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Documents Sance 1 (17 janvier 2017)


CO Sexe, Genre et Politique
Muriel Salle Matresse de confrences (Universit Claude Bernard Lyon1)
muriel.salle@univ-lyon1.fr
Anne universitaire 2016-2017 (2e semestre)



Doc. 1 : Rsum de la prsentation Manon Den - Politiser la question animale en France. Analyse de
l'mergence du statut juridique de l'animal dans le champ politique franais
En ligne : http://www.question-animale.org/fra/2015/manon-dene-politiser-la-question-animale-en-france
(consult le 16 janvier 2017)

Au cours de cette prsentation, je vous propose d'analyser l'appropriation de la question animale par les
politiques en France et l'aptitude des dfenseurs de la cause animale faire merger cette question au sein du
champ politique. Pour mener bien mon travail de recherche, je me suis centre sur l'mergence du statut
juridique de l'animal dans le code civil qui a fait l'actualit et qui a t le sujet de nombreux dbats l'an dernier
[en 2014]. En effet, alors qu'un certain nombre de faits contribuent lgitimer la question du traitement de droit
administr aux animaux, on observe aujourd'hui une opposition entre les nouvelles donnes scientifiques et
thologiques redfinissant l'animal comme un tre vivant sensible et une lgislation qui se refuse doter l'animal
d'un vritable statut conforme sa nature, dtach du domaine patrimonial des biens. Par ailleurs, on observe
que l'animal et les questions que son traitement soulve sont souvent au mieux perues comme peu importantes
et secondaires, au pire considres comme pas srieuses voire dgradantes. Force est de constater
qu'aujourd'hui, aux yeux du champ politique, un dbat politique autour de la rforme du statut juridique de
l'animal ou de toute autre question relative la condition de celui-ci n'est ni envisageable, ni envisage.
Malgr les nombreux efforts des politiques dfenseurs de la cause et des associations de protection animale
soutenus par une opinion publique majoritairement favorable cette volution, l'mergence d'un dbat autour
de la rforme du statut juridique de l'animal dans le code civil semble compromise, ce pour plusieurs raisons. On
pourra d'abord voquer l'vidente opposition venant de l'industrie agroalimentaire, de l'activit cyngtique et
tauromachique, qui ayant un intrt ne pas voir le statut juridique de l'animal rform en profondeur
constituent un obstacle cette volution. Par ailleurs, face une socit franaise encore trs anthropocentriste
et utilitaire au regard de l'animal, on remarque que les dfenseurs des animaux ne sont pas encore parvenus
oprer un changement de mentalit, permettant d'ouvrir la voie vers une nouvelle conception de l'animal. On
peut donc parler de politisation incomplte s'agissant de rformer le statut juridique de l'animal dans le code
civil.
Il s'agira donc la fois d'analyser comment le champ politique contourne l'enjeu que constitue cette question
animale, mais surtout d'tudier quels processus et stratgies sont redfinir par les dfenseurs des animaux,
qu'ils appartiennent la sphre politique, associative ou militante, afin de mener bien cette politisation.
L'objectif, qui n'a pas encore t atteint, est donc de parvenir politiser compltement la rforme du statut
juridique de l'animal dans le code civil. Or cette mergence complte se fera lorsque le champ politique se mettra
vritablement en action, qu'un dbat s'instaurera entre les politiques et qu'un processus de dcision
s'enclenchera.

Doc.2 : Patrick Hassenteufel , Les processus de mise sur agenda : slection et construction des problmes
publics , Informations sociales, 1/2010 (n 157), p. 50-58.
URL : http://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2010-1-page-50.htm

Comment une question devient-elle un sujet de proccupation politique ? Par un processus de mise en
visibilit, plus ou moins publicis ou discret, auquel une certaine diversit dacteurs est susceptible de
contribuer. Le rle de ces derniers dans la formulation des problmes a un impact dcisif sur les politiques
publiques labores pour les prendre en compte.

