Rimbaud Texte N 1 Roman Analyse

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Séquence IV : Les Cahiers de Douai, A. Rimbaud


Texte n°1 : analyse linéaire : “Roman” (BAC n°13)

Ce document n’est pas destiné à être récité par coeur : il faut l’adapter le jour de l’oral.

Introduction
- présentez le recueil avec les éléments vus en cours (fugue, précocité, 22 poèmes adressés à son
professeur …)
- 13e poème du recueil : place centrale, encadré par “Les Effarés” (= poème sur les enfants qui ont faim
et regarde le boulanger par le soupirail) et “Le Mal” (= poème dénonçant la guerre) = ainsi, “Roman”
fait figure de poème amusant, au milieu de ces deux autres textes : il s’agit peut-être d’ “alléger” le
propos et de faire maintenant sourire le lecteur (car le poème comporte une certaine autodérision
amusante)
- poème narratif (car il raconte quelque chose : une saynète amoureuse) : en huit quatrains
d’alexandrins à rimes croisées, répartis en quatre “sections”, ou “chapitres”, numérotés de I à IV. Cette
partition rythme le texte : nous avons l’impression d’avoir affaire à une “histoire” en quatre actes à
la manière du théâtre.
- Ce texte est particulièrement intéressant car :
● le poète emploie à la fois le “on / vous” et le “je” : il mêle comme nous le verrons la
dimension générale (il met à distance) et la dimension personnelle (il parle de lui, lui qui a
précisément 17 ans)
● le texte se caractérise par son humour et son autodérision : d’une grande maturité, le poète
nous fait sourire car il se met en scène mais avec distance et lucidité.
● Le poème est aussi intéressant par l’importance qu’il donne aux sens. C’est souvent le cas
dans son œuvre… De plus, il tient à distance les clichés romantiques qu’il revisite en partie
comme nous le verrons.
Pbr : Ainsi, nous nous demanderons comment le poète parvient à traiter avec humour et légèreté un thème
lyrique traditionnel, celui de la rencontre.
Plan du texte : voir plus haut = saynète en quatre actes.

Premier Acte : I (deux quatrains)


“On est pas sérieux, quand on a dix-sept ans”
idées essentielles
- phrase d’introduction générale (qui sera reprise dans l’avant-dernier vers pour former une
conclusion) : ainsi, le “récit” sera encadré par ces deux affirmations. L’histoire se présente alors
comme une démonstration de cet aphorisme .
NB : on appelle aphorisme l’expression, en une phrase courte, d’une idée générale vraie de
tout temps (exprimée au présent de vérité générale : “ est” “a” et avec le pronom générique
“on”)
- dimension autobiographique amusante : il a lui-même 17 ans … mais il se qualifie, avec lucidité, de
“pas sérieux” = mise à distance de soi.
+ diérèse sur le mot sérieux = ce mot se prononce en trois syllabe : sé / ri / eux … prononciation
“savante” et appuyée qui donne au mot une importance particulière, un peu “jouée”, exagérée :
c’est d’autant plus amusant qu’on peut s’imaginer quelqu’un de plus âgé, de plus sage, de plus
sérieux prononcer une chose pareille. Le mot est “gonflé” par la diérèse.
Un beau soir, foin des bocks…
- Rupture de ton : nous entrons dans l’histoire, qui sera une illustration de cette idée : “on est pas
sérieux…” /
● entrée fracassante, dynamique : elle est dynamisée par la forme de la phrase : “foin des bocks
et de la limonade, des cafés tapageurs aux lustres éclatants” est une phrase nominale ( = elle
ne comporte pas de verbe) : c’est un écart par rapport aux normes françaises (normalement,
toute phrase comporte un verbe conjugué) : cette absence de verbe donne de la rapidité à la
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phrase : elle semble surgir, comme une décision prise à la hâte : il en est fini des cafés et de la
civilisation bruyante.
● le mot “un beau soir” souligne que la décision se fait brusquement + type de phrase
exclamative + ouverture de la narration par l’usage (peu fréquent) des tirets “- On va ….”
On va sous les tilleuls ….. parfum de bière…
- contraste avec les cafés et le bruit = la nature (tilleuls), le calme (la promenade nocturne),
l’environnement doux et protecteur (l’adjectif “bon” est répété deux fois dans le même vers” ) = cadre
fréquent d’une nature protectrice dans l’oeuvre de Rimbaud (voir “Le Dormeur du Val” ou “Ma
Bohème”)
- importance des sens !! = l’odorat (“sentent bon”, “les parfums” x 2 dans le même vers 8); l’ouïe (“les
bruits de la ville”); le toucher ( l’air est doux … sur la peau).
- le jeune homme est ouvert à la nature : on sent déjà qu’il est en attente, à l’écoute de ses sens et de ses
désirs…. L’environnement sensuel et protecteur du cadre lui fait fermer la paupière (v. 6) =
disponibilité et rêverie propices à l’amour …. C’est cet état d’attente et de désir chez un jeune homme
de 17 ans que Rimbaud arrive à bien rendre et qui fait l'intérêt de ce poème.
Remarques secondaires : pas de respect de la rime pour l'œil “juin” et “loin” riment mais ne s’écrivent pas
pareil = écart par rapport aux règles.

