Le Contentieux de L'annulation Des Sentences Issues de L'arbitrage Traditionnel Dans L'espace de l'OHADA

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Ohadata D-08-52

Le contentieux de l’annulation des sentences issues de


l’arbitrage traditionnel dans l’espace de l’OHADA
Par
M. Denis Roger SOH FOGNO
DEA en Droit Communautaire & comparé CEMAC (Université de Dschang)
DIU de 3ème cycle en Droit International de l’Environnement (Université de Limoges)
DIU de 3ème cycle en Droits Fondamentaux (Universités de Nantes et Paris X Nanterre)
Enseignant au département de Droit Privé de la FSJP de l’Université de Dschang

Revue Camerounaise de l’Arbitrage n° 23 – Octobre - Novembre - Décembre 2003, p. 3.

La signature le 11 juillet 2000 à Lomé au Togo, lors d’un sommet des chefs d’Etats et de
gouvernements de l’OUA1, d'une Convention portant création d'une Union Africaine2 peut
paraître neuve. Pourtant, en réalité, elle correspond à une idée déjà vieille dans les esprits des
panafricanistes du continent3.
Accédant en rang dispersé à l’indépendance, on assistera à un foisonnement des
regroupements sous-régionaux4. Toutefois, dans les esprits trotte l’idée de l’unification des
droits africains, autour de laquelle tous vont s’agglutiner. Cette unification est considérée par
certains auteurs comme étant le prix à payer pour un développement harmonieux et équilibré
du continent5. Le BAMREL6, premier balbutiement dans ce sens, dont l’existence ne durera
que l’espace de l’aurore, sera ébauché.
Il faudra attendre 1991 pour que, conscients de ces difficultés et sous l’impulsion de M. Kéba
MBAYE et du Ministère français de la Coopération, les ministres des Finances de la zone
franc se soient enfin décidés de marquer un pas de géant vers « cette unité africaine inscrite
dans toutes les Constitutions, mais jamais osée »7. C’est le 17 octobre 1993 que sera signé à
Port-Louis (Ile Maurice), en marge du 5e Sommet de la Francophonie, le Traité sur
l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique, dénommé « Traité O.H.A.D.A »8. Signé à
l’origine par 14 Etats9, deux autres y ont adhéré par la suite10.

1
Organisation pour l’Unité Africaine.
2
Cette convention a été signée à l’origine par 25 Etats (sans le Cameroun, qui n’a pas voulu trahir sa politique de prudence).
Le Cameroun signera la Convention le 28 février 2001 en Libye. Elle est entrée en vigueur.
3
voir SARAGBA (M.), Tentatives et échecs d’une fédération en Afrique Centrale : les Etats Unis de l’Afrique Latine, de
Barthélemy BOGANDA ; Communication du colloque international sur le thème « Dynamiques d’intégration régionale en
Afrique Centrale », Yaoundé, 26-28 avril 2000, inédite. Voir Lansina KABA : N’KRUMAH et le rêve de l’unité africaine ;
Collection Afrique Contemporaine, Vol. II éd. Chaka, Paris 1991, 181 pages.
4
Par exemple, UDEAC créée le 08 décembre 1964. Entrée en vigueur le 1er janvier 1966, et remplacée en 1998 par la
CEMAC ; la CEAO ; la CEDEAO ; la CEPEL, et la liste est loin d’être exhaustive.
5
Par exemple, MELONE (S.) in La technique de codification en Afrique : pratique camerounaise, R.J.P.O.M, 1985, p. 307.
6
Bureau Africain et Mauricien de Recherches et d’Etudes Législatives, créé en 1963, ayant s6on siège au Gabon.
7
ANOUKAHA (F.), le Droit des Sûretés dans l’Acte Uniforme OHADA, PUA, coll. Droit uniforme, Yaoundé 1998, p. 6,
n° 9.
8
Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires.
9
Bénin, Burkina Faso, Cameroun, République Centrafricaine, Comores, Congo (Brazzaville), Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée
Equatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo.
10
Guinée Conakry et Guinée Bissau.
Dès le premier article, le Traité pose clairement qu’il a pour objectif « l’harmonisation du
droit des affaires dans les Etats parties par l’élaboration des règles communes, simples,
modernes et adaptées à la situation de leurs économies, par la mise en œuvre des
procédures judiciaires appropriées, et par l’encouragement au recours à l’arbitrage pour le
règlement des différends contractuels ». Bien avant, le préambule du Traité précise que les
Etats sont « désireux de promouvoir l’arbitrage comme instrument de règlement des
différends contractuels ». C’est souligner combien l’arbitrage est indispensable dans le
processus d’intégration de l’espace OHADA11, et même dans d’autres domaines12.
Le législateur africain auréole l’arbitrage sans pourtant le définir13. Communément, on le
définit comme étant « un mode privé de règlement des litiges fondé sur la convention des
parties »14.
En plus de mettre un point d’honneur sur la convention des parties15, il va jusqu’à poser des
solutions qu’un auteur autorisé a qualifiées de « très hardies »16. En effet, dans cet espace, les
personnes morales de droit public peuvent désormais être parties à l’arbitrage17, sans pouvoir
invoquer leur droit propre18.
Ensuite, l’arbitrage n’est plus limité à la matière commerciale seulement19. Enfin, même si
certains auteurs l’ont critiquée20, la distinction pourtant classique entre arbitrage interne et
arbitrage international21 a été foulée aux pieds.

