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La Commission de la condition de la femme poursuit ses réflexions sur la lutte contre la féminisation de la pauvreté | Couverture des réunions & communiqués de presse

En cours au Siège de l'ONU

Soixante-huitième session,
12e séance plénière – matin
FEM/2236

La Commission de la condition de la femme poursuit ses réflexions sur la lutte contre la féminisation de la pauvreté

La Commission de la condition de la femme a poursuivi aujourd’hui, les travaux de sa session de 2024 avec un dialogue interactif au cours duquel l’importance d’une budgétisation sensible au genre a été soulignée à de nombreuses reprises.

Notant que les femmes sont particulièrement exposées à l’inégalité des revenus et à la pauvreté, experts et délégations ont également appelé à réaffirmer la centralité du cadre international des droits humains dans le domaine de l’économie pour promouvoir des politiques sensibles au genre et favorables aux pauvres.

Les échanges étaient axés sur le thème prioritaire de cette soixante-huitième session, à savoir « Accélérer la réalisation de l’égalité entre les hommes et les femmes et l’autonomisation de toutes les femmes et les filles en s’attaquant à la pauvreté et en renforçant les institutions et le financement dans une perspective d’égalité entre les hommes et les femmes ». 

« Les gens ne sont pas seulement laissés pour compte, mais même poussés hors du système », s’est alarmée Mme Diane Elson, professeure émérite de sociologie à l’Université d’Essex, qui a dénoncé la domination des modèles de développement « extractivistes » dirigés par la finance et la domination de mesures monétaires pour juger de la réussite, affirmant que ces stratégies ne répondent pas à l’intérêt collectif.  La croissance du PIB n’est pas une bonne mesure du bien-être des personnes, a-t-elle souligné. 

Aujourd’hui, les droits humains sont subordonnés aux règles fiscales adoptées pour plaire aux opérateurs des marchés financiers, et les objectifs de développement durable (ODD) sont sapés par des objectifs financiers à court terme, s’est-elle indignée.  Appelant à élaborer des stratégies transformatrices qui offrent un espace pour la reconstitution et la régénération, l’intervenante a insisté sur l’importance de renforcer la budgétisation sensible au genre.  Pour qu’elle puisse réellement avoir un impact, celle-ci ne doit pas se concentrer uniquement sur des programmes étroitement ciblés, mais englober toutes les dépenses consacrées aux services publics, aux infrastructures et à la protection sociale, ainsi que la fiscalité et les autres mesures visant à accroître les recettes.  Elle doit suivre l’argent tout au long du cycle budgétaire, de la conception des politiques aux résultats; impliquer les parlementaires et les organisations communautaires féminines, ainsi que les fonctionnaires et les ministres; et permettre aux organisations féminines de demander des comptes au gouvernement sur la manière dont les budgets sont conçus et mis en œuvre. 

Les progrès en matière d’éradication de la pauvreté doivent être 26 fois plus rapides pour atteindre les ODD d’ici à 2030, a-t-elle rappelé.  Or si les gouvernements ne repensent pas leurs stratégies de développement et n’agissent pas de toute urgence, des millions de femmes verront leur vie gâchée. Le prix de l’inaction est effroyable, mais des alternatives restent toujours possibles, a-t-elle assuré.

Lui emboîtant le pas, Mme Attiya Waris, Experte indépendante sur la dette extérieure et les droits de l’homme, en particulier les droits économiques, sociaux et culturels, a constaté que la structure financière mondiale actuelle met l’accent sur des entités économiques et des personnes fortunées plutôt que sur les pays individuels comme les véritables détenteurs du pouvoir financier.  Affirmant qu’aujourd’hui il n’existe pas de « système financier international », Mme Waris a estimé que la réforme la plus importante est précisément d’en créer un. En effet, à l’heure actuelle, chaque pays prend ses propres décisions et politiques financières, ce qui rend difficile la mise en œuvre d’une politique financière commune au sein d’un groupe régional. 