La notion dagenda, que lon peut dfinir comme lensemble des problmes faisant lobjet dun traitement, sous
quelque forme que ce soit, de la part des autorits publiques et donc susceptibles de faire lobjet dune ou

plusieurs dcisions , na merg dans lanalyse des politiques publiques quau dbut des annes 1970. Les policy
sciences, qui se sont affirmes aprs la Seconde Guerre mondiale aux tats-Unis, taient focalises sur lanalyse
de la dcision publique dans lobjectif de lui donner des fondements (plus) scientifiques et rationnels. Lamont
mais aussi laval de la dcision taient par consquent fortement ngligs et considrs comme un aspect non
problmatique et fortement contrl par les dcideurs publics. Avant de dcider de mesures de politiques
publiques, les autorits publiques choisissent de traiter plutt tels problmes et de ne pas en traiter tels autres.
La comprhension des processus de slection des problmes constitue, de ce fait, le premier apport des analyses
en termes de mise lagenda. Elle suppose de prendre en compte notamment les logiques de mobilisation
collective, de mdiatisation et de politisation, auparavant fortement ngliges dans les analyses de politiques
publiques, et conduit largir le spectre des acteurs aux mouvements sociaux, aux mdias et aux lus.
Lensemble de ces acteurs participe ainsi au cadrage de laction publique, y compris dans sa phase dcisionnelle,
en formulant et en construisant des problmes publics. ().

La slection des problmes
De nombreux obstacles, assimilables autant de filtres, existent sur la route dun problme en voie de
publicisation, du fait de rsistances et doppositions (de nature idologique, culturelle, matrielle, pratique) la
prise en compte dun enjeu et de la surabondance des problmes construits comme publics par des acteurs
sociaux mobiliss. Comme le soulignent Stephen Hilgartner et Charles Bosk (1988), les autorits publiques ne
peuvent pas mettre sur agenda lensemble des problmes car lattention publique est une ressource rare, dont
lallocation dpend de la comptition au sein dun systme darnes publiques (p. 55). De ce fait, les problmes
doivent lutter pour occuper un espace dans les arnes publiques. Cette comptition est permanente ; [ils] doivent
la fois lutter pour entrer et pour rester sur lagenda public (p. 70). Ainsi, ces auteurs mettent au cur de leur
analyse les principes de slection au sein des arnes qui permettent certains problmes dmerger au dtriment
dautres. Pour comprendre la publicisation dun problme et sa mise sur agenda, il est ncessaire didentifier les
dynamiques1 facilitant sa prise en charge par des autorits publiques, qui, le plus souvent, se combinent.
La mobilisation
La premire de ces dynamiques est celle de la mobilisation, qui correspond au modle de mise sur agenda bas
sur la participation. Dans ce cas, linitiative revient des groupes plus ou moins fortement organiss, qui se
mobilisent le plus souvent de faon conflictuelle avec les autorits publiques. Le soutien de lopinion publique est
recherch afin de faire pression sur ltat et de lgitimer des revendications. Les actions menes (grves,
manifestations, actions symboliques, violences) visent attirer lattention des mdias et par l celle des acteurs
politiques et de lopinion. Des relais sont galement souvent recherchs afin de porter un problme au sein
darnes publiques : acteurs politiques, acteurs conomiques, personnalits scientifiques, porte-parole
dassociations ou de syndicats, journalistes, intellectuels, vedettes de cinma, de la musique ou du sport,
autorits morales et religieuses On peut donner lexemple de la mobilisation des Enfants de Don Quichotte
en faveur des personnes sans domicile fixe, durant lhiver 2006-2007, qui a pris la forme spectaculaire de
linstallation de plusieurs centaines de tentes le long du canal Saint-Martin, Paris, fortement relaye
mdiatiquement. Elle a entran la mise sur agenda du principe du droit au logement opposable , inscrit dans
une loi vote peu de temps aprs.
La mdiatisation
La deuxime dynamique est celle la mdiatisation. Si elle est parfois fortement lie aux mobilisations collectives,
elle peut aussi avoir une certaine autonomie et dpendre principalement des logiques du champ mdiatique :
stratgies professionnelles, stratgies ditoriales, structure de lactualit (par exemple, le choix dvnements
dans un contexte dactualit peu charge), comme lont soulign Michael Mac Combs et Daniel Shaw (1972).
Selon ces auteurs, les mdias hirarchisent les problmes par ordre dimportance pour lopinion publique. La
mise sur agenda dun problme trouve donc souvent son origine dans des faits auxquels la promotion mdiatique
donne une forte audience. On peut donner lexemple des dcs de personnes ges lis la canicule de lt
2003, qui a remis sur lagenda la prise en charge de la dpendance. Toutefois, de nombreux travaux ont discut
cette thse et ont conduit nuancer limpact des mdias concernant la mise sur agenda, ceux-ci jouant plus
souvent un rle de relais par rapport des problmes ports par dautres acteurs quun rle dinitiateur.
La politisation
1