11
En plus d’un Acte uniforme OHADA consacré au droit de l’arbitrage, le Traité lui-même réserve son titre 4 à un arbitrage
institué au sein de la CCJA (Cour Commune de Justice et d’Arbitrage).
12
Voir par exemple, le préambule et l’art. 5 al. 2 de la Charte des Investissements de la CEMAC, signée le 17 décembre 1999 à
N’Djamena au Tchad.
13
Ni le Traité OHADA ni l’Acte uniforme sur l’arbitrage ni le Règlement de Procédure de la CCJA ne définissent la notion.
14
POUGOUE (P.G.), TCHAKOUA (J.M.), FENEON (A.), Droit de l’arbitrage dans l’espace OHADA, coll. Droit uniforme,
PUA, 2000, p. 8, n° 3.
15
voir article 4 de l’Acte uniforme sur l’arbitrage qui consacre la position de la jurisprudence française issue des arrêts Dalico
(20 décembre 1993), Gatoil (17 décembre 1991) et Gosset (07 mai 1963).
Voir aussi NDENGOU OLLO (S.), La convention d’arbitrage dans le projet d’Acte uniforme sur le droit de l’arbitrage en
OHADA, Mémoire de Maîtrise, Université de Dschang, 1997-1998, p.12.
16
POUGOUE (P.G.), Le système d’arbitrage de la CCJA : Actes du colloque international des 13 et 14 décembre 1999 à
Yaoundé sur l’OHADA et les perspectives de l’arbitrage en Afrique, inédit.
17
voir MEYAP FOGUEN (F.), La personne morale de droit public partie à l’arbitrage - Mémoire de Maîtrise, Université de
Dschang, 1997-1998, passim.
La participation de la personne morale à l’arbitrage ne manque pas de susciter des interrogations. S’il est vrai que cela résout
certaines déconvenues observées par le passé, de sérieux problèmes resteront à résoudre sur le terrain de l’exécution des
sentences arbitrales dont ces personnes sont parties. Si en effet, la sentence est exécutée spontanément par elle (ce qui sera
rare dans la pratique), aucun problème ne se posera. Mais si tel n’est pas le cas, l’autre partie au procès ne pourra engager
contre elle aucune mesure d’exécution forcée, ce qui peut être frustrant pour elle (art. 30 de l’Acte uniforme portant voies
deexécution et procédures simplifiées de recouvrement du passif).
Le président du TPI de Ngaoundéré a eu l’occasion de se prononcer sur ce genre de question. En effet, le sieur NANG
MINDANG Hyppolite a fait condamner l’Université de Ngaoundéré pour environ 11 millions de francs CFA, au motif que
son licenciement était abusif. La décision étant devenue exécutoire, après que l’appel de l’employeur ait été rejeté, le sieur
NANG entreprend l’exécution forcée. Il saisit les comptes BICEC et Crédit Lyonnais de l’Université. L’Université forme
opposition et soulève l’exception d’incompétence de la juridiction saisie, en faisant valoir le principe de son insaisissabilité -
Ordonnance de référé n° 03/ord du 20 décembre 1999, affaire Université de Ngaoundéré contre NANG MINDANG
Hyppolite - Voir note FOMETEU (J.) in Juridis périodique, n° 44 p. 31 à 36.
Il serait souhaitable de voir, sous certaines conditions, les personnes morales de droit public être forcées à exécuter leurs
engagements.
18
Art. 2, al. 2 de l’Acte uniforme sur le droit de l’arbitrage dans le cadre du Traité de l’OHADA.
19
L’al. 1 de l’article 2 de l’Acte uniforme sur le droit de l’arbitrage précise que « Toute personne physique ou morale peut
recourir à l’arbitrage sur les droits dont elle a la libre disposition ». Certains auteurs ont regretté que le législateur n’ait pas
retenu, comme en droit suisse (Art. 177 du C.C. suisse), le critère de « la patrimonialité » : LEBOULANGER (P.),
L’arbitrage et l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, Revue de l’Arbitrage. 1999, n° 3, p. 556, n° 21.
20
MEYER (P.) notamment, in L’Acte Uniforme de l’OHADA sur le droit de l’arbitrage (Organisation pour l’Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires), RDAI n° 6, 1999, p. 648, n° 44.
Dans l’espace de l’OHADA, les textes actuellement applicables au droit de l’arbitrage sont le
Traité de l’OHADA lui-même22, l’Acte uniforme de l’OHADA sur le droit de l’arbitrage, le
règlement d’arbitrage de la CCJA23, les différentes conventions ratifiées en la matière24 par
certains de ses Etats parties, ainsi que les textes nationaux en la matière, pourvu que ceux-ci
ne soient pas contraires au Traité de l’OHADA ou à un Acte uniforme. A la lecture des
différents textes, on se rend compte que l’espace de l’OHADA est marqué par deux types
d’arbitrage : un arbitrage qu’on peut qualifier de traditionnel et prenant sa source dans l’Acte
uniforme de l’OHADA sur le droit de l’arbitrage25, et un autre qualifié d’autonome, car ne
s’adossant pas sur le texte commun en la matière, mais sur le Traité de l’OHADA lui-même26
et le règlement d’arbitrage de la CCJA27, et dérogeant sur plusieurs points aux principes
consacrés en la matière.
Dans ces deux systèmes d’arbitrage, la volonté des parties prédomine et c’est pour cela
qu’elles s’entendent pour recourir à l’arbitrage, pour en établir la procédure, etc… Mais il
peut arriver que celle-ci s’écarte des attentes de l’une des parties. Elle manifestera alors son
mécontentement en demandant d’obtenir la nullité de la sentence, car recourir à l’arbitrage
implique une volonté de collaboration à l’obtention d’une décision de justice, et pas
nécessairement une volonté de faire des concessions à l’autre partie.
A ce niveau, les deux textes semblent s’éloigner. En effet, pendant que l’Acte uniforme de
l’OHADA sur le droit de l’arbitrage institue un recours en annulation des sentences
arbitrales28, le règlement d’arbitrage CCJA, en ses lieu et place, institue un recours en
contestation de validité de la sentence arbitrale, devant elle29. Le recours en annulation est
ouvert dans six cas, alors que le recours en contestation de validité ne l’est que dans quatre30.
Il est vrai que les effets des deux recours sont identiques, à savoir obtenir l’effacement
rétroactif de la sentence arbitrale. Mais la CCJA est une juridiction supra étatique et c’est
devant elle qu’est porté le recours en contestation de validité des sentences arbitrales rendues
sous son égide31. Bien plus, notre réflexion porte sur l’annulation des sentences dans le cadre
de l’arbitrage traditionnel. Nous exclurons volontiers et sans regrets de notre champ d’étude,
le recours en contestation de validité des sentences de l’arbitrage CCJA32.
L’Acte uniforme de l’OHADA sur l’arbitrage institue une voie de recours propre à la sentence
arbitrale (le recours en annulation), et fait un choix judicieux entre les voies de recours
traditionnellement instituées contre les jugements. Il consacre expressément certaines voies de

21
AMOUSSOU-GUENOU (R.), Le droit et la pratique de l’arbitrage commercial international en Afrique subsaharienne ;
Thèse polycopiée, Université de Paris II, 1995, voir l’introduction notamment.
22
Pour un commentaire, voir POUGOUE (P.G.), Présentation générale et procédure en OHADA, coll. Droit Uniforme, PUA
Yaoundé, PUA, 1998 p. 16 à 19.
23
Ces deux derniers textes sont entrés en vigueur le 15 mai 1999.
24
La plus importante est la Convention de New York du 10 juin 1958, à laquelle adhèrent plusieurs Etats membres de
l’OHADA. Cette Convention porte sur la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères.
25
voir KENFACK DOUAJNI (G.) et IMHOOS (C.), L’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage dans le cadre du Traité
OHADA, cette Revue n°5 1999, p.3 à 15.
26
Titre 4, articles 21 à 26.
27
voir KENFACK DOUAJNI (G.), L’arbitrage CCJA, cette Revue, n° 6, p.3 à 6 ; POUGOUE (P.G.), Le système d’arbitrage de
la CCJA, actes du colloque op. cit.
28
Arts. 26 et suivants de l’Acte uniforme de l’OHADA sur le droit de l’arbitrage.
29
Arts. 29 et suivants de l’Acte uniforme de l’OHADA sur le droit de l’arbitrage.
30
__________ partie au Traité de l’OHADA, comme le précise si bien l’Acte uniforme sur le droit de l’arbitrage.
31
Pour plus de précisions, voir M’BOSSO (J.), Le fonctionnement du Centre d’Arbitrage CCJA et le déroulement de la
procédure arbitrale, actes du colloque tenu le 02 février 2001 à Paris sur le thème « L’arbitrage OHADA », Revue
Camerounaise de l’Arbitrage, Numéro spécial, octobre 2001, p. 42 et ss.
32
__________ d’une sentence arbitrale, et dans le recours en contestation de validité, on vise l’obtention de la nullité de la
sentence.
recours et exclut d’autres, en prévoyant que « la sentence arbitrale n’est pas susceptible
d’opposition, d’appel, ni de pourvoi en cassation »33.
L’exclusion de ces trois voies de recours est tout à fait justifiable :
D’abord, la justice arbitrale est avant tout une justice conventionnelle, et on voit mal une
personne, sans être en train de rechercher une chose et son contraire, recourir à l’arbitrage et
refuser ensuite de suivre la procédure, au point d’être jugée par défaut. D’ailleurs, les parties
sont maîtresses du procès et sont tout le temps invitées à collaborer, et on conçoit mal que
l’une d’elles soit jugée par défaut, si oui par une sentence réputée contradictoire34, d’où
l’exclusion de l’opposition.
Ensuite, l’exclusion de l’appe135 trouve son fondement toujours dans l’origine
conventionnelle de l’arbitrage, car les arbitres ne statuent pas en premier ressort, puisqu’ils ne
sont pas intégrés dans l’organisation judiciaire des Etats36.
Enfin, l’appel étant déjà exclu, il devenait tout à fait logique que le pourvoi en cassation
devant les juridictions étatiques le fût aussi. En effet, le pourvoi en cassation vise à vérifier
l’application de la loi par les juges du fond. Or, étant donné que les arbitres ne sont pas
obligés d’appliquer la loi37, cette exclusion devient tout à fait évidente38.
Au total, le législateur africain consacre le recours en annulation, le recours en révision, la
tierce opposition et le pouvoir pour le tribunal arbitral de réparer ou d’interpréter la sentence.
Ces trois derniers recours ne nous intéresseront pas dans le cadre de ce travail.
Le recours en annulation est un recours grave. En effet, il s’agit du recours par lequel une des
parties au procès arbitral39 saisit le juge étatique aux fins de voir annuler la sentence arbitrale.
En cas de succès de cette voie de recours, la procédure est censée n’avoir jamais eu lieu.
L’effacement de la procédure est rétroactif, étant donné que les arbitres sont censés n’avoir
jamais statué, la sentence est censée n’avoir jamais été rendue, et le litige opposant les parties
est censé n’avoir jamais été résolu. C’est pour cela que le législateur africain prévoit qu’« en
cas d’annulation de la sentence arbitrale, il appartient à la partie la plus diligente
d’engager, si elle le souhaite, une nouvelle procédure arbitrale (...) »40.
Comme on peut le présager, l’annulation des sentences arbitrales sera l’objet d’un contentieux
souvent houleux, chacune des parties en présence se livrant à une bataille acharnée pour la
sauvegarde de ses intérêts. Mais elles ne pourront agir que dans un domaine qu’il nous faudra
circonscrire (I) avant de nous intéresser au comportement des parties prenantes dans le cadre
du déroulement du contentieux (II).