Réformer le système actuel permettrait d’améliorer la mobilisation et le ciblage des financements publics pour répondre aux besoins des femmes et des filles par la ratification d’instruments tels que la Convention multilatérale pour la mise en œuvre de mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices.  Une telle approche contribuerait à un meilleur partage des ressources et à davantage de ressources pour répondre aux besoins des femmes et des filles, et garantirait aussi que les femmes soient en première ligne des processus de prise de décisions en matière de lutte contre les changements climatiques, de même que la conception et la mise en œuvre de conventions.  Une telle réforme est d’autant plus pertinente et urgente qu’à l’heure actuelle, la plupart des ressources des pays en développement sont consacrées au service de la dette, au détriment du financement de la santé, de l’éducation, des services sociaux et de l’infrastructure, a-t-elle signalé. 

Il faut également améliorer l’accès des femmes à des emplois rémunérateurs et renforcer les programmes de transferts monétaires destinés aux femmes pauvres en vue d’accroître leur autonomie, a estimé M. Ragui Assaad, professeur de planification et d’affaires publiques à la Hubert H. Humphrey School of Public Affairs de l’Université du Minnesota.  Pour ce faire, ce dernier a notamment appelé à abolir les silos et à lutter contre la perception qu’il existerait des emplois féminins en vue d’améliorer la perspectives des femmes sur le marché du travail.  Pour remédier au fait que les femmes sont toujours aux premières loges des emplois partiels ou informels, des politiques macro-économiques sont essentielles, de même qu’une budgétisation sensible au genre, des transferts monétaires, ainsi que l’éducation financière des femmes. 

Mme Dulce Patricia Torres Sandoval, membre de la coordination nationale des femmes autochtones du Mexique, a expliqué que son organisation est un moteur de l’autonomisation des femmes autochtones sur le continent, ce qui représente environ 32 millions de femmes souvent frappées par la pauvreté et l’extrême pauvreté.  Elle a insisté sur l’impératif de s’attaquer aux différentes facettes de la pauvreté multidimensionnelle, plaidant notamment pour l’inclusion des femmes autochtones dans les processus de prise de décisions et pour la distribution équitable des ressources, compte tenu de leur contribution à l’économie du pays. 

La pauvreté n’est pas le simple manque de revenu ou de richesse; elle résulte de l’incapacité des États et d’autres acteurs économiques à s’attaquer aux inégalités structurelles et systémiques au moyen de politiques cohérentes et ciblées, a renchéri Mme Laura Nyirinkindi, Vice-Présidente du groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles en Ouganda.  Cela se manifeste de manière transversale par des disparités fondées sur le genre et d’autres disparités intersectionnelles qui façonnent les diverses expériences de pauvreté des femmes et des filles.  Ces inégalités, sous-tendues par le patriarcat, le racisme, le colonialisme, le militarisme et la destruction de l’environnement, ont été exacerbées par les prescriptions macroéconomiques orthodoxes.  Les choix politiques néolibéraux et les « solutions » axées sur le marché, y compris celles promues par les institutions économiques multilatérales, ont souvent entravé les programmes économiques transformateurs, avec des effets dévastateurs sur les droits des femmes et des filles dans le monde, a regretté l’intervenante en appelant à réaffirmer la centralité du cadre international des droits humains dans le domaine de l’économie pour promouvoir des politiques sensibles au genre et favorables aux pauvres.

Pour pouvoir lever les ressources nécessaires à une telle transformation, Mme Zofia Lapniewska, professeure associée en économie féministe et écologique au département de l’économie et de l’innovation de l’Université Jagiellonian de Cracovie en Pologne, a insisté sur l’importance d’élargir l’espace fiscal afin de lever plus de fonds pour investir dans l’infrastructure sociale, notamment les systèmes de santé, l’éducation et la garde d’enfants.  Ces investissements ne devraient pas être perçus comme des coûts puisqu’il s’agit d’emplois durables qui améliorent considérablement la qualité de vie, et permettent une plus grande égalité entre les hommes et les femmes en transférant aux institutions publiques la prise en charge du travail non rémunéré qui incombe aujourd’hui encore principalement aux femmes et les empêche de réaliser pleinement leur potentiel. 

Elle a également préconisé l’adoption au niveau mondial d’un impôt sur les sociétés de 15%.  En outre, une taxe minimale sur les transactions financières des institutions financières de 0,1% sur les échanges d’actions et d’obligations et de 0,01% sur les produits dérivés, rapporterait, selon la Commission européenne, pas moins de 57 milliards d’euros par an, a souligné Mme Lapniewska.  En dernier lieu, elle a plaidé pour un impôt harmonisé sur le patrimoine et la succession en proposant l’idée de lier les « taxes de luxe » à des programmes en faveur des pauvres et de l’égalité entre les sexes, notamment des bourses d’études pour les filles défavorisées talentueuses. 