S. Hilgartner et C. Bosk distinguent trois grands principes de slection au sein des arnes publiques : lintensit dramatique du problme,
sa nouveaut et son adquation aux valeurs culturelles dominantes.

La mise sur agenda dpend aussi des bnfices politiques (lectoraux, symboliques, stratgiques) attendus. Un
enjeu de politique publique est politis et mis en avant par un (ou plusieurs) acteur(s) politique(s) afin de
renforcer sa (ou leur) position dans la comptition politique. Si cette modalit de mise sur agenda est la plus
nette en priode de campagne lectorale, elle ne sy limite pas. On peut prendre lexemple du Revenu de
solidarit active (RSA), dont la mise sur agenda est lie la fois la politique douverture gauche (il sagit dune
mesure prconise par Martin Hirsch, Haut Commissaire aux solidarits actives contre la pauvret) et son
inscription dans une des thmatiques fortes de la campagne prsidentielle de Nicolas Sarkozy (la valorisation du
travail).
La mise sur agenda sopre dans un contexte spcifique, comme la modlis John Kingdon (1984). Celui-ci
distingue trois types de flux indpendants qui dterminent lagenda des politiques publiques.
Le premier est celui des problmes (problem stream) auxquels les autorits publiques prtent attention. Pour J.
Kingdon, trois mcanismes principaux conduisent fixer lattention des autorits publiques : des indicateurs
(cest--dire des mesures, statistiques notamment), des vnements marquants et des effets de rtroaction dune
politique (cest--dire des informations, dans le cadre dune valuation en particulier, faisant tat dchecs dune
politique publique).
Le deuxime flux est celui des politiques publiques proprement parler (policy stream). Il correspond
lensemble des solutions daction publique disponibles et qui sont susceptibles dtre adoptes. Cette prise en
compte dpend de critres tels que leur faisabilit technique, leur compatibilit avec les valeurs dominantes et
leur capacit danticipation des contraintes venir.
Enfin, le troisime flux est celui de la politique (political stream). Il est compos de quatre lments principaux :
lopinion publique, les forces politiques organises (les partis politiques en particulier), le pouvoir excutif et la
ngociation collective.
La mise sur agenda sopre au moment de la conjonction de ces trois flux, lorsqu un problme est reconnu,
[qu]une solution est dveloppe et disponible au sein de la communaut des politiques publiques, [qu]un
changement politique en fait le moment adquat pour un changement de politique et [que] les contraintes
potentielles ne sont pas trop fortes . Ce moment singulier est qualifi par J. Kingdon de policy window , traduit
habituellement par lexpression fentre dopportunit politique .
Ainsi ce sont moins les proprits intrinsques dun problme (sa gravit, le nombre de personnes concernes,
son urgence) que sa mise en visibilit par diffrents acteurs ( travers des mouvements sociaux, des mdias, des
experts), les ressources de ceux qui le portent et le relaient, les rponses disponibles en termes daction
publique et son adquation avec des valeurs dominantes dans une socit donne et un moment donn qui
expliquent sa mise sur agenda par des autorits publiques.