I - LA CIRCONSCRIPTION DU CONTENTIEUX

33
Art. 25 al. 1 de l’Acte uniforme sur le droit de l’arbitrage.
34
Les arbitres auront tous les moyens pour prouver que toutes les parties ont été touchées, et justifier par-là même, leur
sentence réputée contradictoire, et le jugement intervenu sera opposable à la partie qui n’était pas au procès.
35
Par cette exclusion, la sentence ne peut plus être l’objet d’un appel, même devant un tribunal arbitral.
36
__________ NCPCF qui dispose que « la sentence arbitrale est susceptible d’appel à moins que les parties n’aient renoncé
à l’appel dans la convention d’arbitrage ».
37
Déjà que même s’ils veulent appliquer la loi, rien ne les oblige à appliquer la loi du pays sur le territoire duquel siège le
tribunal arbitral.
38
Aux termes de l’art. 14 al. 1 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur l’arbitrage, les parties sont libres de soumettre la procédure
à une loi « de leur choix ». Il en est de même des règles de fond.
39
__________ qui lui confère des droits.
40
Art. 29 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur le droit de l’arbitrage.
Le recours en annulation de la sentence arbitrale est un recours judiciaire dont la procédure
arbitrale en est un préalable. C’est pour cela qu’il faut bien définir les parties au
contentieux (A) qui, sous peine de voir leur recours rejeté, ne doivent le porter que devant la
juridiction compétente à cet effet (B).

A - LA CIRCONSCRIPTION QUANT AUX PARTIES


L’instance en annulation des sentences arbitrales concerne nécessairement certaines
personnes (1), alors que d’autres en sont d’office exclues (2).
1.- Les personnes concernées
Comme dans toutes les audiences judiciaires ou arbitrales, celles en annulation des sentences
arbitrales nécessitent un demandeur et un défendeur. Ceux-ci doivent nécessairement avoir été
parties à l’audience arbitrale41, et c’est sur cette seule qualité qu’ils seront déclarés recevables
par la juridiction étatique compétente. De manière plus précise, le demandeur à l’instance en
annulation sera nécessairement celui qui n’aura pas eu gain de cause dans la sentence
arbitrale, et le défendeur sera celui dont la sentence arbitrale lui reconnaît des droits. En effet,
il est difficile de concevoir qu’une partie ayant eu gain de cause au cours d’une procédure
arbitrale demande l’annulation de celle-ci. A la rigueur, soit elle demandera un recours en
révision de la sentence pour tenter d’augmenter ses droits, soit elle tentera d’obtenir
l’exequatur en vue d’une éventuelle exécution forcée, lequel exequatur sera paralysé
momentanément ou définitivement par le recours en annulation, compte tenu de son issue.
Comme dans tous les contrats, le demandeur et le défendeur doivent avoir la capacité et les
pouvoirs pour agir. Ils doivent avoir consenti à l’arbitrage, qui lui-même, doit avoir eu un
objet licite42.
Quant à la capacité et au pouvoir pour agir, ils seront appréciés d’après la méthode des règles
matérielles et non celle du conflit des lois43. Quant au consentement, il s’agira tantôt pour
l’une des parties, de prouver qu’elle n’est pas partie à l’arbitrage, tantôt de revendiquer cette
qualité, en fonction de ses intérêts. Enfin, le litige doit avoir porté sur un objet licite,
notamment non contraire à l’ordre public des Etats parties.
En réalité, que le demandeur ou le défendeur soit une personne physique, une personne
morale de droit public ou privé, il lui appartiendra dans tous les cas, de savoir rattacher toutes
ces différentes revendications à l’une des six conditions que vérifie le juge étatique44, car le
contrôle de celui-ci est balisé par le législateur lui-même, dans la mesure où il ne s’agit pas
d’un nouveau jugement de l’affaire. D’ailleurs6, ce contrôle ne sera possible que si la partie
revendicatrice n’est pas de celles qui sont d’office exclues du contentieux.
2.- Les personnes exclues
Il s’agit des tiers, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas parties à la convention d’arbitrage. En
effet, une personne, bien que partie à une convention d’arbitrage, peut ne pas coopérer au bon
fonctionnement de la procédure, par exemple en étant absente des audiences, en ne concluant
pas et en ne se faisant pas représenter. Cela ne voudra pas dire qu’elle aura la qualité de tiers
si elle voulait faire annuler la sentence arbitrale qui la condamne, ou alors qu’elle sera
qualifiée de tiers dans une procédure en annulation dans laquelle l’autre partie attaque une

41
Elles ne doivent pas nécessairement avoir été présentes ou représentées lors de l’audience arbitrale, mais doivent être parties
à la convention arbitrale.
42
voir sur la question POUGOUE (P.G.), TCHAKOUA (J.M.), FENEON (A.) op. cit, p. 43 et ss.
43
Art. 4 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur le droit de l’arbitrage.
44
Art. 26 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur le droit de l’arbitrage.
sentence qui lui reconnaît des droits. C’est dire que la qualité de tiers se résume au fait de
n’être pas partie à la convention d’arbitrage.
La procédure d’intervention forcée ou volontaire n’est pas possible en matière arbitrale, car
celle-ci est marquée par l’autonomie de la volonté des parties. Cela ne signifie pas pour autant
que les tiers ont été éludés par le législateur africain ! En effet, ceux-ci bénéficient d’un
recours en tierce opposition contre les sentences arbitrales. Ce recours doit être porté « devant
le tribunal arbitral par toute personne physique ou morale qui n’a pas été appelée et
lorsque cette sentence préjudicie à ses droits »45. Si le tribunal arbitral ne peut plus être
formé, on admet que le demandeur en tierce opposition puisse saisir de préférence, non pas
« la juridiction qui eût été compétente à défaut d’arbitrage »46, comme c’est le cas en droit
français de l’arbitrage interne, mais plutôt « le juge du ressort territorial du lieu où la
sentence s’exécute ou doit s’exécuter, car celui-ci est mieux placé que n’importe quel autre
juge pour apprécier en quoi la sentence préjudicie aux intérêts du tiers »47.
Si le tiers peut être facilement identifiable en ce qui concerne certains mécanismes juridiques
comme le mandat48 et la stipulation pour autrui49, il ne sera pas facile à identifier dans
d’autres, comme les groupes de sociétés et la sous-traitance. Dans tous les cas, lorsque le
demandeur aura élucidé sa qualité, notamment en prouvant qu’il n’est pas tiers, il lui faudra
en plus, s’être adressé à la juridiction étatique compétente pour connaître de son recours.

