Leila Zerrougui tire sa révérence après près de deux décennies au service de l’ONU
La Représentante spéciale du Secrétaire général en République démocratique du Congo (RDC) et cheffe de la Mission des Nations Unies dans ce pays (MONUSCO), Leila Zerrougui, a quitté ses fonctions début février.
L’ancienne juge de la Cour suprême d’Algérie a passé près de deux décennies au service de l'ONU, occupant des postes allant de Rapporteure spéciale pour les exécutions arbitraires, sommaires ou extrajudiciaires, à Représentante spéciale pour les enfants et les conflits armés et plusieurs fonctions au sein de la MONUSCO.
ONU Info a joint Leila Zerrougui avant son départ. L’occasion de la faire partager son analyse de la situation en RDC, son expérience à l’ONU, le rôle des femmes dans les missions de paix ainsi que ses prochaines étapes.
Cet entretien a été édité pour faciliter sa lecture.
ONU Info : Vous avez pris soin de ne pas tirer un « bilan positif » de la situation en RDC, tout en soulignant les évolutions positives dans le pays. Quels sont, selon vous, les développements les plus importants que le pays a connus récemment ?
Leila Zerrougui : Pour parler d’une évolution positive il faut déjà avoir traversé la transition et regarder avec du recul.
Nous sommes maintenant en pleine transition politique dans ce pays et c’est pour cela qu’il faut rester quand même prudent, même s’il y a des choses positives, parce qu’on n’a pas tourné la page de quelque chose que l’on regarde de loin. On est en train de vivre une transition.
Les dernières élections devaient se tenir en 2016, elles ont été reportées en 2017, puis en 2018. Elles ont été organisées finalement fin 2018, avec tout ce qu’il y avait avant et tout ce qui est venu derrière. Nous avons eu cette transition d’un pouvoir qui était en place depuis plus de 20 ans, si l’on compte les années du père Kabila, et puis surtout, aussi, une transition qui vient dans un contexte de tension et un passage vers l’opposition.
On est dans cette situation extrêmement importante parce que nouvelle dans le pays. On n’a jamais fait ce genre de transfert par élection. On faisait : « On prend le pouvoir par la force, par l’héritage, par coup d’Etat », mais certainement pas : « On va demander au peuple, on va aux élections, et après on fait un transfert ». Ça en soit, c’est extrêmement important.
Est-ce que nous avons joué nous un rôle, les Nations Unies, la communauté internationale ? Je dis oui et c’est là où je prends le recul.
Sur la transition on est là et on va voir ce qui va se passer en 2023. Est-ce que l’on aura encore une autre élection qui sera encore mieux faite que celle-là et qui va permettre qu’on répète les acquis et qu’on les renforce et les consolide, ou, est-ce que ça va devenir un accident de l’histoire ?
Il faut consolider et répéter, pour après parler d’une transition démocratique et la construction du pouvoir du peuple, qu’il délègue à ses dirigeants, pour un temps. Et il a le pouvoir de contrôler et de dire, "je ne suis plus satisfait, rentrez chez vous". C’est la fin, le couronnement. Pour le moment, on est dans cette transition.
Alors pour moi, quel est le rôle de cette mission ? Nous sommes dans ce pays depuis 1999 et nous travaillons --depuis l’assassinat, le coup d’Etat, la rébellion. Et ce qui a suivi l’assassinat du père Kabila -- à préparer ce pays pour une première élection qui a eu lieu en 2006, avec le soutien total de la mission et de la communauté internationale. En 2011, [les élections] étaient moitié moitié ; et, en 2018, ce sont les Congolais qui l’on fait tous seuls. Donc c’est ça le processus.
Deuxièmement je considère que la MONUSCO a pu aider à réaliser -- parce que je refuse d’attribuer à la mission les acquis des Congolais, nous sommes là pour accompagner un pays, accompagner un peuple, non pour se substituer à ce peuple ou se substituer à ces institutions, ça serait un échec-- donc en tant que mission nous avons à mon avis contribuer à ce que le Congo reste uni dans ses frontières héritées de la colonisation et ce n’est pas rien.
Rappelez-vous que le Congo était divisé en quatre et chaque groupe armé contrôlait une zone. Rappelez-vous que neuf armées se battaient au Congo. Donc ça, c’est le processus que la communauté internationale a accompagné pour sortir de cette situation de guerre totale, du risque d’éclatement du pays vers maintenir les frontières héritées de la colonisation et aller vers un pouvoir unitaire, assis à Kinshasa, qui contrôle tout le pays. Même s’il y avait des zones où il y avait des groupes armés, où il y avait des conflits, il y avait quand même l’autorité de l’Etat que l’on a accompagné petit à petit.
