Roman Rimbaud Analyse

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Roman, Rimbaud : analyse

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Par Amélie Vioux

Voici une analyse du poème « Roman » (« On


n’est pas sérieux quand on a 17 ans ») d’Arthur
Rimbaud. Ce poème écrit en 1870 est issu des
Cahiers de Douai.

Roman, Rimbaud : analyse linéaire pour l’oral


Arthur Rimbaud, âgé de seulement 16 ans, a écrit ce qui s’appellera les Cahiers de Douai,
soit vingt-deux poèmes, répartis en deux liasses.

Adolescent fugueur, Arthur Rimbaud est, en 1870, en pleine révolte.

Le poème étudié est intitulé « Roman » : son titre peut surprendre : il renvoie au genre
littéraire du roman ou au radical du mouvement romantique contre lequel Rimbaud s’élève.

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Le poème surprend également par sa disposition en 4 mouvements – comme 4 chapitres –
composés chacun de deux quatrains.

Poème étudié

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I

On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.


– Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
– On va sous les tilleuls verts de la promenade.

Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !


L’air est parfois si doux, qu’on ferme la paupière ;
Le vent chargé de bruits – la ville n’est pas loin –
A des parfums de vigne et des parfums de bière…

II

– Voilà qu’on aperçoit un tout petit chiffon


D’azur sombre, encadré d’une petite branche,
Piqué d’une mauvaise étoile, qui se fond
Avec de doux frissons, petite et toute blanche…

Nuit de juin ! Dix-sept ans ! – On se laisse griser.


La sève est du champagne et vous monte à la tête…
On divague ; on se sent aux lèvres un baiser
Qui palpite là, comme une petite bête…

III

Le coeur fou robinsonne à travers les romans,


– Lorsque, dans la clarté d’un pâle réverbère,
Passe une demoiselle aux petits airs charmants,
Sous l’ombre du faux col effrayant de son père…

Et, comme elle vous trouve immensément naïf,


Tout en faisant trotter ses petites bottines,
Elle se tourne, alerte et d’un mouvement vif…
– Sur vos lèvres alors meurent les cavatines…

IV

Vous êtes amoureux. Loué jusqu’au mois d’août.


Vous êtes amoureux. – Vos sonnets La font rire.
Tous vos amis s’en vont, vous êtes mauvais goût.
– Puis l’adorée, un soir, a daigné vous écrire !…

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– Ce soir-là…, – vous rentrez aux cafés éclatants,
Vous demandez des bocks ou de la limonade…
– On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans
Et qu’on a des tilleuls verts sur la promenade.

Problématique

Comment Rimbaud prend-il dans ce poème une distance ironique vis-à-vis du lyrisme
amoureux traditionnel ?

Plan linéaire

Nous analyserons la spécificité de chacun de ces 4 mouvement afin de souligner l’effet à la


fois progressif et circulaire du poème.

I – Un décor bucolique : premier mouvement


Le premier vers, resté célèbre, donne le ton du poème : « On n’est pas sérieux, quand on a
dix-sept ans. ».

Arthur Rimbaud ne relate pas une expérience personnelle mais cherche plutôt à montrer
l’universalité d’une expérience. En effet, le recours au présent de l’indicatif à valeur de
vérité générale et au pronom indéfini « on » (à la place du « je ») confère d’emblée à ce
poème une portée universelle.

De plus, le poète semble prendre ses distances avec les codes traditionnels de la
versification.

Par exemple, sa légèreté transparaît à travers la diérèse « sérieux » (à prononcer en trois


syllabes sé-ri-eux), qui mime justement l’absence de prise au sérieux. Il en va de même à
travers l’irruption de tirets dans tout le poème, qui brise l’alexandrin classique et propose
une nouvelle esthétique visuelle et rythmique.

Dans cette première strophe, le poète prend aussi ses distances avec un mode de vie
conventionnel, que l’on peut trouver dans les estaminets du nord.

La phrase exclamative et nominale introduite par « foin des » témoigne de la fougue de la


jeunesse.

Le poète refuse désormais la bière, les bulles et les lieux qu’il fréquentait. En effet, le groupe
nominal « “Des cafés tapageurs aux lustres éclatants” » symbolise un temps révolu. Les
adjectifs qualificatifs (« tapageurs », « éclatants ») laissent transparaître le rejet du poète
pour le bruit et les apparences.

