéliser
une clientèle par ses propres moyens, notamment par sa politique commerciale.

Mais en quoi consistent exactement les droits du commerçant sur la clientèle ? La clientèle
serait-elle un bien ? A cette dernière question on peut répondre assurément par la négative. La
clientèle n’est pas un bien, malgré le potentiel économique qu’elle représente, il s’agit de
personnes physiques ou morales dont on souhaite attirer et maintenir les faveurs dans un
environnement concurrentiel. L’on n’exerce pas de droit sur la clientèle, on contracte avec
elle. Et en dehors des clauses particulières d’un contrat qui peuvent conduire au maintien de
certains clients, ceux-ci sont libres de délaisser le commerçant au profit de la concurrence à
tout moment. Il n’y a donc pas non plus de droit à la clientèle bien que celle-ci soit protégée
par les règles propres du droit de la concurrence qui réprime les comportements illicites
tendant à fausser les règles de fonctionnement du marché.

Au-delà de la polémique sur sa nature, il est unanimement admis que la clientèle est l’élément
central du fonds de commerce, celui sans lequel l’activité ne pourrait être réelle. Mais ce n’est
pas un élément suffisant pour parler de fonds de commerce. Il doit être complété au moins par
un nom commercial ou une enseigne.

L’enseigne et le nom commercial sont des éléments immatériels qui permettent d’opérer le
ralliement de la clientèle en singularisant le fonds de commerce au milieu de la multitude
d’autres fonds qui offrent des services similaires. Le nom commercial est celui sous lequel le
fonds est exploité et qui permet aux tiers de l’identifier. Il peut s’agir d’un nom patronymique
(celui du commerçant de préférence) ou d’un nom purement fantaisiste. Mais en tout état de
cause, ce nom ne doit pas créer une confusion avec un autre fonds ou induire le public en
erreur sur l’activité véritablement exercée par le commerçant. Le nom commercial doit en
outre être suffisamment distinctif pour bénéficier de protection (s’il est banal ou trop commun
il ne peut être protégé). Le droit au nom commercial est acquis dès le premier usage personnel
et public par le commerçant. Cet usage résulte de l’emploi du nom dans le cadre de contrats,
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pour des déclarations auprès d’administration par exemple. Mais pour s’en prévaloir, cet
usage doit également être continu. La protection du nom commercial est assurée par l’action
en concurrence déloyale pour confusion avec l’entreprise d’autrui qui est une action en
responsabilité civile.

Quant à l’enseigne, elle est un signe apposé sur la façade d’un établissement pour distinguer
celui-ci des autres établissements. Elle peut consister en un nom patronymique et coïncider
avec le nom commercial ou être un tout autre signe. Elle doit être conforme à l’ordre public et
aux bonnes mœurs.

Le nom commercial et l’enseigne peuvent être enregistrés comme marque. Cet enregistrement
permet d’avoir un droit de propriété intellectuelle sur eux qui est un droit exclusif protégé par
l’action en contrefaçon qui est une action pénale. L’enregistrement n’est pas une obligation
pour le commerçant mais elle renforce sa protection en lui donnant accès à la voie pénale. Eu
égard au coût modique de cette protection, l’enregistrement est quasi-automatique lorsque le
commerçant ou l’entreprenant fait les déclarations et inscriptions.

2- Les éléments secondaires du fonds de commerce


A côté de ces éléments essentiels du fonds de commerce, il existe d’autres éléments facultatifs
composés d’éléments mobiliers corporels et incorporels. L’article 137 AU/DCG donne une
liste non exhaustive.

Les éléments incorporels sont le droit au bail, les licences d’exploitation, les brevets
d’inventions, marques de fabrique et de commerce, dessins et modèles, et tout autre droit de
propriété intellectuelle nécessaires à l’exploitation. L’activité de l’entreprise peut reposer en
grande partie sur l’exploitation des droits de propriété industrielle et des licences qui
représentent aujourd’hui les plus grandes richesses des entreprises. Le droit au bail quant à lui
est un élément particulier du fonds de commerce dans la mesure où il permet son ancrage
dans une localité avec un accès à une clientèle particulière.

