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Impacts des changements climatiques

Sophie Laval-Szopa, Nathalie de Noblet Ducoudré, Laurent Bopp, Rémy


Slama, Cécile Tran Kiem

To cite this version:


Sophie Laval-Szopa, Nathalie de Noblet Ducoudré, Laurent Bopp, Rémy Slama, Cécile Tran Kiem.
Impacts des changements climatiques. Enjeux de la transition écologique, EDP Sciences, 23p, 2021,
978-2-7598-2662-9. �hal-03479323�

HAL Id: hal-03479323


https://universite-paris-saclay.hal.science/hal-03479323v1
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Chapitre 8

Impacts des changements


climatiques

Depuis la fin du siècle dernier, le réchauffement climatique se manifeste non


seulement par l’élévation de température moyenne, mais aussi par des sécheresses
chroniques ou à répétition, des précipitations d’ampleur accrue, et des tempêtes de
plus en plus dévastatrices. Ce chapitre présente des exemples de telles manifes-
tations en France et dans différentes régions du monde, ainsi que leurs évolutions
prévisibles pour les années à venir. Il décrit aussi de façon plus précise les impacts
du changement climatique sur les cultures et la végétation, sur les océans et les
écosystèmes marins et sur la santé humaine. Comme nous le verrons, peut-être
une menace forte et étendue porte-t-elle dès à présent sur les espèces marines
en raison de l’acidification et de la désoxygénation des océans. Nous verrons aussi
que l’élévation de température se traduit par un risque accru de mortalité pour les
populations humaines. En Europe, les populations vivant dans les régions du sud sont
les plus menacées. Le changement climatique est aussi susceptible d’augmenter
l’incidence des maladies à transmission vectorielle dans des zones aujourd’hui
tempérées.

8.1. M
 anifestations du changement climatique
en France et ailleurs dans le monde – S. Szopa
Selon le rapport spécial du GIEC sur les conséquences d'un réchauffement à
1,5° C, la température moyenne à la surface du globe a augmenté d'environ 1° C en
France depuis 1850. En France, Météo France rapporte une hausse de la température
moyenne observée de 1,7 °C depuis 1900. La décennie 2010-2019 a été plus chaude de
0,19 °C que la décennie 2000-2009, elle-même plus chaude de 0,47 °C que la décennie
1951-1990 (Fig. 8.1). La température moyenne s’est ainsi élevée de 0,66 °C entre 1951
et 2019. Les cinq dernières années sont les plus chaudes jamais observées depuis
1850 et, avec un écart de +2,3 °C par rapport à la moyenne 1951-1990, l’année 2020 a
été en France métropolitaine l’année la plus chaude depuis 1900.
222 Enjeux de la transition écologique

Figure 8.1: Anomalie de température : différence entre la moyenne de température de la décennie


2000-2009 et la moyenne de température de la décennie 1951-1990. Notons qu’il est nécessaire de
moyenner sur au moins dix ans de données météorologiques pour pouvoir étudier les variations de
climats. Source : Météo France 68.

Cette élévation de température s’accompagne d’effets sur les précipitations, les


vagues de chaleur, l’enneigement, les sécheresses, et augmente la fréquence des
événements extrêmes.

Les précipitations ont évolué différemment d’une région à l’autre. Ainsi, sur
la période 1959-2009, on constate généralement une hausse des précipitations
annuelles dans la moitié nord et une baisse dans la moitié sud. Une tendance à plus
de pluie au printemps et en automne sur toute la France et une baisse des cumuls
sur les régions proches de la Méditerranée malgré une intensification des pluies
extrêmes dans les régions méditerranéennes françaises.

Le pourtour méditerranéen fait partie des régions particulièrement vulnérables


au changement climatique en raison de sa topographie particulière (mer fermée
bordée de reliefs et au nord d’immenses déserts). Typiques de ce climat méditerra-
néen, les fortes précipitations automnales, liées à des orages d’automne induits par
une mer encore chaude et une atmosphère plus froide, et pouvant être à l’origine de
crues éclairs, se sont fait plus nombreuses et plus intenses ces dernières années
comme l’indique la figure 8.2.

68. 
https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/ONERC_Brochure_impacts_en_France_PDF_
WEB.pdf
Impacts des changements climatiques 223

Figure 8.2 : Intensité des événements pluvieux extrêmes méditerranéens de 1961 à 2017 par rapport à
une moyenne sur une période de référence de 1961 à 1990 69.

Depuis le milieu du XXe siècle, on observe aussi des évolutions de la fréquence


et de l’intensité des événements extrêmes. Ainsi, on assiste à une augmentation
du nombre de journées chaudes pour lesquelles les températures maximales sont
supérieures à 25 °C. Les vagues de chaleur sont devenues plus fréquentes et plus
intenses, par exemple, en 2019, les vagues de chaleur exceptionnelles ont provoqué
des températures inédites de 46 °C dans le sud de la France. L’évaporation des
sols s’accentue, induisant des sécheresses plus fréquentes et plus intenses. Le
nombre de jours de gel diminue et la durée de la période d’enneigement en moyenne
montagne diminue également. En revanche, aucune tendance marquée ne se dégage
sur l’évolution des tempêtes.

En France, l’ONERC (Observatoire National sur les effets du réchauffement clima-


tique) suit une trentaine d’indicateurs mesurables et témoignant des effets du
changement climatique pour en documenter la progression et adapter les politiques
d’adaptation 70.

