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Geo-Eco-Trop, 2006, 30.

1: 25-34

Impacts des facteurs biotiques et abiotiques sur la dégradation


de suberaie tunisienne.

Biotics and abiotics factors responsible of the Tunisian Cork oak forest deterioration

NSIBI R1; SOUAYAH N2; KHOUJA L.M2; KHALDI A. & BOUZID S.3

Abstract: The by-products of the cork oak are used in several industries as raw material for the
manufacture of insulating material and of chipboards. Its wood of good calorific quality and its acorns
are very appreciated by the population and by pet and wild animals. Moreover, the forest of Cork oak
plays very important economic and ecological social roles. However, it is an established fact, that today
the Tunisian cork oak forest reduces continually under the effects of numerous factors of deterioration,
such as: unlawful clearing, excessive pastoralism, acorns gathering and repetitive forest fires. This has
for effect an impoverishment of the forest, the lack of natural regeneration and the physiological
exhaustion of old trees. The aim of the present study is to analyse the factors responsible of the forest
regression and to evaluate that one by comparison of phytosociological maps draw up at different
periods. The Tunisian Cork Oak forest loosed 57 000 ha during the 1934-2003 period, that is to say 825
ha/yr and 39% of its area. The population being particulary aggressive towards the forest environment,
it turns out that drastic measures must been taken for ensuring its protection and its regeneration. For
making up the lost ground it's important to increase the areas of reafforestation and to use techniques
of vegetative propagation by cuttings taken on trees of high quality. On the other hand, it will be use-
ful, in the future, to integrate the socio-economical function of the forest in a lasting environmental
development.

Key words: Cork Oak Forest - Deterioration factors - Floristic and genetic impoverishment

Résumé: Le chêne liège (Quercus suber), espèce spontanée en Tunisie, a une valeur économique
importante. Son écorce (le liège) est utilisée comme matière première pour la fabrication des bouchons
et des agglomérés; son bois est de bonne qualité calorifique et ses glands sont très appréciés par les
animaux domestiques et sauvages. Par ailleurs, la forêt de chêne liège joue un rôle social et écologique
très important. Cependant, la suberaie s'amenuise continuellement sous les effets de multiples facteurs
de dégradation. Celle-ci se traduit par un déséquilibre de structure des peuplements, l'absence notoire
de régénération naturelle par semis et l'épuisement physiologique des vieux arbres réduisant ainsi leur
longévité et leur faculté de rejeter. L'état actuel des peuplements de chêne liège est principalement la
conséquence de défrichements illicites, de pâturages excessifs, d'incendies répétés, de ramassage
systématique des glands et de coupes délictueuses. L'objectif de la présente étude vise à analyser les
facteurs directement responsables de la dégradation et leurs conséquences sur le milieu ambiant ainsi
que d'évaluer ce taux de dégradation, à travers les changements survenus dans les peuplements durant
une période de 69 ans (1934 - 2003). Les méthodes utilisées consistent à suivre l'évolution de la
régression spatiale de la suberaie par comparaison de cartes topographiques sur lesquelles sont
délimités les peuplements du chêne liège. Le couvert végétal ayant fortement régressé au cours du
temps, les nouvelles limites de la suberaie sont portées sur des cartes récentes où sont indiquées avec
précision les surfaces des peuplements actuels, sur base d'inventaires périodiques officiels. Cela
permet d'évaluer les pertes spatiales des forêts. Durant la période, 1934 - 2003, la suberaie Tunisienne
a subi une forte régression spatiale de l'ordre de 57 000 ha représentant une perte globale de 39% soit
une réduction annuelle du couvert végétal de 825 ha (1.45%). L'analyse du contentieux forestier a mon-
tré le comportement hostile de la population usagère vis-à-vis des ressources subéricoles. Les délits les
plus importants rencontrés sur le terrain sont les défrichements, les incendies, les constructions et le
pâturage qui représentent 97% du total des constats effectués. Il s'avère nécessaire d'adopter des
mesures urgentes pour freiner la dégradation afin de sauvegarder le patrimoine subéricole tunisien ;
par conséquent, il convient d'instaurer un aménagement agro-sylvo-pastoral intégré visant à assurer un
équilibre écologique, socio-économique et environnemental durable.

Mots clefs: Tunisie - suberaie - facteurs de dégradation - appauvrissement floristique et génétique.