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Ainsi, le dernier vers de la strophe se détache par la typographie et par le changement
radical de décor : « “On va sous les tilleuls verts de la promenade. ”»

Loin de la vie trépidante de la ville, le poète prône un art de vivre dans la nature, où le
temps prend son sens. Sa facétie se lit encore dans le rythme nouveau du vers qui ne
contient ni césure à l’hémistiche ni rythme ternaire : « “On va sous les tilleuls verts de la
promenade. ”»

Dans la deuxième strophe, l’enthousiasme du poète transparaît à travers deux procédés


d’écriture. D’abord, la répétition du groupe nominal « les tilleuls » et du terme
« bon/bons », puis la phrase exclamative qui souligne l’émotion du jeune homme.
L’enthousiasme du poète est si sincère et spontané qu’il ne craint pas les répétitions.

De là, le poète laisse la nature pénétrer tous ses sens : la vue (« “les tilleuls verts” »), mais
aussi l’odorat (« “Les tilleuls sentent bons” »), le toucher (« “L’air est parfois si doux” ») ou
l’ouïe (« “Le vent chargé de bruits” »). Il s’agit d’une expérience sensuelle intense.

Cette expérience ne fait pas oublier la présence de la ville, comme l’indique l’apposition
explicative « “la ville n’est pas loin” » pour justifier les bruits rapportés par le vent. Ainsi se
mêlent deux univers : celui de la nature, caractérisé par le complément du nom « “parfums
de vigne” » et celui de la ville, caractérisé par le complément du nom « “parfums de bière” »
comme si le poète était tiraillé entre deux univers.

II – Un abandon sensuel : deuxième mouvement


Le deuxième mouvement donne l’impression d’observer un tableau. Le présentatif « Voila
que » suscite l’émerveillement devant un décor bucolique. Le verbe « on aperçoit »
amplifie l’hypotypose (impression de voir ce qui est décrit). Les participes passés
adjectivés « “encadré », « piqué ”» et la mention des couleurs (« “D’azur sombre », « toute
blanche” ») accentuent l’aspect pictural de la description.

L’effet de répétition avec l’adjectif petit (« “un tout petit chiffon », « une petite branche »,
« une mauvaise étoile […] petite” ») souligne la naïveté de ce tableau naturel.

Sous la plume de Rimbaud, la nature se métamorphose : le ciel devient ainsi « “un tout petit
chiffon / D’azur sombre” ». Le rejet du complément du nom « D’azur sombre » au vers 10
témoigne de l’espièglerie du poète qui accole un terme prosaïque de la vie quotidienne
(« un tout petit chiffon ») et un terme épique (« D’azur sombre ».)

Néanmoins, l’harmonie du spectacle est rendue par l’assonance en nasales tout au long
de la strophe, avec les rimes masculines « chiffon » et « fond » et les termes « sombre » et
« frissons ».

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Dans la strophe suivante, l’enthousiasme du sujet va crescendo comme l’illustrent les
deux phrases exclamatives nominales « “Nuit de juin ! Dix-sept ans !” »

Le poète s’abandonne à savourer ce temps suspendu de la jeunesse, comme le suggère la


tournure passive « “On se laisse griser” ».

Le présent à valeur de vérité générale et les pronoms sujets « on » permettent d’évoquer


une expérience universelle, et contribuent donc à faire participer le lecteur à ce carpe
diem.

D’ailleurs, le poète s’enivre de cette communion avec la nature. La métaphore « “La sève
est du champagne et vous monte à la tête” » associe le plaisir de la contemplation de la
nature au plaisir d’une boisson prestigieuse. On peut y voir également une allusion sexuelle.

L’émotion transparaît dans les points de suspension (v2 et v4) qui suggèrent l’abandon.

Enfin, les propositions juxtaposées au vers suivant, avec la répétition du pronom


personnel sujet « on » matérialisent également cet abandon : « “On divague; on se sent aux
lèvres un baiser”« .

Cet abandon se fait de plus en plus sensuel. La disposition du complément d’objet « “un
baiser / Qui palpite là, comme une petite bête… ”» est révélatrice. En effet, le rejet de la
proposition subordonnée relative « “Qui palpite là” » semble mimer le rythme d’un cœur
et la comparaison entre le baiser et la petite bête suggère un désir vivant et presque
animal.

III – L’émotion amoureuse : troisième mouvement


Le troisième mouvement s’ouvre sur une véritable ode à la sensualité et à la liberté : «“Le
cœur fou robinsonne à travers les romans ”».

L’article défini « le » (« Le cœur fou ») permet de dépasser la dimension anecdotique ou


autobiographique du poème : le poète décrit bien une expérience universelle.