À l’avenir, on s’attend à un renforcement de ces manifestations, comme l'illustre la


figure 8.3, avec également une augmentation des risques dont ­l’occurrence est liée,
en tout ou partie, aux paramètres climatiques comme les feux de forêt ou les inonda-
tions. Au-delà de 2050, l’intensification ou non de ces effets dépend, pour beaucoup

69. b) https://www.ecologie.gouv.fr/impacts-du-changement-climatique-atmosphere-­temperatures-et-


precipitations
70. a) https://meteofrance.com/changement-climatique/observer/le-changement-climatique-en-france
b) https://www.ecologie.gouv.fr/impacts-du-changement-climatique-atmosphere-­temperatures-et-
precipitations
c) https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/ONERC_Brochure_impacts_en_France_PDF_
WEB.pdf
224 Enjeux de la transition écologique

d’entre eux, des politiques mondiales d’atténuation des émissions de gaz à effet de
serre mises en place dans les décennies à venir. C’est moins le cas pour les risques
liés à la montée des eaux océaniques, car cette variable répond de manière décalée
dans le temps aux perturbations climatiques.

On note également que les territoires d’outre-mer vont, de par leur situation
géographique, être affectés par des risques différents de ceux de la métropole. Pour
les territoires situés dans les régions tropicales et régulièrement frappés par des
cyclones tropicaux, aucune tendance certaine ne s’est dégagée quant à une augmen-
tation de leur nombre au cours des dernières décennies (ONERC basé sur GIEC, 2014).
En revanche, il est quasiment certain que l’intensité et la fréquence des cyclones
les plus forts ont augmenté depuis 1970 dans le bassin Atlantique Nord, dans lequel
se situent les Antilles. Pour ce qui concerne l’avenir, il subsiste encore de grandes
incertitudes sur l’évolution à attendre des cyclones tropicaux, même pour les scéna-
rios avec les plus fortes concentrations de gaz à effet de serre. Il est probable que
d’ici la fin du XXIe siècle, le nombre de cyclones soit diminuera, soit ne changera pas,
tandis que la force maximum des vents et les quantités de pluie associées devraient
augmenter. Autrement dit, les cyclones risquent d’être plus dangereux (GIEC, 2014).

Figure 8.3 : Carte des impacts liés au changement climatique déjà visibles et à venir en 2050. Source :
Météo France 71.

71. 
https://www.ecologie.gouv.fr/observatoire-national-sur-effets-du-rechauffement-climatique-
onerc
Impacts des changements climatiques 225

Nous venons de voir très brièvement les effets du changement climatique en


France, mais qu’en est-il ailleurs dans le monde ? Tout d’abord, il faut noter que le
réchauffement se manifeste de manière hétérogène. Il est notamment plus fort
au-dessus des continents et aux pôles (Fig. 8.4).

Figure 8.4 : Projection des changements de température moyenne (en haut) et de précipitations
moyennes (en bas) pour un réchauffement moyen planétaire de 1,5 °C (à gauche) et 2 °C (au milieu)
en prenant pour référence la période préindustrielle (1861-1880). Les zones hachurées représentent
les zones où plus de deux tiers des modèles (au moins 18 sur 26) s’accordent sur le signe du change-
ment et sont donc les zones où les résultats sont considérés comme robustes. Source : SR1.5 IPCC,
Chapitre 3 72.

Les changements de précipitations vont également être hétérogènes avec des


renforcements des précipitations sur les régions recevant déjà à l’heure actuelle
beaucoup de précipitations, comme le nord de l’Europe ou certaines régions tropi-
cales humides, et un renforcement de l’aridité dans des zones déjà sèches telles
l’Afrique et le sud de l’Europe.

Certaines zones vont subir des changements plus importants que d’autres.
C’est le cas des zones littorales ou des zones plates et de basse altitude, en Asie
notamment, qui vont être particulièrement impactées par l’élévation du niveau marin
favorisant des inondations. Or, plus de 50 % de la population mondiale vit à moins de
100 km des côtes. Les îles sont aussi, à l’évidence, fortement menacées par la montée
des eaux avec, d’ores et déjà, des migrations liées à cette montée des eaux 73.

La fonte des glaciers menace également l’approvisionnement en eau potable de


régions entières. C’est, en particulier, le cas de la région himalayenne où la neige
et l’eau des glaciers sont la source principale d’eau des rivières asiatiques dont
dépendent plus d’un milliard d’individus en Inde, en Chine et au Pakistan.

72. 
https://www.ipcc.ch/sr15/chapter/chapter-3/
73. 
http://storymaps.esri.com/stories/2017/climate-migrants/index.html
226 Enjeux de la transition écologique

8.2. Comment le climat impacte-t-il


les écosystèmes terrestres ?
– N. de Noblet-Ducoudré
Nous avons vu précédemment comment l’Homme peut perturber le climat
en perturbant les écosystèmes, à travers les usages qu’il fait des terres (voir
section 7.4). Nous allons voir maintenant comment le changement climatique affecte
les écosystèmes, et réfléchir aux conséquences que ces impacts peuvent avoir,
en retour, sur le climat.

On a tendance à résumer le changement climatique au réchauffement global,


mais ce n’est pas la variation progressive de la température moyenne annuelle qui va
affecter la croissance des plantes. Les plantes et les êtres vivants dans leur ensemble
sont sensibles aux variations saisonnières et diurnes de température, à la disponibi-
lité en eau, aux événements extrêmes comme les canicules ou les inondations.

Examinons deux variables climatiques, la température et les pluies, et regardons


comment leur évolution impacte les écosystèmes.

8.2.1. Les changements de température


• Le développement des espèces végétales est piloté par la température.
L’apparition des nouvelles feuilles ou des fleurs, par exemple, dépend des
­
conditions thermiques des semaines et des mois qui précèdent.

Il y a quatre aspects du changement climatique qui sont importants pour les


plantes : les hivers plus doux, les printemps et automnes plus chauds, les tempéra-
tures extrêmes en été qui sont parfois trop chaudes (Fig. 8.5).