1
Institut sylvo-pastoral, Tabarka 2. INRGREF, Tunis 3. Faculté des Sciences, Tunis
25
INTRODUCTION

La suberaie tunisienne joue un rôle fondamental dans l'économie nationale. La vente


de ses produits représente environ 60% des recettes forestières. Sur le plan social, elle joue un
rôle essentiel pour les populations usagères et fournit une production fourragère importante
au cheptel.
L'état actuel des peuplements de chêne liège est inquiétant. Ces peuplements sont
constitués en grande partie de vieux sujets qui ont subi une série de contraintes réduisant leur
longévité. Leur dégradation progressive résulte d'une combinaison de facteurs biotiques et
abiotiques qui ne cessent de s'intensifier, en particulier avec l'accroissement démographique.
La suberaie soumise à une intense pression anthropique associée à une fluctuation des
phénomènes écologiques ne cesse donc de se dégrader et de vieillir. L'homme y a
profondément modifié l'équilibre qui existe entre la végétation, le sol et le climat. Il a
perturbé les microclimats par le défrichement, l'incendie, le pâturage et les coupes d'arbres.
Cette exploitation abusive combinée à une agriculture non appropriée a provoqué la
régression spatiale de la forêt de Chêne liège. Ce type de destruction du couvert végétal se
poursuit depuis plusieurs siècles. Par le caractère dispersé de leur habitat, leur isolement
relatif, leur densité par rapport aux forêts et aux terres de cultures, les populations subéricoles
paraissent beaucoup moins intégrées à la vie économique du pays que les autres populations
agricoles.
L'utilisation de la subéraie comme parcours pour le bétail est fort ancienne; toutefois,
c'est la progression démographique des dernières années et la densité très forte des
populations rurales vivant dans les zones forestières qui ont provoqué une pression pastorale
insupportable pour le couvert végétal et le sol. Les mises en défens strictes conditionnant de
façon absolue le succès des travaux de rajeunissement de la forêt sont difficiles à accepter par
la population. Celle-ci ne respecte la mise en défens que si on lui assure un affouragement
permanent du cheptel.
Cette étude vise à réaliser un projet d'équilibre durable entre les ressources subéricole
et pastorale. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire d'instaurer, au sein de chaque série
subéricole, un compromis entre les besoins du cheptel pâturant en forêt (création de
périmètres pastoraux à base d'Acacia cyanophylla, de Sulla, de Trèfle souterrain et de graminées
pérennes) et un aménagement rationnel de la subéraie (établir un bilan méthodique d'ex-
ploitation et de régénération).

MATERIEL ET METHODES

Matériel

La suberaie étudiée se situe à l'extrême nord-ouest de la Tunisie. Elle se limite


essentiellement à la Kroumirie, massif montagneux connu par son couvert forestier important
(Fig. 1). Le climat sous lequel se développe le Chêne liège est un climat typiquement
méditerranéen à pluviosité concentrée sur la saison froide de l'année (hiver - printemps).
L'étude de la zone test de Tabarka - Ain Draham représentant 44 % de la suberaie
tunisienne concerne principalement la comparaison de deux inventaires des superficies
subéricoles effectués en 1934 et 2003. Ont été également évalués les impacts des facteurs
anthropiques (défrichement, surpâturage, incendies et coupes d'arbres) et édapho-climatiques
sur la régression spatiale de la subéraie concernée.

Méthodes

La méthode utilisée dans l'évaluation des facteurs de dégradation de la suberaie


étudiée consiste essentiellement à suivre l'évolution de la population usagère, la progression
des défrichements, le coefficient de surpâturage et les taux de destruction d'arbres de chêne
liège dans deux passages séparés d'incendies. Dans ce contexte, ont été étudiés les inventaires
26
Fig.1
effectués dans les forêts de chêne liège au cours de périodes relativement espacées ainsi que
les facteurs édapho-climatiques intervenant dans la dégradation..

RESULTATS ET DISCUSSION

Les milieux subéricoles connaissent une charge en population humaine (tableau1) de


plus en plus élevée avec un niveau socio-économique très modeste.
Tableau1:Evolution de la population usagère dans la région étudiée:

Source: Institut National de Statistiques.