L’autre chose importante, à mon avis, c’est que la Mission, sa présence ici, a aidé la société civile à exister, à se battre, à résister et à faire en sorte que l’on passe à cette transition. C’est ça les acquis.
Donc, nous avons des acquis positifs, mais nous sommes dans une période fragile. Crier victoire aujourd’hui et dire « ça y est, on a tout fait », c’est de la prétention et c’est risqué. On est dans une phase on l’on veut constituer une nouvelle majorité autour du nouveau Président. Et on en train de voir ce qui va se passer : est-ce que ça va marcher ?
Autre chose importante, c’est que nous sommes aujourd’hui au Congo avec quelque chose qui, quand même, n’était pas évident il y a quelques années. Vous avez l’ancien Président qui est ici, au Congo, vous avez l’actuel Président, vous avez l’ancien Vice-président, Jean Pierre Bemba, vous avez Moise Katumbi, vous avez Martin Fayulu. Ils sont tous là et personne ne dit « je vais créer un groupe armé, je vais faire la guerre pour conquérir le pouvoir ». C’est du débat politique. Et ça c’est très positif. Mais il faut le construire tout ça.
Donc voilà un peu, si je parle de cette situation. Oui, nous avons aidé les Congolais, nous avons aussi aidé les partenaires de la RDC aux niveaux multilatéral, bilatéral, régional à faire avancer ce processus pour arriver à des élections pour qu’un président quitte et un autre vienne.
ONU Info : Beaucoup appellent au départ de l'ONU de la RDC, or vous avez dit qu’il reste encore beaucoup à faire dans ce pays. Quelles sont, à votre avis, les priorités les plus urgentes ?
Leila Zerrougui : D’abord je pense qu’il faut rappeler à tout le monde que l’ONU était déployée dans tout le territoire de la RDC.
En 2019, après les élections de 2018, on a fermé huit bureaux. Qui dit huit bureaux, veut dire huit provinces. Donc on était déployé dans pratiquement 16 provinces et on a fermé huit, après on a fermé le neuvième.
Aujourd’hui notre perspective c’est de rester dans trois provinces, qui sont encore affectées par le conflit.
La MONUSCO n’est pas là pour rester au Congo éternellement et la mission n’est pas là pour s’imposer. La Mission veut s’assurer que quand on quitte un endroit, on ne revient plus. Parce que l’on a bien évalué la situation. Et on ne le fait pas seuls, on le fait avec les autorités.
Notre objectif c’est d’avoir des autorités et des fonctions régaliennes de l’Etat qui sont suffisamment fortes pour assumer leurs charges et qu’il n’y ait pas encore de rupture de la paix.
Et donc la mission, quand elle quitte une zone, cela veut dire qu’on a évalué ensemble, les problèmes en présence et la façon de les gérer, que l’Etat est en mesure de le faire sans passer par ce soutien international.
Maintenant, dans les zones où nous sommes encore nécessaires, pourquoi sommes-nous encore nécessaires ? Parce que nous sommes dans une zone où le conflit s’est structuré dans l’économie, dans l’ethnicité, dans la région, dans la politique, dans l’accès à la terre, dans l’exploitation des richesses naturelles.
Tous ces problèmes-là, il faut les détricoter avec les autorités pour tourner la page du conflit. Parce que lorsque vous créez une économie de guerre et des intérêts que la guerre entretient, ceux qui tirent profit de cela ne veulent pas que ça s’arrête. Il faut donc travailler pour que l’on revienne à une économie de paix, que l’on réconcilie les communautés, et que l’on sanctionne ceux qui sont en train d’entretenir l’économie de guerre.
C’est pour cela que l’on parle de lutte contre l’impunité, de réconciliation ou de justice transitionnelle, on parle de DDR (désarmement, démobilisation et réintégration) communautaire. L’armée doit recruter normalement. Celui qui veut postuler doit remplir les conditions et s’il est accepté et s’il passe le concours tant mieux.
Maintenant pour tourner la page du conflit il faut renforcer les capacités des communautés pour absorber ceux qui un jour ont pris des armes et commis des exactions. Sanctionner ceux qui méritent d’être sanctionnés. Pardonner si la communauté estime qu’on peut tourner la page sur certaines choses. [Déterminer] comment on peut avancer, comment on peut construire l’avenir, comment on donne une chance au gens de tourner la page de la violence, comment on prend en charge les victimes et surtout comment on s’assure que cela ne se reproduise plus. Et avec c’est là que l’on renforce la justice.