Deuxième Acte : II (deux quatrains)


➔ quatrains qui décrivent le cadre de l’histoire et l’attention que porte le jeune homme à la nature qui
l’entoure / description intéressante car elle revisite les clichés romantiques du début du siècle :
- paraphrase pour bien comprendre (à ne pas faire à l’oral) = le poète observe la nature qui l’entoure : il
voit un petit morceau de ciel sombre entre les branches ( = un chiffon d’azur sombre encadré d’une
petite branche), et une étoile dans ce morceau de ciel ( = piqué d’une mauvaise étoile, petite et toute
blanche).
- petite description très intéressante pour plein de raisons : 1. va contre les clichés romantiques du début
du XIXe siècle (programme de Seconde) : les poètes comme Lamartine ou Musset célèbre une nature
grandiose qui reflète les passions des personnages, une nature ouverte et accueillante. Ici, le paysage se
réduit à un “chiffon” de ciel et une “mauvaise étoile” = réduction amusante de la grandeur romantique
(que Rimbaud connaît bien évidemment).
- finesse poétique dans les images employées (qui fait tout l’art de Rimbaud) = le morceau de ciel est
“traduit” poétiquement par la métaphore “chiffon d’azur” = à commenter à l’oral selon votre
inclinaison poétique. / l’étoile “pique” le ciel / elle se fond avec de doux “frissons” = son scintillement
(?) est traduit par le poète comme un frisson (?) : on passe des sens visuels au sens tactiles
(synesthésie)… même si l’image n’est pas bien claire. Son obscurité en fait d’ailleurs sa force = il est
difficile de réduire ces images à des interprétations rationnelles et c’est ce qui fait leur intérêt poétique.
- Remarque secondaire : comme dans le quatrain précédent, pas de rimes pour l’oeil : “chiffon” et
“rond” ne respectent pas les règles : l’un a un “d” final pas l’autre.
“Nuit de juin ! dix-sept ans ! ….
➔ quatrains qui mettent l’accent sur l’état d’esprit du poète : disponible, sensuel, ouvert au monde,
bouillonnant … (et donc tout à fait prêt à tomber amoureux … mais ce sera plus loin :)
- retour à l’enthousiasme du début avec les deux exclamatives : Nuit de juin ! Dix-sept ans ! : rythme
qui traduit bien l’impulsion de la jeunesse : frénésie, envol, dynamisme : cet hémistiche suffit à le
résumer. Il montre l’accord d’un âge (dix-sept ans) et d’un contexte (la sensualité d’une soirée d’été).
- Belle expression du désir sans objet qui habite le corps du jeune homme : image du champagne (v.14)
et du baiser qui palpite aux lèvres (v.15).
● métaphore filée du champagne : “la sève est du champagne et vous monte à la tête / On
divague” = le poète associe la nature : “la sève” et son état : l’ivresse. La nature donne une
forme d’ivresse. La sève des arbres est en accord avec le sang bouillonnant du poète. Il y a une
contamination : la douceur sensuelle de l’été accentue le désir du jeune homme, l’intensifie.
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● la suite du quatrain développe l’idée d’un baiser sans objet : “on sent aux lèvres un baiser /
Qui palpite là, comme une petite bête…” = le poète sent en lui le désir d’aimer, sans savoir
bien qui ( la jeune fille passant un peu plus loin…. arrivera bien à propos).
La transition entre les deux images, celle de la sève et du baiser se fait avec le mot “palpiter” :
le baiser palpite aux lèvres. Le champs lexical du corps avec “vous monte à la tête” et
“divaguer” est encore exploité = Rimbaud met l’accent sur la dimension charnelle de ce
désir : plus que le coeur, c’est le corps qui appelle l’amour (contraste là aussi avec les
sentiments idéalisés des Romantiques au début du XIXe siècle). Et les circonstances (l’été, la
chaleur, les tilleuls, l’isolement…) attisent ce désir.
+ secondaire : comparaison du baiser avec “la petite bête” = exploite la thématique de
la nature, puisque le cadre est naturel / rappelle la grâce et la fantaisie du poème
“Première Soirée”.
- On soulignera l’emploi du pronom “on” : trois fois dans ce quatrain ! = généralisation du propose. Le
désir que décrit Rimbaud est celui de tt jeune homme de dix-sept ans. Il généralise = grande preuve
aussi de maturité ici ! Celle de comprendre que l’on est pas seul à ressentir à 17 ans un tel élan de désir
…Il naît d’un âge “ quand on a 17 ans” et de circonstances.