Du fait que le fonds de commerce n’ait pas la personnalité juridique mais constitue
simplement un outil au service de l’activité du commerçant, certains droits ne sont pas
rattachés au fonds mais plutôt à la personne de l’exploitant. Il s’agit principalement des
créances et obligations constatées sous toute forme, des liquidités, des contrats passés avec la
clientèle ou les fournisseurs (l’exclusion des contrats effectivement passés laisse survivre la
clientèle qui représente le potentiel contractuel de l’entreprise).

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Quant aux éléments corporels du fonds de commerce, ils sont constitués des installations, des
aménagements et agencements, du matériel, du mobilier, des marchandises et stock. Ce sont
les éléments physiques qui sont le plus directement appréhendés par le sens commun mais
avec l’évolution de la structure de l’activité économique des entreprises et du marché des
biens et services fait que ces éléments représentent de moins en moins dans la valeur du fonds
de commerce.

La valeur des éléments corporels est d’autant plus amoindrie que les immeubles ne peuvent
être inclus dans le fonds de commerce. Cela se justifie par l’exclusion des immeubles du
domaine du droit commercial même si l’activité d’achat d’immeubles en vue de les revendre
est désormais intégrée aux actes de commerce par nature. Cette exclusion vaut même lorsque
le fonds est installé dans un immeuble appartenant au commerçant lui-même. Peut-on alors
envisager un droit au bail dans cette hypothèse ? Notamment lorsque le fonds est cédé ou
donné en location-gérance ?

Paragraphe 2- L’exploitation du fonds de commerce


Le fonds de commerce étant la réunion de moyens en vue d’exercer une activité commerciale,
il est important de voir comment celle-ci peut être faite. En cela il faut distinguer le fonds de
commerce de l’entreprise et de la société. L’entreprise est la mise en commun de moyens
humains et matériels en vue d’exercer une activité économique alors que le fonds de
commerce est spécifique à l’activité commerciale et se limite à la réunion des biens. Le
travail, le capital humain n’est pas un élément du fonds de commerce. Il se distingue de la
société en ce qu’il n’a pas la personnalité juridique contrairement à celle-ci. Et d’ailleurs, une
société, à l’image du commerçant personne physique, peut posséder un fonds de commerce.
Dans le cadre de sa mise en valeur, l’article 138 AU/DCG dispose que le fonds de commerce
peut-être exploité directement par le commerçant lui-même (A) ou être donné en location-
gérance (B).

A- L’exploitation par le commerçant lui-même


Il y a exploitation directe du fonds de commerce lorsque le propriétaire accomplit lui-même
toutes les opérations matérielles et juridiques de gestion. Celui-ci doit impérativement avoir la
qualité de commerçant. Dans le cas d’une société commerciale, ce sont les dirigeants sociaux

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qui assurent cette exploitation directe. Cependant, dans le cas des sociétés à responsabilité
limité (SARL, SA ou SAS), c’est la société, personne morale, qui a seule la qualité de
commerçant. Alors que dans les autres formes de sociétés, les associés et/ou associés-
dirigeants ont la qualité commerciale.

Le fonds est encore exploité directement dans les cas où le propriétaire confie à un tiers qui
est lié à lui par un contrat de travail ou à tout le moins, un lien de subordination
caractéristique d’une relation de travail.

Des difficultés surgissent lorsque le fonds se retrouve être l’objet d’une copropriété,
notamment dans le cadre d’une indivision successorale. Les héritiers qui ne veulent pas
partager ou vendre le fonds de commerce restent en indivision. Dans ce cas, les héritiers qui
souhaitent exploiter le fonds en leur nom doivent tous avoir la qualité de commerçant. Pour
contourner un tel obstacle, le fonds de commerce est souvent démembré entre des usufruitiers
et des nus propriétaires. L’usufruitier est l’exploitant du fonds de commerce, il a seul la
qualité de commerçant, à charge de verser une redevance aux nus propriétaires. Les héritiers
ont une dernière option qui consiste à donner le fonds en location-gérance.

B- La location-gérance du fonds de commerce


La location-gérance est un mode d’exploitation de fonds de commerce très répandu. Elle est
définie par l’article 138 al 2 AU/DCG comme une convention par laquelle le propriétaire d’un
fonds de commerce, personne physique ou morale, en concède la location, en qualité de
bailleur, à une personne physique ou morale, locataire-gérant, qui l’exploite à ses risques et
périls. La validité d’un contrat de location-gérance est soumise à certaines conditions (1) et
produit certains effets (2).