Le néologisme « “robinsonne” » est riche de sens. Il fait référence au roman de Daniel


Defoe, Robinson Crusoé, ce qui est confirmé par le complément circonstanciel qui suit « “à
travers les romans” ». On suppose que « robinsonner » signifie errer en toute liberté,
vagabonder, un thème cher à Rimbaud lors de ses deux fugues et dans ses poèmes. C’est
un verbe associé toutefois ici à l’amour.

Puis, le regard du poète se pose sur « “une demoiselle aux petits airs charmants” ». Les
adjectifs épithètes, très simples et issus du langage courants (petits, charmants)
accentuent la spontanéité et la fraîcheur de cette rencontre.

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Deux compléments circonstanciels de lieu encadrent l’apparition de cette jeune fille. Le
premier («“ dans la clarté d’un pâle réverbère ”») pointe un détail urbain qui illumine la jeune
femme. Le second (« “Sous l’ombre du faux col effrayant de son père ”») dénonce la
soumission de la fille à un père.

L’ironie est présente : «“ l’ombre du faux col ”» insiste sur le poids des apparences
sociales. Un faux-col est un type de col de chemise très en vogue au XIXème siècle, mais
le choix de ce terme par Rimbaud n’est pas anodin : la présence de l’adjectif « faux » se
moque discrètement de la pédanterie des bourgeois.

Dans la strophe suivante, le lecteur se trouve presque devant une page de roman comme
l’indique l’action de la demoiselle (« “Elle se tourne, alerte et d’un mouvement vif…” »).

Le complément circonstanciel de manière est brutalement arrêté par des points de


suspension, puis un tiret : la scène de séduction est davantage suggérée que décrite.

Rimbaud joue également sur les sonorités : l’allitération en dentales « Tout en faisant
trotter ses petites bottines » semble mimer le son produit par les pas de la demoiselle.

Le lecteur n’aura pas accès à la suite des actions ou des émotions de la demoiselle, mais à
la réaction sensuelle du jeune homme.

L’évocation des « cavatines », airs d’opéra doux d’inspiration lyrique, est sans doute
empreinte d’ironie : Rimbaud s’amuse de la mièvrerie des clichés romantiques. Mais
justement, ces cavatines « meurent » sur les lèvres du jeune homme : la réalité de
l’enthousiasme amoureux est plus intense que les clichés.

IV – Le coup de foudre : quatrième mouvement


Ainsi, dès la strophe suivante, Rimbaud clame le sentiment amoureux, avec l’anaphore :
« “Vous êtes amoureux.” »

Cette phrase courte accentue l’effet du coup de foudre : elle se présente comme une
sentence, qui s’abat brutalement sur le poète.

Le poète reste toutefois facétieux, comme le signale le jeu des pronoms personnels : le
« vous » de « “Vous êtes amoureux” » s’adresse aussi bien au poète lui-même, qui se
regarde avec une distance ironique, qu’au lecteur complice, qui a certainement ressenti
ces coups de foudre de jeunesse.

L’hémistiche nominal « “Loué jusqu’au mois d’août ”» s’amuse ironiquement des effets du
coup de foudre.

L’asyndète (absence de liaison) entre les vers 2 et 3 accentue la rapidité des événements.

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Mais elle révèle en réalité une opposition (« “Vos sonnets la font rire./Tous vos amis s’en
vont” »). En effet, l’amour qui se noue entre les deux jeunes gens a pour conséquence la fin
des amitiés et le début des reproches des camarades (« “vous êtes mauvais goût” »).

Rimbaud évoque avec ironie la mièvrerie du jeune homme amoureux, devenu


méconnaissable pour ses amis.

La femme aimée reste ainsi adulée comme l’illustre la périphrase « “l’adorée” », qui
renvoie au topos de l’amour courtois.

L’exclamation « “ daigné vous écrire !…” », suivie de points de suspension, retranscrit


l’émotion puérile et paroxystique du jeune homme lorsqu’un échange épistolaire se met
en place.

La dernière strophe du poème crée un effet circulaire. Ainsi, le complément circonstanciel


« “Ce soir-là” » fait écho à l’expression « “Un beau soir ”» au début du poème.

Les cafés ne sont plus «“ tapageurs ”» comme au tout début ; ils sont désormais
« “éclatants ”». « “Des bocks et de la limonade ”» deviennent « “des bocks ou de la
limonade” ». L’adolescent semble fréquenter à nouveau les mêmes lieux, comme si la
liaison amoureuse avait été éphémère.