Troisième Acte : III (deux quatrains)


➔ événement capital dans cette saynète d’amour en quatre actes : l’apparition de la “passante” : une
jeune fille au bras de son père, qui lui lance un regard.
- scène amusante et vivante : en quelques vers, Rimbaud arrive à saisir une petite scène que nous
imaginons facilement : accumulation des verbes de mouvement qui dynamisent l’histoire : elle
“passe”, “elle vous trouve”, “elle se tourne”
- la scène fait allusion à un célèbre poème de Baudelaire “A une passante” (à lire absolument) :
Rimbaud semble réécrire, avec malice, ce poème : la jeune fille passe comme la passante de
Baudelaire et Rimbaud utilise volontairement le mot “passe”, en inversant le sujet et le verbe pour le
mettre plus en avant à l’attaque du vers / mais le cadre semble à l’opposé de celui de Baudelaire :
l’univers ultra-urbain de Baudelaire est au contraire très champêtre dans le poème de Rimbaud …
peut-être parce qu’il se prête mieux aux amours adolescentes.
- le premier vers :”Le coeur fou Robinsonne à travers les romans” rappelle que le jeune homme est plein
de désirs : le néologisme ( = mot inventé) “robinsonne” met de nouveau l’accent sur la disponibilité
amoureuse du jeune homme : son corps appelle l’amour comme une aventure à vivre, et son esprit est
chargé d’aventures romanesques ( le mot “roman” est placé à la rime et rimera avec le mot
“charmant”).
- Mise en scène du passage de la jeune fille ( comme un tableau miniature de Constantin Guys :
secondaire mais allez voir si vous avez un peu de temps) : la scène est “croquée” en quelques détails
(grand art de Rimbaud) : trois détails visuels suffisent à créer une atmosphère :
● dans la clarté d’un pâle réverbère = allongement du vers par ce long complément
circonstanciel / précision visuelle qui nous fait VOIR
● les petits airs charmants = affectif et mignon (hypocoristique) par les deux adjectifs courts,
avant la longue précision effrayante qui va suivre :
● “Sous l’ombre du faux col effrayant de son père” = long complément qui occupe tout le vers et
rend le père menaçant. Métonymie saisissante : une seule partie de son habit (le faux col)
suffit à peindre le personnage = en représentation, plutôt bourgeois, inquiétant ..et faux.
Et comme elle vous trouve immensément naïf ….
- suite de la saynète, dramatisée par le rythme poétique : “elle se tourne” = 4 syllabes + rythme rapide et
haché (à montrer) / même focus sur un ou deux détails qui vont faire naître la scène dans notre
imagination : “faisant trotter ses petites bottines”, “d’un mouvement vif …” (voir Baudelaire : il
procède de la même façon : la démarche de la “passante” est saisie par quelques mots).
Sur vos lèvres alors meurent les cavatines
- conclusion amusante par sa rapidité : humour dans l’exagération et la prise de distance qu’un poète de
17 ans arrive à prendre avec les amours de jeunesse.
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- Humour qui naît de la structure du quatrain : effet de chute sur ce vers après la mise en scène des six
vers précédents / humour qui naît aussi de sa réaction : il se sentait dans les quatrains précédent
palpitant, disponible, ouvert à toutes les aventures, tel Robinson et se voit soudain condamné au
silence. Humour qui vient du décalage : le bref passage d’une jolie passante a suffi à le rendre
silencieux … et à le faire tomber amoureux
Secondaire : passage du pronom “on”, au pronom “vous” (à commenter) / le mot “naïf” en fin de vers n’a pas
de rime ! entorse aux règles encore plus grande que dans les quatrains précédents