La construction des problmes publics
Aucun problme nest intrinsquement public, du fait de proprits spcifiques. Il nexiste pas de seuil objectif,
mesurable (correspondant, par exemple, un chiffre n de personnes touches), partir duquel un problme
devient un sujet de proccupations collectives. Il est par consquent ncessaire danalyser la construction de
problmes en problmes publics, ce qui suppose une rupture avec une conception objectiviste , conduisant
mettre laccent sur le rle clef dacteurs qui effectuent ce travail de construction.
Howard Becker a contribu de manire dcisive au dveloppement de cette perspective constructiviste des
problmes sociaux, partir de lide selon laquelle pour comprendre compltement un problme social, il faut
savoir comment il a t amen tre dfini comme un problme social . Les problmes sont le fruit dun travail
dtiquetage, de labellisation accompli par des acteurs collectifs (que H. Becker qualifie d entrepreneurs
moraux ), dans le cadre dun processus politique.
La mobilisation des acteurs sociaux
Lapport principal du constructivisme est de prendre en compte le rle dacteurs sociaux dans la dfinition des
problmes : sont des problmes collectifs ceux que des individus considrent comme tels. Du plus tragique au
plus anecdotique, tout fait social peut potentiellement devenir un problme social sil est constitu par laction
volontariste de divers oprateurs (presse, mouvements sociaux, partis, lobbies, intellectuels) comme une
situation problmatique devant tre mise en dbat et recevoir des rponses en termes daction publique (budgets,
rglementation, rpression) .
La premire question qui se pose est celle de lidentit des acteurs qui se mobilisent afin de construire un
problme en problme public, puisque sa formulation varie en fonction des acteurs mobiliss, comme le montre
lexemple de la pdophilie. Dans les annes 1970, la mobilisation des associations fministes et des

professionnels au contact des enfants victimes de violences sexuelles conduit faire prendre conscience de
limportance de linceste et la dnonciation publique des violences patriarcales. Elle permet de faire merger les
abus sexuels sur mineurs en tant que problme public au cours des annes 1980. Ce mode de problmatisation
conduit la prdominance dun traitement en termes de protection de lenfance centr sur les soins. Au cours
des annes 1990 intervient la mobilisation des familles de victimes ( la suite de laffaire Dutroux, en particulier).
Celles-ci se focalisent sur la pdophilie (cest--dire les abus sexuels commis en dehors du cadre familial,
numriquement moins importants mais plus visibles et souvent plus dramatiques) et mettent la lutte contre la
rcidive au premier plan. La construction du problme seffectue dsormais en termes de traitement pnal et non
plus en termes de soins.
Le processus de publicisation
Les travaux sinscrivant dans cette perspective ont aussi cherch analyser la faon dont soprait le processus de
publicisation. William Felstiner, Richard Abel et Austin Sarat (1980-1981) ont labor un cadre danalyse
permettant de dcrire lmergence et la transformation des litiges. Ils distinguent trois tapes principales. La
premire correspond au passage dune exprience non perue, au dpart, comme offensante, une exprience
perue comme offensante. Ils qualifient cette premire transformation de naming, qui signifie la prise de
conscience et la dsignation dun problme. La deuxime tape se produit lorsque cette offense est attribue par
une ou par plusieurs personnes un autre individu ou groupe ; elle renvoie la transformation dune exprience
offensante en grief. Cette phase est appele blaming et correspond donc un travail dimputation de
responsabilit. Enfin, la dernire phase se ralise lorsque le grief est exprim auprs du ou des responsables
prsums afin de demander une compensation, une rparation loffense de dpart. Les auteurs qualifient cette
phase de claiming, cest--dire la formulation dune revendication, dune demande auprs dautorits publiques.
Si ce modle ternaire renvoie lmergence et la transformation de litiges, il peut tre aisment adapt la
construction des problmes publics en distinguant les trois phases suivantes :
phase 1 : la formulation du problme en problme public. Autrement dit, la construction intellectuelle dun
problme individuel en problme collectif ;
phase 2 : limputation de responsabilit du problme, cest--dire la dsignation des causes collectives du
problme2
phase 3 : lexpression dune demande auprs dautorits publiques, qui correspond, au sens propre, la
publicisation du problme.
Doc.3 : Rflexions fministes autour du priv et du politique