• Le réchauffement climatique, avec ses hivers plus doux et ses printemps plus
chauds, a avancé la reprise d’activité des êtres vivants au printemps. Dans
nos jardins, nous voyons les bourgeons sortir plus tôt qu’il y a dix ans par
exemple, et les plantes fleurir plus tôt. Dans le monde agricole, les activités
démarrent plus tôt : le maïs, par exemple, était semé mi-mai dans les années
1970, alors qu’on le sème mi-avril aujourd’hui, voire plus tôt.

Mais les hivers trop doux peuvent aussi avoir des effets néfastes. Certaines
plantes ont besoin d’un certain nombre de jours de froid pendant l’hiver, c’est ce
qu’on appelle la dormance qui correspond à un état d’inactivité physiologique qui
permet à ces plantes de survivre à l’hiver sous nos latitudes. Un manque de froid
hivernal peut provoquer un retard dans la reprise d’activité de la végétation. C’est
ce que l’on voit déjà pour certains arbres fruitiers, par exemple, les pommiers dans
certaines régions de France où la levée de dormance se fait aujourd’hui ~15 jours
plus tard qu’en 1960.
Impacts des changements climatiques 227

Figure 8.5 : Influence du réchauffement climatique sur la végétation (Source : Nathalie de Noblet-­
Ducoudré). Verdissement de la planète (Source : Boston University / Ranga Myneni).

• À l’automne, le réchauffement a tendance à retarder le départ des oiseaux


migrateurs et la fin de l’activité végétale. C’est, entre autres, pour cela que
l’on parle du verdissement de la planète ! La durée de la saison de croissance
de la végétation naturelle augmente. Elle augmente d’autant plus que l’on se
trouve dans des régions froides, dans les zones boréales ou en altitude. Dans
ces zones, le froid limite de moins en moins la croissance de la végétation. Il
existe même des régions où les forêts se mettent à pousser naturellement
alors que les arbres avaient autrefois du mal à survivre.

• Par contre, si l’on s’intéresse à l’agriculture, au lieu de s’allonger, le cycle


cultural est plus court aujourd’hui que dans le passé. Une culture a besoin
d’une certaine quantité de chaleur pour effectuer son cycle de vie complet.
Quand le climat se réchauffe, ce cycle s’accomplit plus vite… la culture mûrit
plus vite.

• C’est ce qui explique pourquoi la date des vendanges est de plus en plus
précoce. Une vigne, qui se récoltait pendant la 2e quinzaine de septembre en
1960, se récolte aujourd’hui au mois d’août !

Nous pourrions parler plus en détail des effets de la température sur les végé-
taux mais cela serait trop long. Ce qu’il nous faut retenir ici :

• il y a un contraste entre la végétation naturelle, dont les cycles de croissance


s’allongent, et l'agriculture dont les cycles raccourcissent (Fig. 8.6) ;

• il peut y avoir contradiction entre une levée de dormance plus tardive à cause
des hivers doux, et une floraison plus précoce à cause de printemps plus
chauds.
228 Enjeux de la transition écologique

Figure 8.6: Évolution des cycles saisonniers avec le changement climatique. Source : Nathalie de
Noblet-Ducoudré.

• Et enfin, les étés chauds sont plus fréquents et plus extrêmes. Or, les plantes
comme les animaux, comme nous, peuvent souffrir de températures trop
chaudes qui peuvent conduire au flétrissement pour la végétation et à des
pertes de rendement très importantes en agriculture.

8.2.2. Les changements de précipitation


Il y a deux aspects importants du changement climatique concernant les précipi-
tations (Fig. 8.7) :

• les cycles saisonniers sont souvent plus contrastés avec, en France par
exemple, des hivers plus pluvieux et des étés plus secs. La sécheresse esti-
vale est un problème pour la croissance des plantes ;

• les événements pluvieux sont plus intenses. Une pluie trop intense peut fragi-
liser les plantes par un impact trop fort ou conduire à des inondations qui
risquent de faire pourrir les jeunes pousses.

Dans les régions où les précipitations ne changent pas beaucoup, le sol s’assèche
car l’évapotranspiration augmente en réponse au réchauffement climatique. Cela
peut être problématique pour la croissance des plantes si les sols contiennent moins
d’eau.

En conclusion, comme nous l’avons montré rapidement, le climat affecte le déve-


loppement de la végétation en perturbant notamment son calendrier.
Impacts des changements climatiques 229

Figure 8.7 : Évolution attendue des précipitations dans la France métropolitaine pour les 4 saisons,
selon le scénario climatique le plus pessimiste (RCP8.5). Des hivers un peu plus humides (DJF :
décembre, janvier, février), surtout dans le nord. Des étés beaucoup plus secs (JJA : juin, juillet, août),
surtout dans le sud. Des changements un peu moins prononcés au printemps (MAM : mars, avril, mai) et
en automne (SON : septembre, octobre, novembre). Source : [1].

Dans la section 7.4 de cet ouvrage, nous avions montré que la végétation impac-
tait le climat, dû au fait qu’elle échangeait, entre autres, du CO2 et de la vapeur
d’eau avec l’atmosphère. Ici, nous montrons que, si la végétation joue un rôle impor-
tant sur le climat, celui-ci perturbe significativement, en retour, son évolution
suivant les saisons. Par exemple, dans les régions plutôt froides en zone boréale, si
le réchauffement climatique conduit au développement des arbres, alors ces arbres
vont amplifier le réchauffement initial. À la fin, le climat de ces régions sera différent
sous l’effet combiné des émissions de gaz à effet de serre ET de la réponse de la
végétation.