1- Les conditions de la location-gérance


La validité du contrat de location-gérance est soumise à des conditions de fond mais doit
également faire l’objet d’une publicité.

En premier lieu le locataire-gérant doit avoir la qualité de commerçant, car c’est à lui qu’il
reviendra d’exploiter le fonds. Ensuite, le bailleur, lui-même commerçant, doit avoir exploité
le fonds pendant deux années au moins, sauf exceptions prévus aux articles 142 et 143
AU/DCG. De plus, le bailleur ne doit pas avoir fait l’objet d’une interdiction ou d’une
déchéance d’exercer une profession commerciale. Encore une fois, seule l’interdiction est

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visée par le législateur, ce qui nous fait penser que la personne sous le coup d’une
incompatibilité peut donner son fonds en location-gérance.

Sur le plan de la forme, la location-gérance doit faire l’objet d’une publicité sous forme
d’extrait dans un journal d’annonces légales (pour un délai de 15 jours). De plus, le
propriétaire du fonds doit faire procéder à une modification de son inscription au RCCM en y
rajoutant la mention ‘‘mise en location-gérance’’ (pour un délai de 30 jours). De même le
locataire-gérant doit indiquer sur tous ses documents commerciaux, à côté de son numéro
d’immatriculation sa qualité de locataire-gérant. Ces formalités visent à protéger les tiers qui
pourraient se tromper sur la personne de leur interlocuteur quand deux commerçants se
succèdent dans un même fonds de commerce.

2- Les effets de la location-gérance


La location gérance produit des effets juridiques entre les parties mais aussi à l’égard des
tiers. En ce qui concerne les effets entre les parties, ils sont soumis au droit commun et à la
liberté contractuelle. Ayant les obligations d’un bailleur, le propriétaire ne doit pas troubler la
jouissance du fonds, notamment en lui faisant de la concurrence. De son côté le locataire-
gérant il doit payer le loyer pour les locaux où le fonds est installé et aussi la redevance pour
sa jouissance des éléments du fonds. Il en ressort que c’est le propriétaire du fonds qui
bénéficie du droit au bail et non le locataire-gérant qui reste un tiers au contrat de bail
professionnel. Le locataire-gérant doit également exploiter le fonds conformément à sa
destination et plus généralement éviter d’altérer son image commerciale.

La location-gérance produit également des effets à l’égard des tiers. En premier lieu, dans les
trois mois de la publicité du contrat, les créanciers du bailleur peuvent saisir le juge compétent
pour faire déclarer immédiatement exigible leurs créances s’ils parviennent à le convaincre
que la location-gérance met en péril leurs chances de recouvrement. De la même manière, les
dettes contractées par le locataire-gérant sont immédiatement exigibles dès l’arrivée du terme
prévu ou anticipé du contrat. La location-gérance pouvant faire présumer aux tiers l’existence
d’un lien de subordination entre le bailleur et le locataire-gérant, dans le cadre d’une simple
relation de travail, l’acte uniforme instaure une solidarité entre les parties pour les dettes
contractées par le locataire-gérant jusqu’à la publication du contrat.

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Paragraphe 3- Les opérations sur le fonds de commerce
Le fonds de commerce peut faire l’objet de diverses opérations et c’est pour les nécessités de
ces opérations que le concept de fonds de commerce a même été créé par la pratique. Il s’agit
essentiellement de la location-gérance qui a déjà fait l’objet d’étude mais aussi du
nantissement (A) et de la cession (B).

A- Le nantissement du fonds de commerce


Le fonds de commerce étant souvent l’un des biens les plus importants du commerçant, il
n’est pas rare qu’il l’utilise comme garantie pour obtenir un crédit. C’est ainsi qu’il peut faire
l’objet de nantissement.

D’après l’article 125 AU/DCG « le nantissement est l’affectation d’un bien meuble incorporel
ou d’un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs, en garantie d’une ou
plusieurs créances, présentes ou futures, à condition que celle-ci soient déterminées ou
déterminable ». Depuis la révision de l’acte uniforme sur les sûretés en 2010, le nantissement
est désormais la sûreté qui grève les biens incorporels. Ainsi il peut porter sur les créances, les
comptes bancaires, les droits d’associés, les valeurs mobilières et le compte de titres
financiers, les droits de propriété intellectuelle et le fonds de commerce.