Avec de telles caractéristiques, cette population ne peut qu'exercer des pressions de


plus en plus fortes pour subvenir à ses besoins et maintenir un niveau de vie minimal. Il en
résulte une forte extension de l'occupation, souvent illicite du milieu, au détriment de l'espace
occupé par la suberaie.
Dans la région étudiée, la densité moyenne de la population usagère est
particulièrement élevée par rapport à la moyenne nationale, dépassant même du double celle
du reste de la Tunisie (Tableau 2). Cette situation aggrave davantage les phénomènes de
dégradation de la subéraie. Parmi les phénomènes les plus destructeurs de la forêt de Chêne
liège, le défrichement constitue la plus grave atteinte portée par l'homme à l'environnement
car elle entraîne la disparition complète et définitive de l'état boisé.
Tableau 2: Densité de la population forestière :

Source:Institut National de la Statistique (2004).


A terme, l'extension progressive des cultures vivrières au détriment de la forêt
entraîne, quelles que soient les mesures répressives des gestionnaires forestiers, la disparition
complète du couvert végétal. L'étape la plus importante est le dessouchement de la strate
arbustive qui se fait souvent de nuit et pendant les jours de repos des agents de
l'administration. Cela aboutit à la création de clairières qui sont rapidement mises en culture
; cette action s'accompagne parfois de la construction de chaumières qui deviendront, par la
suite, des constructions en dur. Le bois obtenu de la « démaquisation » est utilisé comme bois
de chauffage ou pour la fabrication de charbon.
Ensuite, pour achever l'opération de défrichement de la strate arborescente, la seconde
étape consiste à provoquer la mort "lente" des pieds de chêne liège. En effet, la coupe d'arbres
ne s'envisage pas dans l'immédiat car elle serait aussitôt remarquée et réprimée. La méthode
adoptée par la population usagère est celle dite « de la mort lente » qui est provoquée par des
incisions effectuées au niveau du collet de l'arbre. Celui-ci se dessèche alors progressivement
jusqu'à sa destruction. Par conséquent, ces pratiques délictueuses aboutissent inéluctablement
à l'anéantissement irréversible de la forêt de chêne liège.
27
La recherche illicite de nouveaux terrains plus fertiles résulte de deux facteurs
différents mais agissant de pair, qui sont la croissance démographique et la perte de fertilité
des sols pentus plus vulnérables à l'érosion hydrique.
En 1934, BONNIARD estimait que la suberaie tunisienne couvrait une superficie de
145000 ha. Par contre, l'inventaire forestier réalisé par la Direction Générale des Forêts en 2003
n'a pu recenser que 70000 ha (Tableau 3). La régression spatiale de la forêt de Chêne liège
serait, en fait, de 57000 ha en l'espace de 69 ans (39.3%) soit une perte annuelle de l'ordre de
825 ha représentant 1,45%. D'autres chiffres similaires ont été avancés : EL HAMROUNI (1992)
a évalué la perte spatiale de la subéraie tunisienne à 1,28%/an, la différence entre les taux
annuels est de 0,17% en l'espace de 11 ans (1992-2003). Pour sa part, EL AFSA (1978) a
déterminé, à partir d'une zone test de 8173 ha de Chêne liège à Tabarka que la perte annuelle
est de 1%.

Tableau3:Régression spatiale de la subéraie étudiée:

Source: Bonniard (1934) - Direction Générale des Forêts (2003).

Les défrichements sur les pentes et les sols superficiels provoquent la stérilisation sans
profit pour personne de vastes étendues auparavant boisées. Pour éviter les empiètements des
usagers de la forêt de Chêne liège, il conviendrait de délimiter l'ensemble des réquisitions
forestières pendantes. Il serait également préférable de vérifier les délimitations afin de les
rendre à nouveau bien évidentes. Cela permettrait aussi de comptabiliser facilement les
nouveaux délits commis dans le domaine subéricole. Les terrains privés cultivés à l'intérieur
et à la périphérie de la suberaie doivent également être bornés pour limiter au maximum les
infractions et apurer, une fois pour toutes, la situation foncière du domaine forestier.
La suberaie d'étude est occupée par un important bétail, constitué par une multitude
de petits troupeaux difficilement contrôlables (Tableau4). Par conséquent, ces troupeaux ne
peuvent être séparés des milieux dans lesquels et par lesquels ils vivent. Ces troupeaux sans
limitation du nombre de têtes, fréquentent pendant plus de 8 mois /an des parcours sous
forêt.
Tableau4:Recensement du cheptel pâturant dans la subéraie:

Tabarka
Ain
Draham

Tabarka
Ain
Draham

Source: Données du Service Régional de la Production Animale de Jendouba.

