Ma Bohã Me
Ma Bohã Me
Ma Bohã Me
Le sonnet est une forme poétique de tradition très contrainte. Pourtant, lorsqu’il fugue pour
s’émanciper du carcan maternel et social, c’est cette forme que choisit Arthur Rimbaud pour
composer ses premiers poèmes. Comme Baudelaire avant lui, il s’empare d’une forme
ancienne pour y souffler un vent de liberté et exprimer sa rebellion.
Présentation de l’auteur
La courte vie d’Arthur Rimbaud est bien celle d’un rebelle, d’un poète qui refuse les conventions et
les compromis. En seulement quelques années, de l’adolescence à ses 21 ans, il secoue la
poésie. Enfant sage, bon élève, il brille principalement dans les disciplines littéraires. C’est sa
rencontre avec son professeur Georges Izambard qui va le pousser à s’intéresser à la littérature en
tant qu’artiste. Commence une quête de liberté pour le jeune Rimbaud. Quête qui s’exprime par
des fugues répétées, et par une volonté de révolutionner le langage poétique. Finalement, après
des années chaotiques passées aux côtés de Paul Verlaine, à écrire et à vivre follement, Arthur
Rimbaud décide d’arrêter définitivement la poésie. L’auteur des Illuminations choisit de
voyager et de vivre du commerce – et même du trafic d’armes – avant de mourir, quelques années
plus tard, d’une tumeur au genou.
Présentation de l’oeuvre
Le poème « Ma bohème » se trouve dans la seconde partie du premier recueil d’Arthur
Rimbaud :cahier de douai . Ce recueil dont Rimbaud écrit les poèmes à l’occasion de ses fugues en
1870 ne sera publié qu’après sa mort, en 1919. Présentation du poème Dans « Ma bohème » Arthur
Rimbaud prétend conter – de manière autobiographique ? – une fugue, une errance en pleine nature.
Pourtant, derrière ce thème du bohémien démuni mais en harmonie avec la nature, c’est un véritable
art poétique que nous offre le jeune poète. Le sonnet, plein de références directes à la poésie, fait
place belle aux audaces poétiques et langagières. Il revendique une liberté autant physique que
poétique.
Problématique
Pour guider notre explication du poème, nous nous demanderons quelle image ce sonnet donne de
la liberté.
Plan
Pour mener cette analyse linéaire du poème « Ma bohème » d’Arthur Rimbaud, nous suivrons
le mouvement naturel du texte en adoptant un découpage par strophe. La première strophe
introduit l’errance physique du poète. Les strophes 2 et 3 insistent sur le lien du poète avec la
nature. Enfin, la dernière strophe montre le poète dans un processus de création.
Poème « Ma bohème » : Texte pour l’analyse linéaire
Ma bohème
Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse, et j’étais ton féal ;
Oh ! là là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !
Cette légère impertinence illustre parfaitement la rebellion du jeune Rimbaud, mais également la
relation privilégiée qu’il noue avec la poésie. Ce tutoiement peut également être lu comme une
forme d’allégresse due à la jeunesse du poète. Cette lecture se confirme grâce aux exclamations du
vers suivant : “Oh ! là là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !” On voit très bien que le
personnage / poète se laisse emporter par sa fougue et le bonheur qu’il ressent à errer librement
dans la nature. Autre phénomène intéressant, dans la strophe 1 ainsi que dans la strophe 2, les
auxiliaire être et avoir s’entrecroisent : “j’étais ton féal” (v.3) / “avait un large trou” (v.5) ; “Mon
auberge était à la Grande-Ourse” (v.7) / “avaient un doux frou-frou” (v.8). On peut penser que le
poète veut montrer qu’être est plus important qu’avoir. Donc qu’il préfère vivre libre dans le
dénuement, qu’opprimé dans l’opulence. Enfin, observons les deux mots à la rime des vers 1 et 4 :
“crevées” / “rêvées”. On peut comprendre ici que le pouvoir de l’imagination remplace les
contraintes matérielles. En effet, ses “poches crevées” sont remplacées par des “amours splendides
(…) rêvées” Ainsi dans cette strophe, le poète nous livre l’image d’un personnage pauvre, mais
heureux dans la simplicité et la liberté de son errance.
Réponse à la problématique
Ainsi, le poème « Ma bohème » d’Arthur Rimbaud donne une triple image de la liberté. D’abord, la
liberté est celle de l’individu qui trouve son bonheur dans l’errance, dans l’harmonie avec la nature
et dans l’affranchissement des contraintes sociales. Ensuite, la liberté est celle de la poésie qui
transparaît à travers la forme du sonnet retravaillée, ou du tutoiement de la Muse. Enfin, la liberté
est surtout celle de créer une nouvelle image du réel. Le poète laisse sa perception guider son
écriture et remodèle la réalité grâce à la poésie.
Ouverture
Les fugues de Rimbaud, par la bouffée de liberté qu’elles représentent pour lui, ont beaucoup
inspiré sa poésie. On trouve par exemple les thèmes de l’errance et de l’émancipation dans le court
poème “sensation“, ou dans le sonnet « au cabaret vert ».