B - LA CIRCONSCRIPTION QUANT A LA COMPETENCE


Sur la question du recours en annulation, le législateur africain renvoie, comme il en a
l’habitude, au « juge compétent dans l’Etat partie »50. Ce juge pourra varier d’un Etat à
l’autre. Toutefois, en attendant que toutes les législateurs nationaux (?), quelques pistes
peuvent nous permettre de dégager certaines réflexions quant aux solutions que pourront
consacrer la majorité des Etats sur la question (1), étant donné que le pourvoi en cassation est
d’une compétence bien définie (2).
1.- Le juge étatique compétent en premier ressort
Comme sur toute question de compétence, il faut distinguer la compétence matérielle (a) de la
compétence territoriale (b).

45
Art. 25 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur le droit de l’arbitrage.
46
Art. 1481 al. 2 du Nouveau Code de Procédure Civile français.
47
SOH FOGNO (D.R.), Le juge étatique en matière arbitrale dans l’espace de l’OHADA, Mémoire de DEA en droit
communautaire et comparé CEMAC, Université de Dschang, juillet 2001, p.84.
48
Le mandataire sera tiers à la convention qu’il a conclue.
49
Le bénéficiaire de la stipulation ne sera tenu que s’il a donné son accord.
50
Al. 2 de l’art. 25 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur l’arbitrage.
a.- Sur le plan matériel
Le recours en annulation sera-t-il porté devant les tribunaux d’instance ou devant les cours
d’appel ? Permettre que les recours soient portés devant les tribunaux d’instance reviendrait à
considérer que l’arbitrage n’est pas un premier degré de juridiction, alors que porter les
recours devant la Cour d’Appel peut laisser entrevoir la solution inverse.
On peut penser que, comme en France51, le recours en annulation sera porté devant la Cour
d’Appel. C’est d’ailleurs cette solution que consacre la loi camerounaise n° 2003/009 du
10 juillet 2003 portant désignation des juridictions compétentes visées dans l’Acte uniforme
relatif au droit de l’arbitrage et fixant leur mode de saisine. En effet, le texte dispose que « Le
juge compétent visé par les articles 25 et 28 de l’Acte uniforme relatif au droit de
l’arbitrage est la Cour d’Appel (...) »52. Nul doute que les autres Etats de l’OHADA iront
dans ce sens.
Le fait que le recours en annulation soit porté devant les juges de la Cour d’Appel ne peut pas
nécessairement vouloir insinuer que les arbitres statuent en premier degré.
En effet, si pour certains auteurs « l’arbitrage constitue le premier degré, et le recours en
annulation exercé, au second degré »53, il semble qu’il faille encore ici considérer que les
arbitres ne sont pas intégrés dans l’organisation judiciaire des Etats. Au surplus, lorsqu’ils
annulent une sentence, ils ne sont pas autorisés à évoquer.
Le juge étatique saisi d’un recours en annulation ne doit pas se prononcer sur le fond du litige
qui était soumis au tribunal arbitral54. Sa seule préoccupation, c’est de vérifier que l’une au
moins des hypothèses légales du recours en annulation55 est réunie, et alors il annule la
sentence, ou alors, qu’aucune n’est réunie, et la sentence est maintenue. D’ailleurs, si le
recours en annulation équivalait à un second degré, la solution ne serait pas éloignée de
l’appel qui pourtant, on le sait, n’est pas possible en matière arbitrale56. Même si les cours
d’appel connaissent des litiges à la suite des audiences arbitrales, il semble toutefois qu’il soit
difficile de ranger le recours en annulation dans un second degré, car même si l’audience
arbitrale qui aboutit sur la sentence en constitue le préalable, l’objet des deux recours est
différent.
Quel que soit d’ailleurs le juge étatique compétent sur le plan matériel dans chaque Etat
partie, encore faudra-t-il qu’il le soit aussi sur le plan territorial.
b.- Sur le plan territorial
On peut hésiter quant à donner compétence aux juridictions du lieu où la sentence sera
exécutée, celle du lieu où siège le tribunal, celle du domicile du défendeur et enfin, celle du
domicile du demandeur.
D’office, il faudra exclure les deux dernières alternatives, car en réalité, si le siège du tribunal
est différent du domicile des justiciables, rien ne les a obligés à envisager cette hypothèse,
surtout qu’ils étaient libres de fixer le siège du tribunal à tout endroit de leur choix, cet endroit
une fois choisi devant être considéré comme étant leur domicile conventionnel.

51
Art. 1484 du NCPCF.
52
Art. 4 al. 1.
53
POUGOUE (P.G.), TCHAKOUA (J.M.), FENEON (A.) op. cit., p.240, n° 262.
54
cf. art. 1485 du NCPCF aux termes duquel « lorsque la juridiction saisie d’un recours en annulation annule la sentence
arbitrale, elle statue au fond dans la limite de la mission de l’arbitre, sauf volonté contraire de toutes les parties ». Le principe
ici, c’est l’évocation, et la volonté contraire des parties, l’exception.
55
Art. 26 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur l’arbitrage.
56
Art. 25 al. 1 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur l’arbitrage.
La vraie opposition ne concernera en réalité que les juridictions du lieu où siège le tribunal
arbitral et celles du lieu où la sentence doit s’exécuter. La dernière solution a l’avantage de
permettre au juge de l’annulation de contrôler la conformité de la sentence à l’ordre public, ce
qui pourra faciliter l’obtention de l’exequatur, le cas échéant. Toutefois, nous sommes encore
dans la procédure et il s’agit de l’appuyer. C’est pour cela qu’il semble plus logique de
continuer celle-ci au domicile conventionnel des parties, c’est-à-dire devant les juridictions du
lieu où a siégé le tribunal arbitral. La doctrine est d’ailleurs favorable à cette dernière
alternative57.
C’est cette solution que consacre la loi camerounaise n° 2003/009 op. cit., qui précise que
« Le juge compétent visé par les articles 25 et 28 de l’Acte uniforme relatif au droit de
l’arbitrage est la Cour d’Appel du ressort du lieu de l’arbitrage »58. Celui-ci doit être saisi
par voie d’assignation ou par le motion on notice59. Il faut souhaiter que les autres législateurs
nationaux aillent dans ce sens, ce qui complèterait l’harmonisation entamée par le législateur
de l’OHADA.
Si les parties ne sont pas satisfaites par la décision du juge de l’annulation, elles n’auront plus
à hésiter sur l’autorité judiciaire compétente pour connaître, le cas échéant, du pourvoi en
cassation.
2.- La compétence pour connaître du pourvoi en cassation
L’al. 3 de l’art. 25 de l’Acte uniforme sur l’arbitrage est clair et précis sur la question du
recours contre les décisions sur recours en annulation, lorsqu’il dispose que ceux-ci ne sont
« susceptibles que de pourvoi en cassation devant la Cour Commune de Justice et
d’Arbitrage ». Ceci étant, toute instance de cassation dans un Etat partie, saisie d’un recours
contre une décision d’annulation d’une sentence arbitrale, devrait se déclarer incompétente et
renvoyer les parties devant la CCJA, qui est seule compétente en la matière, en application de
l’art. 15 du Traité de l’OHADA60.
Si cette décision est conforme à l’esprit de célérité qui anime toute procédure arbitrale, elle a
aussi l’avantage de favoriser l’éclosion d’une jurisprudence internationale en la matière,
propre à tous les Etats parties au Traité de l’OHADA.
Le dernier alinéa de l’art. 14 du Traité de l’OHADA prévoit qu’« en cas de cassation, elle (la
CCJA) évoque et statue sur le fond ». On peut dès lors se demander si cette évocation sera
possible lorsque le pourvoi portera sur une décision d’annulation. On ne peut répondre à cette
question que par la négative, étant donné que le pourvoi portera sur une décision sur laquelle
les juges étatiques eux-mêmes n’ont pas été autorisés à statuer sur le fond. Il s’agira tout
simplement pour elle, d’exercer un nouveau contrôle sur celui qui aura préalablement été fait
par les juges de l’annulation. Toutefois, on peut penser que le fait pour les parties d’avoir
autorisé les juges de l’annulation à statuer sur le fond était logiquement une sortie de
l’arbitrage, ce qui peut légitimer une évocation de la CCJA en cas de cassation d’un arrêt
d’annulation.

