Myanmar : l'ONU alerte sur les risques d’une famine imminente dans l'Etat de Rakhine
Alors que l’Etat de Rakhine, au Myanmar, est au « bord d’une catastrophe sans précédent », cette région frontalière du Bangladesh pourrait être confrontée à « une famine aiguë de façon imminente », a alerté une agence des Nations Unies.
Selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), une population déjà très vulnérable pourrait être au bord de l’effondrement dans les mois à venir, en raison notamment des restrictions imposées aux marchandises entrant dans l'Etat de Rakhine par les frontières internationales et nationales.
Le rapport pointe du doigt aussi l’absence de revenus, l’hyperinflation, une production alimentaire nationale considérablement réduite et l’absence de services essentiels et d’un filet de sécurité sociale.
Les prévisions indiquent que la production alimentaire nationale ne couvrira que 20 % des besoins d’ici mars-avril 2025. La production intérieure de riz est en chute libre en raison du manque de semences et d’engrais, des conditions météorologiques difficiles, de l’augmentation considérable du nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays qui ne peuvent plus se consacrer à la culture, et de l’escalade du conflit.
« Cette situation, conjuguée à l’arrêt quasi total du commerce intérieur et extérieur, exposera plus de 2 millions de personnes au risque de famine », a mis en garde le PNUD.
Sans une action urgente, 95 % de la population passera en mode de survie
Depuis novembre 2023, date à laquelle « l’opération 1027 » s’est étendue au Rakhine, l’insécurité alimentaire dans cette région s’est accélérée à un rythme alarmant et, si rien n’est fait, elle devrait conduire à des conditions de famine d’ici le milieu de l’année 2025.
L’effondrement est dû à de multiples facteurs, notamment la réduction drastique de la culture du riz en 2024, les blocus commerciaux et les restrictions sur la pêche. Ces facteurs provoquent une inflation galopante des prix des denrées alimentaires, en particulier du riz, qui constitue l’alimentation de base de la population.
D’après les données recueillies par le PNUD dans l’ensemble de l’État de Rakhine en 2023 et 2024, qui comprennent la collecte directe de données, des enquêtes menées par des organisations de la société civile, ainsi que d’autres données régulièrement fournies par le système des Nations Unies, l’économie de l’État de Rakhine a cessé de fonctionner, des secteurs essentiels tels que le commerce, l’agriculture et la construction étant pratiquement à l’arrêt.
Sans une action urgente, 95 % de la population passera en mode de survie, livrée à elle-même dans un contexte de réduction drastique de la production nationale, de flambée des prix, de chômage généralisé et d’insécurité accrue. Avec la fermeture des routes commerciales et les restrictions sévères imposées à l’aide, l'Etat de Rakhine risque de devenir une zone totalement isolée où la souffrance humaine est profonde.
Des répercussions tant à l’intérieur qu’au-delà des frontières
Or ces perspectives auront des répercussions tant à l’intérieur du Myanmar qu’au-delà de ses frontières, où cette tendance est déjà observable. En l’absence de moyens de fuite sûrs, le PNUD prévoit une augmentation de la traite des êtres humains, en particulier au sein de la population vulnérable des Rohingyas. Dans ces conditions, le scénario du rapatriement de plus d’un million de Rohingyas est tout simplement inconcevable.
Pour éviter ce scénario catastrophique, le PNUD plaide pour la levée de toutes les restrictions, mais de surtout veiller à ce que les marchandises commerciales puissent entrer et sortir de Rakhine. A cet égard, l’ouverture des frontières bangladaise et indienne permettraient d’approvisionner immédiatement les marchés locaux, notamment pour des produits tels que les semences de riz et le carburant qui soutiennent les activités économiques dans le centre de Rakhine.
Pour l’agence onusienne, toutes les parties doivent garantir l’accès sans entrave et la sécurité des travailleurs humanitaires. Des ressources financières suffisantes pour soutenir les besoins de redressement du secteur agricole doivent être mises à disposition d’urgence pour augmenter l’aide, au-delà des besoins immédiats de survie.