La dichotomie entre le public et le priv est au centre des crits et des luttes
politiques fministes depuis prs de deux sicles; en dernier ressort, cest lenjeu
principal du mouvement des femmes (Carole Pateman, 1989)

I.
Le priv est politique par Anne-Charlotte Husson
En
ligne
http://cafaitgenre.org/2014/09/01/slogans-1-le-prive-est-politique
(consult le 18 janvier 2016)

On trouve parfois aussi la variante le personnel est politique . Plus quun slogan,
cest l un mot dordre et un principe fondateur du fminisme tel quon lentend
lheure actuelle.
Le slogan vient des Etats-Unis ( The personal is political ) et date de la fin des
annes 1960. Il sinscrit dans lmergence de ce quon a appel la deuxime vague du fminisme, qui se distingue
de la premire vague , centre sur lobtention du droit de vote. A partir des annes 1960-70, le fminisme
connat un renouveau dont lune des caractristiques principales est de pointer la dimension politique de
questions jusqualors considres comme prives do le slogan.
Les fministes (amricaines notamment) mettent en place des groupes de parole, dans lesquels les femmes
peuvent parler de leurs expriences, de leurs relations aux hommes, tmoigner sur le sexisme et les violences
2

Deborah Stone (1989) a tout particulirement mis laccent sur les imputations causales dans la dynamique de construction des problmes
publics. Plusieurs types de causalits (intentionnelle, non voulue, accidentelle, mcanique) peuvent tre mobiliss par des acteurs sociaux
pour sadresser des autorits publiques.

quelles vivent, etc. Ils taient aussi destins permettre aux femmes de prendre conscience de lexistence de la
domination masculine et donc, de sorganiser entre elles. Certaines questionnent lutilit politique de ces
groupes de parole : ne sagit-il pas de problmes personnels, privs, sans rapport direct avec le fonctionnement
de la socit ?
Justement, les fministes de ces annes-l ralisent rapidement que le fait de parler de ces sujets est, en soi,
politique, et que le politique ne sarrte pas aux portes du foyer, du couple, de la famille, des relations intimes. Au
contraire, elles montrent que ces relations sont minemment politiques. Cela permet de rflchir ensemble des
choses que les femmes savaient dj sans les formuler de cette manire : par exemple, au fait que les femmes
accomplissent un travail qui nest pas reconnu ni nomm comme tel, consistant prendre soin du foyer, des
enfants, du mari, souvent en travaillant aussi lextrieur, sans que ce travail domestique ne rapporte ni salaire ni
reconnaissance, puisque cela est considr comme normal.
Autre exemple : les violences au sein du couple. Dans la majorit crasante des cas, elles sont commises par des
hommes sur des femmes. Aujourdhui encore, trop souvent, on considre que cest l un problme strictement
priv, entre un mari et sa femme. Pourtant il existe une dimension systmatique dans ces violences, qui relve, l
aussi, de la domination masculine. On pourrait dire la mme chose de lavortement ou du viol.
La fministe amricaine Carol Hanisch, qui contribue diffuser le slogan, crit en 1969 : Nos problmes
personnels sont des problmes politiques pour lesquels il nexiste aucune solution personnelle. Il ne peut y avoir
quune action collective pour une solution collective .
La prise de conscience que le priv est politique est, en mme temps et de manire fondamentale, une prise de
conscience fministe. On reconnat sa propre exprience dans une multitude de tmoignages et dans une parole
collective, et on reconnat en mme temps, comme lexprime Carol Hanisch, que la seule solution aux problmes
quon rencontre doit tre collective. On ralise aussi que ces problmes ne sont pas une fatalit, et que le fait
quils ont toujours exist ne signifie pas quils doivent exister toujours; on peut y faire quelque chose, sorganiser,
lutter.
Cela a aussi des consquences essentielles quant la faon dont on conoit le militantisme aujourdhui. Dire que
le priv est politique, cest dire que la rflexion part de soi, de la parole des individus, de leur vcu. Do
limportance souvent (pas toujours) accorde par les fministes la parole des personnes qui sont les premires
concernes par une oppression.

