L’ONUDC note que, malgré la réduction de la production, le Myanmar consolide sa position de principale source d’opium dans le monde, tandis qu’en Afghanistan, la superficie cultivée a augmenté de 19 % pour atteindre 12.800 hectares en 2024. Pour Naypyidaw, il s’agit d’une « baisse modérée de 4 %, de 47.100 à 45.200 hectares, et d’une baisse similaire du rendement à l’hectare.

« La quantité d’opium produite au Myanmar reste proche des niveaux les plus élevés que nous ayons connus depuis que nous l’avons mesurée pour la première fois il y a plus de 20 ans », a déclaré Masood Karimipour, le Représentant régional de l’ONUDC.

Un risque significatif d’une nouvelle expansion 

Le document note une répartition inégale de la baisse, certaines régions du pays affichant des augmentations significatives. 

Aussi les incertitudes concernant l’impact de la poursuite de l’interdiction des drogues en Afghanistan sur la demande mondiale d’opium et d’héroïne, suggèrent que l’économie de l’opium du Myanmar se trouve à la croisée des chemins.

« Comme la dynamique du conflit dans le pays reste intense et que les chaînes d’approvisionnement mondiales s’adaptent à l’interdiction en Afghanistan, nous voyons un risque significatif d’une nouvelle expansion dans les années à venir », a ajouté M. Karimipour.

L’État de Shan reste la principale région productrice de pavot

Le document met en évidence les variations régionales de la culture du pavot à opium au Myanmar.

 L’État de Shan reste la principale région productrice de pavot, avec 88 % de la superficie totale du pays. Alors que la superficie des cultures de pavot à opium a légèrement diminué dans le nord et le sud de l’État de Shan, l’est de l’État de Shan, qui borde la République démocratique populaire lao et la Thaïlande, a enregistré une augmentation de 10 %.

La culture dans l’État de Kachin a diminué de 10 %, tandis que l’État de Chin, où la culture du pavot à opium se concentre près de la frontière avec l’Inde, a connu l’augmentation la plus importante (18 %).

L’État de Kayah, où la culture est généralement moins importante que dans les autres régions du pays, a connu une augmentation de 8 % en 2024.

Saturation du marché de l’héroïne

Par ailleurs, les prix de l’opium ont probablement été un facteur décisif, les prix à la production de l’opium sec ayant baissé de 8 % pour atteindre 304 USD/kg. Dans le même temps, les prix régionaux de l’héroïne montrent des signes de « saturation » initiale du marché après trois années d’augmentation de la production.

Toutefois, une pénurie mondiale d’opiacés résultant d’une baisse de la production en Afghanistan entraînerait probablement une pression à la hausse sur les prix payés aux agriculteurs du Myanmar, ce qui inciterait davantage de personnes à envisager la culture de l’opium.

Sur un autre plan, le manque de main-d’œuvre résultant de l’augmentation du nombre de personnes quittant le pays et du recrutement par l’armée du Myanmar et divers groupes armés, ainsi que les restrictions imposées aux agriculteurs pour se rendre dans des champs éloignés dans un contexte de conflit intensifié, ont également joué un rôle.

Accroissement de la production de drogues de synthèse

« Alors que la culture de l’opium dans le Triangle d’Or reste importante, la production de drogues de synthèse n’a cessé de croître et l’économie illicite autour des casinos en ligne et des centres d’escroquerie se développe rapidement. Une action décisive est nécessaire pour éviter que la situation ne devienne incontrôlable », a fait valoir M. Karimipour.

Le rapport fournit également une analyse approfondie des facteurs socio-économiques à l’origene de la culture du pavot à opium au Myanmar, confirmant l’étroite interdépendance entre la culture de l’opium et le développement socio-économique au sens large.

En particulier, les villages et les ménages qui cultivent le pavot se caractérisent par des conditions économiques difficiles, l’absence de services publics, des niveaux d’endettement élevés et une grande instabilité.

« Les agriculteurs qui cultivent l’opium au Myanmar ne s’enrichissent pas, mais tentent simplement de gagner leur vie et de répondre aux besoins fondamentaux de leur famille dans des conditions difficiles », a affirmé Yatta Dakowah, Directeur de l’ONUDC pour le Myanmar.