Le nantissement ne porte pas sur tous les éléments vu que celui-ci est constitué de biens
incorporels mais aussi de biens corporels. Ainsi, le nantissement porte sur les biens
incorporels qui constituent le fonds : suivant la distinction entre les éléments essentiels et les
éléments facultatifs du fonds, le nantissement porte essentiellement sur la clientèle et
l’enseigne ou le nom commercial mais il peut également porter sur les autres éléments
incorporels du fonds. Il est également possible que le nantissement porte sur le matériel
professionnel mais pour cela une clause particulière doit être insérée au contrat et mentionnée
au RCCM.

Pour sa validité, le nantissement doit être constaté dans un écrit comportant les mentions
suivantes :

- La désignation du créancier, du débiteur et du constituant du nantissement si celui-ci


n’est pas le débiteur ;

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- La désignation précise et le siège du fonds et, s’il y a lieu, de ses succursales ;
- Les éléments du fonds nanti ;
- Les éléments permettant l’individualisation de la créance garantie tels que son montant
ou son évaluation, sa durée et son échéance.

B- La cession du fonds de commerce


L’article 147 AU/DCG prévoit que la cession du fonds de commerce obéit aux règles
générales de la vente, sous réserve des dispositions particulières prévues dans l'Acte uniforme
et des textes spécifiques à l'exercice de certaines activités commerciales.

Les règles relatives à la cession du fonds de commerce visent un triple objectif : protéger les
créanciers du vendeur contre les ventes clandestines, garantir le vendeur contre la faillite de
l’acquéreur puisque la vente est souvent faite à crédit, et enfin, protéger l’acquéreur par la
mention dans l’acte de vente des renseignements destinés à l’éclairer sur la consistance et la
valeur du fonds.

En ce qui concerne les conditions de fond de la cession du fonds de commerce, le législateur


OHADA dispose que l’acquéreur du fonds doit avoir la capacité d’exercer le
commerce puisque par la cession du fonds, il devient commerçant. En outre, la cession étant
un contrat de vente, le consentement des parties doit être exempt de vice et porté sur la chose
et le prix.

S’agissant de l’objet de la cession du fonds de commerce, celle-ci doit nécessairement porter


sur les éléments énumérés à l'article 136 AU/DCG, c'est-à-dire la clientèle, le nom
commercial et l’enseigne. Le propriétaire a cependant la possibilité d’inclure dans la vente
d’autres éléments corporels ou incorporels.

Par ailleurs, l’article 150 AU/DCG énumère la liste des mentions devant obligatoirement
figurer dans le contrat de cession. Il s’agit notamment du prix, des activités du vendeur et de
l’acheteur, de l’état des privilèges, nantissements et inscriptions grevant le fonds, du chiffre
d’affaires réalisé au cours de chacune des trois dernières années d’exploitation, des résultats
commerciaux réalisés pendant la même période, etc…

L’omission ou l’inexactitude de ces mentions obligatoires est sanctionnée de nullité relative.


Seul l’acquéreur peut donc demander la nullité de la cession. En outre, il doit démontrer que
cette omission ou cette inexactitude a substantiellement affecté la consistance du fonds cédé et
qu’il en a subi un préjudice.
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Afin d’informer et de protéger les créanciers du vendeur qui cède son fonds de commerce,
l’AU/DCG impose, en outre, deux mesures de publicité de la cession du fonds de commerce.
Premièrement, l’acte de cession doit être déposé en une copie certifiée conforme par le
vendeur ou l’acquéreur au Registre du commerce et du crédit mobilier. Cette mesure est
essentielle puisque son accomplissement rend opposable la cession du fonds de commerce
aux tiers. Deuxièmement, l’acquéreur doit, dans un délai de quinze jours à compter de la date
de l’acte de cession faire publier celui-ci sous forme d’avis, dans un journal habilité à publier
des annonces légales et paraissant dans le lieu où le vendeur est inscrit au registre du
commerce et du crédit mobilier.

Entre parties, la cession du fonds de commerce a les mêmes effets qu’une vente.
Le vendeur est donc tenu à deux obligations principales envers l’acquéreur : une obligation de
délivrance et une obligation de garantie.