8.3. A
 cidification des océans et impacts
sur les écosystèmes marins – L. Bopp
L’océan a un rôle clé dans le système climatique (voir section 7.1.1). Ce rôle est
particulièrement important dans le cas du changement climatique anthropique –
et ceci pour deux raisons majeures. L’océan absorbe la très grande majorité de
230 Enjeux de la transition écologique

l’énergie en excès dans le système climatique, énergie qui est engendrée par l’aug-
mentation des gaz à effet de serre. Mais l’océan absorbe aussi une part impor-
tante de nos émissions de carbone. En absorbant chaleur et carbone, l’océan
nous fait gagner du temps et nous évite une catastrophe climatique encore plus
grande.

8.3.1. A
 ugmentation de la concentration de l’atmosphère
en CO2 et acidification des océans
Pour rappel, la concentration de CO2 dans l’atmosphère a augmenté de près
de 50 % depuis la révolution industrielle en raison des émissions produites par les
activités humaines. Chaque année, l’océan absorbe près de 25 % de ces émissions
anthropiques, ralentissant ainsi la vitesse à laquelle le CO2 augmente dans l’atmos-
phère et perturbe le climat. Mais cette absorption n’est pas sans conséquence.
On peut même dire que c’est une bien mauvaise nouvelle pour de nombreux
organismes marins, car l’absorption de CO2 est responsable de l’acidification de
l’océan.

Une fois dissous dans l’eau de mer, le CO2 forme un acide faible, l’acide carbo-
nique de formule H2CO3, qui va pouvoir se dissocier en libérant des protons (H+). En
conséquence, plus l’océan absorbe de CO2, plus la concentration de H+ augmente.
C’est exactement ce que l’on mesure avec le pH (ou potentiel hydrogène) – attention
quand le pH baisse, vous avez de l’eau de plus en plus acide et qui contient de plus en
plus d’ions H+. Attention également, l’échelle de pH est une échelle logarithmique – à
une baisse d’une unité pH correspond une multiplication par 10 des concentrations
d’ions H+ dans le milieu étudié.

La figure 8.8 met clairement en évidence la corrélation entre la diminution du pH


mesuré dans l’océan Pacifique à la station marine ALOHA d’Hawaï (courbes du bas
sur la figure) et l’augmentation de la pression partielle de CO2 mesurée à la fois dans
l’eau de surface (courbe du haut reliant les points bleus) et dans l’air humide environ-
nant (courbe du haut reliant les points rouges). Les mesures du pH (courbes reliant
les points verts) ont été effectuées à trois profondeurs et comparées à des valeurs
calculées à partir du taux d’alcalinité de l’eau et de la quantité dissoute de CO2 d’ori-
gine inorganique (courbes reliant les points ocres). La diminution du pH est bien
vérifiée pour les mesures dans les eaux de surface et celles effectuées en moyenne
profondeur. Le pH des eaux vers 1000 m de profondeur est relativement stable, mais
l’acidité y est plus forte. De telles mesures ont démarré à la fin des années 1980 et
se poursuivent régulièrement dans différentes stations de l’océan Pacifique et de
l’océan Atlantique. Nous avons donc plus de 30 ans de recul sur l’évolution du pH,
et le même signal se dégage dans l’Atlantique comme dans le Pacifique : le pH baisse !
C’est le signal de l’acidification de l’océan.
Impacts des changements climatiques 231

Figure 8.8 : Corrélation entre la diminution du pH de l’océan (en surface et moyenne profondeur)
et l’augmentation de la pression partielle de CO2 mesurée dans l’eau de surface et dans l’air humide
environnant. Études et mesures effectuées à la station d’ALOHA d’Hawaï. Source : Figure 1 de la
­référence [2].

Comme on peut s’en douter, si nous continuons à émettre du CO2 au cours des
prochaines années, l’acidification de l’océan se poursuivra. C’est ce que confirment
les modèles climatiques, quel que soit le scénario d’émission de CO2, que l’on ne
fasse rien pour réduire cette émission (« business as usual ») ou que l’on parvienne à
faire baisser ces émissions d’ici la fin du XXIe siècle.
232 Enjeux de la transition écologique

À partir de 2050, cependant, les deux scénarios divergent pour aboutir à deux
situations très contrastées en fin de siècle. Dans le cas où les émissions de CO2
continuent à croître, la température de surface augmente de plusieurs degrés et
le pH baisse de 0,4 unité pH en 2100. C’est une modification très importante de la
chimie de l’eau de mer, qui correspond à une augmentation de la concentration des
ions H+ de 100 à 150 % à la fin du XXIe siècle. Les conséquences pour la vie marine
pourraient être dramatiques. Dans le cas où nous maîtrisons nos émissions de
carbone, la baisse du pH est bien moindre. Nous limitons non seulement le change-
ment climatique et le réchauffement de notre planète, mais aussi l’acidification de
l’océan.

8.3.2. C
 onséquences de l’acidification
sur les organismes marins
Alors, pourquoi devons-nous nous inquiéter de cette acidification ? Les orga-
nismes marins les plus menacés sont, sans doute, les espèces calcifiantes, celles qui
fabriquent des squelettes, des tests ou des coquilles en calcaire ou carbonate de
calcium.

La figure 8.9 représente ainsi des exemples d’organismes menacés tels que les
coraux tropicaux d’eaux chaudes, les coraux profonds d’eaux froides, les oursins, les
bivalves qui incluent notamment les espèces utiles à l’homme comme les moules ou
les huîtres, des organismes microscopiques, comme des foraminifères ou des algues
également microscopiques au nom barbare de coccolithophoridés.