57
LEBOULANGER (P.) op. cit., p. 569, n° 59 ; POUGOUE (P.G.), TCHAKOUA (J.M.) et FENEON (A.) op. cit., p. 240,
n° 262.
58
Art. 4 al. 1.
59
Art. 5 al. 1 de la loi camerounaise op. cit. Le motion on notice est l’équivalent de l’assignation en vigueur dans la partie
anglophone du Cameroun.
60
Cet article dispose que « Les pourvois en cassation prévus à l’article 4 sont portés devant la Cour Commune de Justice et
d’Arbitrage, soit directement par l’une des parties à l’instance, soit sur renvoi d’une des juridictions nationales statuant en
cassation saisie d’une affaire soulevant des questions relatives à l’application des Actes Uniformes ».
Sur un tout autre plan, conformément au droit français61, on peut dire que la clause par
laquelle les parties renonceraient au pourvoi en cassation serait réputée non écrite, car il s’agit
des règles de compétence, qui sont d’ordre public, et lorsqu’il faut y déroger, le législateur
lui-même prévoit cette alternative, comme c’est le cas à l’art. 29 al. 2 du règlement
d’arbitrage de la CCJA, en ce qui concerne le pendant du recours en annulation qu’est la
contestation de validité de la sentence arbitrale, dans le cadre de l’arbitrage autonome de la
CCJA62.
Au total, il faut dire que les droits qu’a la partie gagnante dans une sentence arbitrale ne
seront totalement consolidés que lorsque la sentence sera devenue insusceptible de tout
recours en annulation. Avant ce moment, ils peuvent toujours être remis en cause devant le
juge étatique, qui joue un rôle de premier plan au cours du déroulement de ce contentieux.

II - LE DEROULEMENT DU CONTENTIEUX
Les audiences en annulation des sentences arbitrales se tiennent sans le Ministère Public63 ;
c’est pour cela qu’elles sont semblables aux audiences civiles ou commerciales, au cours
desquelles la présence du Ministère Public est facultative64. Les parties sont maîtresses du
procès. Bien que le recours en annulation ne soit pas un appel contre la sentence arbitrale, il
faut penser que les juridictions saisies n’hésiteront pas à appliquer les règles de procédure
normalement applicables en matière civile ou commerciale, en fonction de la nature du
litige65.
En application du principe du dispositif qui veut que le procès soit la chose des parties, celles-
ci jouent un rôle de tout premier plan. Il y a des choses qu’elles peuvent demander au juge et
d’autres qu’elles ne peuvent pas demander.
Les parties peuvent, par exemple, demander au juge à tout moment de mettre un terme à la
procédure, par exemple en cas de désistement ou de transaction. Seulement, puisque le juge
est « simple arbitre », il appartient à la partie qui allègue un fait de le prouver et d’emporter
ainsi sa conviction.
Les parties, qui ne peuvent pas renoncer au recours en annulation dans leur convention
d’arbitrage66, ne peuvent par exemple pas demander au juge de statuer sur le fond du litige.
En effet, celui-ci a acquis autorité provisoire de la chose jugée dès le prononcé de la
sentence67, en attendant l’issue du recours en annulation après laquelle cette autorité sera soit
annulée, soit acquise définitivement.
Comme on le remarque, le déroulement du recours en annulation des sentences arbitrales est
ponctué par les rôles respectifs du juge saisi68 et des parties. Mais le rôle des parties se limite
essentiellement à l’accomplissement des actes de procédure que le juge a le soin de contrôler

61
voir BOISSESON (M.), Le droit français de l’arbitrage interne et international, éd. GLN Joly, 1990, note de bas de page
n° 272, p. 364.
62
voir sur la question, POUGOUE (P.G.), TCHAKOUA (J.M.) et FENEON (A.) op. cit., p.243 et 244, n° 266.
63
voir SOH FOGNO (D.R.), Mémoire op. cit., p.39 et ss. et ANCEL (P.), JCP, Arbitrage, fascicule n° 1024, 1986, p. 14, n° 51.
64
voir l’article 23 (3) de l’ord. 72.4 du 26.08.72 modifiée, aux termes de laquelle « La présence du Ministère Public est
obligatoire à l’audience en matière pénale et, sauf dispositions contraires, facultative en matière civile, commerciale et de
droit traditionnel ».
65
Même si les juges ne sont pas autorisés à statuer sur le fond du litige, on peut penser qu’ils ont au moins une observation
prima facie sur la sentence objet du recours.
66
Dans la mesure où les questions de compétence sont d’ordre public, on peut en réalité estimer que les parties n’ont pas le
pouvoir de fermer une voie de recours que le législateur a bien voulu ouvrir.
67
voir Art. 23 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur le droit de l’arbitrage.
68
voir sur la question KENFACK DOUAJNI (G.), Le juge étatique dans l’arbitrage OHADA, cette Revue n° 12.
pendant son office. L’essentiel de ce contrôle porte sur les délais de sa propre saisine, d’une
part (A), et sur la régularité de la sentence, d’autre part (B).

A - Le contrôle des délais de sa propre saisine


A priori, lorsqu’on lit d’un trait sous la plume du législateur africain69, on est porté à croire
que la question des délais d’exercice du recours en annulation est d’une compréhension aisée.
Il n’en est rien pourtant, car cette question est sujette à des discussions (1). A côté de ce
problème d’ordre général, d’autres plus spécifiques à la rédaction de cet article par le
législateur africain se posent (2).
1.- Les points de départ et d’arrivée du délai
L’art. 27 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur le droit de l’arbitrage dispose : « le recours en
annulation est recevable dès le prononcé de la sentence ; il cesse de l’être s’il n’a pas été
exercé dans le mois de la signification de la sentence munie de l’exequatur ». La précision du
point d’arrivée de ce délai (b) contraste avec l’imprécision du point de départ (a).
a.- L’imprécision du point de départ du délai
Lorsque le législateur prévoit que le recours en annulation peut être reçu dès le prononcé de la
sentence arbitrale, aucun problème de compréhension ne se pose en principe. Cela suppose
que toutes les parties étaient présentes ou représentées au procès arbitral. Dans ce cas, dès
l’instant où la sentence est rendue, la partie ayant perdu le procès peut s’adresser au juge
compétent pour que celui-ci l’annule, sans plus rien attendre.
Par contre, lorsque la sentence est rendue en l’absence de l’une des parties, le délai ne
commencera à courir que lorsque la partie qui a eu gain de cause aura signifié la sentence
munie de l’exequatur à l’autre partie. Dès lors, on peut se demander si le délai d’un mois est
applicable à la partie qui était présente ou représentée au procès arbitral, ou alors si le délai ne
commencera à courir qu’après que l’autre partie lui ait signifié la sentence munie de
l’exequatur70. La lecture de l’article 27 de l’Acte uniforme nous permet de prendre la
deuxième alternative, ce qui ne va pas sans conséquences :
En réalité, le délai d’un mois ne commencera à courir qu’après que le gagnant ait signifié la
sentence munie de l’exequatur71. On peut même envisager l’hypothèse d’un perdant qui, de
mauvaise foi, n’exécute pas la sentence et attend fermement que celle-ci munie de l’exequatur
lui soit signifiée. Or, on sait qu’il n’existe aucun délai que le gagnant doit observer pour
demander l’exequatur, après le prononcé de la sentence. Rien ne l’empêche de s’adresser
immédiatement après son prononcé, au juge étatique compétent72. C’est dire qu’il aura intérêt
à vite le saisir, s’il veut faire courir le délai d’un mois. Dans tous les cas, lorsqu’il commence
à courir, il doit nécessairement s’arrêter dans un mois, qui est son point d’arrivée.
b.- La précision du point d’arrivée du délai