Enfin, le prix de vente étant, en pratique, rarement payé au comptant, l’Acte uniforme relatif
au droit commercial général a voulu protéger le vendeur du fonds en lui octroyant
un privilège sur le fonds vendu. Ce privilège doit être inscrit au Registre du commerce et du
crédit mobilier et permet au vendeur, dans le cas où le fonds serait revendu par l’acquéreur, de
se faire payer par préférence sur le prix de revente. Par ailleurs, le privilège accordé au
vendeur lui permet de s’opposer à certains actes accomplis par l’acquéreur et susceptibles de
faire baisser la valeur du fonds et donc de diminuer sa garantie.

Section 2- Le bail professionnel


Dans la plupart des cas, le commerçant ou l’entreprenant est simple locataire des locaux où il
exerce son activité. Or cette situation lui fait courir le risque de perdre son fonds de commerce
ou son fonds professionnel s’il est expulsé de son local. C’est pourquoi une prérogative
essentielle reconnue au commerçant ou à l’entreprenant est constituée par le droit d’exiger le
renouvellement de son bail arrivé à expiration. Mais le bailleur peut refuser le renouvellement
à condition de payer une indemnité d’éviction en compensation du préjudice qui est ainsi
causé au locataire.

Les articles 123 et suivants de l’AUDCG règlent le droit au renouvellement du bail


professionnel qui est un droit personnel qui s’exerce, sous certaines conditions, contre le
bailleur et dont la mise en œuvre peut aussi présenter un intérêt économique pour des tiers.

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Paragraphe 1- Les conditions de renouvellement du bail
Le droit au renouvellement du bail commercial s’exerce dans un cadre légal bien déterminé.
Les dispositions relatives au bail professionnel sont d’ordre public. Ce droit n’est garanti au
locataire que si les conditions liées à la nature des locaux loués et à la durée du bail sont
remplies.

Le droit au renouvellement ne s’applique qu’aux baux portant sur des immeubles rentrant
dans l’une des catégories prévues par l’article 101 AUDCG :

- les locaux ou immeubles d’usage commercial, industriel, artisanal ou professionnel ;


- les locaux accessoires dépendant d’un local ou d’un immeuble à usage commercial,
industriel, artisanal ou professionnel. Il faut préciser cependant que si ces locaux
accessoires appartiennent à une personne autre que le propriétaire du local principal, il
faut que la location ait été faite en vue de l’utilisation jointe que leur destinait le
preneur et que cette destination ait été connue du bailleur au moment de la conclusion
du bail ;
- les terrains nus sur lesquels ont été édifiées, avant ou après la conclusion du bail, des
constructions à usage industriel, commercial, artisanal ou professionnel, si ces
constructions ont été élevées ou exploitées avec le consentement du propriétaire ou à
sa connaissance.
Le droit au renouvellement du bail est accordé au preneur qui justifie d’une exploitation de
son activité pendant une durée de deux ans sans qu’il soit nécessaire de distinguer selon qu’il
s’agit d’un contrat à durée déterminée ou d’un contrat à durée indéterminée. Ce délai fixé par
l’Acte uniforme est considéré comme le temps nécessaire, en pratique, pour s’attacher une
clientèle, et pouvoir bénéficier ainsi de la protection légale.

Paragraphe 2- La mise en œuvre du renouvellement du bail


Le preneur qui souhaite bénéficier d’un renouvellement de son bail doit observer certaines
diligences (A), encore faut-il que le bailleur ne s’y oppose pas (B) auquel cas un contentieux
spécifique est ouvert (C).

A- Les diligences attendues du preneur

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Il faut faire une distinction selon qu’il s’agit d’un bail à durée déterminée ou d’un bail à durée
indéterminée.

Le preneur qui a droit au renouvellement du bail doit faire une demande de renouvellement.
Cette demande doit être faite par signification d’huissier de justice ou notification par tout
moyen permettant d’établir la réception effective par le destinataire, au plus tard trois mois
avant la date d’expiration du bail, à défaut, il est déchu de son droit (lorsqu’il s’agit d’un bail
à durer déterminer)

S’il s’agit d’un bail à durée indéterminée, l’initiative du congé n’appartient plus
exclusivement au bailleur. Toute partie envisageant la résiliation du bail peut donner congé à
l’autre par signification d’huissier de justice ou notification par tout moyen permettant
d’établir la réception effective par le destinataire au moins six mois à l’avance. Le preneur qui
a reçu congé du bailleur, mais qui souhaite son maintien dans les lieux loués, peut exiger le
renouvellement en notifiant au bailleur, dans les mêmes formes, avant la fin du préavis ou du
congé, la contestation du congé. A défaut, il est mis fin au bail.