C’est pour cela que dans nos plans de sortie du pays, on travaille sur ces choses-là : construire la réponse judiciaire ; la lutte contre l’impunité ; la protection des populations vulnérables ; assurer que le maintien de l’ordre n’est pas une affaire de l’armée mais de la police et de la justice ; rétablir la confiance et la légitimité de l’acte et de la représentation politique dans ces zones qui ont été fracturées… et qui continuent de l’être. D’ailleurs, il y a encore des violences, il y a encore des tueries, il y a encore des viols, il y a encore des villages brûlés. Mais, lorsque l’on compare avec le passé, je rappelle toujours à mes amis congolais : « Quand j’étais venue chez vous en 2008 il y avait des pans entiers de certaines zones occupées par des groupes armés où même l’armée nationale ne pouvait accéder ». Aujourd’hui on ne peut pas parler de zones occupées où personne ne peut aller. Les groupes armés opèrent dans des zones éloignées. Ils opèrent la nuit. Ils utilisent la vulnérabilité des gens qui sont loin des centres. Ils se cachent. Nous sommes dans un autre contexte.
Mais les violences sont toujours là et c’est pour cela que l’on continue à travailler. Le Conseil de sécurité considère que la Mission doit rester, même s’il a demandé de réduire son empreinte et sa présence.
C’est un travail qui est en voie, je l’espère, de finalisation. C’est pour cela qu’il faut éviter que le politique ne nous ramène en arrière. Parce que si la politique échoue, c’est un peu le marécage et vous avez tous les monstres qui vont se nourrir dedans et qui vont reprendre leurs espaces. Il faut donc à la fois renforcer le processus politique mais aussi renforcer les fonctions régaliennes de l’Etat, aider à ce que les 'spoilers' et groupes armés soient contrôlés, réduits et mis hors d’état de nuire, réconcilier les communautés, leur donner accès à du travail, de la terre et à croire en leurs institutions.
ONU Info : Avez-vous des conseils pour les femmes qui envisagent de travailler dans le maintien de paix ?
Leila Zerrougui : Je pense que c’est une question extrêmement importante parce que ce que nous avons essayé depuis des années, et c’est aussi la volonté du Secrétaire général, c’est de changer cette perspective où l’on pense que le maintien de la paix « c’est la guerre, c’est les hommes, c’est les militaires ».
Nous avons travaillé ces dernières années pour dire d’abord qu’une mission de maintien de la paix n’est pas déployée pour faire la guerre. Elle est déployée pour faire la paix, pour aider les gens à régler les problèmes qui sont au cœur de la problématique par la négociation, par le dialogue, par la justice, par la réconciliation et pas par la guerre. La guerre c’est la dernière solution.
Dans cette perspective où même nos militaires arrivent avec des femmes, je pense que le rôle des femmes [est important], des femmes qui se mettent en contact avec les populations, qui changent les perspectives, qui s’intéressent à la souffrance mais aussi à comment la gérer et comment travailler et comment construire cette confiance et qui vont aider aussi nos hommes à s’inscrire dans la même perspective.
Parce que c’est un apprentissage aussi. Quand vous êtes militaire dans votre pays vous êtes préparé pour faire la guerre. C’est important quand vous arrivez dans le maintien de la paix que l’on vous prépare pour autre chose, en plus de cette capacité de pouvoir réagir par la force si c’est nécessaire. Parce que ce n’est uniquement que si c’est nécessaire. On ne vient pas dans un pays pour tuer. On ne vient pas pour finir l’ennemi. On vient pour aider un pays à régler les problèmes qui ont été à l’origene de la rupture de la paix.
Je pense que pour les femmes aussi, avoir cette opportunité justement de travailler sur la complexité de cette situation, de rencontrer des gens qui viennent du monde entier… Vous vous rendez compte quand vous venez dans ma Mission {que j’ai} des Pakistanais, des Indiens, des Bangladais, des Marocains, des Népalais, des Indonésiens, des Uruguayens, des Guatémaltèques, des Malawi, des Sud-Africains, et je ne parle que des militaires. Si on va dans la police, on va trouver des Sénégalais, des Tunisiens, des gens qui viennent d’Europe. Après on va parler des civils et c’est la même chose… Regardez juste le leadership : je suis Algérienne, j’ai un adjoint américain, un autre australien.