69
Précisément à l’article 27 de l’Acte uniforme sur l’arbitrage.
70
Autrement dit, faut-il encore signifier la sentence munie de l’exequatur à une personne qui était présente ou représentée au
procès arbitral, ce sans quoi le délai d’un mois prévu pour le recours en annulation ne saurait courir ?
71
Dans la pratique, celui-ci ne recourra à l’exequatur que lorsque le perdant ne veut pas s’exécuter spontanément. C’est-à-dire
qu’il peut s’écouler un temps plus ou moins long entre le prononcé de la sentence et le point de départ du délai d’un mois au
terme duquel la partie condamnée sera forclose pour exercer son recours. Dans ce cas, le gagnant peut avoir en vain attendu
que le perdant s’exécute, et lorsqu’elle engage la procédure, elle doit encore attendre au moins un mois au terme duquel le
perdant peut encore exercer son recours.
72
D’ailleurs, le législateur africain renforce cette idée en prévoyant que la sentence arbitrale est revêtue de l’autorité de la chose
jugée, dès son prononcé - Art.23 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur l’arbitrage.
Lorsque la sentence munie de l’exequatur est signifiée à la partie qui a perdu le procès, elle
dispose d’un mois à partir de cette signification pour exercer son recours en annulation. Ce
délai ne doit pas être confondu avec le délai de trente jours ou de trente et un jours73.
On peut se demander si en la matière, les règles de computation des délais du code civil seront
appliquées, car ici, le jour de départ et le jour d’arrivée ne comptent pas. En attendant que la
pratique nous donne des pistes de solutions, on peut penser qu’il sera loisible aux juges
étatiques d’appliquer en la matière, les règles de computation de leur droit national propre, ce
qui ne manquera pas d’écorcher le sens conventionnel de la justice arbitrale, soulevant par-là
même, d’autres problèmes.
2.- La mauvaise rédaction de l’article 27
D’abord, on peut se demander si la signification de la seule sentence ou de la seule
ordonnance d’exequatur fera courir le délai d’un mois de l’art. 27. A cette question, on ne
peut logiquement donner qu’une réponse négative. En effet, la signification de la seule
sentence ne sera concevable qu’avec une personne qui n’a pas été partie à l’audience ni
représentée, et on est fondé à croire que la signification a pour objet de la mettre au courant de
l’existence de la sentence, et de l’inviter par la même occasion, à s’exécuter74. Or, quand on
sait que pour obtenir l’exequatur, le législateur africain exige que le demandeur produise soit
l’original, soit la copie authentique de la sentence75, on est fondé à croire que le plus souvent,
la sentence et la décision d’exequatur doivent aller ensemble. Dans tous les cas, le législateur
exige que les deux soient signifiés, ce sans quoi le délai d’un mois pour intenter le recours en
annulation ne saurait courir.
Ensuite, on peut se demander si ce délai peut être interrompu ou suspendu. En attendant
d’avoir des réponses à ces interrogations par la pratique, on devrait avouer que l6e souci de
célérité empêche que ce délai soit interrompu, car pour que le délai soit interrompu, il faut des
causes bien précises. Ce délai doit être un délai franc. Mais on peut valablement penser que ce
délai pourra être susceptible de suspension, car les causes de suspension sont souvent
extérieures aux parties, et c’est pour cela que l’on admet généralement que le délai ne saurait
courir pour celui qui ne peut pas agir.
Enfin, lorsqu’on lit la manière par laquelle le législateur parle du délai dans l’art. 27, on est en
droit de se demander s’il s’agit effectivement d’un mois. En effet, en disant que le recours en
annulation cesse d’être exercé « s’il n’a pas été exercé dans le mois de la signification de la
sentence munie de l’exequatur », rien ne permet de dire mordicus qu’il s’agit d’un délai d’un
mois. On peut bien prétendre qu’il s’agit d’un mois civil, de telle sorte que si la sentence
munie de l’exequatur est signifiée par exemple le 27 juin, l’autre partie aura jusqu’à la fin du
mois de juillet pour exercer son recours, ce qui fera finalement de ce délai un délai aléatoire
devant varier au cas par cas.
S’il est vrai que la volonté du législateur africain était sûrement l’institution d’un délai d’un
mois, que la pratique consacrera d’ailleurs, il n’est pas sans importance de relever ici que la
rédaction de cet article n’est pas heureuse, dans la mesure où le législateur dit mal ce qu’il
voulait dire. Pourtant, pour éviter ces distorsions, il pouvait dire simplement que les parties
disposent d’un délai d’un mois pour former leur recours en annulation contre la sentence
arbitrale, à compter du prononcé de la sentence76 ou de la signification de celle-ci77, étant

73
Dans le premier cas, on compte de quantième en quantième, alors que dans le second, on compte de jours en jours.
74
_____ immédiatement un recours en annulation devant le juge étatique compétent.
75
voir Art. 31 al. 1 et 2 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur l’arbitrage, voir aussi infra.
76
Pour les sentences rendues contradictoirement.
77
Pour les sentences réputées contradictoires.
donné, à notre avis, que la recherche ou non de l’exequatur est une question purement privée
et ne doit pas être prise en compte pour le déclenchement d’un délai de forclusion que le
législateur veut pourtant impératif78.
Heureusement que le plus souvent, la partie qui intente le recours n’aura pas pris acte de cette
maladresse du législateur. Elle n’aura même pas attendu que l’autre partie lui signifie la
sentence munie de l’exequatur. Mécontente, elle aura formé son recours immédiatement après
le prononcé de la sentence, de telle sorte que l’essentiel du contrôle du juge étatique sera axé
non sur les délais de sa saisine, mais sur la régularité de la sentence.

B - Le contrôle de la régularité de la sentence79


L’art. 26 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur l’arbitrage dispose que « le recours en
annulation n’est recevable que dans les cas suivants (…) ». La question qui vient à l’esprit
est celle de savoir s’il s’agit d’une irrecevabilité en la forme ou fond du recours. S’il est
incontestable qu’il s’agit d’une irrecevabilité au fond, celle de forme devant relever de la loi
nationale de chaque Etat partie, il faut regretter que le législateur préfère susciter quand même
cette interrogation, lui qui aurait dû dire tout simplement que « l’annulation de la sentence
ne peut être prononcée que dans les cas suivants (…) ». Il prévoit six cas dans lesquels
l’annulation de la sentence peut être prononcée. En les regroupant, on remarque que certaines
irrégularités, si elles existent, auront été consommées avant le début de l’audience
arbitrale (1), d’autres l’auront été en cours d’audience (2) et l’autre ne l’aura été qu’en fin (3).
1.- Les irrégularités antérieures à l’audience arbitrale
Avant même de commencer l’audience, l’arbitre a l’obligation de vérifier que la convention
d’arbitrage existe et qu’elle n’est pas nulle (a). Ensuite, il s’assure que le tribunal est
régulièrement constitué (b), sinon le juge étatique, au terme de son contrôle, annulera la
sentence.
a.- Le contrôle de l’existence et de la validité de la convention d’arbitrage
L’art. 26 al. 2 précité prévoit que le juge étatique annulera la sentence « si le tribunal arbitral
a statué sans convention d’arbitrage ou sur une convention nulle ou expirée ». Cet alinéa
prévoit en réalité trois situations :
D’abord, si le tribunal arbitral a statué sans convention d’arbitrage, il faudra distinguer
d’après que la partie qui forme le recours s’est présentée à l’audience et a dénié ou non
l’investiture du tribunal arbitral. Si elle a dénié l’investiture du tribunal, aucun problème ne se
pose et son recours devient porteur, car on ne saurait être justiciable d’un tribunal arbitral sans
son consentement. Si au contraire elle s’est présentée et n’a pas dénié l’investiture des
arbitres, un auteur estime, ce à juste titre, que cette partie a conclu tacitement un compromis
avec l’autre80. Heureusement que les hypothèses d’une sentence rendue sans convention
d’arbitrage seront plutôt rares dans la pratique, car il s’agira le plus souvent, de contester
l’étendue d’une convention d’arbitrage, l’arbitre s’étant cru à tort investi du pouvoir du juge81.
Ensuite, le juge étatique doit vérifier que la convention d’arbitrage n’était pas nulle. Une
convention d’arbitrage pourra être nulle lorsque le consentement de l’une des parties a été