B- L’attitude du bailleur
Le bailleur qui a reçu la demande de renouvellement du bail dans les formes et délais
prescrits, doit faire parvenir sa réponse au preneur au plus tard un mois avant l’expiration du
bail, faute de quoi le contrat sera réputé reconduit pour une nouvelle période. L’article 123, al.
3 AUDCG fixe à trois ans la durée du nouveau bail, consenti expressément ou reconduit
tacitement.

L’article 124 AUDCG, impose une attitude passive au bailleur qui doit se contenter d’attendre
que le preneur formule sa demande de renouvellement d’un bail à durée déterminée et, ensuite
seulement, lui faire parvenir sa réponse dans le délai légal. Le bailleur n’a donc aucune
obligation de donner congé au preneur, et dont le manquement serait sanctionné par
l’inopposabilité de la déchéance du droit au renouvellement du bail à durée déterminée.

Sous l’empire de l’ancienne législation, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage en a


pourtant décidé autrement, en considérant que la déchéance du droit au renouvellement du
bail prévue par l’article 92 (actuel article 124) ne joue pas en faveur du bailleur qui a omis de
donner congé au locataire dans un bail à durée déterminée, et contre lequel est retenue une
tacite reconduction du bail pour une nouvelle période.

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C- Le contentieux du droit au renouvellement du bail
Le rejet de la demande de renouvellement du bail à durée déterminée, et la contestation du
congé dans le bail à durée indéterminée, sont parfois source de difficultés juridiques. Le
traitement de ces difficultés relève de la compétence de la juridiction statuant à bref délai dans
le ressort de laquelle sont situés les locaux donnés à bail. Ainsi, par exemple, le bailleur peut
subordonner le renouvellement du contrat à une augmentation de loyer.

En application du principe de droit commun de la force obligatoire des conventions, la


révision du loyer devra se faire conformément aux stipulations contractuelles. Dans le silence
du contrat, les dispositions supplétives de l’article 116 de l’Acte uniforme prévoient une
révision lors de chaque renouvellement. Et, en cas de désaccord entre les parties sur le niveau
du réajustement à opérer, la juridiction compétente saisie, tranchera en tenant compte de la
situation des locaux, la superficie occupée, l’état de vétusté, le prix des loyers commerciaux
couramment pratiqués dans le voisinage par les locaux similaires.

Une autre difficulté est relative au refus du bailleur de renouveler le contrat. En effet, le
bailleur peut, de façon justifiée, refuser le renouvellement En cas de refus non justifiée, le
bailleur est tenu de payer une indemnité d’éviction. A défaut d’accord des parties sur le
montant de l’indemnité, celle-ci est fixée par le tribunal en tenant compte du montant du
chiffre d’affaires, des investissements réalisés par le preneur et de la situation géographique
du local.

Il existe des hypothèses dans lesquelles le bailleur peut refuser le renouvellement sans avoir à
payer une indemnité :

- s’il justifie d’un motif légitime à l’encontre du locataire. Exemple : inexécution par le
locataire d’une obligation substantielle du bail ou la cessation de l’exploitation de
l’activité ;
- s’il envisage de démolir l’immeuble comprenant les locaux loués et de le reconstruire.
Il est tenu cependant de verser l’indemnité si les nouveaux locaux ont une destination
différente de celle des locaux objets du bail initial ou s’il n’est pas offert au preneur un
bail dans les nouveaux locaux.
- s’il reprend les locaux d’habitation accessoires des locaux principaux pour y loger lui-
même ou y loger les membres de sa famille.
Même s’il n’a pas droit à une indemnité d’éviction, le preneur pourra obtenir remboursement
des coûts des aménagements et construction qu’il a réalisés dans les locaux avec l’autorisation

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du bailleur. Le montant est fixé d’accord parties, à défaut, il est fixé par le tribunal à la
demande du preneur.

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