Enfin, le premier vers est repris mot pour mot : « “On n’est pas sérieux, quand on a dix-
sept ans. ”», avec une allusion à la promenade initiale sous les tilleuls verts. Cet effet
cyclique donne l’impression que le jeune homme est revenu au point de départ. L’intensité
amoureuse semble déjà être retombée, et prête à reprendre pour une autre jeune fille.

Conclusion
Cette analyse a permis de mettre en évidence la façon dont Rimbaud renouvelle le lyrisme
traditionnel.

À première vue, le lecteur distingue une structure régulière, un décor bucolique propice
pour une rencontre amoureuse et le vocabulaire de l’ivresse amoureuse. Mais Rimbaud
exprime la naissance du sentiment amoureux en jouant avec les codes du lyrisme
traditionnel. En effet, son refus du « je », ses jeux sur les répétitions, sur les rythmes et
les sonorités, ses créations lexicales, son détournement du topos de l’amour courtois
sont autant d’indices qui indiquent une volonté de prendre ses distances avec le lyrisme
romantique. On retrouve cette même distance ironique dans le poème « Rêvé pour l’hiver
».

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Roman, Arthur Rimbaud : commentaire composé pour l’écrit
En juillet 1870, en pleine guerre entre la Prusse et la France, Arthur Rimbaud fugue.

Il quitte sa ville natale de Charleville-Mézières pour entrer dans une période d’errance et de
révolte.

Cette liberté et cette révolte se retrouvent dans ses premiers essais poétiques et notamment
dans le poème « roman » , qui est à la fois une ode à la simplicité de l’adolescence et du
lyrisme mais aussi la recherche d’une poésie moderne.

Comment Rimbaud parvient-il dans ce poème à prendre une distance ironique vis-à-vis du
lyrisme traditionnel ?

Plan du commentaire littéraire :

Si Rimbaud écrit avec « Roman » un poème lyrique traditionnel (I), son ironie (II) ouvre la
voix vers une poésie de la modernité dont il donne les principes (III)

I – Une poésie lyrique

A – Une poésie autobiographique

Rimbaud écrit un poème autobiographique puisque le temps de l’écriture (28 septembre


1870) correspond à l’âge de Rimbaud évoqué dans le poème « dix-sept ans ». Cet
ancrage spatio-temporel précis fait donc signe vers l’autobiographie et la sincérité.

Par ailleurs, les «“cafés tapageurs», «parfums de vigne», «parfums de bière”» rappellent les
estaminets du nord-est de la France (estaminet = café dans le Nord de la France), lieu
d’errance d’Arthur Rimbaud lorsqu’il entreprend sa deuxième fugue fin septembre 1870.

Cette dimension autobiographique est accentuée par la similitude de ce poème avec


d’autres poèmes de Rimbaud. «“Les tilleuls sentent bons dans les bons soirs de juin”»
rappellent l’atmosphère naturelle et estivale du poème « Sensation » écrit en mars 1870.

Le champ lexical du temps («“dix-sept ans», «bons soirs de juin», Nuit de juin ! »,
«jusqu’au mois d’août», «dix-sept ans”») évoque l’adolescence.

L’utilisation du pronom impersonnel « on » (« “On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept


ans. […]/- On va sous les tilleuls. […]/on ferme […]/- on aperçoit”») montre toutefois un souci
de généralisation. Le poème « Roman » est autobiographique mais s’adresse à tous les
lecteurs car l’expérience évoquée est universelle.

B – Le lyrisme amoureux

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Rimbaud évoque l’amour adolescent en employant un registre lyrique.

Le champ lexical des sensations («“sentent», «bons soirs», «si doux», «le vent»,
«parfums», «parfums», «on aperçoit», «doux frissons», «sève», «divague», «palpite»,
«clarté”») convoque tous les sens (odorat, vue, toucher, ouïe, goût) dans une synesthésie
qui rappelle la poésie de Baudelaire dans « Correspondances » (Les Fleurs du Mal).

Cette convocation de tous les sens aboutit à une ivresse intérieure comme le montre le
champ lexical de l’alcool : «“bocks», «vigne», «bière», «champagne», «monte à la tête”».

Mais cette ivresse est surtout celle de l’amour : «“lèvres», «baiser», «palpite», «cœur fou»,
«airs charmants», «vos lèvres», «amoureux», «amoureux», «Vos sonnets», «l’adorée”».