78
Rien n’oblige la partie gagnante à rechercher l’exequatur. Elle peut même faire une remise de la dette issue de la sentence.
Pourtant, avec l’esprit de l’art.25, les parties pourront encore à n’importe quel moment, former un recours en annulation.
Franchement, la mauvaise rédaction de cet article risquera de poser des problèmes dans la pratique.
79
voir sur la question FIPA (J.), Les garanties d’exécution des sentences arbitrales rendues dans l’espace OHADA, Mémoire de
DEA en droit communautaire et comparé CEMAC, Université de Dschang, 2000-2001, passim.
80
BOISSESON (M.), op. cit., p.367, n° 449.
81
POUGOUE (P.G.), TCHAKOUA (J.M.), FENEON (A.), op. cit., p.232, n° 256.
vicié, lorsque l’une d’elles n’avait ni qualité ni capacité pour conclure la convention. La
convention d’arbitrage peut être nulle si son objet n’est pas conforme à la loi, par exemple
lorsqu’elle vise les litiges qui ne peuvent être arbitrables, comme l’état des personnes82.
Toutes ces hypothèses peuvent être retenues, en attendant que la jurisprudence nous éclaire
sur les différentes hypothèses de nullité de la convention d’arbitrage83.
Enfin, le juge étatique doit vérifier que si la convention d’arbitrage existait et était valable,
qu’elle le restait au moment où le tribunal a été saisi, c’est-à-dire qu’elle n’était pas expirée.
Il faut distinguer ici l’hypothèse dans laquelle c’est la convention d’arbitrage elle-même qui
est expirée, de celle où la sentence a été rendue après que le délai légal ou conventionnel de
l’arbitrage est expiré. Nul doute que l’alinéa 2 de l’art. 26 précité vise le premier, celui dans
lequel la convention elle-même était expirée. En effet, les parties peuvent bien délimiter dans
le temps, l’éventuelle hypothèse d’intervention du tribunal arbitral, et il est tout à fait normal
après l’expiration de ce délai, que le tribunal arbitral perde sa prérogative de connaître du
litige.
Si cette convention restait valable et que ce sont les arbitres qui ont dépassé le délai qui leur
était imparti pour rendre leur sentence, il faut distinguer d’après qu’un délai supplémentaire
leur est accordé, ou non. Si le délai supplémentaire leur est accordé, aucun problème ne se
pose, car la sentence rendue sera valable84. Si au contraire aucun délai supplémentaire ne leur
est accordé, le législateur de l’OHADA prévoit que l’instance arbitrale aura pris fin avec
l’expiration du délai85, et on peut s’inspirer du droit français de l’arbitrage interne pour dire
qu’on devrait prononcer l’annulation de la sentence arbitrale86. Cette solution dans le cadre de
l’OHADA risquera de se heurter au refus du juge de l’annulation, dans la mesure où elle n’est
pas expressément prévue parmi les causes d’annulation de la sentence arbitrale. De toute
évidence, si une partie peut cumuler les deux motifs (convention d’arbitrage expirée, délai
d’arbitrage dépassé), son recours ne peut en être que nourri et l’annulation de la sentence a
toutes les chances d’être prononcée, un peu comme si la composition du tribunal n’avait pas
été régulière.
b - Le contrôle de la composition du tribunal ou de la désignation de l'arbitre
unique
L’art. 26 al. 3 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur l’arbitrage prévoit que si le ou les arbitres
sont irrégulièrement désignés, cette situation ouvrira droit à la recevabilité du recours en
annulation. Les règles de constitution du tribunal arbitral ou de désignation de l’arbitre unique
sont d’un intérêt privé. C’est pour cela que le législateur laisse le soin aux parties de désigner
leurs arbitres et de constituer un tribunal d’un seul ou de trois arbitres.
Toutefois, un tribunal irrégulièrement constitué peut être celui qui était composé de deux
arbitres seulement. L’irrégularité peut aussi consister dans le fait que les prévisions des parties
pour la composition du tribunal arbitral n’aient pas été respectées. Dans ce cas, il appartiendra
au juge de vérifier que la volonté des parties a été respectée ou non, car elles sont libres de
régler la procédure arbitrale comme elles le jugent bien à propos87. L’irrégularité peut aussi

82
voir art. 2 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur l’arbitrage.
83
L’art. 1443 al. 2 du NCPCF retient les hypothèses dans lesquelles les parties ne désignent pas le ou les arbitres et ne
prévoient aucune modalité pour le faire comme étant cause de nullité. Ces causes ne sauraient être retenues dans l’espace
OHADA, car ici tout est mis en œuvre pour que le tribunal soit constitué.
84
voir art. 12 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur l’arbitrage.
85
Art. 16 al. 1.
86
Arts. 1445 et 1446 al. 1 du NCPCF.
87
Art. 14 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur l’arbitrage.
provenir du fait que l’arbitre ne remplissait pas les conditions requises pour être arbitre88, par
exemple lorsqu’il était un mineur, un majeur en tutelle ou en curatelle, une personne morale89.
L’irrégularité peut également provenir d’une fraude de l’une des parties, dont le résultat a été
d’empêcher l’autre de désigner son arbitre.
Dans toutes ces hypothèses, « la partie qui entend faire annuler une sentence arbitrale ne
doit pas, par un comportement quelconque, avoir laissé se poursuivre la procédure, alors
qu’elle connaissait l’irrégularité »90, car dans ce cas, on penserait à une couverture implicite
de cette irrégularité.
Toutefois, si la procédure n’a pas été contradictoire, elle pourra bien se prévaloir de cet aspect
de chose, à côté de l’irrégularité. Seulement, par opposition à l’irrégularité, qui suppose que
l’audience n’ait pas commencé, le respect du contradictoire suppose qu’elle soit en cours.
2.- Les irrégularités commises en cours d’audience
Il s’agira ici de vérifier que le tribunal a statué en respectant certaines règles dictées par le
règlement de litige. Le législateur en a visé trois : le cas où le tribunal arbitral n’a pas respecté
sa mission (a), le cas où le principe du contradictoire n’a pas été respecté (b) et celui où
l’ordre public des Etats parties a été violé (c).
a.- Le contrôle du respect par le tribunal de sa mission
Le recours en annulation peut être prononcé, d’après les textes, « si le tribunal arbitral a
statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée »91 par les parties.
On peut penser que les arbitres ne se sont pas conformés à leur mission lorsqu’ils n’appliquent
pas la loi de procédure prescrite par les parties ou lorsqu’ils ont statué en amiable
compositeur, sans le consentement des parties92. Seulement, pour bien apprécier si l’arbitre
s’est ou non conformé à sa mission, il faut que l’objet de celle-ci soit bien précis. Or il n’en
est pas toujours ainsi, notamment lorsque les parties autorisent l’arbitre à appliquer certaines
règles coutumières, ou à statuer en amiable compositeur. Dans tous ces cas, une petite marge
de manœuvre lui est laissée et il sera libre d’apprécier la justesse des moyens qu’il invoque au
soutien de sa sentence. Au demeurant, il peut avoir statué infra petita93, ce qui devra justifier
une demande en sentence additionnelle94. Mais lorsqu’il a statué ultra95 ou extra petita96, il
devient indiscutable qu’il a statué sans se conformer à sa mission. Il n’est même pas
nécessaire pour la partie qui invoque ce moyen, d’avoir été présente à l’audience. Son action
aura plus de chances de succès si elle peut prouver qu’à côté de ce motif, la procédure n’a pas
été contradictoire.
b.- Le contrôle du caractère contradictoire de la procédure