Au cours du dialogue interactif qui a suivi, pays et organisations non gouvernementales ont exploré plusieurs pistes afin de lutter contre la pauvreté des femmes et promouvoir leurs droits.  Chypre a ainsi indiqué que la question du genre est en voie d’intégration dans les procédures budgétaires grâce à des données mieux ventilées.  « Chypre est déterminée à promouvoir les droits des femmes sur le principe que ces droits sont avant tout des droits humains. »  ARROW a défendu une budgétisation sensible au genre au profit des femmes les plus marginalisées, notamment les femmes autochtones.  L’Union européenne a, elle aussi, insisté sur les défis que doivent relever les femmes marginalisées et mentionné l’initiative « Spotlight » de l’ONU, appuyée à hauteur de 500 millions d’euros par l’UE, qui vise à remédier à toutes les formes de marginalisation.  « Les hommes doivent être associés à nos efforts d’autonomisation des femmes et des filles car ils en sont aussi les bénéficiaires. »

Dans ce droit fil, les Philippines ont indiqué que 5% du budget annuel de chaque ministère est alloué à des actions visant à promouvoir l’égalité des genres, tandis que les États-Unis ont rappelé l’importance des droits des travailleurs.  Notre administration lutte contre le travail forcé ou encore contre la remise en question des droits syndicaux, a assuré la délégation en dénonçant les intimidations des organisations syndicales et des responsables syndicaux.  La Finlande a indiqué que l’égalité des genres et la lutte contre les stéréotypes sont incluses dans les programmes scolaires, du primaire jusqu’au niveau universitaire.  Tous les responsables gouvernementaux doivent promouvoir l’égalité des genres dans leur domaine. 

Sur le plan financier, le Burundi a appelé à mobiliser de nouvelles sources de financement au profit de l’égalité des genres et à mieux mesurer les progrès enregistrés.  Public Services International a appelé à rémunérer les services de soin et défendu une fiscalité progressive pour financer des services publics de qualité, en particulier une imposition accrue des entreprises et du patrimoine.  Le Kenya a également appelé à la fourniture de services publics de qualité, notamment éducatifs, pour les femmes les plus pauvres, tout en soulignant l’acuité du défi du financement du fait du coût élevé de ces services.  Dans cette même veine, Action Aid International a souligné les graves conséquences de l’endettement et de la marge budgétaire réduite de nombre de pays pour la fourniture de services publics de qualité.  « L’architecture financière internationale doit être repensée car elle n’est plus adaptée », a estimé l’ONG.  Oxfam international a appelé à lutter contre l’évasion fiscale et réclamé une imposition des « multimillionnaires » afin de financer un plan mondial d’élimination de la pauvreté.

Ce dialogue s’est conclu par la reprise de parole des panelistes.  La professeure émérite de sociologie à l’Université d’Essex a convenu que les droits des travailleurs sont fragiles face aux agissements des grandes entreprises et des plus puissants, insistant en outre sur l’importance de régler le défi de l’endettement qui étrangle nombre de pays et entrave la fourniture de services publics de qualité.  L’Experte indépendante sur la dette extérieure et les droits de l’homme, en particulier les droits économiques, sociaux et culturels a appelé à briser le cycle des crises financières en promouvant une économie fondée sur les droits humains.  La représentante de la coordination nationale des femmes autochtones du Mexique a demandé que la question des femmes autochtones reste prioritaire, tandis que le professeur de planification et d’affaires publiques de l’Université du Minnesota a souhaité la levée des entraves au développement de l’entrepreneuriat des femmes. La Vice-Présidente du groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles en Ouganda a jugé essentielle une budgétisation du genre pour la défense des droits des travailleuses.  Rien n’est gravé dans le marbre en économie, a déclaré la professeure associée en économie féministe et écologique de l’Université Jagiellonian de Cracovie, en appelant à une action résolue pour éliminer les paradis fiscaux. 

La prochaine réunion de la Commission de la condition de la femme sera annoncé dans le Journal des Nations Unies.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.








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