C’est extraordinaire d’avoir des gens qui viennent du monde entier. Chacun ramène sa perspective, ramène son histoire et l’on s’inscrit tous dans une démarche qui est celle des Nations Unies. Celle de défendre des principes, de défendre la paix, de construire l'Etat de droit, de sensibiliser les gens à l’importance de la paix, à l’importance du développement, de la protection.
Avoir des femmes dans ces rôles va permettre aussi à ces femmes, lorsqu’elles rentrent chez elles, de ramener une autre perspective, d’accélérer le processus de la parité, de plus de femmes dans des fonctions qui par le passé étaient considérées comme des fonctions d’homme.
Il y a aussi l’image que l’on laisse pour le pays. Si aujourd’hui l’on voit des Congolaises qui s’impliquent dans les élections, dans la société civile, dans les partis politiques dans le gouvernement, c’est parce qu’il y a eu ces exemples aussi qui ont ouvert l’espace public, qui ont encouragé.
Donc pour moi, c’est vraiment une chance le maintien de la paix, parce que vous avez cette chance de rentrer à l’intérieur d’un Etat souverain et de travailler sur des fonctions régaliennes de l’Etat. Vous n’avez aucune chance de le faire dans votre pays. Travailler sur la justice, travailler sur l’armée, sur la police, sur le pouvoir, les élections, le transfert. Vous vous rendez compte de cette chance que vous avez en tant que femme de pouvoir faire ça. Après vous pouvez rentrer chez vous et affronter n’importe quelle situation et vous êtes en mesure aussi d’aider d’autres femmes à aller de l’avant.
Cette Mission a joué un rôle important sur la jonction entre les militaires et les civils. Parce que nous avons cassé cette idée que les militaires [sont là] pour faire la guerre, les civils sont là pour… Non. On vient ensemble pour faire la paix et donc intégrer les droits de l’homme, les affaires civiles, la justice, les militaires, la police. Et tout cela, ça permet aussi d’avoir une expérience extraordinaire pour les femmes.
Moi, j’encourage les femmes de ne pas hésiter une seconde si elles ont une chance d’aller dans une mission de maintien de la paix, ou d’aller dans une mission politique sur le terrain, parce que ce sont des expériences exceptionnelles, qui permettent quand on revient chez soit d’être bien blindée et de pouvoir appuyer d’autres femmes, de pouvoir franchir des étapes qui parfois mettent plus de temps parce que l’on n’est pas habituée.
Donc j’encourage, même pour celles qui sont dans le confort du siège (de l'ONU), des contextes de zones de non-conflit, d'avoir cette chance car elle est exceptionnelle. Ça permet de renforcer les capacités. C’est pour ça qu'il faut essayer le maintien de la paix et aussi la consolidation de la paix, parce qu’il y a les agences des Nations Unies, il y a les fonds et programmes, les missions politiques, il y a l’appui que l’on peut donner dans le cadre du multilatéral, du bilatéral, avec la Banque mondiale, avec le Fonds de consolidation de la paix, avec l’Union européenne, avec l’Union africaine. Avoir cette opportunité-là, de travailler avec ce monde complexe, c’est extraordinaire et j’encourage toutes les femmes à le faire.
ONU Info : Est-ce que vous avez un souvenir ou une anecdote qui vous tient le plus à cœur de votre passage à l’ONU ?
Leila Zerrougui : Ce qui est important lorsqu’on parle des Nations Unies c’est aussi de garder à l’esprit les limites que nous avons.
Je me rappelle, par exemple, pendant les élections que nous avons eu ce cas où chacun voulait qu’on se positionne avec un candidat ou contre un candidat. Et je me suis pratiquement battue contre tout le monde pour dire que la Mission n’a pas à se positionner. Ce n’est pas à nous de décider qui est le bon candidat et qui est le mauvais. Les Etats peuvent choisir, ils peuvent se positionner. Les gens dans le pays, bien évidemment c’est leur droit absolu de choisir pour qui ils veulent voter.
Mais là où j’ai eu le plus gros problème en essayant de dire ça –parce que n’oubliez pas que dans une mission de la paix vous avez du personnel international mais vous avez aussi du personnel national—c’est de demander au personnel national de ne pas se positionner dans une élection pareille. C’est très difficile parce qu’eux, ils se positionnent politiquement parce que c’est l’avenir de leurs enfants, c’est leur pays. Et j’ai eu du mal au début pour dire « on n’a pas le droit de se positionner ».