Figure 8.9 : Organismes marins calcifiant. Sources : @Istock (coraux tropicaux, ascidies,coccolithopho-
ridés). Wikimedia Commons (foraminifères, bivalves, oursins).
Impacts des changements climatiques 233

Même si cela peut paraître contre-intuitif, plus l’océan contient de carbone, plus
il est difficile pour ces organismes de se calcifier, c’est-à-dire plus il est difficile de
synthétiser leurs coquilles ou leurs squelettes. Le paradoxe est que la calcification
consiste justement à précipiter un ion calcium avec un ion carbonate qui contient du
carbone.

En fait, quand le CO2 en excès se dissout dans l’eau de mer, il réagit avec de l’eau
et des ions carbonates pour donner des ions hydrogénocarbonates HCO3-. Plus
l’océan absorbe de CO2, plus la concentration d’ions carbonates diminue. Il y a donc
de moins en moins d’ions carbonate disponibles pour la calcification. Cette diminu-
tion des ions carbonates est une autre manifestation de ce que l’on appelle l’acidifi-
cation de l’océan.

Beaucoup d’études scientifiques, menées sur des organismes marins différents,


ont montré les impacts de l’acidification sur le comportement, la reproduction, et
la survie de ces organismes. Beaucoup de scientifiques étudient, par exemple, la
réponse des espèces coralliennes. Nous soulignerons ici l’importance d’un autre
type d’organisme calcifiant : le ptéropode qui est un petit escargot de mer dont la
coquille fait quelques millimètres seulement, et qui est à la base de nombreuses
chaînes alimentaires dans les océans polaires de l’hémisphère nord et de l’hémis-
phère sud.

Le comportement d’un ptéropode dans de l’eau « normale » est, en effet, fonda-


mentalement différent de celui dans une eau acidifiée, qui correspondrait à la
situation à la fin du XXIe siècle dans le cas d’un scénario où les émissions de CO2
ne cessent d’augmenter. Dans l’eau acidifiée, les mouvements du ptéropode sont
difficiles et la coquille montre des signes de dissolution en raison de l’acidification.
Cet état « végétatif » des ptéropodes dans un océan de plus en plus acide est donc
aujourd’hui particulièrement alarmante sur l’évolution potentielle des écosystèmes
marins associés à cette espèce.

8.3.3. Autres causes de dégradation des océans


Pour continuer avec les mauvaises nouvelles, il nous faut imaginer que l’acidifi-
cation de l’océan n’est pas la seule menace qui pèse sur les écosystèmes marins. Au
réchauffement de l’eau de mer que nous avons déjà mentionné et qui modifie l’aire
de répartition de nombreuses espèces marines, il faut aussi ajouter un autre phéno-
mène qui est celui de la désoxygénation de l’océan (Fig. 8.10). En effet, avec le chan-
gement climatique, l’océan perd de l’oxygène, parce qu’il est plus chaud et que le gaz
O2 est moins soluble dans l’eau chaude. Cette désoxygénation peut aussi impacter
de nombreuses espèces, en particulier, celles qui ont besoin d’oxygène pour la
respiration.
234 Enjeux de la transition écologique

Figure 8.10 : Zones océaniques déficitaires en oxygène (moins de 2 mg/l), identifiées près des côtes
(points rouges) ou en plein océan (points bleus). Source : GO2NE working group. Data from World Ocean
Atlas 2013 and provided by R.J. Diaz.

Enfin, pour compléter le tableau des menaces qui pèsent sur les écosystèmes
marins, il faut aussi tenir compte de pollutions, comme la pollution plastique, ou de la
surpêche qui a déjà conduit à la disparition d’espèces marines dans certaines zones
océaniques (voir section 5.3.1).

8.3.4. D
 es solutions pour lutter contre l’acidification
des océans ?
Quelles solutions faut-il adopter, en particulier, pour lutter contre l’acidification
des océans ? Certaines solutions pourraient être qualifiées de pis-aller ou même de
fuite en avant ! Des industriels ostréicoles de la côte Ouest des États-Unis, face à la
baisse des rendements en lien, semble-t-il, avec l’acidification des eaux, se sont ainsi
déplacés dans d’autres régions du monde, comme à Hawaii, où l’acidité naturelle de
l’eau de mer est moins élevée.

D’autres solutions s’identifient plus à des mesures d’adaptation comme le fait


d’aider ces mêmes industriels à mieux anticiper les variations naturelles d’acidité de
l’eau de mer, pour leur éviter d’exposer les larves de bivalves à des eaux plus acides.

De façon plus radicale, il a été imaginé de corriger de façon artificielle l’augmen-


tation de l’acidité de l’eau de mer en ajoutant à l’eau des composés alcalins, comme
ce qui se pratique dans une piscine pour corriger le pH. Cette solution peut sembler
réaliste à une toute petite échelle, mais à l’échelle de l’océan mondial, les quantités
d’additifs nécessaires seraient juste astronomiques…

Bien évidemment, la seule vraie solution à grande échelle consiste à limiter, puis
réduire fortement nos émissions de CO2, ce qui permettrait d’atténuer à la fois le
changement climatique et l’acidification de l’eau de mer.
Impacts des changements climatiques 235

8.4. I mpacts des changements climatiques


sur la santé humaine – R. Slama et C. Tran Kiem

8.4.1. Température et santé humaine – R. Slama


La température a une influence claire et démontrée sur la santé humaine. Les
connaissances épidémiologiques mettent en évidence une relation en « U » entre la
température et la mortalité toutes causes confondues, telle que représentée sur la
figure 8.11. Autrement dit, on observe un accroissement de la mortalité aussi bien aux
températures élevées qu’aux températures les plus basses et, entre ces tempéra-
tures extrêmes, une « zone de confort » où la mortalité est minimale.