28
La suberaie tunisienne soumise à une intense pression ne cesse de se dégrader. La relation
proposée par LE HOUEROU (1962) pour le calcul des taux de surpâturage est :

S= taux de surpâturage. S = (1 - Ce ) x 100


Ce = charge d'équilibre. Cr
Cr = charge réelle.

Appliquée à ces parcours, la formule donne un taux de surpâturage de 69,3% pour


CHAABENE (1984), 77% pour EL HAMROUNI (1992) et 83% pour NSIBI (2005).

En 1955, l'estimation du coefficient de surpâturage était de 28,5%,(BOUDY, 1952); il


était de 30% et 35% respectivement 7 et 11 ans plus tard (LE HOUEROU, 1966). Il atteint, 22
ans après, le taux moyen de 42% (EL HAMROUNI, 1978); l'enquête de 1987 le situe à 65% (Cité
par EL HAMROUNI, 1992).

Les pratiques pastorales actuelles et le volume du cheptel font que le couvert végétal
se dégrade de façon croissante et inquiétante dans la subéraie. Cette dégradation constitue
une grande préoccupation pour les responsables de la conservation et du développement de
patrimoine naturel.
Le calcul de charge nécessite la connaissance préalable de la durée d'exploitation et des
besoins de l'espèce animale à introduire. On estime que la consommation quotidienne d'une
unité ovine ou caprine est de 1.46 unité fourragère (c'est-à-dire qu'un hectare de forêt de chêne
liège peut supporter une unité ovine ou caprine pendant 8 mois ; ce qui donne: 1,46 Unité
Fourragère x 240 jours=350 UF) alors que l'unité bovine est de 4 UF.
Un hectare de forêt de chêne liège fournit une production fourragère moyenne de 350
UF/an (EL HAMROUNI, 1992). La durée de pâturage en forêt étant fixée à 8 mois (240 jours
de parcours sous forêt) les besoins fourragers de l'unité gros bétail seront, par conséquent, de
240 jours x 4=960 UF et le nombre d'hectares nécessaires pour supporter une unité bovine
pendant 240 j de pacage de 960 UF/ 350 UF = 2,74 hectares. La charge à adopter sera la charge
d'équilibre qui est, par définition, la charge maximale que peut supporter, en moyenne, un
pâturage sans que sa flore ne se dégrade.
L'agent forestier local est appelé à identifier le cheptel pâturant dans chaque série
sylvo-pastorale et à faire appliquer la charge pastorale pour éviter la dégradation du couvert
végétal. Cependant, pour les forêts très étendues un système de rotation interne pourrait être
instauré.
En parallèle du parcours naturel, il convient de créer à l'aval de chaque série forestière
un périmètre pastoral pour soulager les parcelles de chêne liège à régénérer par suite de
l'impact des animaux domestiques.
L'application de ce système de parcours permettra d'alléger la charge du bétail sur les
parcours naturels, évitera la dégradation du couvert végétal et accroîtra la productivité du
cheptel.
Il serait également souhaitable de réaliser une mise en défens pour une durée
suffisante à la remise en état des forêts de chêne liège dégradées.

L'incendie est le troisième facteur responsable de la régression de la suberaie nationale.


En effet, les incendies sont parmi les agressions les plus dangereuses et les plus redoutables
par leur intensité, leur brutalité et les dommages causés aux forêts de Chêne liège (Tableau5).

Tableau 5: superficies subéricoles incendiées

Source: Rapports annuels d'incendies.


29
Les résultats de nos enquêtes ont montré que la majorité des incendies peut être
attribuée à la cupidité des populations usagères en quête des terrains de culture plus riches et
plus étendus ou pour renouveler la biomasse foliaire en vue de subvenir aux besoins de leur
cheptel. Au cours de cette étude, nous avons constaté que les dommages causés sont alors
considérables surtout chez les semis de chêne liège et les arbres récemment démasclés
ou « déliégés » qui sont condamnés à périr (Tableau 6). Concernant la mortalité après incendie,
LAMEY (1893) et BOUDY (1952) ont estimé que si celui-ci survient pendant 3 années suivant
la récolte la plus grande partie des sujets déliégés ou démasclés peut être considérée comme
perdue ;
Tableau6:Relation entre âge du liège et mortalité des arbres après le premier passage d'un incendie:

Source: Lamey, 1934 - Boudy, 1952.