Toute la palette du sentiment amoureux est d’ailleurs évoquée :


♦ L’amour courtois par l’idéalisation de la femme à travers l’adjectif « l’adorée«
♦ La sensualité des «lèvres» et du «baiser».

Cet amour est celui d’un adolescent fougueux :

♦ Les exclamations traduisent l’enthousiasme de la jeunesse : […] “les bons soirs de juin !
/ […] Nuit de juin ! Dix-sept ans ! […] a daigné vous écrire !”».

♦ Les phrases nominales «“Nuit de juin ! Dix-sept ans”» montrent le surgissement rapide de
l’amour.

♦ Les répétitions font entendre à la fois une voix enfantine répétitive et le plaisir de
l’émotion amoureuse nouvellement découverte : « “Les tilleuls sentent bons dans les bons
soirs de juin » / « A des parfums de vigne et des parfums de bière/ Vous êtes amoureux” (2
fois) ».

♦ Les nombreux points de suspension (9 vers sur 32 se terminent avec des points de
suspension) traduisent ce goût adolescent pour le mystère mais aussi l’hésitation et la
timidité de l’adolescent qui découvre un monde nouveau.

Transition : Cette poésie lyrique laisse place à une attitude ironique de Rimbaud face au
lyrisme traditionnel.

II – Une poésie ironique

A – L’autodérision et l’illusion du lyrisme romantique

Le lyrisme romantique dans « roman » est en réalité l’objet d’une ironie de la part de
Rimbaud.

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Le titre « Roman » fait référence au genre littéraire du roman mais aussi au courant
romantique. Ce titre laisse donc penser que le courant romantique est l’objet de ce poème.

Or l’écriture romantique est reniée par Arthur Rimbaud.

Tout d’abord le « je » lyrique est effacé par les pronoms « on » ou « vous ».

Ensuite, le caractère exceptionnel du héros romantique est banalisé par le pronom


impersonnel « on » et par le présent de vérité générale qui suggère que cette expérience
amoureuse est vécue par tous.

Le sublime du romantisme est diminué par la répétition de l’adjectif «“petit[e]»: «petit


chiffon», «petite branche», «petite et toute blanche», «petite bête», «petits airs charmants»,
«petites bottines”» qui donne un caractère mignard et dérisoire à l’amour décrit, aux
antipodes du grandiose romantique.

Ensuite la jeune fille aimée se dérobe au poète : «Tout en faisant trotter ses petites bottines
/ Elle se tourne, alerte […]». L’allitération en [t] fait entendre la vivacité des petits pas de la
jeune fille et le champ lexical du mouvement montre que la fille n’est que de passage :
«“Passe», «trotter», «se tourne», «alerte», «mouvement vif”».

Le passage rapide de la jeune fille montre que, pour Arthur Rimbaud, le lyrisme amoureux
est transitoire.

Rimbaud utilise même le registre comique pour caricaturer le jeune adolescent. Le terme
«l’adorée» est une hyperbole : ce terme crée un décalage comique entre l’importance
apparente de la jeune fille et sa disparition à la fin du poème.

Enfin, Rimbaud prend une distance ironique face à son propre lyrisme et à ses émotions
d’adolescent. Le vers «“On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans”» mime ainsi la
sagesse d’une personne plus âgée.

Cette distance ironique est symbolisée par deux procédés d’écriture redondants :
♦ Les dix points de suspensions (« … ») qui surjouent ironiquement un suspense
imaginaire
♦ Le mouvement circulaire du poème. En effet, le premier quatrain est repris par le dernier
quatrain avec les mêmes rimes («“dix-sept ans»/ «limonade»/ «éclatants !» /
«promenade”») mais dans un ordre inversé comme si l’écriture remontait le temps du poème
et revenait un début.

B – Une satire sociale


Rimbaud fait dans « Roman » la satire de la société bourgeoise de « Charlestown »
(Charleville-Mézières) qu’il s’apprête à fuir le mois qui suivra l’écriture du poème.

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Cette satire transparaît au vers 20: « “Sous l’ombre effrayant du faux col de son père” » : En
un seul vers, Rimbaud dresse un portrait satirique de la bourgeoisie du XIXème siècle.

Ce vers est amusant car le père bourgeois n’a pas de visage mais apparaît à travers la
synecdoque «faux-col» qui introduit dans un jeu de mots l’idée d’illusion et de tromperie.