Cette situation est résumée sur la figure 8.11 qui provient d'une méthodologie que
les épidémiologistes et les statisticiens appellent l’approche des séries temporelles.
Elle consiste à mettre en relation les températures pendant une ou plusieurs jour-
nées successives dans une ville donnée avec la mortalité dans la même ville le jour
même, le lendemain et dans les quelques jours qui suivent, en corrigeant éventuel-
lement l’effet de facteurs dits de confusion. Ce sont donc uniquement des effets à
court terme de la température que l’on peut ainsi mettre en évidence.

Figure 8.11 : Courbe typique en « U » d’évolution de la mortalité toutes causes confondues en fonction
de la température journalière. Source : D’après les résultats de [3].
236 Enjeux de la transition écologique

Il pourrait être tentant de chercher à comparer globalement la mortalité entre


deux villes aux climats différents. En fait, cette comparaison serait assez difficile à
faire, puisque les deux villes sont susceptibles de différer l’une de l’autre sur un grand
nombre de facteurs pouvant influencer la santé. On serait en peine de déterminer la
part effective de la température dans la différence de mortalité observée entre les
deux villes. On écarte, au contraire, un grand nombre de biais avec l’approche « intra-
ville » des séries temporelles, qui permet d’estimer plus aisément la relation à court
terme entre température et mortalité. Cette approche prend, de plus, en compte un
certain nombre de facteurs tels que les grandes tendances mensuelles ou annuelles
dans la mortalité ainsi que la présence éventuelle d’épidémies, qui sont autant de
« facteurs de confusion » potentiels.

Promenons-nous sur la planète et comparons les relations température-morta-


lité obtenues pour différentes villes (Fig. 8.12). On constate que la relation observée à
Londres est très différente de celle observée à Stockholm.

Figure 8.12 : Relations température-mortalité pour différentes villes d’Europe. Source : European
­Environment Agency (EEA), 2019. Voir aussi [4].
Impacts des changements climatiques 237

En Suède, la mortalité augmente aux températures élevées, comme on s’y attend,


mais la mortalité varie peu dans une gamme étendue de basses températures. Ces
différences méritent qu’on s’y attarde pour essayer de les expliquer : une hypothèse
est que les Suédois sont habitués à ces basses températures, et donc en souffrent
moins que les habitants de Londres ou Madrid. Comment une telle adaptation pour-
rait s’expliquer ? Probablement pas par des raisons génétiques, mais plutôt par des
raisons sociétales liées au mode de vie (qualité de l’habitat, travail et temps passé
en plein air…). Même si les températures s’abaissent fortement, ce fait est courant
chez eux et leurs villes et modes de vie y sont adaptés. Les situations sont autres
dans des villes comme Rome et Madrid. Dans une ville comme Madrid, la gamme de
températures, où la mortalité est minimale, est relativement étendue, sans doute
parce que les Madrilènes sont à la fois habitués à des étés très chauds et des hivers
très froids.

Nous nous sommes déplacés d’une ville à l’autre. Restons maintenant dans un lieu
donné et voyons s’il est possible de relier l’augmentation de mortalité aux tempéra-
tures élevées à une classe d’âge particulière ou à telle ou telle pathologie. Les travaux
d’Antonio Gasparrini et ses collègues [5] montrent que si la mortalité est plus élevée,
bien sûr, chez les personnes âgées que chez les personnes jeunes, l’augmentation
de la mortalité aux températures élevées est observée parmi toutes les classes
d’âge : la multiplication du risque de décès aux températures élevées est similaire
aux différents âges de la vie. Ainsi, le problème n’est pas limité aux personnes âgées.

Quand on considère maintenant, de manière séparée, différentes pathologies


ou causes de décès, on constate que le risque de décès est accru aussi bien pour
les personnes souffrant de problèmes cardio-vasculaires que pour celles souffrant
de problèmes respiratoires. Le risque de décès est également accru pour les autres
causes de décès, y compris le suicide, mais avec une forme de la relation dose-­
réponse qui diffère : elle n’est plus en U mais monotone, avec un accroissement
assez régulier du risque de décès par suicide des températures froides jusqu’aux
températures élevées [6].

Cela suggère qu’il n’y a pas un mécanisme unique qui peut expliquer un effet lié
aux températures, mais qu’il y a, selon les pathologies, différents mécanismes. Dans
le cas de maladies cardiovasculaires, il est probable que le risque accru de morta-
lité est dû au fait qu’en période chaude, notre cœur travaille plus pour assurer la
thermorégulation du corps, augmenter la transpiration, emmener le sang aux extré-
mités et favoriser la convection. Tout ceci fatigue les gens comme s’ils effectuaient
un exercice d’endurance en permanence, augmentant ainsi le risque d’infarctus.
Pour une autre cause de décès comme le suicide, un mécanisme supposé est que
la température fait varier le niveau de sérotonine dans le corps. La sérotonine est
une hormone impliquée dans le bien-être et un niveau déficitaire en sérotonine
peut entraîner un état dépressif. En conséquence, les variations de sérotonine aux
températures très élevées peuvent augmenter les états dépressifs et, par-là, le
risque de suicide.
238 Enjeux de la transition écologique

Essayons maintenant de changer d’échelle de temps pour placer ces connais-


sances dans la perspective du changement climatique. Quel peut être l’impact du
changement climatique et du décalage des températures vers les températures
élevées sur la mortalité ? L’impact global n’est, en fait, pas si facile à prévoir car si
le nombre de décès attribuables aux températures chaudes va vraisemblablement
augmenter, il est aussi possible que dans certaines zones, le nombre de décès
attribuables aux températures froides – moins fréquentes – diminue (Fig. 8.13).
Une équipe d’épidémiologistes londoniens a néanmoins pu faire une première
estimation de cet impact à partir de projections sur le climat futur, faites par les
climatologues [7].