Pour aller plus loin
Carol Hanisch, Problmes actuels : veil de la conscience fminine. Le personnel est aussi politique, Partisans,
n 54-55, Libration des femmes, anne zro , juillet-octobre 1970. Disponible en ligne en anglais :
http://www.carolhanisch.org/CHwritings/PIP.html
Franoise Picq, Le personnel est politique. Fminisme et for intrieur , dans C.U.R.A.P.P, Le For intrieur,
P.U.F,
1995.
En
ligne :
https://www.u-picardie.fr/curapprevues/root/35/francoise_picq.pdf_4a081f5cb27e9/francoise_picq.pdf

Doc.4 : Trouble dans les tudes de genre . Tribune de Sam Bourcier, Sociologue, Universit de Lille III,
parue dans Libration, le 15 janvier 2017.
En ligne : http://www.liberation.fr/debats/2017/01/15/trouble-dans-les-etudes-de-genre_1541586

Coupes des subventions, rsistances sortir du carcan de la diffrence sexuelle, difficults se saisir de
lintersectionnalit La discipline doit retrouver sa puissance politique critique.

Aprs la dcision de Valrie Pcresse de ne plus subventionner les tudes de genre au niveau de la rgion Ile-deFrance (Libration du 15 dcembre), ce champ de recherche tente de sauver sa peau et avance pour sa dfense
des arguments qui mritent discussion. Tout dabord, cette intox persistante et contre-productive qui consiste
dire que la thorie du genre nexiste pas en rponse aux accusations du pape, de la Manif pour tous et des
antigenres qui ont lu John Money dans le texte. Ensuite, le fait de dire que les tudes de genre cherchent somme
toute des amnagements raisonnables avec la diffrence sexuelle, source dingalits, en faisant la chasse aux
strotypes. Il ne sagirait donc pas den finir avec cette fiction fondatrice, eurocentrique et coloniale de notre
modernit lorigine des ingalits en question que sont la diffrence sexuelle et ses dualismes.
Il existe une grande diversit de thories du genre, de Money et Stoller dans les annes 50 De Lauretis et Butler
dans les annes 90, en passant par les fministes des annes 70 et les trans studies.