De plus, la lourdeur empesée du faux-col paternel s’oppose à la légèreté de la jeune fille. La


préposition «Sous» renforce le caractère étouffant d’une société patriarcale dont la
jeunesse est brimée par des codes dépassés.

Le terme «ombre» assimile la culture bourgeoise à de l’obscurantisme.

Transition : Critique à l’égard du lyrisme traditionnel et de la société bourgeoise de son


temps, Rimbaud propose une nouvelle forme poétique.

III – Une nouvelle forme poétique en préparation

A – Une poésie urbaine


Avec le poème « Roman » , Rimbaud fait la synthèse de tous les genres littéraires.

Le titre « Roman » est antithétique et place le lecteur dans une position paradoxale : il va
lire un poème qui porte le titre d’un autre genre littéraire !

Les strophes ressemblent à un découpage en chapitres numérotés (I, II, III, IV) comme si
le poème voulait détruire les frontières de genres pour créer une littérature nouvelle.

La nouveauté de Rimbaud est symbolisée par le néologisme du verbe « “Robinsonne” »


construit à partir du nom du personnage de roman Robinson Crusoé de Daniel Defoe
(écrivain anglais du XVIIIème) : « le coeur fou Robinsonne à travers les romans ». Par ce
verbe inventé, et la majuscule inattendue au milieu d’une phrase, Rimbaud montre que la
poésie doit être la voix de la nature et de la simplicité (qualités attribués à Robinson).

Pourtant, le poème « Roman » est aussi un poème sur la ville.

Certes, l’interjection «“Foin des”» suivi d’une énumération («des bocks et de la


limonade/Des cafés tapageurs…») s’amuse à mêler ville et campagne. Mais c’est bien le
champ lexical de la ville qui domine le poème : «“cafés», «tapageurs», «éclatants»,
« bruits », «ville», «bière», «réverbère», «faux-col», «écrire», «cafés éclatants”».

Rimbaud semble faire la transition entre une poésie naturelle, lyrique et une poésie urbaine
qui est le véritable espace poétique moderne.

B – Un nouveau lyrisme

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Arthur Rimbaud propose un nouveau lyrisme.

Ce nouveau lyrisme est tout d’abord caractérisé par le passage du pronom impersonnel
« On » («“On divague», «on se sent”») général, lointain à la deuxième personne du pluriel
(«vos lèvres», «Vous êtes amoureux», «vous êtes mauvais goût», «vous entrez»).

Ce glissement du « on » au « vous » crée un effet d’identification entre le poète et le


lecteur comme si le lecteur et l’écrivain se confondaient.

Mais la volonté de renouveler la poésie transparaît surtout dans l’effet de miroir entre la
première et dernière strophe.

En effet, le lecteur a l’impression que la dernière strophe de « roman » est une réécriture
de la première strophe.

Mais cette réécriture fait apparaître une poésie nouvelle : Rimbaud, comme un alchimiste,
transforme le lyrisme traditionnel de la première strophe en lyrisme nouveau dans la
dernière strophe :

♦ Les «cafés tapageurs aux lustres éclatants», avec un épithète homérique très classique,
devient les «“cafés éclatants”», une hypallage qui associe deux mots de manière
inattendue.

♦ Les «bocks et la limonade» de la première strophe deviennent «“des bocks ou de la


limonade”». Le passage de «et» à «ou» symbolise le passage d’une poésie du lien à une
poésie disjonctive, fondée sur la surprise et le choc.

♦ Le dernier vers «“Et qu’on a des tilleuls verts sur la promenade”» n’a rien à voir avec le
classique et descriptif «“On va sous les tilleuls verts de la promenade”» du premier vers. Ce
dernier vers est une anacoluthe car la syntaxe est volontairement fautive (le lien possessif
entre le poète et les tilleuls est illogique) («“on a des tilleuls verts”»).

♦ Par ailleurs, l’adjectif «verts» fait penser au «vers» poétique : cette homophonie montre
que la nouvelle écriture poétique est le véritable enjeu de ce poème.

« Roman », Rimbaud, conclusion


A travers le poème « Roman », apparemment anodin, Rimbaud fait une transition entre le
lyrisme classique fondé sur la nature et la simplicité et un lyrisme nouveau plus urbain,
plus sombre, fondé sur la rencontre et le choc des mots.

Par son caractère mélancolique, ce poème contient en germe la rencontre avec le Verlaine
des Poèmes saturnien. C’est un poème annonciateur d’une Saison en Enfer, recueil que
Rimbaud publie en 1873.

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♦ Dissertation sur Cahiers de Douai

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