Figure 8.13 : Évolution de la distribution annuelle de température prédite pour le climat futur. Avec la
courtoisie des membres du GIEC.

Les épidémiologistes prédisent ainsi que dans les pays d’Europe du Nord, on peut
s’attendre à une diminution de la mortalité liée aux basses températures en hiver et
à une augmentation, dans l’ensemble moins importante ou similaire, de la mortalité
liée aux températures chaudes en été. Ainsi, globalement, l’impact net sur la morta-
lité sur une année est quasi-nul dans le nord de l’Europe, typiquement dans les pays
scandinaves.

Si on descend au sud de l’Europe, par exemple, dans le sud de la France, on assis-


tera à une certaine diminution de la mortalité hivernale, car les températures en
hiver seront moins rudes, mais on aura une augmentation beaucoup plus specta-
culaire de la mortalité liée aux températures chaudes en été, qui fera bien plus que
compenser la diminution de la mortalité hivernale (Fig. 8.14). Globalement, la mortalité
aux températures extrêmes, dans notre pays comme dans d’autres pays du sud de
l’Europe, risque d’augmenter considérablement dans l’hypothèse d’un changement
climatique et en l’absence de mesures d’adaptation sociétale forte.
Impacts des changements climatiques 239

Figure 8.14 : Évolution de la mortalité prédite pour 63 villes de l’Europe du Sud de 2010 à 2090. Les
prédictions sont issues de trois modèles climatiques différents : RCP2.6, RCP4.5 et RCP8.5. Les barres
en rose correspondent à l’augmentation de la mortalité associée aux températures plus chaudes en
été, celles en bleu correspondent à la diminution de la mortalité associée aux températures moins
froides en hiver. Les courbes en noir représentent les variations nettes de la mortalité dues au change-
ment de température. Source [8].

L’exercice a été répété dans les différentes régions du globe et démontre que,
notamment en Amérique du Sud, en Amérique centrale, en Asie du Sud-Est, la situa-
tion est similaire à celle de l’Europe du Sud, avec une augmentation de la mortalité
due aux températures extrêmes.

Pour résumer et conclure, la température a un effet certain et bien démontré à


court terme sur la mortalité. En modifiant les températures annuelles, le changement
climatique va perturber le nombre de décès attribuables à la mortalité chaque année
et dans certaines zones, notamment dans les zones tempérées ou les zones relati-
vement chaudes aujourd’hui. Le bilan qu’on peut attendre, si on ne fait rien, est que
la mortalité attribuable à la température va avoir tendance à augmenter dans l’hypo-
thèse du changement climatique tel qu’on le décrit pour les prochaines décennies,
en tout cas en-dehors des pays actuellement à climat froid.

8.4.2. Maladies à transmission vectorielle – C. Tran Kiem


Les maladies à transmission vectorielle sont des maladies infectieuses dont
l’agent pathogène responsable est transmis par un organisme intermédiaire que l’on
appelle vecteur 74. Ces maladies sont susceptibles de se propager rapidement et il

74. 
https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies (voir « maladies à trans-
mission vectorielle » sur le site)
240 Enjeux de la transition écologique

est donc légitime d’analyser l’influence possible du changement climatique sur ce


type de maladie dans l’état actuel de nos connaissances.

De nombreuses espèces sont décrites comme porteuses d’agents pathogènes,


par exemple certaines espèces de moustiques. Parmi les maladies vectorielles,
on trouve notamment le paludisme transmis par le moustique Anophèle, le chikun-
gunya dont le virus est transmis par les moustiques Aedes aegypti et albopictus et
la maladie de Lyme transmise par les tiques. Dans le cas de la dengue, par exemple,
lorsqu’un moustique Aedes pique un individu infecté, il peut être contaminé par le
virus de la dengue qui se trouve dans le sang de l’individu infecté. Après une période
d’incubation de quelques jours, le virus atteint les glandes salivaires du moustique,
qui pourra le transmettre à un individu susceptible lors d’un prochain repas sanguin
(Fig. 8.15).

Figure 8.15 : Exemple de cycle de transmission. Source : Cécile Tran Kiem.

L’Organisation mondiale de la Santé estime que ces maladies représentent plus


de 17 % du fardeau global des maladies infectieuses et que la moitié de la popula-
tion mondiale vit dans des zones à risque [9]. L’organisation mondiale de la santé
rapporte également que plus de 400 000 décès dus au paludisme sont survenus en
2018 touchant des enfants de moins de 5 ans dans plus de 65 % des cas. Le terri-
toire français n’est pas exempt des risques associés aux maladies à transmission
­vectorielle. La maladie de Lyme, transmise par les tiques, a été à l’origine de plus de
65 000 cas rapportés en 2018. Les moustiques Aedes sont régulièrement à l’origine
d’épidémies de dengue ou de chikungunya dans les territoires d’Outre-Mer. Enfin,
le moustique tigre Aedes albopictus a été détecté pour la première fois en 1999 en
France métropolitaine et a colonisé la majorité des départements de France métro-
politaine (Fig. 8.16).
Impacts des changements climatiques 241

Figure 8.16 : Départements où la présence du moustique tigre Aedes albopictus est connue (1er janvier
2021). Source : ministère de la Santé et des Solidarités 75.

Un grand nombre de facteurs peut influencer la distribution des maladies à


transmission vectorielle. Ainsi les modifications des pratiques agricoles, les chan-
gements démographiques ou encore la mobilité humaine sont des facteurs suscep-
tibles de jouer un rôle dans l’émergence ou la réémergence de pathogènes. Le climat
­représente également l’un des nombreux déterminants de la distribution de ces
­maladies. Le graphe de la figure 8.17 représente les résultats d’une étude qui a
cherché à ­quantifier la relation entre la température et certains traits de vie des
moustiques Aedes [10] (on appelle traits de vie d’une espèce des caractéristiques
liées à tous les organismes de cette espèce). Au-dessous de 13 °C et au-dessus de
38 °C, on observe que la probabilité de survie est estimée nulle. Ces températures ne
sont donc pas propices au développement de cette espèce ni à la transmission des
­maladies qu’elles propagent.