Lapport dcisif des fministes a t dintroduire la notion de pouvoir dans les relations entre les sexes et les
genres, et donc de politiser laffaire. Idologie ! stranglent les antigenres. Ben oui. So what ? On se demande
bien pourquoi les universitaires qui se revendiquent des tudes de genre senfoncent dans le dni.
La dmarche critique et politique est lessence mme des tudes de genre si elles ont lambition dtre et de
rester fministes. On peut faire sans. Cela ne veut pas dire que lon nest pas politique pour autant. Car lautre
apport majeur des fministes a t de dconstruire les genres et la production des savoirs, et donc la pseudoneutralit politique desdites sciences humaines. Voire de quitter cette vision disciplinaire du savoir en optant
pour les tudes culturelles.
Le problme est que les tudes de genre la franaise, trs prfoucaldiennes en cela, ne trouvent rien de mieux
pour dfendre leur institutionnalisation tardive que dafficher leurs qualits scientifiques bien dures, de se
prvaloir de leur champ, dun empirisme et dune objectivit toute preuve.
Quant la diffrence sexuelle, cest le sparadrap du capitaine Haddock du fminisme. Comment et jusquo sen
dcoller ? Trs tt, il y a eu des fministes pour dire quil fallait labolir. Il est en tout cas faux de dire que les
tudes de genre ne visent quune amlioration de la vie des hommes et des femmes dans le cadre de la
diffrence sexuelle et dagiter au passage le hochet des politiques (trs autorises celles-ci) de lgalit. Dautant
que a ne marche pas. Sauf que les tudes de genre, cest aussi pour beaucoup autre chose que cet agenda
rformiste libral et nolibral. Quil sagit clairement de gender fucking (niquer, dconstruire, dmultiplier les
genres), de dfoncer cette fiction de la diffrence sexuelle pour de bon, ce qui nest pas incompatible avec plus de
justice et dgalit, bien au contraire.
Non, les tudes de genre ne sont pas au service dun monde o nexisteraient que deux sexes-deux genres. Oui,
les gender studies, comme le martelaient Butler et De Lauretis la fin des annes 90, doivent sortir du carcan de
la diffrence sexuelle. Dautant que ce cadre est aussi celui des femmes fministes blanches cisgenres. Non, les
tudes de genre ne sont pas la matrice de lintersectionnalit, et la faon dont le concept est retourn en France,
y compris luniversit contre les personnes racises, le prouve assez. Comme le prouve aussi la revendication
pour le maintien des tudes de genre telle quelle a t formule pour linstant.
Pourquoi ne pas soffusquer du fait quil nexiste pas en France de financements pour des tudes arabes, des
tudes sur la race et lethnicit, des tudes dcoloniales ? Dautant que les tudes sur les discriminations, lautre
partie du domaine dintrt majeur (DIM) qui vient dtre sucr par la rgion Ile-de-France, vont se voir
remplaces par des recherches subventionnes sur la radicalisation et lislamisation.
Du Pcresse ? Du Fillon ? Les universits viennent de se doter de responsables de la lacit. Des postes
denseignants-chercheurs flchs radicalisation-islamisation ont t ouverts par le ministre de la Recherche et
de lEnseignement suprieur. Et personne ne bronche. Elle est o lintersectionnalit ?
Imaginons un seul instant que les tudes de genre disparaissent et soient remplaces par des tudes
masculinistes sur les femmes ou sur les discriminations dont elles font lobjet ? Imaginons que les tudes trans
naient pas voix au chapitre et se voient remplaces par les recherches empiriques bien straight menes dans le
cadre des tudes de genre sur les populations trans post-op ? Cest le cas en France actuellement. Serait-ce que
parce que nos tudes de genre la franaise restent in fine englues dans la diffrence sexuelle ?
Rduire la porte critique et politique des tudes de genre nest pas anodin. Cela doit nous interroger un
moment crucial o elles se font avaler par les politiques de gender mainstreaming et de management de la
diversit qui font partie de la gouvernementalit nolibrale. Cest lune des raisons principales de leur succs
et des subsides quelles attirent avec contrle des recherches la cl. Noublions pas que le genre est aussi un
outil biopolitique puissant. Quil est possible de smouvoir de la vulnrabilit des tudes de genre la franaise
o lesdites tudes peuvent se mener sans ou sur les personnes concernes, ou contraintes mthodologiquement.
Rapproprions-nous donc la puissance critique et lobjectif de transformation conomique et social des tudes de
genres avec un S. Et laissons la diffrence sexuelle dont la France est le muse ses gardiens et ses
bnficiaires, qui ne comptent pas que les cathos et des antigenres dans leurs rangs. Trs, trs loin de l. Nest-ce
pas la gauche ?

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