88
Art. 6 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur l’arbitrage.
89
voir BOISSESON (M.) op. cit., p. 371 n° 454 ; p. 199, n° 157 et ss.
90
POUGOUE (P.G.), TCHAKOUA (J.M.), FENEON (A.) op. cit., p.234, n° 257.
91
Art. 26 al. 4 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur l’arbitrage.
92
L’art. 15 al. 2 de l’Acte uniforme prévoit que les arbitres ne peuvent statuer en amiable compositeur que « lorsque les parties
leur ont conféré ce pouvoir ». Autrement dit, la volonté d’une seule partie ne saurait autoriser les arbitres à statuer en
amiable compositeur _____ LOQUIN (E.), note sous Paris, 12 mars 1985, R.A.1985, p.229 et ss.
93
Il s’est prononcé partiellement sur ce qui lui avait été demandé. Exemple : on lui demande de condamner au principal et
d’accorder des dommages-intérêts. Le tribunal condamne et ne se prononce pas sur la demande en dommages-intérêts.
94
Art. 22 al. 2 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur le droit de l’arbitrage.
95
Il s’est prononcé sur ce qui lui avait été demandé, mais aussi sur ce qui ne lui avait pas été demandé. Exemple : on lui
demande de condamner au principal. Non seulement il condamne au principal, mais il accorde aussi des dommages-intérêts
qui ne lui avaient pas été demandés.
96
Il s’est prononcé sur autre chose que ce qui lui avait été demandé. Exemple : on lui demande de condamner au principal. Sans
se prononcer sur la condamnation au principal, il se borne à accorder des dommages-intérêts.
Le recours en annulation peut encore être prononcé « si le principe du contradictoire n’a pas
été respecté »97.
Il s’agit, en réalité, de la violation du principe cardinal du non respect des droits de la défense.
Il est d’ailleurs traditionnellement admis que la violation des droits de la défense constitue
une violation de l’ordre public international98.
Dans la pratique, le principe du contradictoire sera violé toutes les fois qu’un rapport
d’expertise ou tout autre document produit par une partie n’aura pas été communiqué à l’autre
partie. Il en sera aussi ainsi lorsque dans l’organisation des débats, les arbitres n’ont pas
entendu l’une des parties. On est en droit de se demander si dans ces hypothèses, on ne peut
pas arguer que l’ordre public des Etats parties au Traité a été violé.
c.- Le contrôle de l’ordre public99
La sentence arbitrale peut être annulée sur le fondement de l’ordre public dans deux
hypothèses : d’abord, la sentence peut être nulle parce que la convention d’arbitrage elle-
même est nulle.
Dans cette hypothèse, la convention principale elle-même peut être nulle, ou alors que l’objet
du litige qui est soumis aux arbitres est contraire à l’ordre public, rendant ainsi nulle la
convention d’arbitrage pour objet contraire à l’ordre public. Ensuite, la validité de la
convention d’arbitrage sera contestée parce que l’une des phases ou l’une des opérations est
contraire à l’ordre public.
Précisons tout de même que le texte parle bien de la contrariété à l’ordre public des « Etats
signataires du Traité »100. Il faut donc distinguer cet ordre public de l’ordre public interne des
Etats parties, qui ne doit pas être invoqué pour l’annulation de la sentence. La jurisprudence
devra donc très vite donner un contenu à cet ordre public des Etats signataires du Traité
OHADA. La doctrine, qui a souhaité voir les juridictions nationales et la CCJA faire leurs les
solutions dégagées par la juridiction française en la matière, a expliqué ce choix du législateur
africain d’écarter les ordres publics internes des Etats parties au profit d’un ordre public
communautaire, par le fait que laisser celles-ci faire jouer leur ordre public interne reviendrait
à fragiliser l’harmonisation recherchée, et le pourvoi en cassation devant la CCJA perdrait
tout son sens101.
En attendant, toutefois, d’être fixé sur le contenu de cet ordre public international, on peut se
demander s’il sera constitué de l’ensemble des ordres publics internes des Etats parties, ou s’il
aura un contenu spécifique. Même s’il est hâtif de se prononcer sur cette question, on peut
pencher pour la deuxième alternative, étant donné que la première reviendrait à faire jouer les
ordres publics internes des Etats parties. Dans tous les cas, pour bien apprécier la violation de
l’ordre public par le tribunal, il faut se placer sur le terrain de la sentence qu’il a rendue.
3.- Le contrôle de la motivation de la sentence
On ne peut mieux apprécier la motivation de la sentence qu’en se plaçant après son prononcé.
Le législateur africain oblige les arbitres à la motiver, car l’annulation peut être prononcée « si
la sentence arbitrale n’est pas motivée »102.

97
Art. 26 al.5 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur l’arbitrage.
98
voir FOUCHARD (P.), GAILLARD (B.) et GOLDMAN (B.) op. cit., n° 1652 et ss.
99
voir RACINE (J.B.), L’arbitrage commercial international et l’ordre public, Paris, 1999.
100
Art. 26 al. 6 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur l’arbitrage.
101
POUGOUE (P.G.), TCHAKOUA (J.M.) et FENEON (A.) op. cit., p.236, n° 260 et ss.
102
Art. 26 al. 7 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur l’arbitrage précité.
On peut se demander si la motivation dont il est question ici est une motivation en fait, en fait
et en droit, ou en droit seulement. D’ailleurs, les arbitres peuvent, s’ils sont investis de tels
pouvoirs, statuer en amiables compositeurs et ne feront référence au droit que si celui-ci est à
même d’apporter une solution équitable au litige. Tout ce qui sera requis des arbitres sera de
prouver par leur motivation, que leur décision n’a rien d’arbitraire.
On peut dire, en définitive, que le pouvoir d’annulation du juge étatique est cantonné dans les
limites de l’art. 26, car il ne fait aucun doute que les hypothèses d’annulation prévues par ce
texte sont limitatives. Ceci entraîne pour conséquence que si la demande d’annulation était
fondée sur un motif que ne prévoit pas ce texte, le demandeur devrait logiquement être
débouté. Toutefois, lorsque l’une de ces hypothèses est évoquée dans le recours, le juge
étatique garde sur elle son pouvoir d’appréciation de son bien ou de son mal-fondé. Cette
appréciation est de toutes les façons influencée par les arguments des parties au litige, car
celles-ci y jouent un rôle déterminant.

CONCLUSION
On se rend compte que l’essentiel du contentieux de l’annulation des sentences issues de
l’arbitrage traditionnel est mené par le juge étatique. N’intervenant que dans des situations
pathologiques, celui-ci peut tantôt faciliter le déroulement de la procédure arbitrale et être
alors considéré comme juge d’appui, tantôt permettre à la sentence, lorsqu’elle a été
régulièrement rendue, de sortir son entier et plein effet et être dans ce cas considéré comme
juge de contrôle de la régularité de la sentence arbitrale103. C’est dans cette dernière hypothèse
qu’à la suite d’un contentieux souvent houleux, il peut être amené à annuler une sentence
irrégulièrement rendue. En considérant les graves conséquences qui sont attachées à
l’annulation de la sentence arbitrale, il serait souhaitable que les interventions du juge étatique
dans ce domaine soient commandées par la nécessité, car de la justesse de celles-ci dépend
l’efficacité d’une procédure à laquelle les parties ne voulaient pas, à l’origine, l’associer.

103
voir sur la question SOH FOGNO (D.R.), Mémoire op. cit., passim.

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