75. 
https://solidarites-sante.gouv.fr/sante-et-environnement/risques-­microbiologiques-physiques-
et-chimiques/especes-nuisibles-et-parasites/article/cartes-de-presence-du-moustique-tigre-
aedes-albopictus-en-france-metropolitaine
242 Enjeux de la transition écologique

Figure 8.17 : Probabilité de survie des larves de moustiques Aedes en fonction de la température.
Source : E.A. Moredecai et al. [10].

D’autres variables environnementales telles que l’humidité ou le niveau de préci-


pitation jouent également un rôle dans la transmission des maladies à transmission
vectorielle, mais ces relations sont complexes et non linéaires. Par exemple, d’une
part, un environnement trop sec ne permet pas le stade de développement aqua-
tique de certains moustiques mais d’autre part, un fort niveau de précipitation est
susceptible d’éliminer les gîtes larvaires. Différentes études se sont penchées sur
les effets du changement climatique sur la transmission des maladies vectorielles.
Celles-ci ont mis en évidence des relations complexes spécifiques à l’agent patho-
gène, à l’espèce vectrice mais également aux régions concernées [11, 12].

Pour conclure, les effets du changement climatique sur les maladies à transmis-
sion vectorielle sont complexes et impliquent de nombreux déterminants dont la
compréhension demeure encore partielle. Le changement climatique est suscep-
tible de modifier la distribution des maladies à transmission vectorielle et d’entraîner
une augmentation de l’incidence de ces maladies dans des zones aujourd’hui plus
tempérées. Il est donc encore nécessaire d’en mieux comprendre les mécanismes
afin de mieux évaluer les risques associés au changement climatique sur la santé
humaine.
Impacts des changements climatiques 243

Références
[1] G. Ouzeau, M. Déqué, M. Jouini, S. Planton, R. Vautard, M. Vrac. 2014. Le climat de la
France au XXIe siècle. Ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie.

[2] J.E. Dore, R. Lukas, D.W. Sadler, M.J. Church, D.M. Karl. 2009. Physical and biogeo-
chemical modulation of ocean acidification in the central North Pacific. PNAS 106(30),
123235-12240.
https://www.pnas.org/content/pnas/106/30/12235.full.pdf.

[3] T. Li, R.M. Horton, Patrick, L. Kinney. 2013. Projections of seasonal patterns in
temperature-­related deaths for Manhattan, New York. Nature Climate Change 3, 717-721.

[4] A. Gasparrini, Y. Guo, M. Hashizume, P.L. Kinney, E.P. Petkova, E. Lavigne, … B.G.
­rmstrong. 2016B. Temporal Variation in Heat-Mortality Associations: A Multicountry
A
Study. Environ Health Perspect, 123(11), 1200-1207. doi: 10.1289/ehp.1409070 (2015B). Lien :
https://ehp.niehs.nih.gov/doi/full/10.1289/ehp.1409070.

[5] A. Gasparrini, B. Armstrong, S. Kovats, P. Wilkinson. 2012. The effect of high tempera-
tures on cause-specific mortality in England and Wales. Occup Environ Med 69: 56-61.
Lien : http://www.ag-myresearch.com/uploads/1/3/8/6/13864925/2015_gasparrini_ehp.pdf.

[6] M. Burke, F. González, P. Baylis, S. Heft-Neal, C. Baysan, S. Basu, S. Hsiang. 2018. Higher
temperatures increase suicide rates in the United States and Mexico. Nature Climate
Change 8, 723-729.

[7] N. Watts, M. Amann, …, A. Costello. 2018. The 2018 report of the Lancet Countdown on
health and climate change: shaping the health of nations for centuries to come. Lancet
392, 2479-2514.
https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(18)32594-7/fulltext?
utm_source=kitchenertoday.com&utm_campaign=kitchenertoday.com&utm_medium=
referral.

[8] A. Gasparrini, Y. Guo, F. Sera, A.M. Vicedo-Cabrera, V. Huber, S. Tong, et al. 2017. Projec-
tions of temperature-related excess mortality under climate change scenarios. The
Lancet 1(9), E360–E367. DOI : https://doi.org/10.1016/S2542-5196(17)30156-0.

[9] D. Campbell-Lendrum, L. Manga, M. Bagayoko, J. Sommerfeld. 2015. Climate change


and vector-borne diseases: what are the implications for public health research and
policy? Philos Trans R Soc Lond B Biol Sci 370. Voir aussi : https://www.who.int/news-room/
fact-sheets/detail/vector-borne-diseases.

[10] E.A. Mordecai, J.M. Cohen, M.V. Evans, P. Gudapati, L.R. Johnson, C.A. Lippi,
K. ­Miazgowicz, C.C. Murdock, J.R. Rohr, S.J. Ryan, et al. 2017. Detecting the impact of
temperature on transmission of Zika, dengue, and chikungunya using mechanistic models.
PLOS Neglected Tropical Diseases 11, e0005568.

[11] D. Roiz, S. Ruiz, R. Soriguer, J. Figuerola. 2014. Climatic effects on mosquito abundance
in Mediterranean wetlands. Parasites & Vectors 7, 333.

[12] M.E.J. Woolhouse, S. Gowtage-Sequeria. 2005. Host range and emerging and reemer-
ging pathogens. Emerg Infect Dis 11, 1842-1847.

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