Il est évident que les arbres seront d'autant plus exposés qu'ils se trouveront
environnés d'une végétation plus fournie pouvant produire un foyer plus ardent. Si le sol n'est
couvert que d'herbes ou d'un faible sous bois seulement, ils auront moins à craindre.
Dans la région étudiée, la superficie moyenne incendiée au cours des ces trois périodes est de
644ha. La densité moyenne d'arbres adultes brûlés/ha est de 295. Après le premier passage de
l'incendie, le nombre d'arbres adultes anéantis par le feu varie de 34 à 42 % ( 38%)
correspondant à 112 sujets/ha. Le nombre d'arbres endommagés par le feu est fonction de la
densité du couvert végétal, de l'âge du liège après la récolte, de la vitesse de propagation de
l'incendie et de l'intervalle de temps entre deux passages successifs d'incendies sur le même
peuplement. Le nombre total détruit par le feu est de 72192 arbres adultes équivalant à une
superficie de (72192/295) 244,7ha de chêne liège.
Après le second passage du feu sur les parcelles incendiées en 1994 pendant une
période égale à 6 ans (1994-2000), le taux moyen de destruction d'arbres a été de 47%. Plus
l'intervalle entre deux passages successifs de feu sur la même zone est court plus les
dommages causés sont importants. En outre, des incendies déclarés dans le même
peuplement favorisent alors l'apparition d'une cistaie dense marquant ainsi un stade de
dégradation avancé de la suberaie. En effet BOUDY (1952) a évalué la mortalité au cours de
premier passage sur un peuplement de Chêne liège atteint par le feu à 40% du matériel
incendié. Pour NAOUFEL et al (2005), les dommages subis par les peuplements du chêne liège
au cours de premier passage d'incendie seraient de 50%.
En Tunisie, le feu demeure le fléau le plus redoutable auquel est exposé le Chêne liège.
L'aménagement harmonieux des suberaies peut aider à résoudre les principaux problèmes
d'incendies et freiner la dégradation de l'environnement. Le forestier peut intervenir sur le
combustible en pratiquant l'extraction des espèces les plus inflammables du maquis, en
cloisonnant les massifs et en réduisant les densités des peuplements. Le rôle de la sylviculture
est aussi essentiel : les forêts de Chêne liège aménagées, surveillées et rationnellement
exploitées sont les plus résistantes aux feux.
En outre, le recépage des arbres de Chêne liège incendiés, à raz-terre, constitue une
technique opportuniste pour stimuler le développement des rejets de souche et régénérer la
forêt. Plusieurs études ont été menées pour analyser l'effet de la coupe après incendie sur la
croissance des espèces végétales, la branchaison, la reproduction et la germination
(NEGRO-ORTIZ et GORCHOV, 2000; REYES et CASAL, 2001; NAOUFEL et al, 2005).
30
La plantation est la technique de rajeunissement la plus adoptée dans la région subéricole.
Les superficies reboisées en chêne liège au cours de la période 1991-2001 sont mentionnées
dans le tableau 7.

Tableau7:Répartition des périmètres plantés en chêne liège par unité administrative (situation:1991-2001).

Source: Aloui, 2001.

La superficie annuelle boisée en chêne liège est de l'ordre de 78ha/an alors que la perte
annuelle du couvert végétal de l'essence étudiée est de 244,7 ha. Celle-ci représente plus de
trois fois la surface annuelle boisée.
Pour pouvoir récupérer les surfaces déboisées, il convient que les repeuplements et les
reboisements visent à protéger l'environnement et à reconstituer la biodiversité profondément
affectée par suite de longs processus de dégradation de la subéraie durant les siècles écoulés.
Pour compenser les superficies subéricoles exploitées par les usagers, il est souhaitable
d'augmenter les surfaces annuelles à reboiser et introduire les techniques de multiplication
végétative par boutures (rameaux et racines) prélevées sur des arbres phénotypiquement
performants. Ces techniques ont donné des résultats probants ; leur optimisation permettrait
de renouveler progressivement la subéraie vieillissante par un matériel présentant des
caractéristiques génétiques avantageuses (NSIBI, 2005).
Le climat et la nature du sol sont aussi des facteurs déterminants dans le
développement des suberaies.
La Kroumirie est la région la plus arrosée de la Tunisie: 1013mm/an à Tabarka et
1584mm/an à Ain Draham (moyennes calculées sur une période de 80 ans). On y a observé
une succession de périodes humides et des périodes plus sèches et plus chaudes. Le déficit
pluviométrique enregistré à Tabarka est de l'ordre de 231 mm alors que l'excédent est de 413
mm à Ain Draham (tableau 8).
On peut souligner le fait que les pluies sont très mal réparties tout au long de l'année,
l'hiver étant la saison la plus pluvieuse avec 45% de la moyenne annuelle (avec un maximum
au mois de janvier) alors que 3% du total des pluies tombent en été (avec un minimum au
mois d'août). A cette mauvaise répartition pluviale, s'ajoutent les fluctuations périodiques
interannuelles importantes.
La répartition pluviométrique, dans la région subéricole étudiée, met en évidence
l'existence d'un bilan mensuel déficitaire pendant les trois saisons à Tabarka et pendant la
31
Tableau 8:Répartition saisonnière des précipitations.