Quatrième Acte : IV (deux quatrains)


➔ Suite de l’histoire, toujours traitée avec humour et auto-dérision / suivie d’une conclusion qui ferme le
poème et reprend le premier vers.
- Humour du premier vers : “‘Vous êtes amoureux” = l’histoire est conclue en 6 syllabes d’une platitude
amusante. Après les belles images poétiques des quatrains précédents (la sève du champagne, le
chiffon d’azur, le baiser qui palpite …), la phrase est directe et presque familière : “vous êtes
amoureux”. Pragmatisme et résumé amusant.
- La suite fait encore sourire davantage : “Loué jusqu’au mois d'août” : la métaphore de la “location”
(du coeur) … pour une durée précise de surcroît (deux mois .. ce qui est finalement assez court : durée
de l’été en somme) fait sourire. Nous sommes bien loin des emportements lyriques du romantisme. La
lucidité de Rimbaud et l’autodérision du poète de dix-sept ans est un des intérêts majeurs du poème.
- Suite de l’intrigue amoureuse (paraphrase) : elle lit ses poème (v. 27) puis lui écrit (v.28) = ainsi, le
“roman” se poursuit et le titre du poème (“Roman”) se justifie alors. Il s’agit bien d’une histoire,
romanesque, avec rebondissements … mais la façon dont elle est traitée est amusante : elle l’est avec
distance et rapidité. Le rythme est rapide : phrase nominale (“Loué jusqu’au mois d’aout”) +
juxtaposition de phrases sans lien grammatical (= pas de mots de liaison) qui dynamise le rythme.
- On relèvera la dimension autobiographique : “vos sonnets la font rire”. Mélange, comme souvent dans
Cahier de Douai, entre la mise à distance de la généralisation et l’expérience personnelle du “je”.
Ce soir-là, ….vous rentrez aux cafés éclatants
- rapidité de la narration de nouveau et nouvel événement dans le roman : elle lui écrit …
- humour dans la réaction du jeune homme : victorieux et triomphant, il revient au point de départ (les
cafés du début, lieu de sociabilisation.. où il va pouvoir faire part de sa victoire) + hypallage : le mot
“éclatants” qui est attribué aux cafés, lui convient à lui aussi.
- Rapidité traduire par les verbes de mouvement au présent d’énonciation : vous entrez au café, vous
demandez des bocks.
- Retour aux vers qui ouvraient le poème : mouvement de clôture qui ferme le “roman” / conclusion
donnée à l’histoire qui renforce la prise de distance que le poète prend avec sa propre expérience.
- Mais une précision amusante est apportée : “ Et qu’on a des tilleuls verts sur la promenade” =
précision sur le lieu et le temps : la nature et l’été :
● précision joliment poétique pour clore le poème : réintroduit de la douceur et la présence de la
nature après le rappel des cafés tapageurs ; douceur qui vient aussi du rythme ample : la
proposition se déploie dans tout l’alexandrin et les sonorités sont calmes : “ a “ ( on a /
promenade) et claires : “verts” au centre du vers, après la césure
● précision sur l’état amoureux : c’est l’âge qui rend le jeune homme prêt à tomber amoureux
(“quand on a dix-sept ans”) mais c’est aussi le contexte (“les tilleuls verts de la promenade” :
le soir d’été dans une nature à l’écart, accueillante et douce (voir plus haut).

CCL
- charmant poème plein d’humour / autodérision autobiographique … mise à distance par “on” et“vous”
- rythmé comme une saynète rapide et bien menée
- Rythme enlevé du “roman” qui en fait une narration plaisante et réponse à des références littéraires en
creux : le romantisme du début du siècle et le symbolisme baudelairien.

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