Que ce soit dans notre Radio Okapi, que ce soit être candidat ou être aux Nations Unies : on doit choisir. Moi-même, je comprenais tout ça. Je comprenais que ce personnel national ils sont chez eux et c’est très difficile de leur demander de ne pas se positionner parce que c’est tellement important pour l’avenir de leurs enfants, de leur pays, etc… Cela a été un exercice pénible pour moi.
Mais j’ai gardé cette ligne, « être stoïque », et dire : « c’est comme ça et si vous n’êtes pas d’accord vous devez démissionner ou vous devez quitter, la Mission ne doit pas se positionner ». Justement parce que je voulais sauver l’espace que nous avons et « rester au milieu du village ».
Je me rappelle, qu’à l’époque, quand j’étais allée voir le Secrétaire général du PPRD, [Emmanuel Ramazani] Shadary, lorsque je lui ai expliqué ma position, il m’a dit : « On ne vous demande pas de vous positionner, on vous demande de rester au milieu du village et de ramener l’opposition ». Je lui avais dit : « Oui on reste au milieu du village et on ramène tout le monde vers le processus mais il ne faut pas que ce soit le processus du mouton de l’Aïd, que l’on amène pour l’égorger. Il faut que ce soit un autre processus qui permet à ce que chacun vienne avec des espoirs ».
Et donc c’est un peu ça le travail -- c’est que parfois vous êtes obligée de jouer les anecdotes pour faire avancer un processus, ce qui n’est pas toujours facile ; et de garder des gens, qui en principe ne sont pas d’accord avec vous, quand même avec vous.
Je pense que malgré toutes les difficultés que l’on a eues -- les élections, plus les coupes budgétaires, les fermetures des bureaux, les membres du personnel qui ont perdu leurs postes…. mais à Lubumbashi les gens organisaient même mon enterrement ! Parce qu’ils étaient tellement fâchés. Mais aujourd’hui, avec du recul, les gens reconnaissent que la Mission a joué un rôle positif et a permis à ce processus d’avancer.
ONU Info : Quelle est votre prochaine étape ?
Leila Zerrougui : D’abord ça fait des années maintenant que je vadrouille. Ça fait des années que je suis loin de chez moi et je me suis dit que j’ai besoin de prendre un peu de recul et de rentrer un peu chez moi.
Je pense que la Covid a ajouté parce que ça fait un an que je n’ai pas pu rentrer à cause des frontières fermées dans mon pays. Donc vraiment j’ai envie de me poser, j’ai envie de me reposer un peu, de voir ma famille, de me réinstaller chez moi et prendre un peu de recul.
Je ne veux pas me prononcer sur le futur parce que ce serait prétentieux de ma part. Tout ce que je veux maintenant c’est vraiment d’aller me reposer et m’asseoir un peu avec moi-même, avec mon entourage, avec ma famille.
La seule chose dont je suis sûre c’est que mon expérience je ne vais pas la garder pour moi. Je la partagerai avec les jeunes générations que ce soit dans mon pays ou ailleurs. Je ne vais pas hésiter, si je peux contribuer, que ce soit dans le cadre des cours ou des conférences, ou dans un panel, ou un atelier. Ça je suis sûre que je le ferai.
Je pense que c’est une expérience qu’il faut partager. Les générations futures, qui sont enfermées dans leur pays dans une crise qui n’est pas très importante mais qui pensent qu’ils sont dans la catastrophe du monde, on a besoin de ramener un peu de sérénité, de rappeler comment d’autres pays sont passés peut-être par des phases beaucoup plus complexes et plus difficiles et ont pu s’en sortir.
Je pense que nous avons une chance extraordinaire quand on est dans une mission de maintien de la paix, quand on a un travail sur les droits humains, au niveau international sur les enfants et les conflits armés, lorsqu’on a travaillé sur comment encourager des femmes à jouer un rôle important dans les relations internationales, dans la mission des Nations Unies, quand on a eu la chance de diriger des équipes qui viennent du monde entier, des militaires et des policiers, qui viennent de tous les coins du monde.
C’est une expérience exceptionnelle, qu’il ne faut pas garder pour soi. Il faut savoir la partager pour donner plus de courage à d’autres femmes, à d’autres hommes, à des jeunes, à des pays qui peut être traversent des moments difficiles pour aider à ce que les gens relativisent l’attitude parfois dramatique par rapport à des situations complexes et redonner confiance.