Source: Institut National de Metéorologie (2005).

saison estivale seulement à Aïn Draham. Globalement, la durée de la période sèche est de 4
mois au cours desquels on a constaté un début de dépérissement des extrémités supérieures
des cimes. Il apparaît donc que la dégradation des peuplements du chêne liège est tributaire
des fluctuations climatiques qui constituent l'un des facteurs déclenchants de ce phénomène.
Nous avons pu également observer que la survie d'un certain nombre d'arbres est
d'autant plus difficile que le sol est superficiel, plus rocheux et plus pentu. Un sol, avec des
affleurements rocheux importants, ne peut pas être très hospitalier au Chêne liège. De même,
un sol très compact ne permet pas la germination des glands ainsi que l'installation et la survie
des plantules. Par ailleurs, la sécheresse intervient en réduisant la quantité d'eau contenue
dans les horizons superficiels du sol. Les racines des plantules s'y enfoncent difficilement et
sèchent pendant les premiers étés de leur existence.
La dessiccation progressive de l'horizon supérieur du sol d'un côté et la faible
profondeur atteinte par le système radiculaire de l'autre constituent les principaux paramètres
provoquant l'affaiblissement des plants et des arbres de Chêne liège.
Les sols superficiels situés sur les pentes fortes (25 à 35%), à faible capacité de rétention d'eau,
accentuent encore l'évolution régressive des peuplements de Chêne liège.
Enfin, la suberaie abrite aussi une faune diversifiée d'animaux sauvages, d'oiseaux et
d'insectes de tous ordres et de toutes tailles. A cette multiplicité de déprédateurs s'ajoute la
concurrence vitale entre les individus de chêne liège pouvant engendrer des phénomènes de
dépérissement progressif (graphique 1). En effet, dans les peuplements denses, chaque indi-
vidu, dès sa naissance et durant toute sa vie, se trouve en concurrence avec ses voisins ; seuls
les arbres dominants finiront par subsister.

CONCLUSION

La suberaie, soumise à une intense pression surtout anthropo-zoogène, ne cesse de se


dégrader et de régresser d'année en année. Cette anthropisation est présente sous plusieurs
aspects dont les plus saillants sont les incendies, les défrichements et le pâturage. Les
difficultés de se perpétuer sont liées tout d'abord à l'épuisement physiologique des souches ;
ce qui réduit la longévité et la faculté de rejeter. La parcimonie de la régénération naturelle par
semis aboutit par ailleurs à un vieillissement généralisé du matériel sur pied ; cela se pose avec
acuité dans les vieux peuplements qui dépassent les 150 ans et dans les peuplements
dépérissant.
Cependant, la biodiversité se trouve actuellement compromise par l'ampleur des
défrichements, des incendies et des différentes utilisations abusives auxquelles est soumise la
suberaie. En effet, la dégradation de celle-ci évolue vers des peuplements de plus en plus
clairs permettant un certain nombre d'espèces secondaires de coloniser davantage le terrain.
La dégradation de la suberaie conduit aussi à la régression d'autres espèces ligneuses comme
le Châtaignier, l'Orme, le Chêne afares, l'Aulne glutineux et le Micocoulier.
Cette régression se traduit également par un appauvrissement génétique lié à une diminution
spatiale de la suberaie.
Toutefois, il serait souhaitable de renforcer la reforestation pour récupérer
32
progressivement l'ensemble des surfaces déboisées. Cette reforestation doit accorder plus
d'importance à la valorisation des techniques de multiplication végétative (bouturage). Cette
approche permettra certainement de reboiser les superficies à vocation subéricole avec un
matériel végétal génétiquement performant.

Graphique1: Les facteurs responsables de la dégradation de la subéraie tunisienne.

33
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